Commission élargie : finances - affaires économiques - développement durable - affaires étrangères

Réunion du 3 novembre 2016 à 17h45

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • PIB
  • contentieux
  • prévision
  • remboursement

La réunion

Source

commission élargie

(Application de l'article 120 du Règlement)

Jeudi 3 novembre 2016

Présidence de M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, puis de M. Dominique Lefebvre, vice-président

La réunion de la commission élargie commence à dix-sept heures quarante-cinq.

projet de loi de finances pour 2017

Engagements financiers de l'État Remboursements et dégrèvements

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Monsieur le secrétaire d'État chargé du budget et des comptes publics, nous sommes heureux de vous accueillir à nouveau pour examiner, cette fois, les crédits des missions « Engagements financiers de l'État », « Remboursements et dégrèvements » et « Investissements d'avenir » – dont je me félicite, au passage, de la création – ainsi que ceux des comptes spéciaux « Participations financières de l'État », « Participation de la France au désendettement de la Grèce » et « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ».

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Monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président, mes chers collègues, comme les années précédentes, la mission « Remboursements et dégrèvements » constitue la plus importante mission du budget général de l'État. Selon les prévisions du projet de loi de finances pour 2017, le montant des crédits s'élèvera en effet à 108,9 milliards d'euros, soit 25,5 % des dépenses brutes. Néanmoins, cette mission est particulière et ne peut être appréhendée de la même manière que les autres postes de dépenses de l'État. J'ai, du reste, tenu à rappeler dans l'introduction du rapport consacré à cette mission la réalité de celle-ci, ce qu'il faut en comprendre et ce qu'il ne faut surtout pas en comprendre.

Dotée de crédits évaluatifs et dépourvue de crédits de titre 2, cette mission regroupe les dépenses liées à des situations dans lesquelles l'État est amené à restituer des impôts, des taxes ou des contributions aux contribuables, ou dans lesquelles il ne recouvre pas certaines créances sur les contribuables. Les raisons pour lesquelles l'État est amené à effectuer ces opérations sont très diverses et peuvent être classées en trois catégories : tout d'abord, les sommes restituées en raison de la mécanique de l'impôt, pour plus de 70 % des crédits du programme ; ensuite, les sommes restituées en raison des politiques publiques, pour 16 % ; enfin, les raisons liées à la gestion de l'impôt, c'est-à-dire aux corrections, erreurs et litiges, pour 12 %.

En 2017, les remboursements et dégrèvements d'impôts d'État augmentent sensiblement ; ils s'établissent à près de 97 milliards d'euros, en hausse de 4,4 milliards par rapport à la prévision révisée pour 2016. Cette hausse s'explique principalement par l'effet de la montée en charge du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), dont le coût au sein du programme 200 est estimé par l'administration fiscale à environ 3 milliards d'euros – mais il ne s'agit là que d'une partie de son coût. Cet effort en faveur de la compétitivité de nos entreprises constitue un axe fort de la politique du Gouvernement. Ce dispositif est efficace, légitime, et doit être poursuivi. Je précise, à ce propos, que l'examen de cette mission ne doit pas être, me semble-t-il, l'occasion d'étudier de manière approfondie les dépenses fiscales, car elle est essentiellement comptable.

Les remboursements et dégrèvements d'impôts locaux, quant à eux, sont en très légère diminution par rapport à 2016 ; ils devraient s'élever à 11,9 milliards d'euros en 2017.

Comme je le rappelle dans mon rapport, ces documents budgétaires ont vocation, non pas à fournir une analyse économique approfondie de l'ensemble des dispositifs fiscaux retracés dans la mission, mais, plus simplement, à permettre le respect du principe de sincérité budgétaire et à contribuer à la bonne information du Parlement par une présentation claire des montants des remboursements et dégrèvements venant en atténuation des recettes fiscales brutes.

Dans ce cadre, monsieur le secrétaire d'État, mes remarques porteront sur deux sujets qui me paraissent particulièrement importants.

Ma première inquiétude porte sur le risque financier associé aux contentieux fiscaux européens, qui me semble avoir fortement augmenté au cours des dernières années. Ainsi, l'ancien contre-rapporteur de l'acte de certification des comptes de l'État se rappelle qu'au 31 décembre 2012, la provision pour litiges fiscaux enregistrée dans le compte général de l'État, qui était de 12 milliards d'euros – elle faisait, du reste, l'objet de réserves qui ont depuis été levées – s'élève, trois ans plus tard, à 21 milliards d'euros.

Ces contentieux sont difficiles à prévoir. La complexité du droit, l'évolution de son interprétation et les changements de jurisprudence rendent en effet difficile l'évaluation du risque lors de l'adoption d'une disposition fiscale nouvelle. Néanmoins, l'adoption de dispositions fiscales contraires au droit de l'Union européenne a un coût pour les finances publiques. Ainsi, la contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés de 3 % a fait l'objet d'une décision récente de la part du Conseil constitutionnel et a également donné lieu à une saisine de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE). Cette affaire pourrait – mais cela n'est évidemment absolument pas certain – conduire l'État à rembourser des sommes importantes, car cette taxe a rapporté plus de 2 milliards d'euros en 2015.

Monsieur le secrétaire d'État, la Cour des comptes s'est plutôt félicitée de la manière dont votre administration suit les autres contentieux en cours, mais je souhaiterais que vous nous expliquiez les différentes solutions envisagées suite à la décision du Conseil constitutionnel et que vous nous indiquiez quelle option aurait la faveur du Gouvernement. De manière générale, pouvez-vous nous dire quel sera le coût estimé de ces contentieux en 2017 et quelles mesures pourraient être prises pour éviter de nouveaux contentieux à l'avenir ?

Ma seconde interrogation concerne la présentation budgétaire, qui pourrait être améliorée. Contrairement à des avis régulièrement exprimés, je considère que la présentation des actions relatives à la mécanique de l'impôt ainsi qu'aux politiques publiques est satisfaisante, tout comme leur présentation en atténuation de recettes dans le tableau d'équilibre du budget général. Si cette observation rompt avec certaines remarques faites par mes prédécesseurs, je considère, en revanche, que les remboursements et dégrèvements d'impôts locaux constituent de véritables dépenses de l'État : ces transferts aux collectivités territoriales ne devraient pas être présentés en déduction des recettes fiscales brutes, mais en dépenses, afin de mieux traduire l'effort de l'État en faveur des collectivités territoriales.

