Commission élargie : finances - affaires sociales

Réunion du 9 novembre 2016 à 9h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

Source

commission élargie

(Application de l'article 120 du Règlement)

Mercredi 9 novembre 2016

Présidence de M. Pierre-Alain Muet, vice-président de la commission des finances, et de M. Christian Hutin, vice-président de la commission des affaires sociales

La réunion de la commission élargie commence à neuf heures.

projet de loi de finances pour 2017

Solidarité, insertion et égalité des chances

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Mesdames les ministres, je suis heureux de vous accueillir avec M. Christian Hutin, vice-président de la commission des affaires sociales. Nous sommes réunis afin de vous entendre au sujet des crédits du projet de loi de finances (PLF) pour 2017, consacrés à la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

Je vous rappelle les règles applicables aux commissions élargies : nous donnerons d'abord la parole aux rapporteurs des commissions qui interviendront pour une durée de cinq minutes ; après la réponse des ministres, les porte-parole des groupes s'exprimeront pour cinq minutes chacun, puis, pour une durée de deux minutes, tous les députés qui le souhaitent.

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La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » est essentielle, non seulement en raison de l'ampleur du budget qui lui est consacré, mais surtout parce qu'il s'agit de dépenses indispensables à la vie quotidienne des populations les plus fragiles.

Le projet de loi de finances pour 2017 prévoit d'y allouer 17,8 milliards d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, soit 2,7 % de moins que les crédits ouverts en 2016, en raison notamment du transfert du financement des établissements et services d'aide par le travail (ESAT) à la sécurité sociale. Et ceci, sans compter les dépenses fiscales rattachées à la mission, s'élevant à près de 5 milliards d'euros sur le programme Inclusion sociale et 9 milliards pour le programme « Handicap et dépendance » dont l'efficacité mériterait d'être évaluée.

En crédits budgétaires pour la mission, 5,7 milliards d'euros sont prévus pour les dépenses d'inclusion et de lutte contre la pauvreté du programme 304, « Inclusion sociale et protection des personnes », 10,6 milliards d'euros pour la part État de la politique du handicap et de la dépendance, au programme 157, et près de 30 millions d'euros pour les actions en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes, au programme 137.

À ces dépenses d'intervention s'ajoute 1,5 milliard d'euros au programme 124, qui gonflent artificiellement les crédits de la mission car il s'agit du programme support de la mission Solidarité, mais également des missions Santé et Sport, jeunesse et vie associative.

La mission finance majoritairement deux postes de dépenses : la prime d'activité, pour laquelle le PLF prévoit d'allouer 4,34 milliards d'euros ; l'allocation adulte handicapé, dont la dotation s'élève à un peu plus de 9 milliards d'euros. Mais, comme l'année dernière, ces deux dépenses semblent largement sous-estimées.

L'année dernière, le Gouvernement prévoyait que seule la moitié des foyers éligibles à la prime d'activité en ferait la demande, soit 2 millions de foyers. Or, en seulement trois mois, la prime d'activité touchait déjà 2 millions de personnes ! Sur l'année 2016, le taux de recours s'annonce bien supérieur à la prévision initiale, si bien qu'un abondement en loi de finances rectificative sera certainement nécessaire.

Madame la ministre, pouvez-vous nous préciser combien il manque pour financer la prime d'activité en 2016 ? Et pensez-vous que la dotation de 4,3 milliards pour 2017 sera suffisante ?

La prime d'activité est allouée aux personnes en activité professionnelle, salariées ou indépendantes, qui gagnent jusqu'à 1,3 SMIC. Le Gouvernement considère donc que gagner le SMIC, soit 1 139 euros nets mensuels, est insuffisant pour vivre convenablement – j'en conviens également – puisque la prime d'activité permet à ces personnes de gagner 158 euros de plus par mois. Dans ces conditions, n'aurait-il pas été préférable de revaloriser le SMIC et ainsi de faire peser ces dépenses nécessaires sur l'employeur plutôt que sur le contribuable ?

Concernant l'allocation adulte handicapé, sa sous-budgétisation est une maladie budgétaire chronique : il manquait 314 millions d'euros en 2015, il semble manquer encore 486 millions en 2016. Combien manquera-t-il en 2017 ?

Le projet de loi de finances pour 2017 envisage également de mettre en oeuvre les premières mesures de la réforme des minima sociaux recommandée dans le rapport de M. Christophe Sirugue, remis au Premier ministre au mois d'avril dernier. L'article 49 du PLF, non rattaché à la mission, modifie les conditions d'accès au RSA : il entend mettre en oeuvre des droits figés pour éviter les indus et rappels, simplifier les conditions d'accès des travailleurs indépendants et permettre aux bénéficiaires de l'allocation temporaire d'attente d'accéder directement au RSA.

Je ne peux qu'approuver ces différentes mesures, mais a-t-on évalué leur coût pour les départements ?

Le coût global du RSA est passé de 5,7 milliards d'euros en 2009 à 9,2 milliards en 2015. Sous l'effet de la persistance de la crise économique, il devrait atteindre 11,7 milliards d'euros pour 2017. Cette augmentation pèse sur les budgets des départements qui se retrouvent parfois dans des conditions financières très difficiles, tandis que la part État ne progresse pas. À l'initiative de M. le Premier ministre, des négociations ont été ouvertes au premier semestre 2016 sur une renationalisation de ce financement, mais elles n'ont pas abouti à cause du refus de l'Association des départements de France. Envisage-t-on de rouvrir ces négociations ?

J'en viens maintenant à la protection juridique des majeurs dont le financement public est presque intégralement porté par l'État – 647 millions d'euros pour 2017 – depuis le transfert des charges de la sécurité sociale l'année dernière. À ma demande, la Cour des comptes a publié un rapport sur la mise en oeuvre de la réforme de 2007. Le constat est sans appel : absence de données statistiques fiables, échec de la priorité donnée aux mesures non juridictionnelles – mesures d'accompagnement personnalisé portées par les départements –, déficit de contrôle des mandataires, et, avant tout, absence de pilotage de cette politique publique.

Près de 800 000 majeurs font l'objet d'une protection juridique ; ils devraient être de plus en plus nombreux dans les années à venir compte tenu de l'allongement de l'espérance de vie. Il semble nécessaire de mettre en oeuvre une politique structurée de protection des majeurs, telle qu'elle existe pour les mineurs.

Quelles suites le Gouvernement entend-il donner aux recommandations de la Cour des comptes ?

Il y aurait encore de nombreux sujets à aborder, notamment des interrogations sur l'aide à la réinsertion des migrants dans leur pays d'origine, qui est un échec, la question d'un éventuel regroupement de l'Agence française de l'adoption et du GIP Enfance en danger, ou encore la mise en place du parcours de sortie de la prostitution, qu'il faut saluer. Mais le temps m'est compté ; mes collègues y reviendront peut-être lors des questions.

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Depuis le début de la législature, le Gouvernement lutte contre la pauvreté et pour l'insertion des jeunes, en suivant un plan pluriannuel établi en 2013 et révisé en 2015. Les résultats sont sensibles : alors que le taux de pauvreté avait augmenté pendant tout le quinquennat précédent, il s'est stabilisé sous l'action de notre majorité. Il pourrait même, suivant le taux de chômage, être en baisse depuis fin 2015.

Le premier objectif du plan a été de soulager les Français les plus en difficulté. Dès 2013, l'allocation de soutien familial a été revalorisée, de même que le complément familial et l'allocation de solidarité aux personnes âgées. Il a également entériné la hausse de 10 % du RSA socle, à raison de 2 % par an.

L'accès à la santé a aussi été amélioré, dans le cadre du plan. Citons la généralisation du tiers payant ou l'accès pour tous à une complémentaire santé.

Ce plan, sans précédent, a également pour objectif de résorber la précarité des jeunes et des actifs. Il a donc étendu la Garantie jeune à l'ensemble du territoire et créé une prime d'activité à destination des ménages modestes, incluant les jeunes actifs.

Ce plan généreux a un coût pour les finances publiques. Le programme 304 de la mission Solidarité, à lui seul, avait réservé en 2016 plus de 4 milliards d'euros au remboursement de la prime d'activité aux caisses d'allocations familiales. Le succès rencontré est tel que les crédits provisionnés devront être relevés de 200 millions d'euros dès cette année.

En revanche, la revalorisation du RSA ne pèsera pas sur le programme 304, son financement par les départements ayant été stabilisé, alors que le nombre d'allocataires a diminué au premier semestre 2016. Le Gouvernement est d'ailleurs disposé à soulager la charge financière des départements, à condition que les allocataires bénéficient davantage de mesures actives et personnalisées d'insertion.

C'est pourquoi nous travaillons à une meilleure prévention des risques d'exclusion, notamment par la création d'un fonds d'appui aux politiques d'insertion des départements, et de conventions d'engagements réciproques entre l'État et ces départements, au travers de l'article 50 du projet de loi de finances.

Si je salue la volonté du Gouvernement d'inciter financièrement les départements à renforcer leurs dispositifs d'insertion, il ne faut pas pour autant faire l'impasse sur ceux qui pourraient ne pas jouer le jeu, au risque de faire progresser les inégalités territoriales.

Des pistes sont aussi envisagées du côté du revenu minimum d'existence ou du revenu universel, proposés dans divers rapports réalisés par mes collègues de l'Assemblée et du Sénat.

À ceux qui ont besoin d'être soutenus tout au long de ce parcours, le plan de lutte contre la pauvreté donne la garantie d'un accompagnement personnalisé. Mais les États généraux du travail social, tenus pendant trois ans à l'invitation du Président de la République, ont rappelé la difficulté de cette tâche et la responsabilité qu'elle fait peser sur les agents auxquels elle est confiée.

Le plan d'action du Gouvernement en faveur du travail social prévoit pour décembre 2016 une généralisation des référents des parcours personnels complexes d'insertion sociale. Ces référents assumeraient la responsabilité d'accompagner les allocataires les plus vulnérables afin qu'ils s'y retrouvent entre les différents services d'insertion, dépendant d'autorités publiques différentes.

Mme la ministre pourrait-elle nous indiquer comment ces référents parviendront à bien assurer cette mission et si la réforme du financement de l'insertion, amorcée par l'article 50 du PLF, garantira cet accompagnement, même à ceux qui ne sont pas allocataires du RSA – les jeunes n'ayant pas encore travaillé, les personnes touchant d'autres minima sociaux que le RSA, etc. ?

Je pense en particulier aux jeunes décrocheurs inactifs qui hésitent à s'engager dans un parcours d'insertion avec une mission locale ou à se soumettre à la discipline scolaire qu'ils ont fuis. Des lieux d'accueil sont financés par l'État depuis 1995 pour les accueillir et les convaincre, en quelques entretiens, d'accepter l'aide des services publics dont ils se sont tenus éloignés. Je me suis penchée sur ces dispositifs à destination de la jeunesse vulnérable dans mon avis budgétaire.

Ces points d'accueil et d'écoute des jeunes (PAEJ) ont perdu, sous la précédente législature, la moitié des crédits budgétaires que leur allouait la mission « Solidarité ». Pourtant, ils continuent à démontrer une certaine efficacité tout en restant des structures légères, souples et économes. Là où ils sont implantés, les PAEJ sont des lieux d'accueil généralistes et des portes d'entrée, le cas échéant, sur les accompagnements plus spécifiques qui peuvent être proposés. Ils sont, à ce titre, utiles.

Mme la ministre peut-elle nous confirmer que ces PAEJ, dont le cahier des charges est en cours de révision, trouveront leur place dans le service public régional de l'orientation même s'ils ne sont pas explicitement cités par le projet de loi égalité citoyenneté, tout en conservant leur spécificité d'un accueil généraliste et transversal ?

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Parmi les quatre programmes composant la mission, le programme « Handicap et dépendance » concentre à lui seul presque 60 % des dépenses : les crédits proposés pour 2017 au titre de ce programme s'élèvent à 10,6 milliards d'euros. Cette baisse apparente s'explique par la mise en oeuvre de deux réformes adoptées dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 : d'une part, à compter de 2017, les dépenses liées à la dotation globale de fonctionnement des établissements et services d'aide par le travail (ESAT), soit 1,4 milliard d'euros, seront respectivement assumées par l'assurance maladie ; d'autre part, la participation de l'État au fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) sera prise en charge par la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) pour un montant de 56 millions d'euros.

Ainsi, dans les faits, le montant des crédits du programme progresse de 458 millions d'euros, soit une augmentation de 4,32 %.

Dans le cadre du présent projet de loi de finances, je me félicite que les crédits consacrés au handicap et à la dépendance soient confortés, notamment afin de financer le dynamisme des dépenses liées à l'allocation aux adultes handicapés. Cependant, au vu de l'augmentation des dépenses constatées sur les huit premiers mois de 2016, je crains que cette hausse de 427 millions d'euros, soit 5,2 % de l'enveloppe, ne permette de faire face à l'augmentation du nombre de bénéficiaires.

Les crédits d'intervention du programme sont largement reconduits par rapport à ceux ouverts par la loi de finances pour l'année 2016. Il est cependant mis en place une enveloppe de 5 millions d'euros, destinée à amorcer le financement de projets d'emploi accompagné, sur lesquels je reviendrai.

Dans mon rapport pour avis, j'ai choisi de détailler l'accompagnement des personnes handicapées dans leur parcours de formation et leur insertion dans l'emploi.

Le droit à l'emploi des personnes handicapées, particulièrement dans le secteur ordinaire, est désormais un principe reconnu au niveau international et européen. En France, sa mise en oeuvre a longtemps reposé essentiellement sur l'interdiction des discriminations à l'embauche et l'obligation d'emploi. Celle-ci enjoint les entreprises comme les administrations d'embaucher 6 % de travailleurs handicapés ou de verser une indemnité différentielle à un fonds chargé de financer des actions d'insertion : l'AGEFIPH pour le secteur privé ou le FIPHFP pour le secteur public.

La loi du 11 février 2005 a voulu un changement de paradigme, en ouvrant les institutions spécialisées et en posant le principe de la détermination par la personne handicapée de son projet de vie. Cependant, malgré les efforts déployés, les dispositifs existants restent cloisonnés, voire lents et inefficients. Cela est source de ruptures des parcours vers l'insertion professionnelle, de découragements, voire de désespérances.

Le principe de la scolarisation des enfants et étudiants porteurs d'un handicap en milieu ordinaire, posé en 2005, a permis le doublement de leur nombre en dix ans ; on peut s'en réjouir. Mais il a fait naître de légitimes attentes d'insertion auxquels les dispositifs existants n'apportent pas toujours une réponse adaptée.

Alors qu'ils sont un public prioritaire, les travailleurs porteurs de handicap profitent peu des dispositifs mis en place en matière de formation professionnelle. Ainsi, l'abondement du compte personnel de formation n'a concerné que 250 personnes en situation de handicap en 2015. Aussi les travailleurs handicapés restent-ils peu formés : ils sont plus de la moitié à être sans diplôme ou titulaires du seul brevet des collèges. Ils sont donc souvent loin de l'emploi : 18 % des personnes disposant d'une reconnaissance administrative du handicap sont au chômage.

Par ailleurs, on assiste à l'essoufflement du modèle de l'obligation d'emploi. Les travailleurs porteurs de handicap représentent près de 3,6 % des effectifs dans le secteur privé et 4,6 % dans le secteur public. Mais les fonds chargés de financer ce dispositif sont confrontés à un « effet des ciseaux » : moins de recettes, car plus d'entreprises respectent leur obligation d'emploi, grâce à la multiplication des dispositifs d'équivalence et des accords d'entreprise ; mais toujours plus de demandes d'aides à l'insertion et à l'adaptation des postes de travail.

D'autre part, les délais d'intervention des institutions spécialisées – notamment des MDPH et des Cap Emploi – restent trop longs, et la mise en place des solutions proposées trop éloignée.

Cependant, un virage a été pris depuis quelques années, qu'il conviendrait d'amplifier. Celui-ci conduit à repenser la politique publique de formation et d'accès à l'emploi des personnes en situation de handicap comme un parcours accompagné autour de la personne, en lieu et place de dispositifs cloisonnés et distincts. Le rapport remis par Denis Piveteau en 2014, « Zéro sans solution », et le rapport élaboré par notre collègue Annie Le Houerou ont lancé des pistes.

Seuls 9 % des travailleurs des ESAT ont pu bénéficier d'une expérience dans le milieu ordinaire. Aussi notre collègue Annie Le Houerou a-t-elle recommandé d'ouvrir les ESAT sur le milieu ordinaire de travail. Cela devrait passer par une plus grande utilisation des dispositifs existants.

Les Cap Emploi, structures agréées faisant partie du service public de l'emploi, ne prennent en charge qu'un tiers des demandeurs d'emploi. Dès l'année prochaine, afin de permettre un véritable suivi du parcours vers et dans l'emploi, ils vont voir leurs missions élargies : ils assureront systématiquement les services d'appui au maintien dans l'emploi des travailleurs handicapés.

J'en viens à quelques questions.

La première porte sur le dispositif d'emploi accompagné. Mesdames les ministres, pourriez-vous nous donner des informations sur l'avancée des travaux de rédaction du décret relatif à l'emploi accompagné, ainsi que sur l'association des partenaires sociaux et des associations à sa préparation ?

