Intervention de Virginie Duby-Muller

Réunion du 8 novembre 2016 à 10h00
Commission élargie : finances - affaires culturelles - affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVirginie Duby-Muller, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, pour les crédits relatifs à la presse :

Je ne reviendrai pas aujourd'hui en détail sur la partie thématique de mon avis, consacrée aux politiques publiques de soutien à la presse en ligne. Je signalerai simplement que, pour élaborer cet avis, j'ai mené une vingtaine d'auditions qui m'ont été très utiles car, à la date du 10 octobre dernier – qui est celle que la loi organiques relatives aux lois de finances fixe comme date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires – seuls 33 % des réponses aux questions que j'avais adressées au Gouvernement en juillet dernier m'étaient parvenus. Je n'ai eu qu'un peu plus de chance que mon collègue Michel Pouzol.

Cela marque une très nette dégradation du taux de réponses puisque, l'an dernier, à la même date, le rapporteur en charge de l'avis sur les crédits dédiés à la presse avait reçu 95 % des réponses attendues. Je le regrette vivement.

Pour ce qui concerne la description et l'analyse de l'évolution des crédits en faveur de la presse dans le présent projet de loi de finances, il faut signaler que la comparaison du montant total des aides à la presse inscrites au projet de loi de finances 2017 avec celui résultant du vote de la loi de finances initiale pour l'année 2016 est rendue difficile en raison du changement de périmètre du programme 180 « Presse et médias » de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».

En effet, dans le cadre du présent projet de loi de finances, trois actions relevant jusqu'alors des programmes 313 et 334 ont été rattachées au programme 180, qui est désormais intitulé : « Presse et médias ». Il s'agit des actions : « Soutien aux médias de proximité », « Soutien à l'expression radiophonique locale » et « Compagnie internationale de radio et télévision (CIRT) ».

Si l'on compare les crédits alloués au programme 180, dans son ancien périmètre, en loi de finances initiale pour 2016 et dans le projet de loi de finances pour 2017, alors on constate que ces crédits augmentent de cinq millions d'euros, passant de quelque 255 millions d'euros à 260 millions d'euros – soit une hausse globale d'environ 2 %, en autorisations d'engagement et en crédits de paiement. Cette augmentation s'explique par l'octroi, à l'AFP, de cinq millions d'euros supplémentaires au titre de la compensation de ses missions d'intérêt général. En mettant de côté cette dotation supplémentaire, on constate que le montant des aides directes à la presse reste stable dans le projet de loi de finances 2017, avec 127,8 millions d'euros.

Cette stabilité globale des aides à la presse cache des évolutions contrastées : parmi les aides à la diffusion, la compensation à la Sécurité sociale de l'exonération des charges patronales pour les vendeurs-colporteurs et les porteurs de presse connaît une nette baisse, de près de 18 %. Parmi les aides à la modernisation, l'aide à la modernisation sociale de la presse quotidienne IPG connaît également une forte baisse, de près de 53 %. En revanche, l'aide à la modernisation des diffuseurs de presse connaît une forte hausse, de 63 %, passant de 3,68 à 6 millions d'euros. Parmi les aides au pluralisme, l'aide à la presse périodique régionale et locale connaît une hausse bien plus modérée, de 3,5 %.

Dans un contexte difficile pour le secteur de la presse, notamment en raison de la baisse de ses recettes publicitaires, le projet de loi de finances pour 2017 comporte un certain nombre de hausses de crédits. Je m'abstiendrai au sujet des crédits en faveur de la presse inscrits au présent projet de loi de finances.

J'aurai par ailleurs quelques questions à vous poser, madame la ministre.

D'abord, comment conciliez-vous la baisse de plus de 2 millions d'euros de la dotation du Fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP) avec l'extension des missions de ce fonds résultant du décret du 26 août dernier qui, je le rappelle, a étendu le bénéfice des aides du FSDP à tous les titres de la presse IPG, quelle que soit leur périodicité, et qui a en outre augmenté ses taux de subvention ?

Il m'a été indiqué que, comme pour les aides au portage, les mécanismes d'attribution des aides du FSDP sont mis en oeuvre trop tardivement dans l'année. Au 12 octobre dernier, aucun comité d'attribution du FSDP n'avait été réuni... ce qui risque malheureusement de conduire à concentrer toute la stratégie d'aides pour l'année 2016 sur les mois de novembre et décembre. Que comptez-vous faire pour remédier à cette situation ?

Que pensez-vous de l'idée d'ouvrir le bénéfice des aides au pluralisme aux services de presse en ligne ? En septembre dernier, la Commission européenne a publié une proposition de directive sur le droit d'auteur dans le marché unique numérique qui prévoit que soit reconnu aux éditeurs de presse un droit voisin pour l'utilisation numérique de leurs publications de presse. Le Gouvernement envisage-t-il, lors des négociations, d'inclure les agences de presse dans le champ des réflexions menées au niveau de l'Union européenne sur le partage de la valeur créée par la production et la circulation de l'information sur internet ?

La Commission européenne a lancé, en juillet dernier, une consultation sur l'application d'un taux de TVA réduit sur les publications fournies par voie électronique. Le Gouvernement envisage-t-il de saisir cette occasion pour réexaminer – et baisser – le taux de TVA de 10 % qui est aujourd'hui applicable aux agences de presse, alors que celles-ci connaissent une forte dégradation de leur situation économique qui pourrait menacer le traitement de l'information et son pluralisme ?

Enfin, je souhaitais revenir brièvement sur la question de l'attribution des aides à la presse, qui ont connu depuis un an plusieurs extensions successives, notamment en novembre 2015 et en août 2016, au titre du pluralisme d'opinions. Cependant, l'hebdomadaire Valeurs Actuelles n'a pas pu en bénéficier, qu'il s'agisse des aides directes au pluralisme comme du Fonds de soutien à l'émergence et à l'innovation dans la presse. Le groupe Valmonde a d'ailleurs adressé en novembre dernier à Bruxelles une plainte formelle contre la France pour aide d'État incompatible avec le traité de l'Union européenne, qui causerait un « préjudice grave, massif et immédiat » à l'hebdomadaire, qui fausserait la concurrence. Avec l'audience importante de Valeurs Actuelles, on peut s'étonner de cette exclusion, liée à une décision prise par votre prédécesseur.

En revanche, le fonds Google vient d'ailleurs d'attribuer, lui, à l'hebdomadaire une subvention pour son développement numérique. Madame le ministre, cette décision a ému même les fédérations d'éditeurs de presse, qui ont déclaré que, quelles que soient les justifications politiques et morales censées légitimer ces choix, une telle exclusion, dans son essence même, rompt avec le principe démocratique intangible de la neutralité de l'action publique vis-à-vis de la presse d'opinion.

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