Je suis également favorable à l'alignement de l'architecture budgétaire des deux programmes et à la publication des informations relatives aux admissions en non-valeur et aux remises gracieuses dans les documents budgétaires, éléments qui sont régulièrement avancés par la Cour des comptes.

Monsieur le secrétaire d'État, quelle est la position du Gouvernement sur ces différentes recommandations ?

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Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je serai bref car le format général et l'architecture de ce rapport spécial n'ont pas véritablement changé, excepté le contexte financier.

La mission « Engagements financiers de l'État » est, comme vous le savez, la troisième mission du budget général en termes de masse financière, après les missions « Remboursements et dégrèvements » et « Enseignement scolaire ». L'essentiel de ses crédits – 98 % – relève du programme relatif à la charge de la dette et à la trésorerie de l'État. Cette année, les crédits de la mission sont de nouveau en diminution, de 6,3 %, par rapport à l'an dernier, du fait de la baisse de la charge de la dette de l'État.

Je souhaiterais faire très rapidement le bilan de l'évolution de la dette publique. Celle-ci représente 96,1 % du produit intérieur brut en 2016, et elle diminuera légèrement en 2017, pour s'établir à 96 % du PIB. Une telle stabilisation de la dette publique n'a pas été observée depuis 2006. Au cours de la présente législature, elle aura progressé de 6,4 points de PIB, contre 25,2 points de PIB entre 2007 et 2012. Il s'agit là d'une véritable rupture de tendance qui mérite d'être soulignée. En chiffres absolus, la dette a progressé de 326 milliards d'euros entre 2012 et 2017, soit deux fois moins qu'entre 2007 et 2012, période pendant laquelle elle avait augmenté de 616 milliards.

La dette de l'État représente 79 % de l'encours de la dette publique en 2015. Sa progression reste limitée par rapport à la précédente législature, augmentant de 303 milliards d'euros entre 2012 et 2017, contre 465 milliards entre 2007 et 2012.

Les principales évolutions de la composition de la dette de l'État sont les suivantes.

Une augmentation de la maturité moyenne à l'émission des titres, passée de huit ans en 2011 à près de onze ans en 2016. Cela résulte notamment de la demande des investisseurs pour des titres avec un rendement positif – en général des obligations assimilables du Trésor (OAT) au-delà de dix ans.

Une politique de rachats anticipés de titres de dette de l'État beaucoup plus dynamique – 52,9 milliards d'euros en 2015 –, qui permet de réduire l'exposition de l'État au risque de retournement de taux.

Une élévation de la durée de vie de la dette négociable, à sept ans et quatre-vingt-un jours.

C'est l'occasion pour moi, monsieur le secrétaire d'État, de vous demander, au-delà de ce que fait déjà l'Agence France Trésor, en matière de gestion dynamique et optimisée de la dette et de politique de rachat anticipé, de quelle manière vous envisagez la hausse éventuelle des taux d'intérêt, celle du taux d'inflation et la fin programmée de la politique d'assouplissement quantitatif de la Banque centrale européenne (BCE) en mars 2017. Faut-il que nous nous montrions plus dynamiques encore afin d'éviter tout choc de taux ou tout imprévu pour 2017 ?

Pour ce qui est de la charge de la dette, elle est en diminution constante, à hauteur de 4,5 milliards d'euros depuis 2012, soit une baisse de près de 10 %. Elle devrait s'établir à 41,8 milliards d'euros en 2017. Cette diminution résulte d'un environnement exceptionnellement favorable avec, je le répète, des taux d'intérêt à leur plus bas niveau historique, des taux négatifs, même jusqu'à neuf ans de maturité de dette, et avec une inflation très faible, prévue à 0,1 % en 2016 et 0,8 % en 2017. Cela illustre la confiance des investisseurs dans les titres de dette français, renforcée par le rétablissement de nos finances publiques depuis 2012.

Le programme 114 « Appels en garantie de l'État » n'est doté, pour 2017, d'aucun crédit en raison de la profonde modification en cours de la maquette budgétaire prévoyant notamment le transfert de la garantie de la Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur (COFACE), le 31 décembre prochain, à Bpifrance Assurance Export. Dorénavant, ces activités seront garanties directement par l'État et retracées, à compter de l'exercice 2017, au sein d'un nouveau compte de commerce « Soutien financier au commerce extérieur ».

Comment envisagez-vous, monsieur le secrétaire d'État, ces changements, la garantie de l'État à l'export n'étant plus « oblique » mais directe ?

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Les crédits de la mission « Investissements d'avenir »et du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » ont en commun d'appuyer la politique de l'État investisseur. Son rôle est irremplaçable, son intervention indispensable, dans l'économie, avec ses atouts singuliers : sa prise en compte du long terme, sa surface financière, sa capacité à faire prévaloir l'intérêt général. L'État peut mobiliser des investissements massifs pour soutenir la recherche et l'enseignement supérieur, impulser les transitions écologique et numérique, oeuvrer à la modernisation de nos entreprises et de nos réseaux d'infrastructures ou encore consolider des filières stratégiques. Actif et actionnaire, l'État peut ainsi contribuer à améliorer la croissance potentielle et durable de notre économie, la compétitivité des entreprises et l'emploi.

Le lancement du troisième programme d'investissements d'avenir (PIA 3), d'un montant de 10 milliards d'euros, est un aspect majeur du projet de loi de finances. Les principales règles de la gouvernance du PIA, qui ont fait son succès, sont maintenues, en particulier : la stratégie interministérielle promue par le Commissariat général à l'investissement (CGI) ; une sélectivité rigoureuse des projets ; la contractualisation avec les opérateurs ; enfin une évaluation indépendante et systématique.

Je me félicite que la gouvernance budgétaire et la conception du PIA 3 aient été adaptées en fonction du retour d'expérience des précédents volets.

Auparavant, la totalité des crédits ouverts sur les programmes d'investissements d'avenir étaient consommés dès l'année du lancement. Désormais, ces crédits feront l'objet d'un vote annuel. L'information du Parlement est considérablement renforcée avec la création d'une mission dédiée. Une préconisation de la Cour des comptes est ainsi concrétisée. C'est une évolution positive que, comme vous, monsieur le président de la commission des finances, je salue.