Afin de leur permettre de financer la sécurisation des campus, les universités ont été exonérées de verser en 2017 les 29 millions de contribution au FIPHFP correspondant au non-respect de leur obligation d'emploi. Les associations et le monde du handicap l'ont très mal pris. Le financement des politiques prioritaires ne pourrait-il pas être trouvé sans rogner sur les ressources affectées au handicap et à l'autonomie ?

Enfin, j'aurai une question pour Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Quelles actions le Gouvernement envisage-t-il de mener pour favoriser la formation à la bientraitance de nos aînés ?

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Laurence Rossignol, ministre des familles, de l'enfance et des droits des femmes

Madame Luce Pane, vous m'avez interrogée sur les points d'accueil et d'écoute des jeunes (PAEJ). Je partage votre opinion : ce sont des leviers importants pour atteindre les jeunes les plus vulnérables et les accompagner dans leur parcours d'insertion. C'est pourquoi le Gouvernement souhaite les soutenir, tant sur le plan financier que dans leur structuration.

Pour pérenniser les PAEJ, leurs crédits ont été transférés sur l'action 17 du programme 304 en 2015. Le but de ce transfert est de sécuriser les financements en stoppant leur érosion. Il s'est ainsi accompagné d'une stabilisation des crédits : 5,36 millions d'euros en PLF 2016 comme en 2017

En septembre 2016, la convention pluriannuelle d'objectifs (CPO) a été renouvelée pour la période 2016-2018 pour assurer la permanence des financements sur la période et accroître la lisibilité des PAEJ.

Dans le même temps, comme vous le soulignez, la refonte de leur cahier des charges a été engagée. Elle devrait être finalisée en décembre prochain. L'objectif est d'assurer une meilleure gouvernance de ces structures et de renforcer leur articulation avec l'offre existante sur les territoires que sont les maisons des adolescents (MDA), dont le cahier des charges est également en train d'être refondu, ou encore les centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP). Il s'agit de conserver la souplesse des PAEJ, de renforcer leurs spécificités territoriales ainsi que leur accueil généraliste.

Autre preuve de l'intérêt que le Gouvernement porte à ces structures : une convention avec l'État – ministères de l'intérieur et des familles notamment – vient d'être conclue avec l'Association nationale des PAEJ (ANPAEJ) sur la prévention de la radicalisation. Elle permettra de renforcer la visibilité des PAEJ, en particulier auprès des cellules de suivi mises en place dans les préfectures.

Ces structures s'inscrivent dans la politique globale que mène le Gouvernement en faveur des jeunes, plus particulièrement des plus vulnérables.

Dans le secteur de la protection de l'enfance dont j'ai la charge, la loi du 14 mars 2016 a mis en place une série de mesures qui visent à mieux accompagner les jeunes presque majeurs ou émancipés sortant des dispositifs d'aide sociale à l'enfance (ASE). Ces jeunes sont particulièrement vulnérables car ils se retrouvent parfois trop soudainement lâchés dans la nature, sans soutien familial ou financier.

Avec la réforme de la protection de l'enfance, un entretien est désormais obligatoirement organisé un an avant la majorité des jeunes, afin de préparer leur projet d'autonomie. Par ailleurs, la mesure d'accompagnement peut se poursuivre après la majorité pour leur permettre de terminer l'année scolaire ou universitaire engagée. J'ai aussi souhaité que ces jeunes, lorsqu'ils ont été confiés à l'ASE, puissent bénéficier d'un pécule à leur sortie du dispositif, qui est constitué de la consignation de l'ARS durant leur placement – il ne pèse donc pas sur les dépenses des départements. Enfin, une circulaire est en cours de rédaction pour mobiliser les services de l'État dans l'accompagnement de ces jeunes.

Ainsi, les PAEJ s'inscrivent dans cette politique plus large de soutien aux jeunes vulnérables.

Je saisis l'opportunité de cette audition pour exposer un certain nombre d'autres sujets qui me tiennent à coeur.

Je commence par souligner que le budget qui vous est présenté, pour ce projet de loi de finances, prévoit une hausse de 8 % du programme budgétaire 137, dédié à l'égalité entre les femmes et les hommes. Cette nouvelle hausse s'inscrit dans la dynamique engagée il y a plus de quatre ans maintenant : sur toute la durée du quinquennat, les crédits du fameux 137 ont augmenté de près de 50 %, ce dont nous pouvons nous féliciter.

Dans le même temps, les crédits de l'action 17 du programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes » ont été maintenus, alors même que nous nous trouvions dans un contexte de réduction des dépenses budgétaires. Je suis fière de la politique que nous menons, tout à la fois responsable financièrement et juste socialement. Ces actions me semblent d'autant plus justes qu'elles sont à destination de populations qui sont trop souvent invisibles, absentes des « écrans radar », voire rendues invisibles par la société.

J'en viens aux droits des femmes et à la politique familiale.

Je sais qu'un sujet tient particulièrement à coeur à Mme Coutelle, présidente de la Délégation aux droits des femmes : la transversalité du budget des droits des femmes. Le budget des droits des femmes ne relève pas, en effet, du seul programme 137 : le document de politique transversal nous permet de l'évaluer à 310 millions d'euros.

Il nous faudra aller vers une meilleure identification des dépenses publiques en direction des femmes et des hommes dans nos politiques budgétaires : en clair, nous devrons nous orienter vers des budgets « genrés », qui permettront de savoir si un dispositif ou une dépense profite de manière équitable aux femmes et aux hommes ou davantage aux uns ou aux autres en cas de politique généraliste et non pas de politique spécifique.

Autre sujet : les femmes victimes du système prostitutionnel.

Le dispositif du parcours de sortie instauré par la loi du 6 avril 2016 sera opérationnel dès janvier prochain. Pour 2017, le budget dédié au parcours de sortie a presque triplé et s'élève désormais à 6,6 millions d'euros, auxquels s'ajouteront les recettes provenant de la confiscation des biens et produits des proxénètes et réseaux de traite des êtres humains. Il nous permettra de financer, à la fois, l'aide à l'insertion sociale professionnelle (AFIS) versée aux bénéficiaires du parcours de sortie, ainsi que les subventions aux associations qui accompagnent les personnes prostituées, mais également leur parcours de sortie.

La question de la prostitution a vocation à intégrer le cinquième plan de lutte contre les violences faites aux femmes. Ce plan sera notamment financé par le programme 137, tant pour les actions de soutien, de prise en charge, que pour les actions de prévention. En 2017, ce seront plus de 9 millions qui seront consacrés à ce cinquième plan, soit 1 million de plus qu'en 2016.

Autre chantier sur lequel le programme 137 est mobilisé : l'égalité professionnelle.

À l'occasion de la quatrième édition de la semaine de l'égalité professionnelle, nous avons lancé le premier plan interministériel en faveur de l'égalité professionnelle. Ce plan rassemble toutes les mesures qui contribuent à faire progresser l'égalité entre les femmes et les hommes dans le milieu professionnel, public et privé, qu'elles passent par la lutte contre les stéréotypes, l'accompagnement du dialogue social et la mise en oeuvre de la loi, l'insertion professionnelle ou encore la lutte contre les discriminations et les violences au sein des entreprises.

Toutes ces actions s'articulent autour du fil conducteur de mon ministère : la lutte contre le sexisme. La campagne que j'ai lancée, « Sexisme, pas notre genre ! », nous permet de mettre en lumière la dimension systémique des discriminations et des violences subies par les femmes.

Dans le contexte économique difficile que nous connaissons, nous devons développer des initiatives innovantes, efficaces et pas toujours onéreuses pour les finances publiques. C'est en s'appuyant sur les initiatives locales portées par des associations ou la société civile que l'action publique pourra se renouveler et être repensée. Une action publique qui sera démocratique en impliquant chaque citoyenne et chaque citoyen.

Ainsi, une très large majorité des crédits du programme 137 bénéficie directement aux associations. Elles sont les chevilles ouvrières de la politique en faveur des droits des femmes dans les territoires. Depuis 2012, plus d'une dizaine de conventions pluriannuelles d'objectifs ont été signées entre l'État et de grandes associations, permettant ainsi de mieux sécuriser leur activité. En effet, le passage aux conventions pluriannuelles d'objectifs est extrêmement rassurant pour les associations, aussi bien les têtes de réseaux que les associations locales, dans la mesure où il garantit une visibilité sur leurs engagements à venir.

De la même façon, j'ai particulièrement oeuvré en faveur du maintien, et du dégel, des subventions accordées aux associations dans le cadre du programme 304.

Un mot maintenant sur les réseaux d'entraide et le soutien à la parentalité.

Le réseau d'entraide aux familles monoparentales, Parents solos et compagnie, est une parfaite illustration des politiques innovantes que les pouvoirs publics peuvent mener avec les associations. Ce réseau permet aux familles monoparentales de construire du lien et de dégager du temps pour elles-mêmes. L'objectif est de mailler le territoire national en 2017 : cela sera possible grâce à la bonne implantation de certaines associations telles que les centres sociaux et les UDAF.

L'action 17 du programme 304 a largement financé le réseau d'entraide : 230 000 euros en 2015 et 55 000 euros en 2016 – sommes extrêmement raisonnables, vous le voyez. Bien que les modes de financement se diversifient, le réseau aura encore besoin des crédits du programme 304 en 2017 pour asseoir son installation.

Le soutien à la parentalité est un levier de la politique familiale auquel je suis très attachée. Au-delà du réseau « Parents solos », plusieurs associations de soutien à la parentalité sont subventionnées par le programme 304. Parmi les associations financées par l'action 17 du programme 304 se trouvent aussi celles qui oeuvrent à la prévention de la radicalisation et à l'accompagnement des familles dont un ou plusieurs enfants sont radicalisés ou en cours de radicalisation.

Autre public trop souvent oublié des politiques publiques : les enfants, notamment ceux de la protection de l'enfance.

J'ai annoncé mon ambition de vouloir sortir la protection de l'enfance de l'angle mort des politiques publiques. C'est ce que nous avons fait avec la feuille de route de la protection de l'enfance 2015-2017 et la loi relative à la protection de l'enfant du 14 mars 2016.

Comme vous le savez, la protection de l'enfance est une compétence décentralisée, confiée aux départements. Néanmoins, nous avons réussi à conduire une réforme ambitieuse sans entraîner de dépenses supplémentaires pour l'État ou pour les collectivités, grâce à l'évolution des pratiques et des philosophies des différentes structures impliquées.

Toujours dans ce domaine de la protection de l'enfance, je souhaiterais aborder avec vous un point développé dans le projet annuel de performance (PAP) : le rapprochement des groupements d'intérêt public Enfance en danger (GIPED) et de l'Agence française de l'adoption (AFA). Ces deux GIP, qui sont en partie financés par l'action 17 du programme 304, ont un même objet : la recherche du meilleur intérêt de l'enfant.

Depuis début 2016, le rapprochement GIPED-AFA est en phase de préfiguration. Nous souhaitions le mener à terme avant la fin du quinquennat. Cela ne sera pas le cas : un tel regroupement nécessite plus de temps que nous l'avions initialement envisagé, notamment pour sécuriser la procédure des accréditations pour les adoptions internationales. Celle-ci a suscité de vives inquiétudes, qui ont été relayées largement sur vos bancs. Il ne semblait pas possible d'avoir un débat apaisé sur le sujet, susceptible de répondre aux inquiétudes des familles adoptantes. Par ailleurs, nous n'avons pas trouvé de véhicule législatif satisfaisant.

Ce regroupement a pourtant été recommandé par les inspections des affaires sociales et des affaires étrangères. Dès 2014, un rapport de la Cour des comptes pointait la situation difficile de l'AFA qui, dans un contexte de baisse constante des adoptions internationales, n'a assuré que 200 adoptions sur les 815 adoptions internationales en 2015 – les autres étant assurées par des structures de droit privé. Face à ces constats, le projet de rapprochement reste nécessaire, notamment pour répondre à l'objectif de créer un opérateur unique pour la protection de l'enfance. Il semble en outre y avoir un consensus sur le bien-fondé du projet parmi tous ceux qui maîtrisent le dossier.

Nous souhaitons donc poursuivre la préfiguration du projet, mais en envisageant cette fois différents modes de coopération possibles entre les deux structures, sans en modifier la nature juridique – pour nous mettre à l'abri des éventuelles conséquences de leur rapprochement sur les différences procédures d'adoption déjà en cours.

Le dernier aspect sur lequel je souhaiterais revenir brièvement est la participation de l'Etat à la prise en charge des mineurs non accompagnés (MNA). Comme vous le savez, l'action 17 du programme 304 finance le remboursement, aux départements de l'évaluation, des MNA. Ces remboursements ont sensiblement augmenté ces trois dernières années, et j'ai personnellement veillé à ce que les départements soient remboursés plus rapidement qu'ils ne l'étaient.

Au-delà de la question de l'évaluation, et bien que la protection de l'enfance relève de la compétence départementale, la solidarité nationale doit jouer face à ses situations qui sortent de l'ordinaire, comme celle que nous avons connues à Calais. C'est pourquoi la mise à l'abri des mineurs de Calais a été entièrement effectuée à la charge de l'État. Plusieurs centaines devraient rejoindre le Royaume-Uni. Ceux qui resteront seront intégrés dans le système de droit commun, selon des modalités en cours de définition avec les départements – avec lesquels la discussion est ouverte depuis la réunion organisée la semaine dernière par le Premier ministre avec les ministres concernés.

Des droits de l'enfant aux droits des femmes, le Gouvernement veille au respect des valeurs et des principes de la République de solidarité et d'égalité des chances sur l'ensemble du territoire.

Je vous remercie en regrettant d'être amenée à vous quitter dans une dizaine de minutes pour rejoindre le conseil des ministres.

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Ségolène Neuville, secrétaire d'état chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion

Je remercie l'ensemble des rapporteurs pour leurs interventions, et je vais m'efforcer de répondre à leurs premières questions.

Le Gouvernement fait de la solidarité une priorité, et l'examen des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » en est la preuve. Ces crédits connaissent en effet, à périmètre constant, une augmentation dynamique de 4 %, qui résulte, entre autres, du succès rencontré par la prime d'activité et de son élargissement à de nouveaux publics.

Cette évolution traduit la volonté du Gouvernement de défendre les dépenses de solidarité dans un contexte économique difficile pour les plus vulnérables.

Cette volonté se traduit notamment par la mise en place d'un nouveau Fonds d'appui aux politiques d'insertion, qui sera doté de 50 millions d'euros en 2017, afin d'encourager les départements à renforcer leurs politiques d'insertion.

Je voudrais tout d'abord répondre à certaines des interrogations de M. le rapporteur spécial de la commission des finances, M. Charroux. Je reviendrai ensuite, plus loin dans mon propos, sur ses préoccupations concernant les crédits relevant directement de la mission.

S'agissant de la première étape de la réforme des minima sociaux, nous avons souhaité agir vite, dans la continuité du rapport de M. Christophe Sirugue. Plusieurs mesures figurent à l'article 49 de ce projet de loi de finances, certaines figurent dans le PLFSS, d'autres sont de nature réglementaire.

Notre volonté est de mettre rapidement en oeuvre ces mesures destinées à améliorer la vie des Français les plus modestes. La plupart d'entre elles seront mises en oeuvre au 1er janvier ou au cours du premier trimestre 2017 ; deux le seront au 1er septembre.

Je rappelle que notre action est structurée en quatre orientations : simplifier l'accès aux prestations et lutter contre le non-recours ; mieux articuler les minima sociaux et la reprise d'activité ; mieux accompagner les personnes handicapées ; relancer les politiques d'insertion.

Le coût de ces mesures, monsieur le rapporteur spécial, est limité pour les départements : l'évaluation préalable jointe au projet de loi de finances détaille ces impacts. Ils s'élèveront à 28 millions d'euros de dépenses supplémentaires pour l'ensemble des départements en 2017.

Vous évoquez par ailleurs la question de la renationalisation du RSA. Je rappelle que l'État a proposé de reprendre à sa charge ce financement. Cela aurait représenté un effort de 700 millions d'euros. L'Assemblée des départements de France (ADF) n'a pas souhaité donner suite à cette proposition. Nous regrettons cette position, mais nous prenons nos responsabilités, notamment en soutenant les départements rencontrant des difficultés.

Je me propose à présent de présenter plus spécifiquement les programmes qui relèvent de mon portefeuille en répondant aux questions des rapporteurs pour avis.

Les crédits du programme 304 « Lutte contre la pauvreté, inclusion sociale et protection des personnes » s'élèvent à 5,709 milliards d'euros en 2017, soit une augmentation de près de 7 % à périmètre constant.

Madame la rapporteure pour avis Luce Pane, je vous remercie d'avoir souligné la constance de l'engagement du Gouvernement en faveur de l'inclusion sociale et de la protection des personnes. Selon l'INSEE, le taux de pauvreté monétaire est resté stable en 2014 : 14,1 %, contre 14,0 % en 2013 et 14,3 % en 2012. Il avait connu une augmentation constante depuis le début des années 2000, et plus particulièrement depuis 2008, date à laquelle il a atteint 13 %, avec un pic de 14 % en 2012.

En revanche, les inégalités ont reculé depuis 2012. En 2013, l'augmentation du coefficient de Gini – qui mesure les inégalités – constatée entre 2008 et 2011 a été proprement « effacée », selon l'INSEE.

