Avec ses deux programmes 204 et 183, la mission santé mobilise un budget de l,256 milliard d'euros : 433 millions destinés au pilotage de la politique de la santé publique et à la prévention, 823 millions à l'aide médicale d'État et au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA).
Sur le programme 204, je me félicite moi aussi de la création l'Agence nationale de santé publique, qui bénéficiera de 151 millions d'euros sans réduction d'effectifs après la fusion et la stabilité des crédits pour les autres opérateurs. Le reste des crédits va à la prévention, en cohérence avec la loi de modernisation de la santé et les différents plans nationaux en cours.
Je consacrerai mon intervention au programme 183 destiné à l'AME, à hauteur de 815 millions, 8 millions seulement allants au FIVA. Commençons par quelques rappels que je crois nécessaires.
L'AME est une prestation d'aide sociale. Ses bénéficiaires n'ont pas la qualité d'assurés sociaux ; ils disposent d'un titre d'admission, très contesté un temps, mais aujourd'hui sécurisé. La gestion opérationnelle et le contrôle sont délégués à l'assurance maladie, avec les limites rappelées par le rapporteur pour la commission des finances.
Sont couvertes les dépenses hospitalières, de médecine ambulatoire et de médicaments, et sont exclus la procréation médicale assistée (PMA), les cures thermales et les médicaments à faible service médical rendu. Le tiers payant est de droit.
Enfin, pour lever une confusion parfois entendue, les réfugiés ne relèvent pas de l'AME, mais de la CMU.
Les 815 millions programmés en 2017 marquent une augmentation de 10 %, 95 % au titre de l'AME de droit commun pour 316 314 bénéficiaires fin 2015, avec deux tiers de prestations hospitalières et un tiers de prestations de ville. À l'hôpital, les prises en charge les plus fréquentes concernent la tuberculose, le VIH et les maladies associées, ainsi que les accouchements.
Le montant annuel moyen de soins consommés par un bénéficiaire est stable, à 2 846 euros en 2007 et 2 823 euros en 2014. Dans une étude, la CPAM de Paris pointe une consommation annuelle de soins inférieure à 1 000 euros pour les trois quarts des bénéficiaires et supérieure à 10 000 euros pour 3 %.
Arrêtons-nous un instant sur la tuberculose et ses 4 827 cas déclarés en 2014, soit 7 cas pour 100 000 : 1 786, soit près de la moitié, concernent l'Île-de-France, dont 440 en Seine-Saint-Denis, soit une incidence multipliée par quatre. Cette incidence est multipliée par plus de 20 pour les SDF. La co-infection tuberculose-VIH augmente considérablement le risque de développer la maladie tuberculeuse, et le nombre de tuberculoses multi-résistantes, s'il est faible, est en constante augmentation. Son traitement coûte 100 fois plus cher que celui d'une tuberculose ordinaire. Il est évalué à 18 000 euros pour l'AME en soins urgents et à 13 000 euros pour le droit commun.
Vous l'avez dit, madame la secrétaire d'État, 40 millions vont à l'AME soins urgents, dont – je cite le code de l'action sociale et des familles – « l'absence mettrait en jeu le pronostic vital ou pourrait conduire à une altération grave et durable de l'état de santé de la personne ou d'un enfant à naître ». Ce dispositif est donc nécessaire. En 2015, on comptait 11 360 bénéficiaires et 239 établissements de santé dans lesquels les séjours liés à la maternité constituaient la part prépondérante.
Pour mémoire, l'AME dite « humanitaire » a un montant faible et est attribuée à moins de 100 personnes.
J'ajoute que différentes mesures réformant la tarification des séjours hospitaliers MCO (médecine, chirurgie, obstétrique) ont permis de limiter les coûts du système.
Claude Goasguen, rapporteur de la commission des finances, proposait en 2015, à la suite du rapport de 2011 qu'il avait co-écrit avec Christophe Sirugue, d'abandonner l'AME universelle en optant pour la prise en charge limitée aux soins urgents jugés prioritaires et d'instaurer une affiliation contributive à l'assurance maladie transférant la prise en charge au régime de sécurité sociale. L'amendement que nous présentera tout à l'heure notre collègue Lurton va dans ce sens.
Comme Christophe Sirugue, nous croyons que cette proposition n'est pas source d'économies, qu'il s'agira en réalité de transferts vers les collectivités territoriales et les associations caritatives, au détriment des établissements médicaux en première ligne, déjà en difficulté.
Au-delà de cette divergence de fond, vous avez fait, monsieur le rapporteur, avec Christophe Sirugue, des propositions sur lesquelles je souhaiterais entendre la secrétaire d'État. Ces propositions portent sur la question de la domiciliation, réglée je crois par la loi ALUR ; le renforcement de la prévention au regard de l'expérimentation d'une visite de prévention menée en Île-de-France ; le développement de l'interprétariat dans les hôpitaux accueillant la plupart des bénéficiaires de l'AME ; une meilleure répartition des dotations à leur endroit ; enfin, l'idée d'un parcours de soins médical et socio-administratif après l'hospitalisation des patients en AME les plus précaires.
Mes chers collègues, je nous invite collectivement à en rester aux principes qui ont fondé l'AME, principes rappelés par le premier rapport Goasguen-Sirugue de 2011, à savoir des considérations éthiques et humanitaires, le souci de la santé publique et un pragmatisme médico-économique.
Le groupe Socialiste, écologiste et républicain votera les crédits de la mission santé.