Autre novation : alors qu'une tendance à l'accroissement du nombre de priorités et d'opérateurs des PIA avait pu être observée, le PIA 3 sera, quant à lui, concentré sur un nombre délimité de programmes budgétaires et d'opérateurs.

Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous nous indiquer l'impact sur le solde public des précédents PIA et celui qu'aura ce troisième programme ? Pouvez-vous également nous préciser à combien s'élèvent les retours financiers d'ores et déjà enregistrés en comptabilité budgétaire, ainsi que leur rythme prévisionnel pour les prochaines années ?

J'en viens à l'État actionnaire, dont les opérations patrimoniales sont enregistrées par le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ». Hérité des investissements réalisés dans un passé parfois lointain, le portefeuille des participations de l'État est un atout majeur pour la France. Il assure des revenus réguliers et substantiels au budget de l'État. La prévision actualisée des dividendes que percevra l'État en 2016 au titre de ses participations est de 3,6 milliards d'euros, dont 1,7 milliard en numéraire.

Depuis 2012, à l'objectif traditionnel et essentiel de valorisation du patrimoine financier, s'est ajouté l'impératif de soutien à la compétitivité dans toutes ses dimensions. C'est la stratégie que, dans de précédents rapports, j'avais appelée la « stratégie du ‟et-et” » : « et » désendettement, « et » réinvestissement. Depuis 2012, deux tiers des produits de cession ont été réinvestis et un tiers a été affecté au désendettement – une première depuis 2006.

La clé de répartition précise entre ces deux exigences – désendettement-réinvestissement – est bien sûr amenée à évoluer selon les années pour tenir compte notamment des conditions de marché ou des impératifs industriels ou de souveraineté – je pense à la réorganisation de la filière nucléaire. Ce pilotage fin, cette capacité d'adaptation sont consubstantiels à une gestion active du portefeuille de l'État actionnaire.

J'ai deux questions à vous poser, monsieur le secrétaire d'État, sur cet aspect : comment ces deux principes de gestion se sont-ils concrétisés en 2016 et, pour 2017, quelles en seront les grandes orientations ?

Ensuite, l'une des évolutions les plus marquantes de l'État actionnaire au cours de la législature concerne sa gouvernance. Avec la diversification et la féminisation des administrateurs ou encore avec le civisme fiscal, des progrès très notables ont été accomplis. Actionnaire, l'État doit aussi être exemplaire : aussi, monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous revenir, à propos de la gouvernance, sur le chemin qui reste à parcourir – je songe en particulier à la responsabilité sociale et environnementale ?

Enfin, ma dernière question concerne le compte d'affectation spéciale « Participation de la France au désendettement de la Grèce ». Les paiements ont été interrompus en 2015 en raison de la suspension du dispositif de remboursement à la Grèce des intérêts versés sur les obligations que nous détenons. Pouvez-vous nous indiquer si une reprise de ce programme d'aide est envisagée ?

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Je reviens sur un point évoqué par Dominique Lefebvre concernant le risque de contentieux à propos de la taxe de 3 % sur les dividendes. En lisant son rapport, en effet, j'ai relevé une grande proximité, sur ce point, avec l'arrêt « Steria » de la Cour de justice de l'Union européenne, puisque la question de l'intégration fiscale est ici aussi posée : pour Steria, celle de l'exonération de la quote-part ; ici, celle de la taxe de 3 % sur les dividendes pour les filiales ou les sociétés-mères résidentes, impliquant un traitement différencié pour celles qui ne seraient pas résidentes en France.

Dans les deux cas, une question se pose par rapport à la liberté d'établissement au sein de l'Union européenne. Je souhaite donc avoir confirmation du fait que si une solution doit être trouvée, elle ne doit l'être qu'au titre des entreprises qui appartiennent à l'Union européenne, les entreprises extracommunautaires n'étant pas concernées. Cela me rappelle en effet le contentieux sur les organismes de placements collectifs en valeurs mobilières (OPCVM) : j'avais été très surpris quand, en juillet 2012, a été décidée cette surtaxe sur les dividendes, que l'on doive traiter de cette question non seulement pour les entreprises européennes mais également pour les autres – dispositif qui s'est donc révélé finalement beaucoup plus coûteux que s'il n'avait concerné que les entreprises de l'UE.

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Christian Eckert, secrétaire d'état chargé du budget et des comptes publics

Je remercie les rapporteurs pour la qualité de leur travail et l'acuité de leurs observations.

Votre commission examine aujourd'hui les crédits de différents programmes du budget général et de plusieurs comptes spéciaux. C'est un vaste ensemble, dont les problématiques sont variées et dont les enjeux financiers sont intimement liés à la trajectoire de redressement des finances publiques.

Avant de répondre à vos questions, je m'arrêterai sur cinq points : la charge de la dette ; le fonds relatif aux emprunts toxiques des collectivités locales ; les remboursements et dégrèvements d'impôts ; les participations financières de l'État ; et, pour finir, le troisième programme d'investissements d'avenir (PIA 3).

Pour ce qui est de la charge de la dette, ainsi que j'ai déjà eu l'occasion de le souligner lors de la discussion générale du PLF le 18 octobre dernier, l'amélioration du solde public sur la durée du quinquennat permet – enfin ! – de stabiliser la dette publique en pourcentage du PIB en 2016, après dix années de hausse continue. Victorin Lurel l'a rappelé, sur l'ensemble du quinquennat, notre dette publique n'aura augmenté que d'un peu plus de 6 points de PIB contre plus de 25 points lors du quinquennat précédent – voilà qui relativise quelque peu les propos entendus ici ou là. Cette stratégie d'assainissement des comptes publics nous a notamment permis de réaliser des économies considérables sur la charge de la dette. Par ailleurs, la dette française, qui continue d'apparaître comme une valeur refuge, a bénéficié d'une baisse de taux d'intérêt très significative, qui nous permet aujourd'hui d'emprunter à dix ans à des taux historiquement bas. Et cela autant en valeur absolue qu'en comparaison avec l'Allemagne, puisque l'écart des taux s'est réduit de 1,2 point depuis 2012, passant de 1,5 point à 0,3 point. Rien que ce matin, nous avons emprunté 5,5 milliards d'euros à dix ans au taux de 0,46 %.