Néanmoins, on ne peut se satisfaire de ces chiffres : le taux de pauvreté est encore beaucoup trop élevé, et nous devons bien sûr poursuivre tous nos efforts. À ce propos, je dois vous préciser que les derniers chiffres dont nous disposons remontent à 2014 – il y a deux ans de décalage. Ainsi, les effets de la prime d'activité qui a été mise en place en janvier 2016, et qui a déjà bénéficié à 3,7 millions de foyers, n'ont pas encore été pris en compte dans les mesures du taux de pauvreté.

J'en viens aux préoccupations que vous avez exprimées sur le financement de la prime. D'ores et déjà, il faut se réjouir de son succès. Ce succès reflète la simplicité du dispositif, que nous avons voulue, pour permettre à chacun d'accéder à la prime.

Ce dispositif est entièrement nouveau. Nous ajustons nos prévisions compte tenu des réalisations que nous constatons mois après mois, et nous allons naturellement ajuster les crédits ouverts au titre de 2016.

Je tiens à préciser que les projections sont difficiles. 3,7 millions de foyers sont bénéficiaires. Mais ce chiffre représente le total de ceux qui ont touché la prime d'activité pendant au moins un mois ; du coup, sont comptabilisés les gens qui entrent dans le dispositif, mais également ceux qui en sortent. Les prévisions ne sont donc pas aises. Sans compter l'apparition de nouveaux publics : depuis le mois de juillet, ceux qui peuvent cumuler la prime d'activité avec l'allocation adulte handicapé ; et à partir du mois d'octobre, ceux qui pourront cumuler la prime avec une rente d'invalidité. Pour l'instant, il est donc difficile de comptabiliser tout le monde.

J'en profite pour répondre à votre question sur le SMIC et la prime d'activité. Pourquoi ne pas avoir plutôt augmenté le SMIC ? Si tel avait été le cas, les travailleurs non salariés n'auraient pas bénéficié de cette augmentation ; et de fait, la prime d'activité a rencontré un vrai succès chez les agriculteurs. Un relèvement du SMIC n'aurait donc pas eu le même impact.

Vous avez ensuite appelé mon attention sur le risque de creusement des inégalités territoriales que pourrait comporter la mise en place d'un fonds d'appui aux politiques d'insertion, réservé aux seuls départements qui acceptent de contractualiser avec l'État.

Revenons sur la situation actuelle, qui est précisément caractérisée par de fortes disparités entre départements : les dépenses d'insertion représentent entre 1 % et 33 % des dépenses d'allocation selon les départements. Ces disparités ne sont pas nécessairement liées à la situation financière ou même sociale des territoires, mais à des choix politiques opérés au détriment des personnes concernées. Notre objectif est donc précisément de s'attaquer à la question des inégalités territoriales, en encourageant les départements à renforcer leurs politiques d'insertion.

Comme vous le soulignez, les départements qui ne seraient pas volontaires pour contractualiser avec l'État ne pourront pas émarger au nouveau Fonds d'appui aux politiques d'insertion. En revanche, ils conserveront leurs droits au Fonds de mobilisation départementale pour l'insertion (FMDI), dont les critères seront redéfinis afin de mieux tenir compte des besoins sociaux, des efforts des départements en matière de contrats aidés, mais aussi de leur niveau de dépenses contraintes – c'est-à-dire de dépenses pour les allocations individuelles de solidarité.

La réforme que nous proposons vise donc à mieux répartir les financements actuels au regard des besoins, et à en octroyer de nouveaux aux départements qui s'engagent à définir leurs politiques d'insertion en cohérence avec les priorités nationales.

Je tiens au passage à souligner que le cadre contractuel que nous proposons est tout à la fois très souple puisque les priorités nationales à mettre en oeuvre et les priorités locales seront définies au niveau de chaque département, en dialogue avec le préfet, et très ouvert en raison de l'absence de critère d'éligibilité a priori. Il devrait donc inciter une grande majorité des départements à s'yengager, à moins qu'ils ne veuillent pénaliser leur propre territoire.

Vous m'interrogez également, madame la rapporteure pour avis, sur la mise en place des référents de parcours.

La mise en place de référents de parcours, qui s'inscrit dans le plan d'action en faveur du travail social, en est au stade de l'expérimentation. Celle-ci, qui vient juste de débuter dans quatre départements et durera un an, vise précisément à définir les conditions de mise en place d'un accompagnement global pour les personnes dont la situation est dite « complexe » – sachant que c'est souvent l'environnement administratif et institutionnel des personnes qui est complexe, plutôt que leur situation personnelle.

L'évaluation devra permettre de préciser les compétences requises pour exercer cette fonction, mais aussi les modalités de désignation du référent de parcours. À ce stade, je ne peux donc pas répondre précisément à votre question sur le profil des personnes qui pourront bénéficier d'un référent de parcours, d'autant qu'il reviendra aux acteurs de l'accompagnement de le définir dans le cadre de cette expérimentation.

Je souhaite toutefois que le dispositif ne soit pas réservé aux seuls bénéficiaires du RSA, dans la mesure où les politiques d'insertion ont pleinement vocation à agir à titre préventif, en amont des difficultés, à renforcer la cohésion sociale et les solidarités au-delà des seules problématiques sociales. C'est en tout cas la vision que je défends et que je porterai dans le cadre de la relance des politiques d'insertion.

Les multiples expérimentations que nous menons actuellement pour améliorer l'accompagnement des personnes vont permettre de moderniser progressivement les modalités d'intervention sociale auprès des personnes en difficulté : le coffre-fort numérique ; le simulateur des droits, pour mieux informer les personnes sur leurs droits, y compris au niveau local ; le guide du premier accueil social de proximité. Par ailleurs, la Fondation pour l'Investissement Social et le Développement Humain que je lancerai prochainement vise à soutenir des projets sociaux innovants adossés à des projets de recherche universitaires, afin de faire la preuve de leur efficacité sur la base d'évaluations scientifiques rigoureuses.

Le programme 157 « Handicap et dépendance » a quant à lui pour objectif de permettre aux personnes handicapées et aux personnes âgées en perte d'autonomie de choisir librement leur mode de vie.

Cela passe notamment par deux axes forts de la politique gouvernementale qui sont au coeur du programme 157 : soutenir les revenus des personnes handicapées et favoriser leur insertion professionnelle, notamment en milieu ordinaire du travail – vous y avez insisté, madame la rapporteure pour avis Kheira Bouziane. Les crédits de ce programme s'élèvent à 10 611 millions d'euros pour 2017. À périmètre constant, ils progressent de 450 millions d'euros, soit une hausse de 4,4 %. Cette augmentation permet en particulier de financer à hauteur de 5 millions d'euros le nouveau dispositif de l'emploi accompagné, conformément à l'engagement du Président de la République lors de la Conférence nationale du handicap (CNH) du 19 mai dernier.

Pourquoi ai-je indiqué « à périmètre constant » ?

La baisse apparente de 9,4 % par rapport à l'année dernière ne fait que traduire des mesures de périmètre, motivées par notre volonté de renforcer la qualité des dispositifs à destination des personnes en situation de handicap. Elle résulte en effet du transfert vers 1'assurance maladie de la dotation globale de fonctionnement des établissements et services par le travail (ESAT), et du transfert vers la CNSA des moyens de fonctionnement versés aux maisons départementales des personnes handicapées (MDPH).

Pour les ESAT, 1 484 millions d'euros vont être inscrits au budget de la CNSA, soit une légère progression de 7 millions d'euros par rapport à l'année précédente, similaire à celle observée entre 2015 et 2016. Grâce à leur transfert vers les crédits de l'assurance maladie, les ESAT pourront désormais bénéficier du Plan d'aide à l'investissement médico-social qui s'élèvera à 50 millions d'euros en 2017 suite à l'abondement exceptionnel annoncé lors de la dernière CNH. Les ESAT font partie des établissements médico-sociaux qui ont le moins bénéficié d'efforts de rénovation, et il est donc important qu'ils puissent bénéficier de ce plan d'investissement au même titre que les autres.

Madame la rapporteure Bouziane, vous avez insisté sur la nécessité d'ouvrir les ESAT sur le milieu ordinaire de travail ; je vous rejoins entièrement sur ce point. Faire entrer les ESAT dans le droit commun des établissements médico-sociaux permet justement de les intégrer dans le mouvement de transformation de l'offre médico-sociale pilotée par les agences régionales de santé (ARS) pour mettre en place une offre plus inclusive, ouverte sur le milieu ordinaire et centrée sur les personnes, sur leur parcours et non sur les places. À ce titre, le fléchage de 750 000 euros au sein du budget des ESAT – comme l'année dernière d'ailleurs – sur les projets d'évolution professionnelle vers le milieu ordinaire illustre la volonté du Gouvernement d'ouvrir les ESAT vers le milieu ordinaire de travail.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 avait déjà permis de développer les mises en situation professionnelle en ESAT (MISPE), et la loi travail a étendu aux travailleurs de ces établissements la possibilité d'ouvrir un compte personnel de formation (CPF) de droit commun comme n'importe quel travailleur. Ils peuvent désormais, comme tout un chacun, acquérir des droits personnels capitalisables pendant la durée de leur contrat de soutien et d'aide par le travail. Les ESAT sont de ce fait assujettis à une contribution obligatoire versée à un OPCA. L'aide au poste, que l'État continuera à verser aux ESAT, et dont le budget global s'élève à 1 288,5 millions d'euros en 2017, permettra de compenser aux ESAT cette contribution.

Notre engagement pour l'emploi ne s'arrête pas là. Il est renforcé par la création d'un nouveau dispositif de l'emploi accompagné, qui a été créé par la loi travail et qui est doté d'un budget de 5 millions d'euros, au titre de l'action 13 du programme 157.

Ce dispositif a pour but d'apporter une réponse aux personnes qui ont un projet d'insertion en milieu ordinaire de travail, mais qui nécessitent néanmoins un accompagnement médico-social du binôme employeur-employé.

Le projet de décret en cours de préparation a été adopté à l'unanimité moins trois abstentions au Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) et à l'unanimité au Conseil national de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelle (CNEFOP). Je me félicite que cette innovation voulue par le Président de la République ait pu, après une concertation approfondie avec l'ensemble des partenaires, recueillir un tel soutien de l'ensemble des partenaires, et je crois que je réponds en cela à votre question. Ce décret prévoit en outre que le Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) et l'Association pour la gestion du fonds pour l'insertion des personnes handicapées (AGEFIPH) participent au financement du dispositif aux côtés de l'État.

Car c'est bien à cela que doivent servir ces fonds : soutenir l'emploi. Et c'est à cela qu'ils ont très largement servis depuis que nous sommes au Gouvernement : en attestent les progrès constants du pourcentage de travailleurs handicapés dans le secteur privé et dans le secteur public, même si c'est encore insuffisant. Par exemple, en 2012, le FIPHP réalisait 127 millions de dépenses d'interventions ; en 2016, ces dépenses devraient être de 172 millions. Elles ont donc bien augmenté.

Au titre de la sécurisation des universités, il a été décidé de reconduire en 2016 les mesures d'exonération déjà pratiquées en 2015. Ce sont ainsi 12,7 millions qui ne seront pas versés au FIPHFP – et non 29 millions. Les universités devaient 19 millions. L'exonération est au taux de 66 %. C'est donc une perte de 12,7 millions d'euros pour le FIPHFP.

Pour conclure sur ce point, je voudrais, au-delà de cet événement précis, souligner avec vous que le modèle de financement du FIPHFP, comme de l'AGEFIPH d'ailleurs, arrive sans doute à son terme puisque les recettes tirées des amendes pour non-respect de la loi baissent, et c'est heureux, alors que les besoins et donc les dépenses augmentent. Le vrai sujet est là : il nous faudra inventer un nouveau modèle de financement. Je souhaite évidemment que nous puissions initier une réflexion sur le sujet.

Vous m'avez questionnée sur le secteur adapté, en regrettant que le PLF ne prévoie pas de nouvelle création de postes. Je vous répondrai qu'entre 2012 et 2016, nous avons créé 3 000 postes nouveaux, et que cet effort est unique. Il y a donc actuellement 22 536 postes en entreprise adaptés. J'ajouterai qu'avant-hier, un amendement parlementaire a modifié le PLF et prévoit de créer 500 postes supplémentaires pour 2017, et ce avec le soutien total du Gouvernement.

Pour ce qui est de la médecine du travail, on peut effectivement considérer, madame la rapporteure pour avis, qu'il y a un lien entre la survenue de handicaps au travail, et la médecine du travail tout au long de la vie. Je partage avec vous la conviction que la médecine du travail est nécessaire pour favoriser l'accès et le maintien des travailleurs handicapés dans l'emploi.

Pour autant, je ne crois pas que le déficit de médecins du travail trouve son explication dans une limitation des postes offerts aux internes, argument qui est parfois avancé. De fait, en 2015, 104 postes ont été pourvus sur 194 offerts, et en 2016, 72 sur 157, soit moins de la moitié. Ce métier a un problème d'attractivité, qui nécessite de prendre un ensemble cohérent de mesures pour trouver les voies et moyens de recruter davantage de médecins du travail. Les mesures mises en oeuvre par les lois récentes, à la suite du rapport de votre collègue Michel Issindou, devraient permettre de répondre à cet enjeu crucial pour la santé.

Pour conclure, je pense vous avoir démontré que notre engagement en faveur de l'emploi des travailleurs handicapés n'a jamais été aussi profond.

Un autre axe fort de la politique gouvernementale est de soutenir les ressources des personnes en situation de handicap, notamment via l'aide au poste en ESAT que j'ai déjà évoquée, et via l'allocation aux adultes handicapés (AAH).

Depuis 2008, l'évolution du nombre de bénéficiaires est notable. Elle résulte de plusieurs effets : l'impact de la crise économique, le vieillissement des premières générations du baby-boom, et le décalage de l'âge légal de départ à la retraite du fait de la réforme des retraites de 2010, estimé à 440 millions.

Pour 2017, le budget de l'AAH s'élève à 9 052 millions d'euros. J'entends les préoccupations de votre rapporteur spécial, M. Charroux, sur le caractère suffisant, ou pas, de ces crédits. Je voudrais tout de même souligner que l'augmentation des crédits que nous proposons par rapport au PLF pour 2016, soit 400 millions d'euros, est la plus forte depuis le début de ce quinquennat. Elle est même plus forte que les augmentations constatées sur les dépenses effectives entre chaque exercice. C'est là-dessus que nous nous sommes basés pour réaliser notre évaluation.

Pour encourager l'engagement des bénéficiaires des différentes allocations relatives au handicap dans un parcours professionnel, l'accès à la prime d'activité des travailleurs handicapés ou invalides a été facilité en 2016. Les allocations perçues – AAH, pensions d'invalidité, rentes pour accidents du travail et maladies professionnelles – sont désormais assimilées à des revenus d'activité dès lors que le salaire du travailleur est supérieur ou égal à 0,25 SMIC net. Ainsi, 54 000 foyers comptant un bénéficiaire de l'AAH auront reçu, chaque mois, la prime d'activité.

Par ailleurs, plusieurs mesures du rapport de M. Christophe Sirugue concernant l'AAH seront mises en oeuvre au 1er janvier 2017.

Ainsi la durée d'attribution maximale de l'AAH 1, pour les bénéficiaires dont le handicap est particulièrement grave et peu susceptible d'évolution, passera de dix à vingt ans. Par ailleurs, les démarches des personnes handicapées au moment du départ en retraite seront simplifiées : les bénéficiaires de l'AAH pourront la conserver sans avoir à solliciter l'allocation de solidarité pour les personnes âgées (ASPA).

Enfin, conformément aux préconisations du rapport, l'amélioration du pilotage de l'AAH se poursuivra en 2017, notamment à travers un nouveau guide relatif à l'harmonisation des pratiques d'attribution de l'AAH.

Cet engagement dans le pilotage témoigne de notre volonté de maintenir l'engagement de l'État aux côtés des MDPH. Le transfert de leur financement à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) traduit avant tout la volonté de donner aux MDPH une meilleure visibilité de leurs financements via un circuit unifié. Cela s'inscrit en cohérence avec les travaux que nous menons depuis deux ans sur les simplifications en matière des politiques du handicap. Ce transfert est intégralement compensé à la CNSA, tant au titre des subventions historiques de l'État que de la compensation des postes non pourvus. Il est prévu par l'article 20 du PLFSS.

Je voudrais rappeler à cet égard que l'effort de l'État porté conjointement par le programme 157 et la CNSA est passé de 122,10 millions d'euros en 2012 à 138,40 millions d'euros en 2016. En 2017, le budget global des MDPH s'élèvera à 140,30 millions d'euros, soit une progression de 15 % en cinq ans.

Pour toutes ces raisons, j'ai la conviction que les crédits accordés dans le cadre de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » vont nous permettre de suivre ce que l'on peut considérer comme le fil rouge de l'action du Gouvernement : mieux protéger nos concitoyens en prêtant une attention particulière aux plus vulnérables.

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Pascale Boistard, secrétaire d'état chargée des personnes âgées et de l'autonomie

Ces commissions sont souvent l'occasion de parler de chiffres, d'enveloppes budgétaires.Mais avant de me plier avec vous à cet exercice nécessaire, je souhaite partager d'autres chiffres avec vous.

