Intervention de Michel Pouzol

Réunion du 8 novembre 2016 à 10h00
Commission élargie : finances - affaires culturelles - affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Pouzol, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, sur les crédits de l'audiovisuel public :

Permettez-moi d'abord de réitérer, comme le président la commission à laquelle j'appartiens, notre soutien aux journalistes d'I-Télé en grève comme à la justesse de leur combat.

Permettez-moi de me féliciter du budget global accordé au secteur culturel pris pour l'année 2017. Il témoigne de l'intérêt réaffirmé du Gouvernement pour un secteur essentiel du rayonnement de la France, de son histoire, mais aussi de sa richesse tant le poids des industries culturelles est important pour notre économie, mais aussi pour la cohésion de notre nation.

Je voudrais par contre, à titre liminaire et pour la partie de ce budget pour lequel j'ai été nommé rapporteur pour avis par la Commission des affaires culturelles et de l'éducation, à savoir l'avance à l'audiovisuel public, vous alerter, madame la ministre, sur le faible taux de réponse aux questionnaires budgétaires : à la date butoir du 10 octobre, seules 25 % des réponses étaient parvenues, ce qui est notoirement insuffisant.

Par ailleurs, je regrette comme vous, madame la ministre, la remise en cause par l'Assemblée nationale de l'augmentation de deux euros de la contribution à l'audiovisuel public proposée initialement par le Gouvernement. La substitution d'une part supplémentaire de la TOCE à un euro de CAP n'est pas totalement neutre à moyen terme.

Ma première question sera donc simple : avez-vous pu évaluer l'impact des modifications apportées par l'Assemblée nationale sur la capacité de l'État à respecter les trajectoires de ressources publiques prévues par les différents contrats d'objectifs et de moyens dans les années à venir ?

Je souhaiterais par ailleurs vous interroger de manière plus générale sur le pilotage et la gouvernance de l'audiovisuel public. Dans la partie thématique de mon rapport, je me suis intéressé au projet « Franceinf : », que je juge indispensable et dont je salue le lancement réussi dans des délais contraints. Je me suis demandé dans quelle mesure ce projet pouvait servir de modèle pour d'autres communautés de projets au sein de l'audiovisuel public.

Certains syndicats se sont inquiétés de ce que ce projet serait une fusion déguisée, prélude à un nouveau mariage de France Télévisions et de Radio France.

J'estime au contraire que la réussite de ce projet, fondé sur un modèle pragmatique de synergies, constitue le meilleur remède contre les propositions de rapprochement organique entre les sociétés qui se sont multipliées ces dernières années. D'autant qu'à la lumière des expériences mises en oeuvre au sein de l'audiovisuel extérieur de la France comme au sein de France Télévisions, il apparaît aujourd'hui clairement que les rapprochements entre sociétés ont produit plus de crispations et de surcoûts que de synergies réelles ou d'efficacité.

C'est d'ailleurs l'une des principales conclusions du dernier rapport de la Cour des comptes : l'entreprise unique a été un échec patent qui a profondément déstabilisé France Télévisions sans lui permettre d'atteindre les objectifs qu'elle s'était fixés. Dans ces conditions, comment ne pas tirer les leçons de ce que le projet « France info: » a permis en huit mois plus de synergies que l'entreprise unique en huit ans ?

Vous le savez, madame la ministre, au-delà de l'information, d'autres sujets de collaboration possibles ont été maintes fois identifiés dans ce secteur : réseaux régionaux, réseaux à l'étranger, offres numériques en matière culturelle, d'éducation, ou de formation professionnelle...

La mise en place d'une offre d'information régionale ambitieuse sur le numérique fondée sur la coopération des réseaux de France 3 et France Bleu peut en ce sens apparaitre comme urgente, prioritaire et indispensable pour garantir l'avenir de ces réseaux extrêmement importants pour nos territoires. En quelque sorte ne pourrait-on voir imaginer de voir émergerune version régionale et locale de Franceinfo: sur le numérique par le biais de ces nouvellescoopérations ? J'observe cependant que la méthode qui a présidé à la naissance de Franceinfo: comporte des limites importantes. Je rappelle en effet que c'est le CSA qui a choisi la présidente de France Télévisions sur la base d'un projet stratégique qui prévoyait la création d'une chaîne d'information, contrairement par exemple au projet de Pascal Joseph, qui était l'autre finaliste de la procédure de nomination.

La volonté de la nouvelle présidente de France Télévisions a ensuite dû rencontrer celle du président de Radio France, mais rien ne garantit que d'autres dirigeants, en d'autres temps fassent preuve d'une telle volonté de coopération autour d'une vision commune, fût-elle partielle pour ce type de projet.

Au cours des auditions que j'ai effectuées, j'ai pu constater que d'autres projets potentiellement structurants pour l'audiovisuel public ne réunissaient pas en l'état les volontés nécessaires à leur mise en oeuvre.

J'insiste donc sur les limites d'une coordination s'appuyant sur la seule volonté des entreprises et la nécessité pour l'État d'assumer enfin son rôle de stratège et de pilote, garant d'un développement harmonieux et coordonné de l'audiovisuel public.

Nous sommes en présence d'un actionnaire unique, l'État, qui est représenté dans tous les conseils, négocie les contrats d'objectifs et de moyens avec les différentes sociétés, qui, par décret, précise le contenu des cahiers des charges de celles-ci, élabore le budget, mais ne pilote pas, ce qui représente actuellement à mes yeux une menace majeure pour l'avenir de l'audiovisuel public.

Le rapport de Marc Schwartz avait établi ce constat et préconisé la mise en place d'une instance de pilotage stratégique permettant aux présidents de l'audiovisuel public d'échanger ensemble régulièrement autour des ministres compétents de leurs développements stratégiques. Force est de constater que cette instance n'a été réunie qu'une seule fois à ce jour.

Or, les contrats d'objectifs et de moyens de l'ensemble des sociétés de l'audiovisuel public étant à peine renouvelés ou en cours de l'être pour une durée de cinq ans, les projets structurants qui n'auraient pas été lancés à cette occasion seront autant d'occasions perdues pour l'avenir de l'audiovisuel public.

Le rapport d'information de Martine Martinel sur le projet de contrat d'objectifs et de moyens de Radio France 2015-2019 puis le rapport d'information de Jean-Marie Beffara sur la nouvelle chaîne publique d'information en continu ont tous deux proposé l'élaboration d'un contrat d'objectifs et de moyens thématique consacré à l'offre d'information.

Comment, madame la ministre, envisagez-vous le pilotage de l'État pour définir de nouveaux projets communs à mettre en oeuvre ? Souhaitez-vous, comme mon rapport en suggère l'idée, renforcer le rôle de l'État dans ce pilotage de l'audiovisuel public et comment, si tel était le cas, envisagez-vous d'impulser la mise en oeuvre d'autres projets communs structurants au-delà du périmètre contraint de l'offre d'information ?

Au-delà de ces remarques, nous donnerons bien entendu un avis favorable à ce budget.

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