En effet, la charge de la dette dépend non seulement du poids de celle-ci, mais aussi du niveau des taux d'intérêt, lesquels ne sont pas indépendants de notre crédibilité budgétaire. Nous empruntons aujourd'hui à des taux bas parce que notre politique est crédible. Cette crédibilité, nous la devons notamment à des comptes publics redressés, conformément aux engagements pris par le Gouvernement. La qualité de notre politique d'émission, menée par l'Agence France Trésor (AFT) et reconnue au plan international, y contribue largement. Ainsi, désormais, avec la décision récente de Standard and Poor's, l'ensemble des agences de notation évaluent nos perspectives comme stables – pour la première fois depuis 2011.

Nous bénéficions aujourd'hui de niveaux de taux faibles, qui nous permettront de contenir, pour les années à venir, la charge d'intérêt. La maturité moyenne des titres émis par l'État est de sept ans : c'est donc, en moyenne, pendant sept ans que ces taux bas viendront minorer la charge de la dette assumée par le budget de l'État. Et il n'est pas inutile de rappeler que si nos besoins de dette sont élevés en ce moment, c'est notamment parce que nous devons refinancer les tombées de dette émise sous le quinquennat précédent.

J'en viens aux emprunts toxiques, une affaire que l'on considère, Victorin Lurel l'a mentionné, comme réglée, mais qui a empoisonné, si j'ose dire, de nombreuses collectivités territoriales pendant longtemps, quelles que soient les majorités locales ou nationales. Le montant du fonds de soutien aux collectivités et à leurs établissements ayant souscrit de tels emprunts, a été doublé en loi de finances rectificative pour 2015, de manière à faire face à l'envolée du franc suisse et à ses conséquences pour les collectivités débitrices. Depuis lors, le fonds continue à fonctionner sur cette base sans élément nouveau majeur.

Ainsi, au 31 août 2016, 1 163 notifications d'aides de la part du fonds de soutien avaient été adressées à 676 collectivités, pour un montant total de 2,75 milliards d'euros. À cette date, les réponses définitives des collectivités étaient connues dans 97 % des cas représentant 2,68 milliards d'euros. Seule une très faible proportion de ces réponses s'est révélée négative : 12 % d'entre elles, soit 90 millions d'euros.

En ce qui concerne les plus petites collectivités, celles de moins de 10 000 habitants, qui ont toujours été la cible privilégiée du fonds de soutien, le taux de réponses définitives est de 98 %, et seules 9 % de ces réponses ont été négatives.

De même, le service à compétence nationale chargé du sujet estime que 95 % des débiteurs d'emprunts indexés sur la parité entre l'euro et le franc suisse auront souscrit au dispositif d'aide.

Le recours au fonds de soutien par les collectivités permet d'envisager à court terme une très nette désensibilisation des bilans des collectivités et des banques, et une réduction drastique du nombre de contentieux.

Au regard de ces chiffres, les objectifs politiques fixés au fonds de soutien ont été remplis lors de cette première phase – à savoir réduire sensiblement l'encours de produits structurés notamment les plus sensibles et préserver la santé financière des collectivités, notamment les plus petites. Cela a été possible grâce à un engagement financier lourd de l'État, qu'il convient de rappeler quand on songe aux vifs débats que nous avons régulièrement sur le niveau des dotations de l'État et la situation financière des collectivités. Je remercie tous ceux qui ont participé – quelques-uns sont ici présents – au bon fonctionnement de ce fonds.

Troisième point : les remboursements et dégrèvements d'impôts. En ce qui concerne cette mission, il me faut mentionner ici le renforcement du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), dont les effets positifs se sont traduits par la création de 120 000 emplois nets dans le secteur marchand entre mi-2015 et mi-2016. La baisse, depuis le début de l'année, du nombre de demandeurs d'emploi sans activité, confirme l'efficacité de nos actions.

Pour poursuivre sur cette lancée, conformément à ce qui a été annoncé par le Président de la République, le taux du CICE passera de 6 % à 7 %, ce qui représentera en 2017 un nouvel allégement de 3 milliards d'euros, qui bénéficiera aux entreprises, quel que soit leur secteur d'activité, en leur donnant des marges supplémentaires.

Pour ce qui concerne le contentieux, le programme retrace également les remboursements effectués par l'administration fiscale à la suite des contentieux fiscaux dits « de série ». De manière générale, nous avons toujours prévu de façon prudente les dépenses à ce titre, depuis le début de la législature, dans la mesure où les aléas sont importants. Nous suivons ces affaires avec attention et en rendons compte au Parlement.

Pour 2017, nous prévoyons un décaissement d'un milliard d'euros au titre du contentieux portant sur les OPCVM.

Pour ce qui touche au précompte mobilier, rien n'a été budgété pour 2017, dans l'attente d'une suite éventuelle devant la Cour de justice de l'Union européenne. Jusqu'à présent, les juridictions nationales avaient examiné les dossiers dans un sens globalement favorable aux intérêts de l'État.

Le contentieux « de Ruyter », quant à lui, a fait l'objet d'une prévision de dépense de 100 millions d'euros inscrite dans le PLF pour 2017.

S'agissant enfin du contentieux « Steria », la législation a été adaptée l'an dernier. Un montant de 300 millions d'euros est prévu pour 2017. Je reviendrai ultérieurement sur la taxe de 3 % sur les dividendes.

Le quatrième point porte sur les participations financières de l'État (PFE).

Depuis 2014, M. Bachelay l'a rappelé, l'État actionnaire dispose d'une doctrine d'intervention claire, qui lui permet de faire entendre sa voix et de défendre une vision de long terme. Avec l'ordonnance du 20 août 2014, que nous mettons progressivement en oeuvre, la représentation de l'État dans les instances de gouvernance des entreprises dont il est actionnaire a gagné en efficacité. Enfin, grâce à l'adoption de la loi du 29 mars 2014 visant à reconquérir l'économie réelle, dite « loi Florange », les actionnaires de long terme – au premier rang desquels figure l'État –, disposent désormais de droits de vote doubles pour peser dans les grandes orientations stratégiques des entreprises.

La refondation de la filière nucléaire justifie un niveau exceptionnel de dépenses du compte d'affectation spéciale (CAS) « Participations financières de l'Etat » en 2017 afin d'assurer la mise en oeuvre des orientations annoncées par le Président de la République en juin 2015 et, à ce titre, un solde budgétaire du CAS pour la première fois en déséquilibre. L'objectif est de renforcer la cohérence de la filière, de façon à garantir le plein succès des projets à venir, à l'export avec la construction de deux réacteurs EPR sur le site de Hinkley Point au Royaume-Uni, comme en France avec le Grand Carénage et, plus tard, le renouvellement de notre parc nucléaire.