Les personnes de plus de soixante ans sont aujourd'hui au nombre 15 millions en France, soit 23 % de la population. Elles seront 24 millions en 2060, soit 32 % de la population. Et le nombre de personnes de plus quatre-vingt-cinq ans passera quant à lui de 1,4 million à plus de 5 millions en 2060.

S'engager pour les personnes âgées, c'est une exigence au regard du respect que nous devons à nos aînés, mais aussi au regard du défi démographique qui est face à nous, et de discuter sérieusement de l'avenir de notre pays et de la coexistence des différentes générations dans notre société.

Vous avez voté il y a près d'un an la loi d'adaptation de la société au vieillissement (loi ASV) et j'ai la responsabilité de la mettre en oeuvre. Cette commission est donc pour moi l'occasion de vous indiquer que pour assurer l'effectivité de la loi que vous avez votée, la majorité des décrets ont été publiés – notamment l'intégralité de ceux portant sur l'APA et son financement.

C'est aussi une opportunité pour rappeler que les mesures nouvelles de la loi ASV sont intégralement financées par l'Etat, notamment grâce à la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie (CASA) qui représente plus de 740 millions d'euros. Tous les versements ont été effectués aux départements dès le mois d'avril de cette année, afin d'assurer la mise en oeuvre rapide de la loi.

Grâce au vote de ce texte et à la mise en place de l'APA 2, la part de l'État dans le financement de l'APA aura augmenté de 3,7 % entre 2012 et 2017. La revalorisation de l'APA à domicile s'élève ainsi à 453 millions d'euros en année pleine. Ce montant inclut 350 millions d'euros pour la revalorisation des plafonds de l'APA à domicile, qui se traduit par une augmentation du nombre d'heures d'aide à domicile pour plus de 700 000 bénéficiaires de l'APA ; 25 millions d'euros sont consacrés à l'augmentation des salaires de 1 % dans le cadre des accords de la branche de l'aide à domicile ; 78 millions d'euros vont à l'aide au répit et au relais en cas d'hospitalisation des aidants – ce qui concerne 400 000 personnes, dont 62 % sont des femmes.

Autre mesure importante : le renforcement des droits des proches aidants et la création d'un droit au répit. Le plan d'aide APA de la personne âgée peut être majoré jusqu'à 500 euros par an, au-delà des plafonds de l'APA, pour financer un accueil temporaire en établissement ou en accueil familial, ou encore des heures d'aide à domicile supplémentaires. En cas d'hospitalisation du proche aidant, le plan d'aide APA peut être ponctuellement revalorisé jusqu'à 992 euros. La loi ASV transforme l'actuel congé de soutien familial en « congé de proche aidant » ; il est de trois mois renouvelable.

Par ailleurs, depuis le vote de cette loi, plusieurs dispositifs financiers ont été reconduits ou créés ; ils seront appliqués lorsque le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2017 auront été adoptés. Le projet de loi de finances traite ainsi de la lutte contre la maltraitance en reconduisant, dans le cadre de l'action 13 du programme 157, le soutien à la Fédération 3977 contre la maltraitance, à hauteur de 1,90 million d'euros. D'autre part, 454 089 mesures de protection juridique des majeurs seront financées dans le cadre de l'action 16 du programme 304 ; les crédits prévus pour 2017 sont de 650 millions d'euros, en progression de 2 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2016.

De plus, j'ai confié à M. Alain Koskas, président de la Fédération internationale des associations pour personnes âgées, une mission relative à la prévention des malversations financières, à domicile et en établissements, à l'encontre des personnes âgées. Il me rendra son rapport mi-janvier 2017.

D'autres mesures importantes figurent dans le projet de loi de finances. La première est le crédit d'impôt sur le revenu des salariés à domicile pour les retraités non imposables : il permettra que 1,3 million de ménages bénéficient d'une baisse du reste à charge sur les dépenses de service à la personne. Cela se traduira par une baisse de 20 % en moyenne pour l'aide à domicile, la livraison de repas ou l'assistance administrative. L'effort consenti représente 1 milliard d'euros supplémentaire.

Je citerai encore le crédit d'impôt imputé sur la taxe sur les salaires que versent les associations. Cette mesure était attendue par les associations puisqu'elles ne pouvaient prétendre au CICE qui ne s'applique qu'aux entreprises lucratives. Cette mesure représente un effort supplémentaire d'environ 600 millions d'euros pour le secteur, qui s'ajoute aux abattements existants sur la taxe sur les salaires pour un total d'environ 1,2 milliard d'euros. Le secteur associatif est un acteur essentiel de la politique en faveur de nos aînés ; cette mesure permettra de renforcer les effectifs pour faire face aux conséquences du défi démographique dans la prise en charge des personnes âgées.

La politique en direction des personnes âgées associe de nombreux acteurs au plan interministériel, de nombreux organismes sociaux, les associations et, bien sûr, les collectivités territoriales et au premier chef les conseils départementaux. Elle s'appuie aussi sur différentes sources de financement.

Les établissements et services médico-sociaux accueillant des personnes âgées sont partiellement financés sur les crédits de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM), dans sa composante médico-sociale, et sont abondés par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). La CNSA rassemble tous les moyens mobilisables pour prévenir la dépendance et prendre en charge la perte d'autonomie liée à l'âge, sur l'ensemble du territoire. Les dépenses publiques dans ces domaines sont donc principalement contenues dans le PLFSS.

Ainsi, la baisse de la contribution sociale généralisée (CSG) pour les retraités modestes, mesure adoptée à l'initiative des parlementaires et soutenue par le Gouvernement, permettra à 550 000 ménages de bénéficier d'un taux réduit ou d'être exonérés de CSG.

D'autre part, 20 millions d'euros financeront l'adaptation de logements à la perte d'autonomie. Nous avions fixé, pour ce quinquennat, l'objectif de 80 000 logements adaptés. En juillet 2016, l'objectif a été porté à 100 000 logements adaptés d'ici la fin du quinquennat, pour permettre aux personnes âgées de rester chez elles le plus longtemps possible, ce qui, nous disent les études, correspond au souhait de plus de 80 % d'entre elles. C'est aussi pour favoriser le maintien à domicile qu'un fonds d'appui aux bonnes pratiques dans les services d'aide à domicile sera créé et doté de 50 millions d'euros.

Des améliorations sont aussi prévues pour les EHPAD : des dispositions simplifient les contractualisations et les échanges entre ces établissements et les autorités de tarification que sont les agences régionales de santé et les conseils départementaux.

Enfin, l'expérimentation dite PAERPA – parcours de santé des personnes âgées en risque de perte d'autonomie – est confortée pour assurer une mise en oeuvre plus efficace.

En tout, l'État, l'Assurance maladie, la CNSA et les collectivités territoriales mobilisent des moyens financiers importants pour accompagner les personnes qui perdent leur autonomie : selon les chiffres publiés par la CNSA, les dépenses de protection sociale s'élèvent à 20,8 milliards d'euros en 2016. Les dispositifs, vous le voyez, sont nombreux et je ne saurais conclure sans remercier toutes celles et ceux qui les mettent en oeuvre au quotidien dans les territoires.

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La parole est aux porte-parole des groupes, pour cinq minutes chacun.

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Un chiffre qu'il convient de garder sans cesse à l'esprit : 14 % de nos concitoyens vivent en dessous du seuil de pauvreté. Que la proportion soit de 22 % dans d'autres pays européens ne rend pas ce pourcentage plus satisfaisant. La proportion de gens vivant, en France, en dessous du seuil de pauvreté a un peu diminué en 2013 pour se stabiliser ensuite. Dès 2012, des mesures urgentes avaient été prises : augmentation de 10 % du RSA et de 25 % de l'allocation de rentrée scolaire, ouverture de places d'hébergement d'urgence. Un plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté a ensuite été lancé, qui fut renforcé en 2015. Il reste à simplifier l'accès aux prestations pour diminuer les non-recours, bien trop fréquents, de nombre de personnes qui ignorent leurs droits et restent confrontées à des difficultés extrêmes dans leur vie quotidienne. Il conviendra aussi de mieux articuler les prestations sociales et la reprise d'activité ; je suis de ceux qui pensent qu'il n'y a ni chômeur ni allocataire du RSA heureux, et que tous rêvent de retrouver une activité.

L'accompagnement des personnes handicapées, mesure très importante, sera notoirement renforcé. Deux exemples me paraissent particulièrement éloquents : la création de 6 000 postes d'auxiliaires de vie scolaire en CDI d'une part, d'autre part le lancement d'un plan « Autisme » renforcé, qui prévoit notamment le dépistage de la maladie dès l'âge de trois ans, ce qui sera déterminant pour l'avenir des enfants concernés.

La prime d'activité tend à encourager la reprise d'une activité professionnelle par les travailleurs pauvres avec un dispositif souple. Au 30 juin 2016, 3 millions de foyers en bénéficiaient, et aussi des jeunes gens. Cette prime, de 160 euros mensuels en moyenne, permet, si j'ose m'exprimer ainsi, d'arrondir les fins de mois de plusieurs millions de Français. L'État consacre environ 4,3 milliards d'euros à la prime d'activité ; c'est aussi le produit de l'impôt de solidarité sur la fortune. Ce rapprochement mérite d'être médité.

La prime de Noël, instaurée en 1998, fut pérennisée en 2013 en étant inscrite dans la loi de finances ; 468 millions d'euros lui seront consacrés en 2017. Parce que l'on continue d'avoir faim en France et que la faim à de graves conséquences sur la santé et le bien-être, il nous a semblé juste que le projet de loi de finances pour 2017 prévoit de consacrer 42 millions d'euros à combattre ce fléau. Des sommes significatives sont consacrées, comme il est indispensable, à l'accompagnement des enfants en danger, à l'Agence française de l'adoption et aux Points d'accueil et d'écoute jeune.

Toutes ces mesures sont évidemment très positives et je veux, au nom du groupe Socialiste, écologiste et républicain, en remercier le Gouvernement. Je salue également toutes les dispositions du projet de budget pour 2017 proposées dans un souci tout à la fois de « vivre ensemble », de rigueur budgétaire et d'indispensables solidarités, à l'opposé du cliché de l'assistanat qui décidément a la vie dure.

Je reviendrai succinctement sur les mesures qui ont trait au handicap et à la dépendance, largement commentées par Mmes les secrétaires d'État. Les budgets visant à la solidarité en ces domaines s'élèvent à 10,6 milliards d'euros, avec de nouveaux périmètres d'action. Il s'agit de progresser vers l'égalité des droits et des chances et, plus généralement, vers la citoyenneté des personnes handicapées et d'adapter la société au vieillissement de la population, sujet décisif pour notre société étant donné l'évolution démographique prévue au cours des quarante-cinq ans à venir.

Les crédits alloués au fonctionnement des Maisons départementales des personnes handicapées s'élèvent à 1,5 million d'euros : le but est de mieux y accueillir les personnes handicapées, mais également d'accélérer l'instruction de leurs dossiers. La participation proposée par l'État aux conseils départementaux vise à les aider à mieux évaluer les besoins liés au handicap dans le projet de vie quotidien et à mieux s'assurer de l'effectivité du plan personnalisé. Le but est de traiter plus efficacement les dossiers dans les MDPH, mais aussi plus équitablement sur l'ensemble du territoire – ce qui ne dépend pas seulement du Gouvernement et du Parlement – et d'attribuer aux personnes handicapées à plus de 80 % d'une AAH pour vingt ans, ce qui leur épargnera des démarches de renouvellement aussi inutiles qu'incomprises.

Les crédits en faveur des politiques inclusives s'élèvent à 28,1 millions d'euros destinés aux emplois accompagnés, qui visent à obtenir et à garder un emploi rémunéré. Une attention croissante sera portée aux jeunes sourds et aux jeunes aveugles.

Enfin, les entreprises adaptées représentent certes un coût pour la collectivité mais les recettes qu'elles apportent sont souvent supérieures à ce coût. Ces entreprises, qui répondent à un besoin réel, n'attendent pas du travail – elles en ont – mais des financements. Autant dire que la bonne nouvelle que vous venez de nous annoncer, madame la ministre, me réjouit.

Le groupe Socialiste, écologiste et républicain défendra ce budget avec enthousiasme.

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J'interviens au nom du groupe Les Républicains.

Comme chaque année, la discussion du budget de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » nous rappelle l'importance de la solidarité et notre responsabilité vis-à-vis des populations les plus fragiles de la société française. Elle nous conduit aussi à évaluer avec lucidité les réussites et les échecs des politiques publiques.

Or, si le budget général de la mission est en baisse de 2,6 %, ce qui s'explique par le transfert de certains financements, le programme 304, qui concerne l'inclusion sociale et la protection des personnes, augmente de 11 %. Je mesure, comme vous tous, l'importance des crédits de ce programme qui visent à permettre que chacun vive dignement, mais je m'interroge sur l'avenir. Il est bien sûr de notre devoir d'apporter une aide financière aux plus démunis. Néanmoins, l'augmentation récurrente de ces dépenses révèle un aspect tragique de notre société et pointe l'incapacité du Gouvernement à réformer efficacement et durablement notre pays. L'aide aux plus démunis n'est qu'un pansement sur une plaie profonde que nous aurions pu soigner depuis longtemps. Des réformes économiques et sociales d'ampleur auraient dû être appliquées pour relancer la machine économique française : c'est le seul moyen efficace pour résorber la pauvreté. Or, cela n'a été fait. Les minima sociaux réduisent le taux de pauvreté mais ne permettent pas de s'extraire de la pauvreté – en dépit d'une hausse, j'y insiste, de 30 % de la dépense publique dans ce domaine entre 2008 et 2014.

Ce constat général étant fait, j'en viens à quelques observations. Les premières portent sur la prime d'activité. Selon les chiffres de la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF), le nombre de foyers bénéficiaires a augmenté de plus de 350 000 entre mars et juin 2016, et 400 000 jeunes perçoivent cette prime au lieu des 200 000 jeunes initialement prévus. La question a déjà été posée à la ministre mais je la pose à nouveau : les 4,3 milliards d'euros inscrits à cet effet dans le budget de la mission suffiront-ils à servir la prime d'activité à tous les ayants droit en 2017 ?

L'élargissement de la prime d'activité aux bénéficiaires de l'AAH qui travaillent dans les ESAT est une très bonne mesure. À ce sujet, même si les crédits correspondants ont été transférés à l'Assurance maladie, je veux insister sur la nécessité de créer des places en ESAT. Vous avez annoncé que vous donnerez un avis favorable à un amendement d'origine parlementaire prévoyant de créer 500 nouvelles places dans les entreprises d'insertion ; il faudra faire davantage car, malheureusement, compte tenu de la situation économique dramatique de notre pays, la réinsertion des personnes lourdement handicapées passe essentiellement par la création de places supplémentaires dans ces établissements.

Pour ce qui est de la simplification des minima sociaux et de l'application de certaines des propositions du rapport Sirugue, le Gouvernement donne un signal sans véritablement entrer dans le vif du sujet. On compte, en France, dix minima sociaux différents et plus de quatre millions d'allocataires, et l'on dépense à ce titre plus de 24 milliards d'euros. Pourtant, je l'ai dit, en dépit des hausses budgétaires successives, ces aides ne permettent pas à leurs bénéficiaires de sortir de la pauvreté. Le mécanisme doit donc être revu ; ma collègue Gisèle Biémouret et moi-même préconisons, dans le rapport d'information sur l'évaluation des politiques publiques en faveur de l'accès aux droits sociaux que nous avons déposé au nom du Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques, d'ouvrir un grand chantier de simplification au lieu de s'en tenir à quelques mesures éparses.

Le programme « Handicap et dépendance » contient peu de nouveautés. Cela traduit ce que fut la Conférence nationale du handicap de 2016, qui ne restera pas dans les annales tant les annonces y furent pauvres. On mentionnera toutefois le cumul de l'AAH et de la prime d'activité.

Vous évoquez, comme chaque année, les objectifs de la loi de 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, qui reste le texte de référence. Je persiste à penser que nous ne pouvons laisser les collectivités seules face au coût énorme que représentent les travaux d'accessibilité dans certains bâtiments publics.

La loi d'adaptation de la société au vieillissement a été promulguée. Ce texte, qui avait été annoncé comme devant être la grande loi sur la dépendance, occulte la question centrale de la prise en charge en établissement et du financement de la dépendance, alors que l'espérance de vie ne cesse d'augmenter et que les besoins se chiffreront en milliards d'euros au fil des ans. Plus concrètement, bon nombre de décrets d'application n'ont pas encore été pris, notamment ceux qui concernent la tarification des EHPAD ; quand seront-ils publiés ?

Reste enfin la question particulière des réserves de crédits de la CNSA. Alors que ces réserves tendaient à diminuer ces dernières années, leur brusque remontée s'explique essentiellement par les excédents dégagés au cours de l'exercice 2015, en raison, précisément, du retard pris dans l'élaboration et la promulgation de la loi relative à l'adaptation de la société au vieillissement. Les associations exigent, avec raison, la sanctuarisation de ces fonds au bénéfice des personnes âgées ou handicapées ; qu'en sera-t-il ? Je rappelle qu'en 2014 et en 2015, ces recettes ont servi à financer une partie du déficit du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), ce qui n'était aucunement leur destination initiale.

