Intervention de Rudy Salles

Réunion du 8 novembre 2016 à 10h00
Commission élargie : finances - affaires culturelles - affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRudy Salles :

La mission « Médias, livre et industries culturelles » doit accompagner et soutenir les mutations d'un secteur stratégique tant pour la démocratie que pour l'économie. À la lecture des orientations budgétaires, malheureusement, le Gouvernement semble loin de ces enjeux, comme en témoignent plusieurs exemples.

Concernant le programme 334 « Livre et industries culturelles », tout d'abord, je me satisfais de constater que les commentaires que nous avons formulés lors des derniers budgets semblent avoir été suivis d'effet, puisque les crédits alloués au secteur du livre sont en hausse cette année.

Nous sommes en revanche plus sceptiques sur les perspectives de la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet. En effet, après avoir été victime d'une asphyxie budgétaire dans les PLF précédents, la Haute autorité voit sa subvention augmenter, même si le montant de 9 millions d'euros en 2017 demeure incontestablement insuffisant pour lui permettre d'exercer ses missions. Je rappelle qu'en 2012, la subvention à la Hadopi s'élevait à 11 millions d'euros. La hausse de 500 000 euros de la subvention risque par ailleurs d'être absorbée pour indemniser les fournisseurs d'accès à internet au titre des surcoûts résultant des demandes d'identification d'internautes ayant téléchargé illégalement des oeuvres protégées par le droit d'auteur. Avez-vous des précisions à nous apporter sur ce point, madame la ministre ? À ce stade, nous doutons que la HADOPI puisse réellement parvenir en 2017 à traiter la totalité des saisines qu'elle reçoit ; pour mémoire, son taux de traitement des demandes d'ayants droit ne dépassait pas 50 % en 2014.

S'agissant du programme 180 « Presse et médias », l'Agence France-Presse, qui figure dans le trio de tête des agences mondiales d'information, nous garantit une information indépendante grâce à son maillage mondial et à son expertise. Aussi, l'augmentation de près de 5 millions d'euros de l'aide qui lui est allouée par l'État semble à première vue une bonne nouvelle. Pourtant, elle n'enraye en rien le désengagement progressif de l'État et le creusement de la dette de l'AFP : en 2015, l'État n'a en effet compensé que 96 % du surcoût des missions d'intérêt général de l'AFP, et non l'intégralité comme le droit européen le lui permet. Fin 2015, la dette de l'Agence s'élevait à 71 millions d'euros, et l'avenir est particulièrement sombre dans la mesure où les dotations publiques devraient cesser à partir de 2018. Le groupe Union des démocrates et indépendants est attaché à la bonne conduite des finances publiques et, à ce titre, nous soutenons les efforts de gestion conduits par l'AFP. Néanmoins, il nous faut veiller à ce que l'Agence bénéficie toujours des moyens d'exercer ses missions. Par ailleurs, la question des tarifs postaux n'est toujours pas réglée près d'un an après la fin des accords Schwartz. Avez-vous des informations à nous communiquer sur ce sujet, madame la ministre ?

La réforme du financement de l'audiovisuel public touche à sa fin, puisqu'il n'y a plus trace dans ce budget des crédits budgétaires destinés à France Télévisions. Néanmoins, l'octroi de taxes spécifiques ne diminue pas l'ampleur des moyens alloués par l'État. Ainsi, l'engagement financier du ministère s'élèverait à plus de 3,9 milliards d'euros, soit une hausse de 63 millions par rapport à 2016 qui s'explique notamment par l'augmentation d'un euro de la redevance. La trajectoire financière prévue apparaît hautement incertaine et nous craignons que les orientations stratégiques fassent peser un risque industriel fort sur l'entreprise. Nos craintes sont malheureusement partagées par la Cour des comptes, qui a jugé très sévèrement la gestion de France Télévisions dans son rapport d'octobre 2016. Les sociétés de l'audiovisuel public peinent à mettre en oeuvre les synergies nécessaires pour réduire leurs charges, notamment en matière de stratégie numérique, d'équipement informatique ou d'implantation immobilière.

Pire, la mutualisation espérée par la nouvelle chaîne Franceinfo: est irréaliste tant la conception de cette chaîne n'a été qu'une succession de mauvais choix. J'ai eu l'occasion de le répéter plusieurs fois : la création d'une telle chaîne ne me semble pas opportune. Ce créneau est saturé, comme en témoigne la chute des audiences une fois passé l'effet de curiosité. Après avoir réalisé 0,6 % de part d'audience pendant les quatre jours qui ont suivi son lancement, puis 0,3 % en moyenne pendant les deux semaines suivantes, Franceinfo: serait tombée à 0,2 % de parts d'audience. La chaîne refuse de communiquer ces chiffres, mais l'audience aurait tout de même été divisée par trois en quelques semaines ! Le format en lui-même ne justifie en rien l'occupation d'un nouveau canal sur la TNT puisqu'il n'est ni innovant, ni pertinent en raison, en particulier, des décrochages réguliers et de l'absence de différence sur le fond avec les chaînes privées. Enfin, le projet alimente les tensions en interne. Alors que France Télévisions évoque des économies et une possible fusion des rédactions de France 2 et France 3, comment justifier le coût de création de cette nouvelle chaîne ? Les chiffres sont fantomatiques, mais le Gouvernement aurait débloqué une enveloppe de 6 millions, tandis que France Télévisions et Radio France devront assumer un coût de fonctionnement annuel de 7 et 3,5 millions d'euros respectivement en année pleine. Vous conviendrez, madame la ministre, que cette chaîne ne s'accompagne pour le moment d'aucune mesure d'économie, bien au contraire.

Alors que nous sommes en plein débat budgétaire, le secret autour de l'audience et du coût de cette chaîne n'est pas acceptable. La situation de l'audiovisuel public est particulièrement préoccupante et suppose que les responsabilités de chacun soient plus finement définies, sachant que la Cour des comptes évalue à plus de 30 millions d'euros le déficit d'exploitation de France Télévisions. C'est donc bien un budget d'apparence que le Gouvernement nous présente et, malgré de rares points positifs, les profondes interrogations qui sont laissées en suspens nous imposent de voter résolument contre les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».

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