Intervention de Michel Terrot

Séance en hémicycle du 10 novembre 2016 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2017 — Aide publique au développement

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Terrot :

Plus grave encore, le programme 209, qui concerne en grande partie l’aide bilatérale aux pays les plus pauvres, pour la plupart francophones, absorbe la très grande partie de ces coupes drastiques. Sur le quinquennat, ce programme aura perdu 500 millions d’euros. Notre pays, après avoir longtemps été le deuxième donateur, se place aujourd’hui en cinquième position, derrière les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne et le Japon. Inutile de vous rappeler, monsieur le secrétaire d’État, que chaque année nous éloigne de l’objectif fixé par le G8 de 2005, où nous nous étions engagés à consacrer 0,7 % de notre revenu national brut à l’APD. Nous y consacrons à peine 0,37 %, un montant inférieur à la moyenne européenne, pourtant elle aussi en baisse. Cela n’est pas digne de notre pays et ne correspond pas à notre tradition.

Il en est de même pour un autre sujet, qui me tient particulièrement à coeur et préoccupe depuis des années un nombre important de commissaires de la commission des affaires étrangères : le nécessaire rééquilibrage entre le multilatéral et le bilatéral. Nous rappelons, année après année, combien nous sommes attachés à la part du don et de la subvention au sein de cette aide bilatérale, et nous constatons avec regret qu’elle est réduite à peau de chagrin, ce qui est désastreux pour l’image de notre pays, mais aussi pour la souveraineté de notre politique étrangère.

J’en viens au budget proprement dit, qui, heureuse surprise, augmente de 130 millions d’euros. Vous avouerez qu’au regard de la situation que je viens de décrire, cette augmentation paraît bien faible et sans aucun doute dictée par une volonté bien compréhensible de ne pas désespérer totalement votre majorité et ceux qui avaient placé en vous quelques espoirs en début de quinquennat. Au reste, la maigre augmentation obtenue l’année dernière est d’origine parlementaire, et ces efforts arrachés par les parlementaires se sont vus, par un tour de passe-passe budgétaire, substitués aux crédits. Malgré cet effort – bien mince, je vous le concède –, le budget de l’APD a suscité un psychodrame, comme seule votre majorité fracturée peut le faire, et nous avons assisté, comme tous les ans à la même période, au grand retour de la taxe sur les transactions financières.

À l’heure où je m’exprime, les navettes parlementaires n’ont pas encore commencé. Je ne peux donc me fier qu’aux déclarations du secrétaire d’État en commission élargie ou dans la presse, à l’heure où la France tente de lancer une bataille pour son attractivité dans la période suivant le Brexit. La taxe intra-day votée en première lecture semble avoir du plomb dans l’aile, si l’on en croit les déclarations du Premier ministre, la semaine dernière encore, lors de l’inauguration du guichet unique destiné aux investisseurs et aux financiers qui choisiraient de s’installer en France après la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Saura-t-il convaincre sa majorité ? Rien n’est moins sûr ! L’APD ne peut et ne doit pas être l’otage de débats internes préélectoraux à la majorité. Les enjeux sont trop importants.

Reste l’excellent amendement de notre collègue Jean-François Mancel, adopté à l’unanimité, qui vise à affecter 25 % du produit de la taxe sur les transactions financières à l’Agence française de développement, soit un effort réel de 270 millions d’euros en faveur de l’APD. En les orientant vers l’AFD, il permet justement de renforcer la politique de dons et de subventions que nous appelons de nos voeux. Quel sort le Gouvernement entend-il réserver à cette initiative salutaire ? Pouvez-vous nous garantir que cet effort net de 270 millions d’euros ne se substituera pas, comme l’année dernière, à des crédits budgétaires pourtant adoptés par les parlementaires ? En l’état actuel des données en notre possession, votre budget, monsieur le secrétaire d’État, est en légère augmentation de 130 millions d’euros : c’est notre seule certitude. À cette heure, rien ne nous permet de penser qu’il en sera autrement. Nous sommes donc très loin du compte ! C’est pourquoi les députés du groupe Les Républicains voteront contre votre budget.

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