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Je salue, au nom du groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste, l'excellent travail de nos deux rapporteures pour avis. Je note que, comme cela a été le cas depuis quatre exercices, les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » augmentent cette année encore.

Les crédits de cette mission sont essentiels. Ils mettent en lumière les politiques publiques de la majorité, qui vise à améliorer le quotidien des personnes les plus fragiles et les plus démunies de notre société, et soulignent la solidarité nationale, l'un des piliers du socle républicain.

Le programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes, » le programme 137 « Égalité entre les femmes et hommes » et le programme 124 concernant le soutien des politiques sanitaires, sociales du sport, de la jeunesse et de la vie associative voient tous leurs crédits augmenter significativement. La baisse apparente des crédits du programme 157 « Handicap » est en trompe-l'oeil : ce n'est que le reflet d'un transfert, les ESAT étant désormais financés sur les crédits de l'assurance maladie, conformément aux dispositions de l'article 74 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016.

La sénatrice Jacqueline Gourault et moi-même avions été chargées par le Gouvernement d'une mission portant sur l'accessibilité des personnes en situation de handicap dans le domaine électoral ; certaines recommandations du rapport que nous avons rendu seront-elles prises en compte lors des prochaines échéances électorales de 2017 ?

À propos du programme 304, je tiens à saluer l'engagement supplémentaire de l'État en faveur de l'action 11 qui concerne principalement la prime d'activité, laquelle a remplacé le RSA activité et la prime pour l'emploi. Il importait en effet de donner une base financière solide à l'application de ce dispositif entré en vigueur le 1er janvier dernier.

Je constate que les crédits de l'action 17 relative à la protection et à l'accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnérables augmentent également, mais que la réforme de l'adoption internationale, que notre groupe a plusieurs fois appelée de ses voeux, n'aura malheureusement pas lieu sous cette législature. Pouvez-vous nous dire quel est le calendrier prévu pour la future fusion de l'Agence française de l'adoption et du groupement d'intérêt public Enfance en danger ?

Le vaste champ de la mission qui nous mobilise aujourd'hui ne permet malheureusement pas de brosser un panorama, si bref soit-il, de toutes les actions des programmes. Je saisis toutefois l'occasion qui m'est donnée de saluer une hausse substantielle des engagements de crédits relatifs à l'égalité entre les femmes et les hommes, et plus particulièrement en faveur de la prévention et de la lutte contre la prostitution et la traite des êtres humains. Notre groupe avait dit sa perplexité lors du vote de la loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel : nous estimions que si la traite des êtres humains était bien l'une des problématiques de la complexe question de la prostitution, les fonds engagés pour la reconversion des hommes et femmes prostitués n'était pas à la hauteur des enjeux. Quelles actions le Gouvernement a-t-il entreprises pour renforcer la prévention sanitaire pour les personnes prostituées. Un bilan d'étape de la prise en charge financière de l'amélioration des soins les concernant peut-il nous être communiqué ?

Enfin, il a été question au cours du débat de la faible attractivité de la médecine du travail. Si tous les postes ouverts ne sont pas pourvus, c'est que les jeunes médecins ont le sentiment qu'en choisissant cette voie ils exerceront une activité professionnelle réductrice, puisqu'ils ne pourront jamais être prescripteurs. On peut comprendre qu'après presque dix années d'études de médecine, on hésite à se trouver dans cette situation. C'est un sujet dont nous devrions nous préoccuper.

En tout état de cause, le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste et apparentés salue globalement le budget de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » et votera évidemment ces crédits.

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Nous en venons aux interventions des députés qui souhaitent interroger le Gouvernement, à raison de deux minutes chacun.

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La possibilité donnée aux agriculteurs de percevoir la prime d'activité est une bonne mesure, mais les bénéficiaires potentiels sont loin d'en faire tous la demande. Devoir faire état un revenu mensuel de 354 euros, c'est un aveu d'échec. Il faut inciter les exploitants agricoles qui sont dans cette situation à réclamer l'aide à laquelle ils ont droit ; peut-être faudrait-il intervenir en ce sens auprès de la MSA afin de pouvoir les aider. Car ils en ont bien besoin, mais ils répugnent, pour des raisons tout à fait personnelles, à faire les démarches. Une réflexion collective s'impose.

Je me félicite de ce qui a été fait au cours de la législature en faveur de l'accompagnement et du maintien à domicile des personnes âgées, mais on n'est toujours pas allé au bout du bout : je veux bien évidemment parler de la question du reste à charge pour les personnes âgées qui vivent en établissements. Il faudra bien venir à parler de la solidarité nationale, lorsqu'on sait que le prix de journée moyen est de 76 euros et que l'on en vient à solliciter les petits-enfants, qui eux-mêmes ont bien du mal à démarrer dans la vie, pour payer l'établissement. La première partie du chemin a été faite ; la seconde est à faire, et elle est tout aussi importante. Je remercie le Gouvernement pour l'action qu'il a menée en ce domaine.

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Les budgets des ESAT sont négociés avec les agences régionales de santé et systématiquement reconduits. Or ces établissements accueillent un public qui, comme le reste de la population, vieillit de mieux en mieux et, pour cette raison, travaille de plus en plus longtemps, mais souvent à mi-temps. Par ailleurs, les jeunes qui y sont employés sont, comme le reste de la jeunesse, moins sensibles que ne le furent leurs aînés à la valeur « travail » et ont de plus grandes difficultés d'adaptation ; ils exigent donc un encadrement particulièrement fin. Se limiter, d'année en année, à reconduire les budgets de ces établissements, c'est ne pas prendre en considération le fait que le besoin réel d'encadrement, dans un ESAT accueillant cent personnes mais avec des seniors travaillant à mi-temps et des jeunes nécessitant un encadrement spécifique, équivaut à celui d'une structure employant 200 ou 220 personnes. Au-delà de l'approche strictement budgétaire, une approche qualitative est devenue indispensable ; elle n'apparaît pas dans le budget qui nous est présenté, en tout cas pas suffisamment pour que les ESAT fonctionnent de manière optimale. Je vous remercie de prendre en compte cette préoccupation.

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Ce cinquième budget clôt une mandature dont nous n'avons pas à rougir en matière de lutte contre les exclusions. C'est la première fois qu'un gouvernement s'empare de cette question dans sa globalité en mettant en place un plan de lutte pluriannuel évalué chaque année afin de l'ajuster au plus près des réalités et un plan d'action en faveur du travail social et du développement social.

Combattant l'exclusion sur tous les fronts, la France voit ainsi, depuis le début de la crise économique de 2008, son taux de pauvreté se stabiliser à 14 % alors que celui de l'Allemagne plafonne à 17 % à en croire les dernières études.

Ma question portera plus particulièrement sur la mise en place des schémas départementaux de domiciliation. Dans le cadre du comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques, je viens de rendre un rapport avec mon collègue Jean-Louis Costes sur l'évaluation des politiques publiques en faveur de l'accès aux droits sociaux. Il nous est apparu qu'en dépit des efforts du Gouvernement dans ce domaine, des questions restaient en suspens. La nature et l'intensité du lien avec la commune montrent le dilemme entre l'opportunité de l'ancrage local et celle de simplifier les procédures pour faciliter la vie des usagers et présente une situation d'ensemble qui reste encore insatisfaisante. Or la domiciliation est la condition sine qua non pour faire valoir ses droits.

Pour conforter le processus de manière encore plus volontariste, nous proposons dans ce rapport de confier au département, qui nous semble un acteur important dans la lutte contre le non-recours, l'établissement du schéma départemental de domiciliation et de l'adapter aux conditions locales. Ce transfert de responsabilité présenterait à notre sens beaucoup d'avantages. Il permettrait d'élargir l'offre de domiciliation en incluant les services départementaux dans le réseau, de contribuer à la spécialisation des organismes domiciliataires de façon à fournir un service mieux adapté aux besoins des usagers, de jouer sur les complémentarités offertes localement pour pallier l'inégalité de la répartition sur le territoire, enfin de jouer un rôle de porte d'entrée pour l'accompagnement social de certains publics qui en ont besoin. Qu'en pensez-vous ?

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J'aurai trois questions à vous poser trois questions sur le handicap.

La première porte sur l'allocation aux adultes handicapés et sur l'impossibilité pour le conjoint devenu handicapé à la suite d'un accident de la vie de percevoir l'allocation aux adultes handicapés lorsque l'autre membre du couple perçoit des ressources du fait de son travail. Cette situation génère, de mon point de vue, une dépendance financière chez la personne handicapée qui perd souvent de surcroît son emploi du fait de son handicap et se trouve d'autant plus fragilisée. Selon un rapport de la caisse d'allocations familiales, 82,8 % des personnes handicapées bénéficiant de l'AAH sont sans emploi. Pour faire face à cette situation, une solution pourrait être de réévaluer le plafond de ressources pour bénéficier de l'allocation aux adultes handicapés. Quel est votre avis sur ce point ?

Ma deuxième question concerne les entreprises adaptées qui n'entrent pas dans le champ d'application du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), puisqu'il est réservé entreprises imposées à l'impôt sur les sociétés ou à l'impôt sur les revenus après leur bénéfice réel. Or les entreprises adaptées, du moins la plupart d'entre elles, sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée. Cette exclusion est extrêmement pénalisante pour les entreprises qui se consacrent à l'emploi des personnes handicapées. C'est un manque à gagner de 600 000 euros qui profite aux entreprises du secteur marchand bénéficiant du CICE. Des allégements de charges similaires à ceux des entreprises du secteur marchand disposant du CICE pourraient-ils être envisagés en faveur des entreprises adaptées ?

Je souhaite enfin vous interroger sur un point que j'ai maintes fois évoqué depuis l'entrée en vigueur de la loi d'août 2015 sur l'accessibilité universelle. Combien de demandes de dérogation ont été déposées dans les préfectures, combien ont pu être examinées dans les délais légaux, et combien ont été accordées tacitement sans même être examinées faute de personnel pour le faire dans les préfectures ?

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Si le programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes » n'est pas le budget le plus important de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », il n'en demeure pas moins qu'il a augmenté de 50 % depuis 2012, passant de 20 à près de 30 millions d'euros, et qu'il connaît cette année une hausse de 8 %. Surtout, c'est un budget qui a un effet levier, d'abord parce qu'il est en direction des associations, ensuite parce qu'il permet d'autres mesures. En tant que présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, je me félicite donc que ce budget soit en augmentation. Comme l'a indiqué Mme Orliac, un fonds est enfin dédié à la lutte contre la prostitution qui était l'un de nos combats. Le décret relatif au parcours de sortie de la prostitution créant la commission départementale de sortie de la prostitution étant paru, nous allons pouvoir mettre en place cette politique à partir du mois de janvier prochain.

Je souhaite vous interroger sur une approche intégrée de ce budget. Ce ne sont pas ces 30 millions qui permettent de faire une politique en direction des femmes, mais l'ensemble des budgets qui les concernent – et ni Pascale Boistard ni Ségolène Neuville ne me diront le contraire puisque leurs programmes concernent parfois une majorité de femmes. Nous pourrions y voir un peu plus clair si nous avions enfin ce que l'on appelle d'un terme un peu barbare, je le reconnais, des budgets « genrés ». D'autres pays comme la Belgique s'y sont mis, en définissant un certain nombre de critères. Il serait bon que l'on puisse savoir quelles sommes sont affectées aux hommes et celles qui sont en direction des femmes, ce qui permettrait parfois de procéder à un rééquilibrage dans la destination de l'argent et de savoir où est « l'argent des femmes », car il y en a certainement bien plus que ce que l'on trouve dans le seul programme 137. Je déposerai un amendement en ce sens en séance publique. Le document de politique transversale nous permet de dire que d'autres missions de ce budget sont consacrées à l'égalité entre les hommes et les femmes, pour un total de 310 millions. J'aimerais que Mme Rossignol nous dise si elle peut orienter son ministère vers ce budget sensible au genre. Bien sûr, cette question vaut pour les autres ministres.

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Il apparaît que le programme « Handicap et dépendance » de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » ne comporte pas de nouveautés particulières. Il ne fait qu'invoquer dans sa longue introduction de présentation, comme chaque année d'ailleurs, les objectifs de la loi de 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, loi qui reste la référence.

De l'avis de tous, la dernière Conférence nationale du handicap de 2016 ne restera pas dans les annales car elle a été très pauvre en annonces. On peut souligner néanmoins le cumul entre l'AAH et la prime d'activité.

Je veux vous interpeller notamment sur la situation subie par les personnes en situation de handicap puisque le taux de chômage atteint 21 % dans cette catégorie de la population, soit deux fois plus que pour les valides. Une disposition de la loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques permet d'apporter un soutien particulier aux personnes en situation de handicap. Avez-vous évalué l'impact de cette mesure de la loi Macron qui a normalement donné un coup de pouce aux travailleurs indépendants handicapés et aux stagiaires majeurs et mineurs ? Quels sont, pour les personnes en situation de handicap, les premiers retours de ces nouvelles mesures ?

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Mesdames les ministres, je tiens tout d'abord à saluer votre engagement depuis des années sur le front de la solidarité et de la lutte contre les exclusions.

Je veux revenir sur la question de la simplification au niveau des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) qui constituent, depuis 2005, des acteurs incontournables de l'accompagnement des parcours des personnes sur les territoires.

Nous avions, dans un rapport que j'ai eu l'honneur de présenter dans le cadre de la mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale(MECSS), indiqué la nécessité de « prévoir la généralisation d'un guichet unique ouvert aux personnes en perte d'autonomie, qu'elles soient handicapées ou âgées dépendantes, et confier à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) une fonction renforcée de pilotage, de régulation et d'évaluation de cette nouvelle organisation pour conforter une politique nationale de l'autonomie. » Vous avez répondu en partie, madame la secrétaire d'État, sur la question de la simplification, mais j'aimerais que vous nous redonniez quelques précisions.

Je me permets d'insister sur la question du FIPHFP, car on ne peut pas accepter que ce fonds ait été rogné dans de telles proportions. Sa diminution porte un coup dur au message adressé en direction des personnes handicapées. À la veille de la semaine pour l'emploi des personnes handicapées, j'aimerais savoir quelles sont les priorités sur ce sujet et que soit préservé le montant de ce fonds dont l'utilité a été rappelée lors de la dernière Conférence nationale du handicap.

En ce qui concerne le reste à charge, je tiens à saluer les avancées très importantes qui ont été rappelées par Mme Pascale Boistard et dont nous mesurons aujourd'hui concrètement sur le territoire les possibilités nouvelles. Cela dit, à la veille d'échéances électorales, nous avons le devoir de poursuivre le travail sur cette question qui concerne tous nos concitoyens, et de prendre les mesures à la hauteur des besoins dans nos territoires.

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La longévité est une chance. La France comptera bientôt plus de 20 millions de seniors appelés à connaître une troisième vie et à la préparer. Ils s'interrogent toutefois sur la place qui sera la leur dans notre société au vu de la situation et des difficultés actuelles. Le maintien à domicile le plus longtemps possible doit être une priorité. L'accueil en EHPAD le plus tard possible n'est pas sans conséquence financière pour les personnes âgées et pour leurs familles. Ces dernières nous sollicitent d'ailleurs régulièrement car le reste à charge est beaucoup trop élevé.

La question du financement doit être posée sans tabou. Certes, vous avez évoqué l'APA, l'aide aux aidants, mais vous n'allez pas plus loin. La loi relative à l'adaptation de la société au vieillissement, qui avait été maintes fois repoussée, avait été annoncée comme la grande loi sur la dépendance. Si elle compte des avancées, elle laisse totalement de côté les questions cruciales de la prise en charge en établissement et du financement de la dépendance. Tous les décrets d'application ne sont pas pris. Aussi les dispositions de la loi ne peuvent-elles pas être mises en oeuvre, précisément pour ce qui touche à la tarification des établissements d'hébergement pour personnes âgées. Où en êtes-vous concernant les dispositions relatives à la modification des dispositions financières applicables aux établissements et aux services sociaux et médico-sociaux, sur le mode de calcul du forfait global dépendance et des tarifs journaliers afférents à l'hébergement dans un EHPAD, sur la détermination des minorations applicables au forfait soins lorsqu'un EHPAD refuse de signer un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens, enfin sur la définition des principes généraux de la tarification et du forfait global de soins des EHPAD ?

Je pourrais également évoquer l'enjeu spécifique des réserves de la CNSA et le besoin de sanctuarisation de ses fonds. Votre engagement en direction des personnes âgées handicapées est essentiel au vu de l'importance des besoins et des attentes grandissantes dans notre pays. Je crois d'ailleurs que notre responsabilité est commune, quel que soit le banc sur lequel nous siégeons.

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Mme la rapporteure Luce Pane évoquait tout à l'heure les PAEJ, ces structures si utiles en particulier dans les zones rurales. Je souhaite, pour ma part, appeler votre attention sur les maisons des adolescents dont l'implantation est essentiellement urbaine. 114 MDA avaient été créées en 2014, l'objectif étant que chaque département soit pourvu le plus rapidement possible d'une telle structure. Les MDA ont pour mission l'accueil, l'accompagnement des adolescents en difficulté, mais aussi de leur entourage familial.