Ainsi, Électricité de France (EDF) deviendra – certains diront : enfin ! – le chef de file de la filière, ce qui mettra fin à une décennie de compétition avec AREVA, désormais recentré sur le cycle du combustible. Par ailleurs, l'État est convaincu que la stratégie d'EDF, qui passe par des investissements importants dans le nucléaire et les énergies renouvelables, est de nature à créer de la valeur. C'est pourquoi l'État soutiendra le renforcement des fonds propres de l'entreprise en participant à son augmentation de capital à hauteur d'environ 3 milliards d'euros. De plus, afin d'accompagner au mieux EDF dans cette période d'investissement, l'État a accepté de percevoir son dividende en actions pour les exercices 2016 et 2017, ainsi qu'il l'avait déjà fait en 2015.

J'aborde le cinquième et dernier point : le PIA 3. D'un montant de 10 milliards d'euros, il a été annoncé par le Président de la République dès l'année 2015. Dans le sillage des deux premiers programmes, ce troisième volet permettra de soutenir l'enseignement, de valoriser la recherche et d'accélérer la modernisation des entreprises.

Ce troisième programme prévoit la mise en place de dotations décennales pour l'enseignement supérieur en remplacement des dotations non consommables qui se révèlent peu efficaces dans un contexte de taux d'intérêt très bas.

En outre, le PIA 3 consacrera 4 milliards d'euros aux investissements en fonds propres, afin de mieux partager avec les entreprises les risques comme les chances des projets.

L'efficacité de ce programme passe par une sélection rigoureuse des projets, Guillaume Bachelay l'a rappelé. Pour tenir compte des recommandations formulées par la Cour des comptes – qui n'a pas toujours tort, et qui n'a pas toujours raison non plus –, les crédits de paiement versés aux opérateurs au titre du PIA 3 seront autorisés annuellement au sein du budget général, à partir de 2018, alors que les autorisations d'engagement sont ouvertes en totalité en 2017. Cette évolution, qui s'accompagne par un regroupement des crédits sur une seule et même mission budgétaire, se traduira par une information améliorée du Parlement, tout en préservant les principes qui font la spécificité du PIA.

Le PIA 3 marque une nouvelle étape, puisque 6 milliards d'euros, soit 60 % des crédits, seront destinés à des projets qui relèvent du secteur de la qualité environnementale. C'est un gage de plus donné à nos concitoyens de la mobilisation totale du Gouvernement sur le front du développement durable et de la croissance verte.

J'en viens aux questions qui m'ont été posées.

M. Lefebvre nous invite à améliorer la présentation budgétaire. Il s'agit d'un fil rouge qui traverse l'ensemble de nos travaux depuis des années. En ce qui concerne les remboursements ou dégrèvements d'impôts locaux, je comprends tout à fait votre interrogation. Cependant, leur rattachement aux dépenses risquerait de dégrader la lisibilité des dépenses et affaiblirait leur pilotage budgétaire. Cette présentation peut bien évidemment être discutée et remise en question. L'essentiel est bien de pouvoir assurer la qualité de leur suivi et la bonne information du Parlement sur le sujet.

Pour ce qui est de l'alignement de l'architecture budgétaire des deux programmes, cette évolution peut en effet s'avérer souhaitable, mais nécessite des modifications importantes des systèmes d'information ; elle n'est donc pas réalisable dans un futur proche, mais elle fait partie des évolutions envisageables. Enfin, sur la publication des informations relatives aux admissions en non-valeur et aux remises gracieuses, nous sommes évidemment favorables à ce que l'information du Parlement soit la plus complète possible, dans la mesure où l'on peut s'assurer de la fiabilité des données produites.

M. Lefebvre et vous-même, monsieur le président, nous invitez à nous exprimer sur le contentieux en cours sur la taxe de 3 % sur les dividendes versés. Le Conseil constitutionnel a jugé contraire à la Constitution, au nom du principe d'égalité, non pas la taxe elle-même – dont vous avez d'ailleurs rappelé le rendement – mais son exonération réservée aux groupes fiscalement intégrés. Il a relevé que la filiale française d'un groupe détenue à 95 % par une société-mère située à l'étranger était moins bien traitée qu'une filiale française détenue à 95 % par une société-mère française constituée en intégration fiscale. Si nous ne décidons rien, les recettes de l'État n'y perdraient rien, mais au contraire y gagneraient considérablement, à savoir, selon nos estimations, 3,6 milliards d'euros d'impôts. Ce gain serait bien sympathique mais notre économie ne s'en trouverait pas plus compétitive pour autant, bien au contraire puisqu'il irait à l'encontre des baisses d'impôts que l'État souhaite mettre en oeuvre. J'ai en effet vu quelques titres de journaux, quand le Conseil constitutionnel a pris sa décision, qui assuraient que l'État allait être condamné et risquait de perdre 8 milliards d'euros !

Non, j'y insiste : la décision du Conseil, qui nous laisse d'ailleurs jusqu'au 1er janvier pour nous mettre en conformité, nous ferait gagner de l'argent si nous ne légiférions pas. Certes, il existe une possibilité de contentieux européen sur l'intégration fiscale et je vais y revenir. Il n'est en tout cas pas question de ne pas légiférer et de nous priver de 3,6 milliards d'euros de recettes fiscales supplémentaires. Nous avons écarté les solutions consistant à baisser le taux de la taxe pour l'appliquer à tout le monde. On pourrait en effet prévoir, pour un même rendement, de le fixer à 1 % au lieu de 3 %. Une autre solution aurait pu consister à traiter le sujet par le biais de la quote-part – je vous laisse la surprise pour le moment du dépôt du projet de loi de finances rectificative, le conseil des ministres se réunissant non le mercredi 16 novembre mais le vendredi 18 ; mais quelques fuites provenant du Conseil d'État ne sont pas impossibles, ce qui n'est pas une invitation de ma part mais le triste constat d'une pratique récurrente. Nous ferons donc des propositions visant à ce que les entreprises franco-françaises ne soient pas pénalisées.

