Parmi les quatre programmes composant la mission, le programme « Handicap et dépendance » concentre à lui seul presque 60 % des dépenses : les crédits proposés pour 2017 au titre de ce programme s'élèvent à 10,6 milliards d'euros. Cette baisse apparente s'explique par la mise en oeuvre de deux réformes adoptées dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 : d'une part, à compter de 2017, les dépenses liées à la dotation globale de fonctionnement des établissements et services d'aide par le travail (ESAT), soit 1,4 milliard d'euros, seront respectivement assumées par l'assurance maladie ; d'autre part, la participation de l'État au fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) sera prise en charge par la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) pour un montant de 56 millions d'euros.
Ainsi, dans les faits, le montant des crédits du programme progresse de 458 millions d'euros, soit une augmentation de 4,32 %.
Dans le cadre du présent projet de loi de finances, je me félicite que les crédits consacrés au handicap et à la dépendance soient confortés, notamment afin de financer le dynamisme des dépenses liées à l'allocation aux adultes handicapés. Cependant, au vu de l'augmentation des dépenses constatées sur les huit premiers mois de 2016, je crains que cette hausse de 427 millions d'euros, soit 5,2 % de l'enveloppe, ne permette de faire face à l'augmentation du nombre de bénéficiaires.
Les crédits d'intervention du programme sont largement reconduits par rapport à ceux ouverts par la loi de finances pour l'année 2016. Il est cependant mis en place une enveloppe de 5 millions d'euros, destinée à amorcer le financement de projets d'emploi accompagné, sur lesquels je reviendrai.
Dans mon rapport pour avis, j'ai choisi de détailler l'accompagnement des personnes handicapées dans leur parcours de formation et leur insertion dans l'emploi.
Le droit à l'emploi des personnes handicapées, particulièrement dans le secteur ordinaire, est désormais un principe reconnu au niveau international et européen. En France, sa mise en oeuvre a longtemps reposé essentiellement sur l'interdiction des discriminations à l'embauche et l'obligation d'emploi. Celle-ci enjoint les entreprises comme les administrations d'embaucher 6 % de travailleurs handicapés ou de verser une indemnité différentielle à un fonds chargé de financer des actions d'insertion : l'AGEFIPH pour le secteur privé ou le FIPHFP pour le secteur public.
La loi du 11 février 2005 a voulu un changement de paradigme, en ouvrant les institutions spécialisées et en posant le principe de la détermination par la personne handicapée de son projet de vie. Cependant, malgré les efforts déployés, les dispositifs existants restent cloisonnés, voire lents et inefficients. Cela est source de ruptures des parcours vers l'insertion professionnelle, de découragements, voire de désespérances.
Le principe de la scolarisation des enfants et étudiants porteurs d'un handicap en milieu ordinaire, posé en 2005, a permis le doublement de leur nombre en dix ans ; on peut s'en réjouir. Mais il a fait naître de légitimes attentes d'insertion auxquels les dispositifs existants n'apportent pas toujours une réponse adaptée.
Alors qu'ils sont un public prioritaire, les travailleurs porteurs de handicap profitent peu des dispositifs mis en place en matière de formation professionnelle. Ainsi, l'abondement du compte personnel de formation n'a concerné que 250 personnes en situation de handicap en 2015. Aussi les travailleurs handicapés restent-ils peu formés : ils sont plus de la moitié à être sans diplôme ou titulaires du seul brevet des collèges. Ils sont donc souvent loin de l'emploi : 18 % des personnes disposant d'une reconnaissance administrative du handicap sont au chômage.
Par ailleurs, on assiste à l'essoufflement du modèle de l'obligation d'emploi. Les travailleurs porteurs de handicap représentent près de 3,6 % des effectifs dans le secteur privé et 4,6 % dans le secteur public. Mais les fonds chargés de financer ce dispositif sont confrontés à un « effet des ciseaux » : moins de recettes, car plus d'entreprises respectent leur obligation d'emploi, grâce à la multiplication des dispositifs d'équivalence et des accords d'entreprise ; mais toujours plus de demandes d'aides à l'insertion et à l'adaptation des postes de travail.
D'autre part, les délais d'intervention des institutions spécialisées – notamment des MDPH et des Cap Emploi – restent trop longs, et la mise en place des solutions proposées trop éloignée.
Cependant, un virage a été pris depuis quelques années, qu'il conviendrait d'amplifier. Celui-ci conduit à repenser la politique publique de formation et d'accès à l'emploi des personnes en situation de handicap comme un parcours accompagné autour de la personne, en lieu et place de dispositifs cloisonnés et distincts. Le rapport remis par Denis Piveteau en 2014, « Zéro sans solution », et le rapport élaboré par notre collègue Annie Le Houerou ont lancé des pistes.
Seuls 9 % des travailleurs des ESAT ont pu bénéficier d'une expérience dans le milieu ordinaire. Aussi notre collègue Annie Le Houerou a-t-elle recommandé d'ouvrir les ESAT sur le milieu ordinaire de travail. Cela devrait passer par une plus grande utilisation des dispositifs existants.
Les Cap Emploi, structures agréées faisant partie du service public de l'emploi, ne prennent en charge qu'un tiers des demandeurs d'emploi. Dès l'année prochaine, afin de permettre un véritable suivi du parcours vers et dans l'emploi, ils vont voir leurs missions élargies : ils assureront systématiquement les services d'appui au maintien dans l'emploi des travailleurs handicapés.
J'en viens à quelques questions.
La première porte sur le dispositif d'emploi accompagné. Mesdames les ministres, pourriez-vous nous donner des informations sur l'avancée des travaux de rédaction du décret relatif à l'emploi accompagné, ainsi que sur l'association des partenaires sociaux et des associations à sa préparation ?
Afin de leur permettre de financer la sécurisation des campus, les universités ont été exonérées de verser en 2017 les 29 millions de contribution au FIPHFP correspondant au non-respect de leur obligation d'emploi. Les associations et le monde du handicap l'ont très mal pris. Le financement des politiques prioritaires ne pourrait-il pas être trouvé sans rogner sur les ressources affectées au handicap et à l'autonomie ?
Enfin, j'aurai une question pour Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Quelles actions le Gouvernement envisage-t-il de mener pour favoriser la formation à la bientraitance de nos aînés ?