Madame la ministre, vous avez exprimé à maintes reprises votre soutien à ce dispositif encore récent mais très prometteur. Des crédits supplémentaires ont d'ailleurs été alloués par la circulaire du 28 avril 2015 relative au fonds d'intervention régional afin de créer sept MDA, pour que chaque département puisse en être doté. Je sais qu'une réflexion est en cours visant à conforter ce dispositif dans ses bases juridiques et financières et qu'il est prévu d'en actualiser le cahier des charges. J'ai pu constater, dans ma circonscription, combien la MDA vient satisfaire une demande effective et en forte croissance, le nombre d'entretiens ayant augmenté de 50 % depuis sa création. Toutefois, je souhaite que la volonté d'en harmoniser le fonctionnement au plan national n'induise nul processus d'uniformisation nécessairement contre-productif. Nos MDA sont diverses, à l'instar des problématiques territoriales auxquelles elles sont confrontées. Leur capacité d'adaptation à des enjeux locaux spécifiques constitue sans nul doute le moteur de leur indéniable succès. Comment envisagez-vous dès lors de concilier cette souplesse qui fait leur force avec l'impératif de rationalisation ?

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Mesdames les secrétaires d'État, le projet de loi de finances pour 2017 que vous nous présentez apporte les financements pour tendre vers plus d'égalité des droits et des chances, vers la participation et la citoyenneté des personnes handicapées inscrites dans la loi de 2005 mais aussi dans celle de 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement. Il permet aussi de financer les mesures de la loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, apportant ainsi des réponses concrètes aux travailleurs handicapés.

Parmi ces réponses, je me réjouis de votre annonce de créer 500 aides au poste supplémentaires pour le travail adapté. L'emploi accompagné, désormais inscrit dans la loi, permet aux personnes en situation de handicap de conserver leur emploi rémunéré ou de trouver un emploi tout en étant accompagnées par un dispositif adapté à leur handicap. 5 millions d'euros sont destinés à financer ce dispositif. De nombreuses associations ont investi depuis des dizaines d'années pour répondre à ces besoins. Mme la rapporteure vous a interrogé sur les décrets d'application permettant de pérenniser le financement et donc de stabiliser le fonctionnement de ces outils qui ont fait la preuve de leur efficacité et qui pourront désormais être développés. Je me réjouis donc d'une mise en oeuvre rapide et efficace de ce dispositif qui concilie vie professionnelle et handicap.

Ma deuxième préoccupation concerne le reste à charge qui peut être particulièrement élevé lorsqu'une personne handicapée emploie à domicile un ou plusieurs salariés. Certaines charges induites par la vie et les soins à domicile ne sont pas pris en considération dans le calcul de la prestation de compensation du handicap (PCH). Celle-ci ne tient pas compte des coûts supplémentaires incontournables liés aux congés, aux arrêts de travail, aux indemnités de licenciement, aux primes de précarité, au temps de formation des salariés. De ce fait, le reste à charge pour l'employeur devient trop élevé et oblige à trouver une solution plus collective en structure d'accueil alors que ce n'est ni le choix de la personne handicapée, ni celui de sa famille. Est-il envisageable de faire évoluer la PCH afin qu'elle permette la prise en charge de frais réels engagés pour l'emploi de personnels au domicile de la personne handicapée ?

Ma troisième préoccupation, qui s'adresse à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes âgées et de l'autonomie, concerne les personnes employant un salarié à domicile. Lorsqu'elles sont imposables, elles bénéficient d'un crédit d'impôt ou d'une réduction d'impôt sous conditions. Or les personnes inactives non imposables ne bénéficient actuellement pas de cet avantage fiscal. Cette situation est injuste et touche les retraités les plus modestes puisque non imposables. Comment envisagez-vous de répondre à cette injustice dans le cadre du projet de budget pour 2017 ?

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Le programme 157 « Handicap et dépendance » vise à permettre aux personnes handicapées et aux personnes âgées en perte d'autonomie de choisir librement leur mode de vie en leur facilitant l'accès au droit commun et en leur offrant des dispositifs adaptés à leurs besoins. À ce propos, je veux faire état de quelques voeux des personnes concernées et de leurs familles : tout d'abord que la scolarisation des élèves et étudiants handicapés ne soit plus un parcours du combattant ; ensuite, que ces élèves et étudiants handicapés bénéficient, dès la première seconde de cours, de leurs auxiliaires de vie scolaire. Il ne devrait plus y avoir de temps de rentrée scolaire différent dans une même classe entre les élèves non handicapés et les élèves handicapés faute d'AVS nommés. C'est psychologiquement terrible.

De plus, pour les personnes handicapées, les délais d'orientation vers l'emploi sont toujours trop longs. Les MDPH et les structures Cap Emploi doivent être restructurées afin qu'aucun délai n'existe. N'oublions pas que cette population est plus largement touchée que les autres par le chômage.

Par ailleurs, il faut se souvenir que la loi relative à l'adaptation de la société au vieillissement ne concerne que partiellement le maintien à domicile et qu'elle n'est abondée financièrement que par une nouvelle taxation touchant uniquement les retraités imposables. C'est le problème du reste à charge qui avait engendré principalement ce texte. La question du reste à charge en établissement a été repoussée. Quand sera-t-elle abordée ?

Enfin, je n'ai pas trouvé un mot sur la prévention spécialisée…

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Je souhaite revenir sur les moyens accordés ou plutôt insuffisamment accordés aux entreprises adaptées. Le projet de loi de finances pour 2017 ne proposait aucune aide au poste supplémentaire, autrement dit aucun développement possible pour les entreprises adaptées. Chacun sait que ces entreprises répondent à un enjeu sociétal important, puisqu'elles embauchent des personnes handicapées au chômage grâce à l'aide au poste qu'elles perçoivent en compensation des contraintes liées au handicap qui pénalisent la productivité. Vous avez finalement accepté, madame la secrétaire d'État, d'accorder 500 aides au poste supplémentaires, mais cela ne permettra pas de résoudre le problème puisque 700 emplois sont déjà en attente de financement. Je rappelle qu'actuellement un demi-million de personnes handicapées sont au chômage en France.

Selon une étude de KPMG du mois de septembre 2016, très intéressante, mais que vous n'avez peut-être pas eu le temps de lire, il semble bien que cet investissement génère en retour une recette pour l'État. Elle démontre en effet que pour une dépense de 16 millions d'euros qui correspond à 1 000 postes aidés, c'est une recette de 27 millions qui est générée, soit un gain pour l'État de 11 millions d'euros. On fait donc un très mauvais calcul en limitant le nombre de postes aidés. Dans ces conditions, pourquoi ne pas souscrire à la demande de l'Union nationale des entreprises adaptées (UNEA) qui est de 1 000 postes ?

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Mesdames les secrétaires d'État, je vous remercie pour votre engagement personnel depuis un certain nombre d'années, et surtout d'avoir pu faire valoir auprès de Bercy l'intérêt qu'il y avait à accompagner les personnes en situation de fragilité. Les budgets que nous avons votés tout au long de cette législature ont été en augmentation, ce qui n'était pas aisé au vu de la situation de crise budgétaire que nous traversons. Vous avez pu vous battre. Aussi, je tiens à saluer le travail exceptionnel que vous avez accompli.

Tout à l'heure, l'une de nos collègues a fait référence à la loi de 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Permettez-moi, pour ma part, d'évoquer la loi de 2001 qui a créé l'allocation personnalisée d'autonomie au moment où notre pays avait totalement tourné le dos à ses personnes âgées, considérant que leur situation ne posait pas de problème. Paulette Guinchard-Kunstler et Élisabeth Guigou et tant d'autres avaient pris conscience de la réalité et créé l'APA. Depuis, aucun gouvernement n'est revenu sur ce dispositif. Au contraire, vous l'avez renforcé au travers de la loi relative à l'adaptation de la société au vieillissement.

Je suis convaincu qu'il faut aller plus loin dans la simplification des procédures. Comme l'a dit tout à l'heure la présidente du Conseil national consultatif des personnes handicapées, je pense qu'il faut redonner du temps médical au secteur de la médecine de première intervention. Les dispositifs administratifs se surajoutant à d'autres dispositifs administratifs, on perd du temps médical dans nos campagnes et dans nos territoires, au profit des établissements, des MDPH et des conseils départementaux, mais au détriment des populations qui attendent des réponses médicales. Peut-être faudra-t-il songer à donner du temps médical, des compétences aux infirmières par le biais de délégations de tâches, car il sera difficile d'aller plus loin en ce qui concerne les médecins.

Enfin, j'aurais aimé vous entendre sur la « silver économie » : c'est un sujet majeur qui animera nos débats dans les prochaines années.

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Ma première question porte sur l'AAH. Dans son rapport sur l'exécution des comptes, la Cour des Comptes a souligné que la programmation 2016 de l'AAH se situait très en dessous de l'exécution 2015 – près d'un demi-milliard d'euros de différence. Pourquoi un tel écart ? Le montant programmé en 2017 sera-t-il plus réaliste par rapport au chiffre d'exécution de 2016 que nous connaîtrons dans quelques semaines ?

Ma seconde question concerne le chômage des personnes handicapées. J'aimerais connaître votre analyse sur le rapport de l'Association des paralysés de France publié hier qui fait état d'une explosion du chômage chez les personnes handicapées, puisqu'il a augmenté de 65 % entre 2011 et 2015.

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Si la longévité est une chance, comme vient de le dire M. Perrut, j'ajouterai que la longévité des élus est une nécessité (Sourires) Il m'a fallu seize ans pour parvenir à construire une maison de retraite dans ma ville !

Madame Boistard, vous avez eu la gentillesse de régler, avec beaucoup d'efficacité, un problème qui existait dans les Pyrénées atlantiques depuis vingt-cinq ans. Vous nous en avez donné confirmation il y a un mois, en vous rendant en Béarn.

Entre le moment où l'on décide de réaliser un EHPAD et le moment où il est construit, le format, les fonctionnalités, les réponses que l'on doit apporter aux personnes du troisième ou du quatrième âge évoluent inévitablement. Il faut en permanence répondre aux demandes de modification du dossier, sollicitées à la fois par l'État et par le département. Au-delà des aspects budgétaires que je peux comprendre, comment raccourcir les procédures pour permettre une plus grande réactivité sur cette question de l'accueil en EHPAD ?

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Ma question est plus terre à terre. Connaissant le handicap depuis cinq ans, je pose la même question que j'ai posée à vos prédécesseurs il y a trois ou quatre ans. Alors qu'une chaise roulante coûte 1 800 euros, 500 euros seulement sont remboursés par la sécurité sociale, ce qui est un peu scandaleux. Pour un fauteuil roulant électrique, c'est 20 000 euros, dont 5 000 sont pris en charge par la sécurité sociale. Il convient de faire un effort complémentaire au niveau national pour aider ceux qui ont besoin d'un fauteuil roulant. Avant de savoir ce qu'est le handicap, je ne comprenais pas pourquoi on organisait des lotos pour permettre d'acheter un fauteuil roulant… Maintenant, je comprends !

Pour l'aménagement des maisons, on accorde un crédit d'impôt de 10 000 euros, mais sur cinq ans, alors qu'il pourrait être accordé en une seule fois et tout de suite.

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Ma question concerne le programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes ». Je veux revenir sur les points d'accueil et d'écoute des jeunes et les maisons des adolescents. Des réflexions sont en cours sur leur financement et les nouvelles missions qui pourraient leur être attribuées. Vous savez que les maisons des adolescents sont aujourd'hui référentes dans un bon nombre de préfectures pour ce qui touche à la lutte contre la radicalisation, et qu'elles sont choisies notamment par les préfets dans le cadre d'un appel à projet. Il me semble donc important de leur donner les moyens de mener à bien cette mission. Tout à l'heure, l'un de mes collègues a parlé de la prévention spécialisée. Là aussi, une réflexion particulière doit être menée en ce qui concerne leur rôle et leur fonction, donc sur les moyens qui leur sont attribués en lien avec les dispositifs de la politique de la ville. J'aimerais que le Gouvernement nous dise si la prévention spécialisée va devenir une compétence obligatoire et non plus facultative des maisons des adolescents et des points d'accueil et d'écoute des jeunes, afin de mener à bien dans nos territoires la lutte contre la radicalisation et tout risque potentiel de basculement.

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Mesdames les secrétaires d'État, il y a bien longtemps que les territoires, et a fortiori les territoires démographiquement et économiquement les plus fragiles, ont compris qu'il y avait une noblesse à garder au plus près de chez eux les publics fragilisés par le handicap ou le vieillissement. Cela a conduit de nombreux territoires à mettre en place, il y a plusieurs décennies, des dispositifs d'accueil de petite taille en direction des personnes âgées ou en situation de handicap. Ces structures d'accueil nécessitent aujourd'hui une mise aux normes et des opérations de modernisation. J'ai d'ailleurs eu l'occasion de vous rencontrer pour évoquer des dossiers de ce type dans ma circonscription. Nous nous heurtons à des difficultés pour financer ces projets d'investissements lourds, sans parler du fonctionnement. Or force est de constater que le présent projet de loi de finances ne procède pas d'une vision fine de l'approche territoriale.

Des contractualisations sont prévues dans un cadre interministériel pour accompagner des dynamiques territoriales ; or le volet dont je parle n'entre pas dans ce périmètre, ce que je regrette. Vos équipes travaillent-elles sur ces questions, afin de permettre aux territoires les plus fragiles de maintenir la présence des populations fragilisées, sans parler des retombées économiques, en termes d'emploi, que représentent ces structures ?

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Mesdames les secrétaires d'État, je souhaite attirer votre attention sur le taux d'encadrement dans les maisons de retraite, étant moi-même président de deux structures dans le département de la Lozère.

Alors qu'on compte un accompagnant pour une personne handicapée dans une maison d'accueil spécialisée (MAS), il y a en moyenne un accompagnant pour deux pensionnaires dans les maisons de retraite, taux d'encadrement aujourd'hui trop bas dans la mesure où la plupart des personnes âgées en EHPAD requièrent de nombreux soins.

Jusqu'à présent, l'accent a surtout été mis sur la lutte contre la maltraitance a posteriori, avec la mise en place d'un dispositif national d'écoute téléphonique pour les victimes et témoins de faits de maltraitance, complété au niveau local par des centres d'appel de proximité. Ce dispositif est, certes, nécessaire, mais insuffisant : avant de s'intéresser au problème a posteriori, il faut le traiter en amont. Aussi est-il indispensable, d'une part, de renforcer la formation à la bientraitance des personnels des EHPAD – car ils sont souvent mal formés – et, d'autre part, d'augmenter le taux d'encadrement des personnes âgées en EPHAD pour que le personnel soit moins sous pression et ait plus de temps à leur consacrer, notamment pour les stimuler et leur faire faire plus d'activités.

Il faut aussi parfois dénoncer une certaine omerta dans les EHPAD. Aujourd'hui, des départements et des ARS cherchent à faire des économies sur leur dos, ce qui n'est pas acceptable. Certaines ARS, comme celle de Montpellier, tentent même de récupérer des sommes affectées à des structures installées en zone de revitalisation rurale (ZRR), comme ce fut le cas dans mon département pour deux structures du handicap, l'ITEP de Bellesagne et l'IME Les Genêts à Châteauneuf-de-Randon.

Quelle est votre position sur l'augmentation du taux d'encadrement en EHPAD ? Quel budget est prévu pour mettre en oeuvre des actions concrètes en faveur de la bientraitance des personnes âgées accueillies en EPHAD ?

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La loi sur l'adaptation de la société au vieillissement, que notre groupe a votée, comportait quelques avancées sur la revalorisation de l'APA, notamment pour les GIR 1 et 2, l'aide aux aidants, le logement, la mise en place de la conférence des financeurs pour développer la prévention. Ces avancées sont financées par la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie (CASA), donc par les retraités imposables, dont les ressources ont été détournées depuis 2013, soit plus de 1 milliard d'euros de crédits.

Mes questions portent sur le financement des EHPAD, grand absent du texte et pourtant tellement attendu par nos concitoyens.

Les départements attendent un décret sur la tarification, pour pouvoir tarifer différemment à partir du 1er janvier. Où en est ce décret ? Il semblerait que cela tarde un peu…

Le rapport annexé faisait mention d'une étude qui devait être lancée sur les assurances privées susceptibles de permettre aux personnes de mieux financer les restes à charge dans les EHPAD. Cette étude a-t-elle été lancée ?

À en croire le rapport, la CNSA va lancer une harmonisation des systèmes d'information. La problématique des systèmes d'information des MDPH et de la CNSA est soulevée depuis plus de dix ans. Pourquoi lancer seulement maintenant la réforme des systèmes d'information ?

Enfin, rien n'est fait pour permettre aux départements de faire face à la mise en place des modifications introduites par le texte ASV en termes d'ingénierie. Au contraire, les conseils départementaux ont beaucoup de mal à mettre en place toutes ces réformes, en particulier au regard des ressources. Qu'en est-il, mesdames les ministres ?

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Dans le cadre du plan autisme, mesdames les secrétaires d'État, vous indiquez souhaiter faire en sorte qu'il y ait plus de structures d'accueil pour les personnes atteintes de troubles autistiques. La situation à cet égard reste très critique ; de nombreuses familles sont obligées d'aller en Belgique, ce qui les éloigne de leurs proches. Que comptez-vous faire dans les prochains mois pour faire évoluer cette situation ?