Monsieur Lefebvre, votre question me permet aussi d'insister sur un sujet plus large. Vous avez raison de rappeler que la Commission européenne a engagé une action en manquement portant sur l'existence même de la taxe qu'elle estime contraire à la directive mère-fille. Selon les analyses de nos services, cette taxe est bien conforme à la directive. Les décisions seront rendues en 2017. Nous les attendons, de même que nous attendons, avec d'autres États membres, les Pays-Bas, la Grande Bretagne, l'Allemagne, et l'Autriche, les nouvelles précisions de la Cour de justice de l'Union européenne sur les régimes d'intégration fiscale. C'est un sujet qui dépasse les majorités. Il est possible que l'Union européenne nous impose de revenir en partie sur ce régime qui existe depuis 1988. Dans ce cas, une réforme d'ampleur devra être mise en oeuvre.

J'appelle votre attention, monsieur le président, sur la nécessité d'éviter toute confusion entre, d'une part, la décision du Conseil constitutionnel qui s'est fondé sur les principes du droit national, en particulier celui d'égalité des contribuables devant l'impôt, pour supprimer l'exonération fiscale, et, d'autre part, les questions pendantes devant la Cour de justice de l'Union européenne, qui sont examinées au regard du droit européen.

Monsieur Lurel, vous me demandez si nous avons anticipé la hausse des taux. Nous espérons que nous n'aurons pas à la subir, mais quelques chiffres me permettent de vous répondre : alors qu'aujourd'hui, le taux des OAT à dix ans se situe, pour la France, autour de 0,4 %, le PLF se fonde sur une prévision d'un taux de 1,25 % à la fin de l'année 2017, soit le triple de ce que nous avons constaté ce matin même. Nous avons également anticipé un taux de 2 % pour la fin de 2018, et de 2,75 % pour la fin de 2019. Il faut bien travailler sur des hypothèses, et il ne s'agit évidemment que de prévisions. Il me semble cependant, même s'il faut toujours se méfier, qu'elles sont plutôt prudentes par rapport à ce que nous constatons aujourd'hui.

Vous m'avez également posé une question sur les garanties à l'export. Les évolutions en cours résultent des dispositions votées par l'Assemblée nationale à la fin de l'année 2015. Le transfert des garanties publiques au commerce extérieur de la COFACE vers une filiale du groupe Bpifrance sera effectif le 31 décembre 2016. Un guichet unique sera mis en place, doté d'une palette d'interventions couvrant tous les stades du développement des entreprises. Bpifrance assurera un maillage territorial.

Ce passage à une garantie directe de l'État, dont Bpifrance sera le gestionnaire pour le compte de l'État, alors que la COFACE accordait ses propres garanties, justifient les évolutions budgétaires inscrites au PLF 2017. Ainsi, un nouveau compte de commerce est créé pour retracer l'ensemble des flux de dépenses et de recettes liés à ces garanties. En 2017, le programme 114 « Appels en garantie » de la mission « Engagements financiers de l'État » n'aura plus à supporter des versements d'appels en garantie, qui seront directement inscrits au compte de commerce. Enfin, pour plus de lisibilité, l'ensemble des moyens accordés à Bpifrance Assurance Export pour son fonctionnement seront désormais retracés sur le budget de l'État, et positionnés sur le programme 134 « Développement des entreprises et du tourisme » de la mission « Économie ».

Monsieur Bachelay, l'impact des PIA 1 et 2 sur le déficit public est, en rythme de croisière, un peu inférieur à 0,1 point de PIB par an. Dans le détail, il a été le suivant : 600 millions d'euros en 2011 ; 1,7 milliard en 2012 ; 1,9 milliard en 2013 ; 3,5 milliards en 2014 ; 2,9 milliards en 2015. Les prévisions tablent sur 1,8 milliard d'euros en 2016, et sur 2 milliards en 2017. Le caractère irrégulier de ces données s'explique par la nature exceptionnelle de certaines dépenses. Je pense, en particulier, pour 2014, aux interventions dans le domaine de la défense.

L'impact du PIA 3 sur le déficit est plus difficile à anticiper, puisque ce troisième programme ne donnera pas lieu à la réalisation de décaissements avant 2018.

Je me suis déjà exprimé s'agissant du CAS « Participations financières de l'Etat » ; le débat reviendra sans doute lors de l'examen d'un texte financier ou à une autre occasion.

Pour ce qui concerne les stratégies d'optimisation fiscale, en 2015, l'État a sensibilisé l'ensemble des entreprises dont il est actionnaire. Ce sujet a été abordé dans tous les conseils d'administration : M. Sapin, ministre des finances et des comptes publics, a donné des consignes très précises sur ce sujet. Aujourd'hui, la totalité des entreprises du portefeuille publient la liste de leurs implantations et participations consolidées à l'étranger dans leur rapport annuel.

Vous avez souligné les progrès accomplis en matière de responsabilité sociale, sociétale et environnementale (RSE), sujet auquel l'État porte une attention renforcée dans les entreprises dont il est actionnaire.

Je rappelle que l'État a plafonné à 450 000 euros bruts la rémunération annuelle des dirigeants d'entreprises publiques, et qu'il a demandé une diminution des rémunérations dans les entreprises où il est minoritaire. Cette année, avec d'autres actionnaires, il a rejeté les propositions de rémunération d'un certain nombre de dirigeants d'entreprise, en particulier ceux de Renault et d'Alstom. Le Gouvernement a même décidé – avec le Parlement – d'aller plus loin, et de rendre le vote des actionnaires contraignants. La mesure adoptée par les députés, si elle est également votée par les sénateurs, devrait permettre de faire bouger les lignes sur ce point.

L'État actionnaire se préoccupe aussi de féminiser les conseils d'administration dans lesquels il nomme des administrateurs : au 1er juin 2016, 30 % d'entre eux étaient des femmes, et même 36 % dans les sociétés à participation publique cotées de droit français. Il s'agit de premiers progrès.

Vous m'avez interrogé sur la Grèce et sur le compte d'affectation spéciale « Participation de la France au désendettement de la Grèce », s'agissant plus particulièrement de la reprise des remboursements à la Grèce des intérêts versés sur les obligations détenues par les États membres de la zone euro, versements interrompus depuis 2015.

Sur ce sujet, le communiqué du 25 mai dernier de l'Eurogroupe a défini une ligne claire. Il prévoit en effet une reprise conditionnelle, à partir de 2017, du mécanisme de rétrocession des intérêts versés. Les conditions posées sont, d'une part, que la Grèce respecte bien les attendus du programme de soutien et, d'autre part, que les reversements d'intérêts apparaissent toujours nécessaires, y compris après une mise à jour de l'analyse de soutenabilité de la dette grecque. Nous saurons, d'ici quelques mois, si ces conditions sont remplies.

