Intervention de Paul Giacobbi

Réunion du 7 novembre 2016 à 16h00
Commission élargie : finances - affaires étrangères - affaires culturelles - affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Giacobbi :

Au nom du groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste, je soulignerai le paradoxe de l'exercice qui consiste à vous reprocher, monsieur le ministre, des insuffisances de crédits que vous êtes le premier à avoir déplorées et contre lesquelles vous vous êtes sans doute battu très efficacement, dans des conditions qui ne sont jamais faciles. Dans une telle situation, le ministre doit se défendre d'avoir eu mal quand on lui a infligé des blessures et des amputations, et assurer qu'au contraire il s'en est fort bien tiré et d'autant mieux porté !

Personne ne peut contester l'augmentation des moyens dévolus à la sécurité ; tous l'ont d'ailleurs reconnue. Mais cette question n'est pas seulement une affaire de budget. Pour le dire de manière allusive, de confidences déplacées en déclarations excessives, on a sans doute parfois mis à mal la sécurité des intérêts français et, pire encore, des Français eux-mêmes à l'étranger. La discrétion dans l'action ne semble plus être une qualité diplomatique toujours de mise dans notre pays. Je le dis d'autant plus volontiers, monsieur le ministre, que ce constat ne vous concerne aucunement.

La poursuite de l'adaptation de notre réseau est menée avec détermination et constance depuis des années. Vous nous indiquez qu'elle va en quelque sorte marquer le pas, mais l'on a déjà gratté jusqu'à l'os et il faudrait maintenant utiliser la scie ! En la matière, on a agi avec une grande intelligence, sans affaiblir notre diplomatie mais en la rendant au contraire plus efficiente.

En ce qui concerne les organisations internationales et les opérations de maintien de la paix, les baisses sont en réalité quasi mécaniques ; il n'y a donc rien à en dire. Personnellement, je ne m'en plains pas : moins on dépense pour le multilatéral, mieux je me porte. La plupart des pays constatent de même que le multilatéralisme n'est plus de mise. Le concert des nations, à près de 200 États membres de l'ONU, sans chef d'orchestre et, le plus souvent, sans instruments est devenu une cacophonie que plus personne n'écoute.

Reste la baisse, fût-elle relative, des moyens de notre diplomatie d'influence. Elle est paradoxale au moment où la plupart des pays considèrent le soft power comme un axe essentiel de la diplomatie. Ce moyen est en outre, plusieurs collègues l'ont dit, l'un des moins coûteux et des plus efficaces.

Notre pays se trouve à cet égard dans une situation totalement exceptionnelle. La langue et la culture françaises restent partout des valeurs sûres ; elles constituent un signe de distinction auquel les élites économiques, politiques et intellectuelles donnent la primauté. Il y a aux États-Unis d'Amérique peu de gens qui parlent français ; mais, dans ce pays, maîtriser notre langue, c'est faire partie du « gratin » – uppercrust – et des intellectuels – highbrow. On ne peut pas en dire autant de l'allemand, du chinois mandarin, du hindi ni du bengali, à mon grand regret. Je dis souvent que Marcel Proust est mieux étudié et célébré aux États-Unis et au Japon qu'en France.

Pourtant, nous nous montrons assez chiches, pour reprendre le terme de la présidente de la commission des affaires étrangères, lorsqu'il s'agit de conforter cette place unique dans le monde.

Il y a certes parfois d'heureuses initiatives, qui ne sont pas toujours coûteuses. Ainsi de l'ouverture sur la Cinquième Avenue, à New York, d'une librairie francophone – appelée « Albertine », du nom du célèbre personnage d'un roman non moins célèbre, ce qui me va droit au coeur – dans les locaux de notre ancien service culturel, qui était poussiéreux, mal fichu et mal placé. J'avais suggéré cette idée lors d'une réunion de la commission des affaires étrangères, il y a fort longtemps, et personne ne m'avait écouté ; mais quelqu'un d'autre a eu la même idée et, surtout, l'a mise en oeuvre, ce qui est tout à fait remarquable.

Ce domaine comporte aussi des aspects que l'on peut juger à première vue futiles : la défense de la gastronomie française, élément du patrimoine mondial de l'humanité, représente un front diplomatique sur lequel nos positions sont souvent menacées et un enjeu culturel essentiel, ne serait-ce que pour l'exportation de nos vins et pour notre activité touristique.

Nous ne cherchons jamais à rencontrer les étrangers d'origine française, qui sont 12 millions aux États-Unis. Il va falloir remédier à ce type de lacunes, notamment vis-à-vis des anciens étudiants. Qui sait que le nom Delano, que Franklin Delano Roosevelt tenait de sa mère, vient du patronyme De La Noye et que le trente-deuxième président américain était d'ascendance française, ou que le plus grand entrepreneur que l'Inde ait jamais connu, J.R.D. Tata, est enterré au Père-Lachaise, parce qu'il était né à Paris de mère française ?

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