Nous avons évoqué ce matin le handicap et le vieillissement : permettez-moi d'insister sur l'intersection entre ces deux thématiques. En effet, de nouveaux besoins apparaissent lorsque les personnes handicapées vieillissent et sont atteintes de pathologies liées au vieillissement – maladie de Parkinson, Alzheimer, etc. Cette situation pose la question de structures adaptées. J'aimerais vous entendre sur ce point, mesdames les ministres.

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À mon tour, je salue le travail entrepris depuis quatre ans et demi. Ce cinquième budget apporte un soutien efficace, de manière transversale et solidaire, aux personnes en difficulté en raison de leur âge, de handicaps divers et variés, et surtout de la crise.

Je suis régulièrement sollicité dans ma circonscription par des concitoyens qui bénéficiaient de la prime d'activité n'en bénéficient plus aujourd'hui, ou beaucoup moins. Ce budget apporte-t-il une solution à ces situations ?

Enfin, je m'associe à la question de Mme Martine Carrillon-Couvreur sur la simplification des demandes pour l'accès aux aides.

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Pascale Boistard, secrétaire d'état chargée des personnes âgées et de l'autonomie

Je vous remercie toutes et tous pour vos questions, car les réponses que je vais vous apporter vont me permettre de donner un sens à ce que nous faisons depuis 2012, en particulier concernant les personnes âgées, comme vient de le faire Pascal Terrasse il y a quelques instants. Il est également important de « recontextualiser » notre action en remontant à une époque un peu plus éloignée.

En 2001, Paulette Guinchard-Kunstler, secrétaire d'État en charge des personnes âgées, fait voter un texte de loi créant l'APA. Nous commençons ainsi à franchir une marche très importante quant à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et de leur accompagnement, les départements devenant les pilotes aux côtés de l'État de ces politiques publiques qui sont ainsi menées au plus près des territoires tout en prenant en compte des questions comme la ruralité, qui viennent compliquer la mise en oeuvre de la solidarité. Rappelons que Paulette Guinchard-Kunstler préside aujourd'hui la CNSA.

Survient le drame de la canicule du mois d'août 2003. La France découvre brutalement qu'elle avait abandonné ses anciens, qui furent nombreux à mourir seuls, à leur domicile, mais parfois aussi dans les établissements qui, depuis bien longtemps, n'avaient pas bénéficié de travaux de modernisation qui leur auraient permis de faire face à cet épisode de fortes chaleurs.

Après la canicule, on décide d'une journée de solidarité pour financer les politiques de solidarité. Puis, plus rien, à part de beaux discours. La loi ASV a été la première, depuis 2001, à prendre en compte les personnes âgées envisagées dans leur globalité. Cette loi, entièrement financée par l'État, est le fruit d'une coconstruction entre les différents acteurs : les collectivités territoriales, dont les départements qui sont chargés de piloter ces politiques publiques, mais aussi l'ensemble des fédérations d'aide à domicile et autres structures, qui les mettent en oeuvre pour prendre en charge le vieillissement de la population. À ce propos, les chiffres que j'ai cités en introduction sont extrêmement importants, puisqu'ils annoncent le défi démographique auquel sera confronté notre pays : plus de 30 % de notre population aura plus de soixante ans en 2060.

Nous avons voulu mettre au centre de la loi ASV – que vous avez d'ailleurs largement approuvée – la personne âgée, non pas pour qu'elle s'adapte à la société, mais pour que la société commence à s'adapter à elle.

Vous avez décidé qu'il était important de respecter les personnes âgées, c'est-à-dire de considérer qu'elles étaient toujours des citoyens et des citoyennes à part entière, et de respecter leur volonté. Comment ? En leur permettant, tant qu'elles le peuvent et qu'elles le souhaitent, de rester à leur domicile.

Pour cela, il fallait renforcer l'aide à domicile et améliorer les dispositifs d'adaptation des logements. Nous avons donc rajouté 20 millions d'euros pour que les personnes âgées – et les personnes en perte d'autonomie – puissent déjà techniquement continuer à vivre chez elles. Par ailleurs, la revalorisation de l'APA a permis de réduire le reste à charge sur l'aide à domicile, voire de prendre en charge à 100 % l'aide à domicile d'un nombre plus important de ses bénéficiaires.

Mais il fallait aussi organiser les territoires. Les départements devenant les pilotes de ces politiques publiques, il fallait les aider à affronter ce bouleversement, même si certains, pour des raisons historiques, étaient plus en avance que d'autres. Voilà pourquoi nous avons décidé de débloquer plus de 6 millions d'euros pour contribuer à financer l'ingénierie qu'ils doivent mettre en place, ne serait-ce que pour valoriser la situation des personnes âgées bénéficiaires de l'APA et de celles qui allaient rentrer dans le dispositif.

Ce processus est complexe à mettre en oeuvre. Parallèlement à la revalorisation de l'APA, il faut aussi, et c'est inédit, pouvoir repérer les aidants, celles et ceux qui sont au quotidien auprès de la personne âgée ou de la personne en situation de handicap et qu'ils n'ont pas de droit au répit. Je rappelle que 30 % de ceux qui s'occupent d'une personne âgée décèdent avant la personne âgée elle-même, par épuisement.

Tous les parlementaires qui ont voté cette loi peuvent être fiers du nouveau dispositif qui a été mis en place et qui prend en compte ces réalités. Là encore, l'État apporte 100 % des financements – ce dont je me félicite. De ce fait, la participation de l'État dans les politiques de solidarité des départements augmente – 3,7 % sur ce point précis ; plus de 10 % dans leur globalité ; voire 46 % si l'on prend en compte les droits de mutation à titre onéreux(DTMO) qui participent évidemment au financement de cette solidarité. Il convenait d'évacuer certains préjugés, souvent véhiculés de façon récurrente.

J'en viens aux établissements hospitaliers pour les personnes âgées dépendantes (EHPAD) qui auront bénéficié, au cours de cette mandature, de la création de 25 000 places supplémentaires.

À l'occasion de ce texte de loi, nous avons décidé ensemble qu'il était important de changer la relation entre le département et l'établissement.

Quand le département avait plusieurs établissements, chaque structure devait contracter individuellement avec chaque structure ; aucun regroupement n'était possible. Cela l'est désormais, et cela facilitera les relations.

Mais il fallait aussi donner un peu plus d'autonomie aux directeurs et directrices des établissements. En effet, les situations diffèrent selon les besoins des publics accueillis. Désormais, les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (CPOM) vont permettre aux directeurs d'ajuster les lignes budgétaires et de les rendre plus fongibles, par exemple pour adapter les effectifs aux besoins des personnes âgées. Ils vont permettre aussi et surtout de rendre transparente la tarification en EHPAD. Nos concitoyens en ont assez de découvrir, au fur et à mesure du séjour de leur parent âgé, que certains services qu'ils sont obligés de prendre ne sont pas compris dans le prix. Leur reste à charge s'en voit alors augmenté alors qu'ils sont tenus de contribuer, il est vrai, au titre de la solidarité familiale.

Le décret est depuis le 8 août au Conseil d'État, qui a fort à faire. Comme il sera applicable au 1er janvier 2017, il ne devrait pas tarder à paraître. Je précise que ce texte a été coconstruit avec l'ADF et les professionnels concernés.

Vous avez également parlé des personnes handicapées vieillissantes. Avec Ségolène Neuville, nous travaillons à l'évolution des structures et des places qui leur sont destinées.

Plusieurs expériences intéressantes sont en cours dans les territoires. Il est possible de s'orienter vers une mixité des publics. De nombreux établissements sont prêts à accueillir des personnes en situation de handicap vieillissantes. Vous avez raison, c'est un nouveau défi à relever. Dans le même esprit, on crée de plus en plus de places d'accueil de jour pour des personnes âgées vivant à domicile, dont beaucoup sont atteintes de maladies neurodégénératives. C'est le moyen d'assurer aux aidants, pendant quelques heures par semaine, ce droit au répit qui est essentiel.

Il faut également doter les établissements d'outils adaptés à ces maladies neurodégénératives, pour accompagner les personnels qui assurent un travail pénible, que ce soit dans les établissements ou à domicile. Rappelons que ces métiers sont exercés à 98 % par des femmes ; peut-être est-ce pour cette raison qu'ils sont si mal connus.

Nous avons demandé, au travers d'une concertation, à la CNSA de lancer une grande campagne de valorisation de ces métiers à partir de l'année prochaine. Nous souhaitons également mener une réflexion sur l'évolution de carrière dans ces métiers qui consistent à s'occuper de ceux qui sont les plus fragiles et de gens qui parfois, cumulent des situations de précarité.

J'espère avoir répondu à l'ensemble des questions. Notre nation est confrontée à un enjeu démographique très fort ; pour le relever, nous devons être au rendez-vous.

Le conflit potentiel entre générations que peut susciter le reste à charge pose un problème de fond. Il a été partiellement réglé par les mesures que nous avons prises dans la loi ASV pour assurer la transparence de la tarification des EHPAD, et par l'accroissement des crédits destinés à l'investissement dans ces établissements. Lorsque vous restructurez un établissement, ou lorsque vous en construisez un nouveau, plus vous diminuez la part d'emprunt de l'établissement grâce à l'apport de l'État – que ce soit via l'ARS ou via la CNSA –, plus vous baissez le tarif à la journée. C'est la raison pour laquelle, David Habib l'a évoqué, mais bien d'autres ici le savent, que j'ai rencontrés, le Gouvernement a décidé, cette année encore, de débloquer 115 millions d'euros pour les investissements dans ces établissements, ce qui, par effet mécanique, permettra de faire baisser le « reste à charge » pour les intéressés et leurs familles. Mais la question du reste à charge est encore sur la table.

J'espère que nous saurons faire face au défi démographique à venir. L'allongement de la durée de la vie est un signe de la bonne santé de notre pays ; car c'est bien parce que nous avons su mettre en place des dispositifs de solidarité aptes à accompagner toutes les catégories sociales de la population que nous vieillissons dans de meilleures conditions en France. Je souhaite que notre pays continue d'agir en ce sens comme elle a su le faire depuis la fin de la Deuxième guerre mondiale. C'est un enjeu pour nous tous, et non un poids, comme je l'entends trop souvent dire.

C'est également une formidable opportunité économique. Comme l'a relevé M. Pascal Terrasse, la silver economy est une économie de recherche, une économie de l'avenir, qui fait appel à la domotique, au numérique, à l'informatique, mais pas seulement : c'est aussi la possibilité de développer l'économie sociale et solidaire et l'insertion au service des autres. C'est la raison pour laquelle nous avons beaucoup oeuvré, parlementaires et Gouvernement, à débloquer le « nouveau CICE », le crédit d'impôt de taxe sur les salaires pour accompagner ces structures et les développer. Enfin, la France se doit d'être un fleuron de la recherche en ce domaine car les retombées industrielles possibles à l'international sont multiples – la Chine, pour ne citer que ce pays, est très intéressée par l'expérience française dans ces domaines. L'enjeu pour notre pays est donc, aussi, économique. J'irai dans quelques semaines en Nouvelle Aquitaine engager la restructuration de la filière ; je souhaite le faire avec d'autres régions. Pour la même raison, je me suis rendue en Corse, où j'ai réuni universités, collectivités et tous les services et institutions concernés ; le processus a bien démarré, ce qui est de bon augure pour l'avenir de ce territoire insulaire. Nous devons être exigeants, mais nous pouvons aussi être optimistes et fiers de cette loi et de sa mise en oeuvre. Et si quelques difficultés d'application persistent, sachez que je suis toujours sur le terrain pour améliorer ce qui peut l'être.

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Ségolène Neuville, secrétaire d'état chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion

Il me semble également important, en répondant à vos questions, de remettre en perspective la politique du handicap du Gouvernement depuis 2012, menée dans le même esprit, aux côtés de Mme Marisol Touraine, par Mme Marie-Arlette Carlotti d'abord, par moi-même ensuite. Oui, nous nous sommes appuyées sur la loi de 2005 qui, en définissant le handicap comme « toute limitation d'activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d'une altération substantielle, durable ou définitive d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d'un polyhandicap ou d'un trouble de santé invalidant », mettait en avant les notions d'accessibilité universelle et de compensation. Ce sont les principes qui ont guidé notre action.

La participation des personnes handicapées à la vie en société suppose un accompagnement adapté, et ce dès la scolarisation. De nombreux parents d'enfants handicapés, en particulier d'enfants autistes, souhaitent en effet qu'ils soient scolarisés. Notre objectif a été de permettre la liberté de choix des parents en fonction de la situation de leur enfant. Le spectre est large : il va de l'inclusion des enfants en milieu scolaire ordinaire avec l'aide d'accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) à l'accueil dans des instituts médico-éducatifs, sans oublier les classes spécialisées ni les services spécialisés pour une vie autonome à domicile. Nous avons voulu maintenir et amplifier ces dispositifs, en les diversifiant.

C'est nous a conduits à faire du métier d'AVS un vrai métier d'accompagnement d'élève en situation de handicap en créant le nouveau diplôme d'État d'accompagnant éducatif et social – qui peut être obtenu au terme d'une formation de deux ans – et à pérenniser l'emploi de tous les accompagnants qui, jusqu'à présent, étaient recrutés avec des contrats précaires. À ce jour, l'accompagnement des élèves handicapés est confié à des personnels qui relèvent de statuts différents. Sur les 80 000 personnes concernées, 50 000 ont des contrats aidés qui viennent à échéance au terme de deux ou trois ans et d'autres ont des contrats à durée déterminée (CDD). Désormais, les CDD peuvent être pérennisés et transformés en contrat à durée indéterminée (CDI) au bout de six ans, et toutes les personnes en contrat aidé passeront par vagues successives, à chaque rentrée scolaire, en CDD puis, après six ans, en CDI. Les compétences des accompagnants de vie scolaire sont ainsi reconnues, et leurs contrats sont pérennisés : ces mesures sont un bien aussi bien pour les élèves accompagnés que pour ceux qui les accompagnent.

Ce mouvement a permis de faire progresser le nombre d'enfants handicapés scolarisés en milieu ordinaire dans une proportion considérable : plus 30 % depuis 2011 ; ils sont désormais 300 000 environ. Se posent ensuite la question de leur accompagnement au collège, au lycée, lors de la formation professionnelle et de l'apprentissage et à l'Université puis, avec une grande acuité, celle de leur insertion professionnelle. Le taux de chômage des personnes handicapées est effectivement très élevé : on estime que 480 000 travailleurs handicapés sont chômeurs, et leur nombre augmente continûment.

Contrairement à ce qui a été avancé, on ne résoudra pas cette épineuse question en augmentant les places en ESAT. Il y a actuellement 120 000 places dans ces établissements ; prétend-on rationnellement qu'il faudrait ouvrir 480 000 places supplémentaires pour accueillir tous les travailleurs handicapés chômeurs ? Dans leur immense majorité, ces chômeurs travaillaient en milieu ordinaire jusqu'à ce qu'un handicap se déclare au cours de leur vie professionnelle, qui les empêche de reprendre leur poste. Ces gens-là, tout le monde en conviendra, n'iront pas en ESAT.

En revanche, nous avons finalement le même raisonnement sur le travail que sur la scolarisation, et ce raisonnement est dans le droit fil de la loi de 2005, mais aussi de nos engagements internationaux vis-à-vis des Nations unies. Nous pensons en effet qu'il faut ouvrir davantage le milieu ordinaire aux personnes en situation de handicap. Jusqu'à présent nous avons finalement réservé un milieu spécialisé aux personnes en situation de handicap, ce qui est bien, mais nous avons oublié de leur ouvrir beaucoup plus le milieu ordinaire. C'est ce qu'elles nous demandent aujourd'hui.

Mais comment faire, car ce n'est pas très simple ? Il faut déjà comprendre pourquoi le chômage et plus élevé chez les personnes handicapées. En fait, les personnes handicapées sont moins formées, moins diplômées que les personnes valides qui sont au chômage, ce qui rejoint la question de la scolarisation et de la formation professionnelle. C'est pourquoi le compte personnel de formation est largement ciblé sur les personnes en situation de handicap et qu'un nombre important de personnes en situation de handicap ont accédé à des formations dans le cadre du plan « 500 000 formations supplémentaires » mis en oeuvre par Myriam El Khomri. De plus, le taux de personnes en situation de handicap bénéficiant d'un contrat aidé a considérablement augmenté : il est passé de 9 à 15 % au cours du quinquennat. Toutes les personnes en situation de handicap exclues du marché du travail peuvent reprendre une activité, quand c'est possible, via les contrats aidés, une formation professionnelle, bref via tous les outils de droit commun qui sont à notre disposition.

Avec la ministre du travail, nous avons souhaité organiser, au début de l'année 2016, une concertation avec l'ensemble des syndicats et des associations représentatives des personnes handicapées pour discuter justement des freins qui existent et qui peuvent expliquer que l'on n'ait pas réussi à atteindre, voire dépasser, les 6 % de travailleurs handicapés en entreprise. Car les freins ne manquent pas. Et qui mieux que les partenaires sociaux peuvent effectivement effectuer un diagnostic et trouver des solutions ? Une feuille de route issue de cette concertation sera mise en place à la fois par le ministère du travail et, bien sûr, par les partenaires sociaux.