Néanmoins, la France a choisi, pour procéder aux versements, la solution d'un transfert à un compte séquestre auprès du mécanisme européen de stabilité (MES) qui sera ensuite chargé d'effectuer directement le versement à la Grèce. Dès lors, la dépense budgétaire prévue dans le projet de loi de finances pour 2017 à hauteur de 239 millions d'euros interviendra de manière certaine. Dans l'hypothèse où les conditions prévues ne seraient pas respectées, un remboursement au budget de l'État sera organisé.

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Merci, monsieur le ministre. Je donne maintenant la parole à ceux de nos collègues qui souhaitent vous interroger, en commençant par les porte-parole des groupes.

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Alors que ce projet de budget pour 2017 est critiqué, à raison, pour le manque de sérieux de ses prévisions budgétaires – citons, parmi d'autres éléments, une croissance très incertaine, des dépenses nouvelles reportées sur la prochaine majorité, ou des recettes gonflées –, nous assistons, encore et toujours, à l'accroissement inexorable de notre dette. Depuis 2012, elle continue de croître à un rythme soutenu, au point d'afficher aujourd'hui un chiffre record de 2 170 milliards d'euros, soit 98,4 % du PIB.

Monsieur le secrétaire d'État, avec un tel endettement notre économie aura bien du mal à se redresser. L'absence de toute réforme d'envergure, et les maigres efforts financiers réalisés reposant sur la seule logique du « rabot » expliquent que, depuis 2012, vous ayez sans cesse dû reporter la date à laquelle vous annonciez un recul de la dette publique. D'abord évalué à 91,3 % du PIB en 2013, son niveau maximal fut ainsi, dès l'année suivante, rehaussé à 94,3 % du PIB. Le plafond sera à nouveau revu à la hausse par le programme de stabilité 2014-2017, porté cette fois à 95,6 % du PIB, avant d'être aussitôt dépassé.

Le problème de la soutenabilité de la dette est aggravé par celui du coût de son financement, que l'on désigne habituellement par le nom de « charge » de la dette. Pour la seule dette de l'État, depuis 1999, la France a remboursé plus de 1 600 milliards d'euros, soit presque une année de production de richesses par la nation tout entière.

Depuis la crise financière et l'adoption d'une politique monétaire « accommodante » par la BCE, la situation est devenue paradoxale, vous l'avez vous-même souligné. Alors que l'endettement public continue sa progression inexorable, la charge de la dette des administrations publiques est restée stable, elle a même connu une légère décrue. Cette situation exceptionnelle est très dangereuse, car elle rend totalement indolore l'augmentation de l'encours de la dette de l'État. En effet, si la France a bénéficié ces dernières années de circonstances exceptionnellement favorables pour continuer à s'endetter, le réveil pourrait être très douloureux – je pense à l'impact éventuel de la hausse de l'inflation sur les obligations indexées, et à une remontée des taux à court terme comme à moyen long terme.

Ainsi, une hausse imprévue de 100 points de base des taux d'intérêt provoquerait un alourdissement de 2 milliards d'euros de la charge de la dette. Elle se propagerait progressivement au stock de dettes de moyen et de long terme. La charge de la dette atteindrait alors 61 milliards d'euros en 2025.

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Christian Eckert, secrétaire d'état chargé du budget et des comptes publics

Et pour 2042, vous avez une prévision ? (Sourires.)

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Nous parlons d'OAT à dix ans, pas à quarante ans !

Monsieur le secrétaire d'État, ce risque d'une remontée plus rapide que prévu des taux d'intérêt doit être pris au sérieux par le Gouvernement. La prochaine majorité devra donc rapidement adopter des mesures crédibles de réduction des dépenses de l'État à même de rassurer les investisseurs, et de restaurer notre crédibilité budgétaire.

Un autre élément retient notre attention dans cette mission. Le programme 114 « Appels en garantie de l'État » acte le transfert de la gestion des garanties publiques au commerce extérieur de la COFACE vers Bpifrance Assurance Export, filiale du groupe Bpifrance, placée en situation de quasi-régie. Le passage d'une garantie indirecte à une garantie directe de l'État entraîne le transfert vers le budget de ce dernier de l'excès de trésorerie en cumulé sur les années précédentes pour un montant de 4,3 milliards d'euros, soit 0,2 point de PIB. Il s'agit d'une recette exceptionnelle qui ne se retrouvera donc plus les années suivantes, sans laquelle le déficit de l'État aurait été d'autant dégradé en 2017.

Ce transfert est une bonne illustration d'un budget qui fait le choix, selon le Haut Conseil des finances publiques, de fragiliser la trajectoire des finances publiques à compter de 2018, et le respect de l'objectif de solde structurel à moyen terme.

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Je n'avais pas prévu d'intervenir, mais le tableau que vient de dresser M. Tardy m'incite à le faire, tant il a oublié l'histoire budgétaire de notre pays et la période antérieure à juin 2012. Je suis fasciné par la capacité de l'opposition, qui aspire à être majoritaire demain, à nier ce que furent ses propres errements au cours des dix dernières années, errements que nous avons dû progressivement corriger – cela n'a pas été facile, et nous avons dû demander des efforts aux Français.

Monsieur le secrétaire d'État, si je vous félicite pour l'action que vous avez menée en ce sens, je partage tout de même l'inquiétude de M. Tardy relative à la remontée brutale des taux. Que se passerait-il si la note de la France, aujourd'hui excellente, venait à se dégrader ? Que se passerait-il si une nouvelle majorité laissait filer la dette, comme elle semble nous l'annoncer – au reste, elle ne nous apprend rien en l'annonçant, car c'est ce qu'elle fait à chaque fois qu'elle est au pouvoir, en expliquant que la majorité précédente en est responsable ? Curieusement l'argument du passé ne vaut jamais au bénéfice de la majorité actuelle : comme si nous n'avions hérité d'aucun bilan !

Monsieur le secrétaire d'état, quelles seraient les conséquences des errements d'une nouvelle majorité qui laisserait filer la dette, qui romprait avec les engagements que nous avons pris à l'égard de l'Union européenne, et qui provoquerait une dégradation de l'excellente note de la France ?

