La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » est essentielle, non seulement en raison de l'ampleur du budget qui lui est consacré, mais surtout parce qu'il s'agit de dépenses indispensables à la vie quotidienne des populations les plus fragiles.
Le projet de loi de finances pour 2017 prévoit d'y allouer 17,8 milliards d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, soit 2,7 % de moins que les crédits ouverts en 2016, en raison notamment du transfert du financement des établissements et services d'aide par le travail (ESAT) à la sécurité sociale. Et ceci, sans compter les dépenses fiscales rattachées à la mission, s'élevant à près de 5 milliards d'euros sur le programme Inclusion sociale et 9 milliards pour le programme « Handicap et dépendance » dont l'efficacité mériterait d'être évaluée.
En crédits budgétaires pour la mission, 5,7 milliards d'euros sont prévus pour les dépenses d'inclusion et de lutte contre la pauvreté du programme 304, « Inclusion sociale et protection des personnes », 10,6 milliards d'euros pour la part État de la politique du handicap et de la dépendance, au programme 157, et près de 30 millions d'euros pour les actions en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes, au programme 137.
À ces dépenses d'intervention s'ajoute 1,5 milliard d'euros au programme 124, qui gonflent artificiellement les crédits de la mission car il s'agit du programme support de la mission Solidarité, mais également des missions Santé et Sport, jeunesse et vie associative.
La mission finance majoritairement deux postes de dépenses : la prime d'activité, pour laquelle le PLF prévoit d'allouer 4,34 milliards d'euros ; l'allocation adulte handicapé, dont la dotation s'élève à un peu plus de 9 milliards d'euros. Mais, comme l'année dernière, ces deux dépenses semblent largement sous-estimées.
L'année dernière, le Gouvernement prévoyait que seule la moitié des foyers éligibles à la prime d'activité en ferait la demande, soit 2 millions de foyers. Or, en seulement trois mois, la prime d'activité touchait déjà 2 millions de personnes ! Sur l'année 2016, le taux de recours s'annonce bien supérieur à la prévision initiale, si bien qu'un abondement en loi de finances rectificative sera certainement nécessaire.
Madame la ministre, pouvez-vous nous préciser combien il manque pour financer la prime d'activité en 2016 ? Et pensez-vous que la dotation de 4,3 milliards pour 2017 sera suffisante ?
La prime d'activité est allouée aux personnes en activité professionnelle, salariées ou indépendantes, qui gagnent jusqu'à 1,3 SMIC. Le Gouvernement considère donc que gagner le SMIC, soit 1 139 euros nets mensuels, est insuffisant pour vivre convenablement – j'en conviens également – puisque la prime d'activité permet à ces personnes de gagner 158 euros de plus par mois. Dans ces conditions, n'aurait-il pas été préférable de revaloriser le SMIC et ainsi de faire peser ces dépenses nécessaires sur l'employeur plutôt que sur le contribuable ?
Concernant l'allocation adulte handicapé, sa sous-budgétisation est une maladie budgétaire chronique : il manquait 314 millions d'euros en 2015, il semble manquer encore 486 millions en 2016. Combien manquera-t-il en 2017 ?
Le projet de loi de finances pour 2017 envisage également de mettre en oeuvre les premières mesures de la réforme des minima sociaux recommandée dans le rapport de M. Christophe Sirugue, remis au Premier ministre au mois d'avril dernier. L'article 49 du PLF, non rattaché à la mission, modifie les conditions d'accès au RSA : il entend mettre en oeuvre des droits figés pour éviter les indus et rappels, simplifier les conditions d'accès des travailleurs indépendants et permettre aux bénéficiaires de l'allocation temporaire d'attente d'accéder directement au RSA.
Je ne peux qu'approuver ces différentes mesures, mais a-t-on évalué leur coût pour les départements ?
Le coût global du RSA est passé de 5,7 milliards d'euros en 2009 à 9,2 milliards en 2015. Sous l'effet de la persistance de la crise économique, il devrait atteindre 11,7 milliards d'euros pour 2017. Cette augmentation pèse sur les budgets des départements qui se retrouvent parfois dans des conditions financières très difficiles, tandis que la part État ne progresse pas. À l'initiative de M. le Premier ministre, des négociations ont été ouvertes au premier semestre 2016 sur une renationalisation de ce financement, mais elles n'ont pas abouti à cause du refus de l'Association des départements de France. Envisage-t-on de rouvrir ces négociations ?
J'en viens maintenant à la protection juridique des majeurs dont le financement public est presque intégralement porté par l'État – 647 millions d'euros pour 2017 – depuis le transfert des charges de la sécurité sociale l'année dernière. À ma demande, la Cour des comptes a publié un rapport sur la mise en oeuvre de la réforme de 2007. Le constat est sans appel : absence de données statistiques fiables, échec de la priorité donnée aux mesures non juridictionnelles – mesures d'accompagnement personnalisé portées par les départements –, déficit de contrôle des mandataires, et, avant tout, absence de pilotage de cette politique publique.
Près de 800 000 majeurs font l'objet d'une protection juridique ; ils devraient être de plus en plus nombreux dans les années à venir compte tenu de l'allongement de l'espérance de vie. Il semble nécessaire de mettre en oeuvre une politique structurée de protection des majeurs, telle qu'elle existe pour les mineurs.
Quelles suites le Gouvernement entend-il donner aux recommandations de la Cour des comptes ?
Il y aurait encore de nombreux sujets à aborder, notamment des interrogations sur l'aide à la réinsertion des migrants dans leur pays d'origine, qui est un échec, la question d'un éventuel regroupement de l'Agence française de l'adoption et du GIP Enfance en danger, ou encore la mise en place du parcours de sortie de la prostitution, qu'il faut saluer. Mais le temps m'est compté ; mes collègues y reviendront peut-être lors des questions.