Vous avez parlé des entreprises adaptées qui sont en quelque sorte un modèle intermédiaire entre les entreprises ordinaires et les ESAT. Nous avons souhaité augmenter le nombre de places dans les entreprises adaptées, car c'est un modèle intéressant. Jusqu'à présent, une personne en situation de handicap travaillant en milieu ordinaire pouvait bénéficier des moyens du Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) ou de l'Association de gestion du fonds pour l'insertion des personnes handicapées (AGEFIPH) pour adapter son poste. Par exemple, l'AGEFIPH peut allouer des moyens à une entreprise privée qui emploie un salarié en fauteuil afin d'adapter son poste de travail. Toutefois, certains travailleurs en situation de handicap ont moins besoin d'un investissement de départ, que d'un accompagnement dans la durée. C'est vrai notamment pour le handicap psychique et pour l'autisme. Beaucoup de gens qui vivent avec ce type de handicap aimeraient pouvoir être accompagnés dans la durée. Cet accompagnement est nécessaire également pour l'employeur et les collègues de travail. Ce type d'aide existe, mais de façon extrêmement parcellaire : il est organisé par des associations grâce à des financements qui sont souvent mêlés entre collectivités territoriales et agences régionales de santé, mais ce dispositif n'est pas reconnu. C'est pourquoi nous avons voulu créer, dans le cadre de la loi relative au travail, à la modernisation du dialogue sociale et à la sécurisation des parcours professionnels, le dispositif de l'emploi accompagné, et c'est la raison pour laquelle le projet de loi de finances pour 2017 a inscrit 5 millions d'euros fléchés sur ce tout nouveau dispositif. Cette décision fait suite effectivement au rapport de la députée Annie Le Houerou sur l'emploi accompagné. Ce dispositif permet de multiplier les possibilités de choix pour les personnes.

Je précise que bien souvent les personnes en situation de handicap sont orientées vers les mêmes métiers. C'est ce qui se passe dans les ESAT. C'est pourquoi la ministre du travail s'est penchée sur la diversification des métiers qui pourraient être proposés en fonction des types de handicap, afin que ces personnes ne soient pas limitées à un seul horizon professionnel possible mais bien toujours une liberté de choix.

Évidemment, la question du travail est étroitement liée à celle de l'accessibilité de la société en général, ce qui me permet de faire le point sur l'accessibilité des établissements recevant du public (ERP). L'un d'entre vous a parlé de l'ordonnance que vous avez discutée au Parlement pour mettre en place les agendas d'accessibilité programmée (ADAP). Je vous rappelle l'état des lieux au 1er janvier 2015. En France, sur environ 1 million d'établissements recevant du public, un peu moins d'un tiers d'entre eux, soit 300 000, étaient déjà accessibles au 1er janvier 2015 et avaient donc respecté la loi de 2005. Précisons toutefois que sur ces 300 000 établissements accessibles, 250 000 avaient été construits entre 2005 et 2015 ; autrement dit 50 000 seulement se sont réellement mis en accessibilité.

À ce jour, 350 000 établissements sont accessibles et 560 établissements sont entrés dans le dispositif des ADAP dans leur grande majorité sur trois ans. Certains sont encore sous prorogation – et non dérogation –, c'est-à-dire qu'ils ont demandé un allongement de la durée pour pouvoir déposer leur ADAP en raison des diagnostics qui sont demandés à des entreprises extérieures et qui prennent du temps. 89 000 établissements sont sous prorogation et 470 000 sont réellement entrés dans la procédure ADAP. Les ERP qui ne sont pas encore entrés dans le dispositif sont actuellement moins de 100 000. Évidemment, il reste maintenant à s'assurer que tous ceux qui se sont engagés dans leur ADAP mettront bien en oeuvre les mesures qu'ils ont annoncées. Il n'empêche : qui aurait parié, au moment de la discussion de l'ordonnance au Parlement, que sur le million d'ERP qui existe en France, seulement 90 000 ne seraient pas entrés dans le dispositif en 2016 ? Je peux vous dire qu'il n'y en a pas beaucoup. J'ai surtout entendu dire que personne ne déposerait de dossier, que c'était trop compliqué, etc.

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Ségolène Neuville, secrétaire d'état chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion

Je n'ai pas encore les chiffres. Le ministère du logement qui a la responsabilité de cette question est en train de procéder à une analyse de la situation. Je vous encourage, monsieur le député, à poser votre question au ministère du logement.

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On a le droit de râler ! Quant à la SNCF, c'est le plus grave scandale !

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Ségolène Neuville, secrétaire d'état chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion

Pour que la société soit accessible, encore faut-il les accompagnements nécessaires. À cet égard je veux vous dire deux ou trois mots des réformes en cours.

Comme l'ont dit certains orateurs, il y a encore malheureusement beaucoup d'enfants et d'adultes handicapés qui sont sans solution dans le pays. Quel est le dispositif actuel ?

Les familles vont déposer un dossier à la MDPH. Après un délai substantiel qui peut varier selon les MDPH, une orientation leur est donnée, et les familles repartent avec leur dossier sous le bras. C'était en tout cas ainsi que cela se passait jusqu'à présent. Et quand on se retrouvait sans solution, il n'y avait personne à qui s'adresser. Personne n'était là pour donner une solution alternative. Si en enfant devait aller en IME et qu'il n'y avait de place dans le département, non seulement il fallait avoir cherché dans tous les IME du département, mais rien n'était prévu si l'on n'en avait pas trouvé. Il n'y avait personne vers qui se tourner.

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Ségolène Neuville, secrétaire d'état chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion

Les élus effectivement, je vous l'accorde…

Pour remédier à cette situation, nous avons mis en oeuvre les préconisations du rapport de Denis Piveteau dans une démarche intitulée « une réponse accompagnée pour tous ». Ainsi, un article de la loi santé, appliqué maintenant dans 24 départements expérimentateurs, avant d'être généralisé le 1er janvier 2018, prévoit désormais qu'une personne dont la solution n'est pas adaptée à l'orientation fournie par la MDPH peut retourner à la MDPH et réclamer un plan d'accompagnement global. Ainsi, la MDPH peut réunir autour de la table l'ensemble des acteurs du handicap – gestionnaires d'établissement, Éducation nationale, services de l'État, ARS, etc. – pour réfléchir à une solution adaptée, quitte à prévoir un financement complémentaire fléché. Parce qu'on a beau ouvrir 4 000 nouvelles places, enfants et adultes confondus, chaque année dans le secteur médico-social – et ce quels que soient les gouvernements en place –, le nombre de personnes qui partent en Belgique continue d'augmenter : il est de plus de 6 000 actuellement. Ce n'est d'ailleurs pas le nombre d'enfants qui augmente, c'est le nombre d'adultes, dont une proportion significative est adressée par les départements sans même que l'assurance maladie en soit informée. En effet, des adultes sont orientés en maison d'accueil spécialisée ou en foyer d'accueil médicalisé, avec un financement assurance maladie ou un cofinancement ; mais beaucoup sont dans des établissements entièrement financés par les conseils départementaux. Les choses sont ainsi bien plus complexes qu'un simple « robinet » de l'assurance maladie à fermer. Le nombre d'enfants en revanche n'augmente plus, puisque Marisol Touraine et moi-même étions déterminées à stopper ce flux de départs contraints vers la Belgique.

Pour permettre aux MDPH d'accompagner correctement les familles, il faut simplifier leur travail administratif. Actuellement, en effet, le dossier de la personne handicapée est rempli à la main, y compris par le médecin, avant d'être apporté avec les pièces jointes à un agent administratif de la MDPH qui entre alors dans l'ordinateur les informations contenues dans ce dossier papier. Or la plupart des MDPH ne disposent pas d'un système informatique permettant les échanges de données entre administrations, y compris avec la commission départementale qui décide de l'orientation.

Certes, étant donné leur jeunesse – dix ans –, les MDPH fonctionnent bien : la France est un des rares pays à avoir mis en place un guichet unique pour les personnes handicapées. Mais lors de leur mise en place, les MDPH, constituées en GIP, n'ont pas souhaité se doter d'un système d'information commun, si bien qu'elles utilisent aujourd'hui des logiciels différents, parfois même des systèmes maison. Par conséquent, il n'est pas possible aujourd'hui de transmettre les informations d'une MDPH à l'autre, ni de les faire remonter à la CNSA, ni d'assurer un suivi efficace des orientations des personnes.

Nous sommes donc en train de réformer ce fonctionnement, en lien avec la CNSA. D'où les moyens supplémentaires annoncés par le Président de la République lors de la conférence nationale du handicap pour les systèmes d'information des MDPH. Une fois le travail administratif des MDHP simplifié, les agents disposeront de plus de temps pour s'occuper des familles et des enfants.

Ajoutons qu'un certain nombre de mesures de simplification ont été mises en place ces dernières années : l'allongement de la durée de validité du certificat médical, mais aussi l'allongement de la durée d'attribution de l'AAH – de deux à cinq ans pour l'AAH2, de dix à vingt ans pour l'AAH1. En outre, la carte mobilité inclusion remplacera les cartes papier de priorité, d'invalidité et de stationnement. Cette nouvelle carte unique, au format carte bleue, sera infalsifiable, car fabriquée par l'Imprimerie nationale, alors que les cartes papier actuelles étaient imprimées dans les MDPH et poinçonnées à la main. En cas de perte de leur carte mobilité inclusion, les personnes pourront en obtenir une autre rapidement auprès de l'Imprimerie nationale, alors que les MDPH sont, vous le savez tous, totalement débordées par ces tâches. Cette mesure sera opérationnelle, grâce à la loi numérique, au 1er janvier 2017 : les MDPH auront six mois pour se mettre en ordre de marche, celles qui le souhaitent pourront mettre en place la carte dès le 1er janvier, les autres le feront au fur et à mesure, en étant accompagnées par la CNSA. Ces avancées ont été obtenues avec l'accord de l'Association des directeurs des MDPH, mais aussi de l'ADF.

Un mot sur le plan autisme, évoqué par plusieurs d'entre vous.

L'autisme ne fait pas exception au sein du handicap en France : des enfants mais aussi des adultes peuvent être sans solution, et ces situations sont extrêmement douloureuses pour les familles. Le troisième plan autisme, piloté au démarrage par Marie-Arlette Carlotti, mettait l'accent sur le dépistage précoce et les interventions précoces. Il est en cours d'évaluation. Le Président de la République a annoncé dès le mois de mai un quatrième plan, que nous sommes en train de préparer avec les associations. Dans ce quatrième plan, seront pris en compte les adultes autistes pour lesquels jusqu'à présent aucune solution n'était apportée, non seulement en termes d'accès à l'emploi – beaucoup de gens pourraient travailler –, mais aussi en termes d'accompagnement adapté, à la fois dans les établissements et par des services d'accompagnement qui leur permettent de vivre en société.

Le troisième plan autisme avait mis en place des moyens considérables, à hauteur de 205 millions d'euros, avec notamment l'ouverture d'unités d'enseignement en école maternelle dans tous les départements et l'ouverture d'établissements pour enfants ou adultes. Comme le député Habib, je pense que l'ouverture d'établissements prend trop de temps. C'est pourquoi, depuis deux ans et demi, je ne cesse de dire aux agences régionales de santé qu'il faut procéder par extension de places, car cette méthode permet d'aller vite, sans passer par de longues procédures.

En tout état de cause, je partage l'avis de M. le député Habib : l'ouverture de nouvelles structures prend beaucoup trop de temps. Depuis deux ans et demi, je ne cesse de dire aux agences régionales de santé qu'il faut procéder par extension de places : cela va vite et cela évite toute une série de procédures longues. Mais il arrive de devoir ouvrir de nouvelles structures ; or, au-delà de l'aspect législatif, il y a souvent des recours une fois les choix opérés à la suite des appels à projet. Ainsi, un projet s'étale sur trois, quatre, voire cinq ans, d'où un décalage entre la volonté politique et la réalité telle que la vivent les gens au quotidien. Ce problème, que nous rapportent régulièrement nos concitoyens, n'a rien à voir avec la couleur politique : c'est une réalité et nous devons y remédier.

Enfin, l'un de vous m'a parlé de l'allocation adulte handicapée et de l'existence d'un plafond de ressources. C'est en effet le cas, dans la mesure où l'AAH est un minimum social et non une allocation destinée à compenser le handicap. Pour cela, il y a la prestation de compensation du handicap. Vous le savez tous ici, mais je l'indique dans un but pédagogique, à l'intention de ceux qui nous écoutent.

Je rappelle tout de même que le système de l'AAH est très favorable : le plafond de ressources pris en compte notamment est plus élevé que pour les autres minima sociaux, notamment pour les couples. Par exemple, un couple peut continuer à recevoir l'AAH avec des revenus très supérieurs à ce qui est autorisé pour les autres minima sociaux – j'entends par là des revenus d'environ 2 500 euros par mois.

En outre, je me suis battue aux côtés de Mme Marisol Touraine pour que la prime d'activité soit cumulable avec l'AAH. En toute logique, l'AAH étant une aide différentielle, le montant de la prime d'activité aurait dû être réduit d'autant. Or nous avons souhaité que les personnes en situation de handicap qui travaillent bénéficient intégralement de la prime d'activité. Cela nous a conduits à compliquer encore le dispositif : comme cela arrive souvent, pour prendre en compte les problèmes de nos citoyens, on est amené à mettre en oeuvre des règles de calcul très complexes.

Je crois avoir fait le tour des questions qui m'ont été posées. Mais je me suis engagée auprès de Mme Laurence Rossignol à vous faire part, en son nom, de certaines de ses réponses concernant l'égalité femmes-hommes. Les voici.

Madame la présidente de la Délégation aux droits des femmes, madame Coutelle, nous partageons votre souci de donner davantage de visibilité aux budgets qui, dans les politiques publiques, sont consacrés à l'égalité entre les femmes et les hommes. C'est pour cette raison que Laurence Rossignol a ouvert voici quelques semaines un nouveau cycle de conférences sur l'égalité avec chaque ministère. Ces conférences permettent de faire le bilan des actions engagées et d'ouvrir des perspectives pour avancer encore vers l'égalité entre les femmes et les hommes ; elles sont aussi l'occasion d'insister auprès de chaque ministre sur la nécessité d'établir des budgets mettant en lumière les actions dédiées à l'égalité entre les femmes et les hommes.

Mme Laurence Rossignol tient à préciser à Mme Dominique Orliac que l'article 7 de la loi prostitution prévoyait la création d'un fonds abondé notamment par les recettes issues de la confiscation et de la saisie des biens liés au proxénétisme. Ce fonds s'est révélé techniquement inopérant. Le projet de loi de finances abroge donc cet article pour le remplacer par un dispositif valide qui assurera le même rendement, et qui sera toujours assis sur la confiscation des biens liés à des affaires de proxénétisme.

Pour ce qui est de l'accompagnement et de la prévention sanitaire, il convient de signaler que le parcours de sortie assurera concrètement : le versement d'une aide spécifique, l'aide financière à l'insertion sociale ; une autorisation provisoire de séjour de six mois ; et le bénéfice des dispositifs de droit commun – hébergement, logement, soins, actions d'insertion sociale. Ces dispositifs d'accompagnement vers la sortie du système prostitutionnel contribueront ainsi à la lutte contre la traite des êtres humains.

S'agissant de la place des Maisons des adolescents et des associations dans le cadre de la lutte contre la radicalisation, question posée par M. Cavard, ma collègue indique que la lutte contre la radicalisation s'appuie effectivement, dans les territoires, sur le tissu associatif spécialisé dans la prise en charge des jeunes en difficulté. Les préfectures s'appuient de plus en plus sur les MDA, la prévention spécialisée et les PAEJ pour accompagner les jeunes et leurs familles. Il faut souligner l'engagement de ces structures dans ce combat.

Ainsi que vous le savez, le Gouvernement a adopté le 9 mai dernier un ambitieux plan de lutte contre la radicalisation et le terrorisme. Ce plan prévoit un abondement de 40 millions sur deux ans pour financer ces actions. Et une partie de ses fonds seront consacrés au financement d'actions portées par les associations.

Par ailleurs, des conventions sur ce sujet ont été conclues ou vont être conclues avec les ministères concernés pour améliorer la visibilité de ces structures au niveau local. La convention avec les PAEJ et la prévention spécialisée notamment est signée ; celle avec les MDA le sera avant la fin de l'année.

Enfin, la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l'enfant et de la famille a réaffirmé la place de la prévention spécialisée. Le budget qui lui est alloué représente plus de 500 millions d'euros, essentiellement supportés par les conseils départementaux. Dans certains départements, les montants sont en baisse. Or nous sommes tous d'accord pour dire que la prévention spécialisée ne doit pas devenir une variable d'ajustement. Mme Laurence Rossignol a signé avec M. Patrick Kanner une convention nationale de partenariat sur la prévention spécialisée. Cette convention, très large, rassemble à la fois l'AMF, l'ADF et France Urbaine ; les métropoles peuvent se voir déléguer la prévention spécialisée et les têtes de réseau dans ce domaine. Elle permettra de renforcer les financements de la prévention spécialisée. Chacun saura ce qu'il a à faire dans son domaine.

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Nous avons donc terminé cette commission élargie. Je vous rappelle que la discussion et le vote en séance publique auront lieu le mardi 16 novembre 2016.

La réunion de la commission élargie s'achève à douze heures.

Le Directeur du service des comptes rendus des commissions,

Nicolas VÉRON© Assemblée nationale