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Christian Eckert, secrétaire d'état chargé du budget et des comptes publics

Monsieur Tardy, libre à vous de faire le numéro dont vous venez de nous gratifier, et de brosser le tableau que vous avez brossé. Je tiens cependant à votre disposition la chronique de l'endettement du pays. En 2007, la dette s'élevait à 1 253 milliard d'euros ; en 2012, elle atteignait 1 869 milliard, soit 600 millions supplémentaires en cinq ans, c'est-à-dire 25 points de PIB. Si vous regardez, en revanche, l'évolution de la dette entre 2012 et 2017, vous constaterez qu'elle augmente de 300 milliards, soit environ 6 points de PIB, c'est-à-dire une progression relative quatre fois moindre !

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Nous avons connu une crise économique, alors que vous avez bénéficié de taux très bas !

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Christian Eckert, secrétaire d'état chargé du budget et des comptes publics

Nous avons surtout fait des économies !

Vous pouvez toujours dire que faire 6 points de PIB de dette supplémentaires en cinq ans est une catastrophe, mais alors comment qualifier une augmentation de 25 points sur la même durée ? Quels mots choisiriez-vous ?

Vous avez parlé d'une « légère décrue » de la charge de la dette. Nous retrouverons le chiffre de 2012, mais, entre 2013 et aujourd'hui, elle est passée de 44,8 milliards d'euros à 41,5 milliards, soit une baisse de plus de 3 milliards, c'est-à-dire 7,4 % en valeur. D'aucuns pourraient se satisfaire d'un recul de 7,4 % en trois ans, ce n'est apparemment pas votre cas. Je considère en tout cas qu'il s'agit d'une baisse significative de la charge de la dette. Certes, elle est due, en partie, aux politiques « facilitantes » de la BCE, notamment depuis un an, mais elle s'explique aussi par le fait que la signature de la France est reconnue. À ce titre, les arguments de M. Colas sont pertinents, et ils devraient être entendus dans le débat.

Je ne sais pas d'où proviennent vos chiffres, monsieur Tardy. Vous parlez d'un endettement de 98,4 %. Ce taux n'est pas celui de l'endettement de la France. Je me demande où vous l'avez trouvé. À vrai dire, je crois le savoir…

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Je n'ai pas utilisé ce chiffre : j'ai parlé de 95,6 % !

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Christian Eckert, secrétaire d'état chargé du budget et des comptes publics

Vous avez bien dit 98,4 %, alors que l'endettement du pays est de 96,1 % en 2016, et qu'il sera de 96 % en 2017.

En fait, je crois savoir d'où vient votre chiffre. Vous avez probablement utilisé celui du mois de juin. Tous les ans se joue le même scénario : les mêmes commentaires sont faits sur les données de juin, et nous répondons la même chose. Les émissions de dette française ont principalement lieu au premier semestre parce que les rentrées d'impôts ont principalement lieu au second semestre – les besoins de trésorerie sont donc plutôt concentrés sur la première partie de l'année. Tous les ans, Le Figaro et Les Échos font le même titre dès que nous publions le chiffre de la dette à la fin du mois de juin. On fait mine de s'exclamer : « Vous dépassez vos prévisions ! » Mais, tous les ans, nous finissons l'année avec une dette inférieure aux prévisions. On nous a fait le coup l'année dernière avec un endettement en juin qui devait se situer à 98,4 %. J'avais dit que nous finirions l'année à 96,3 %, ce qui était conforme aux prévisions, et nous avons même terminé à 96,2 %... Monsieur Tardy, je vous invite donc à vous méfier, et à éviter de donner avec sérieux des chiffres qui sont faux – car ces chiffres sont tout simplement faux !

S'agissant de la COFACE, j'ai déjà expliqué la situation dix fois, mais je peux parfaitement le faire une onzième fois – durant ma carrière de professeur, j'ai dû enseigner deux cents fois les logarithmes népériens… Vous reprochez à l'État d'encaisser 4,3 milliards d'euros en provenance de la COFACE. Cela résulte tout d'abord du vote du Parlement qui a décidé, sur proposition du Gouvernement, que la COFACE s'effacerait au profit de Bpifrance Assurance Export. Ensuite, la COFACE avait bénéficié d'une avance de trésorerie de la part de l'État. Dès lors qu'elle laisse la place à Bpifrance, cette trésorerie disponible revient à l'État. De quel hold-up parlez-vous ? Ce transfert ne relève-t-il pas plutôt de la simple et juste protection des intérêts de l'État ? Cette recette ne se retrouvera pas les années suivantes, constatez-vous. Vous avez raison ; elle n'existait pas davantage l'année précédente, mais cela n'y change rien.

Monsieur Tardy, vous connaissez la différence, ou vous devriez la connaître, entre comptabilité maastrichtienne et comptabilité budgétaire. Bien évidemment, les 4,3 milliards d'euros de recettes budgétaires que nous évoquons ne constituent pas des recettes maastrichtiennes. Ils n'auront donc aucun impact sur le déficit maastrichtien qui sert de référence, notamment pour établir des comparaisons avec nos partenaires européens. Tout cela est peut-être un peu compliqué, mais si l'on veut parler de finances publiques, on a le devoir de se renseigner, monsieur Tardy, car ce que vous dites est, une nouvelle fois, tout simplement faux. Ce n'est pas parce que quelque chose est répété par un certain nombre de parlementaires – j'ai entendu ces propos à plusieurs reprises lors de la discussion générale du projet de loi de finances – que cela devient vrai. Si nous n'avions pas récupéré ces 4,3 milliards d'euros, vous nous auriez pris en défaut. Et que serait devenu cet argent ? Aurait-il fallu l'affecter à un compte d'affectation spécial, et attendre on ne sait quoi ?

J'imagine que nous rediscuterons dans l'hémicycle de la prévision de croissance et des reports sur 2018 ; je n'y reviens pas. Sur ces sujets, une nouvelle fois, le passé éclaire l'avenir : depuis deux ans, nos résultats budgétaires, au sens maastrichtien, ont été conformes à nos prévisions, quand ils n'ont pas été meilleurs. J'ai tout lieu de penser que ce sera également le cas en 2016.

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Nous vous remercions vivement, monsieur le ministre, pour l'ensemble de ces réponses et mises au point.

La réunion de la commission élargie s'achève à dix-huit heures cinquante.

Le Directeur du service des comptes rendus des commissions,

Nicolas VÉRON© Assemblée nationale