Madame Luce Pane, vous m'avez interrogée sur les points d'accueil et d'écoute des jeunes (PAEJ). Je partage votre opinion : ce sont des leviers importants pour atteindre les jeunes les plus vulnérables et les accompagner dans leur parcours d'insertion. C'est pourquoi le Gouvernement souhaite les soutenir, tant sur le plan financier que dans leur structuration.
Pour pérenniser les PAEJ, leurs crédits ont été transférés sur l'action 17 du programme 304 en 2015. Le but de ce transfert est de sécuriser les financements en stoppant leur érosion. Il s'est ainsi accompagné d'une stabilisation des crédits : 5,36 millions d'euros en PLF 2016 comme en 2017
En septembre 2016, la convention pluriannuelle d'objectifs (CPO) a été renouvelée pour la période 2016-2018 pour assurer la permanence des financements sur la période et accroître la lisibilité des PAEJ.
Dans le même temps, comme vous le soulignez, la refonte de leur cahier des charges a été engagée. Elle devrait être finalisée en décembre prochain. L'objectif est d'assurer une meilleure gouvernance de ces structures et de renforcer leur articulation avec l'offre existante sur les territoires que sont les maisons des adolescents (MDA), dont le cahier des charges est également en train d'être refondu, ou encore les centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP). Il s'agit de conserver la souplesse des PAEJ, de renforcer leurs spécificités territoriales ainsi que leur accueil généraliste.
Autre preuve de l'intérêt que le Gouvernement porte à ces structures : une convention avec l'État – ministères de l'intérieur et des familles notamment – vient d'être conclue avec l'Association nationale des PAEJ (ANPAEJ) sur la prévention de la radicalisation. Elle permettra de renforcer la visibilité des PAEJ, en particulier auprès des cellules de suivi mises en place dans les préfectures.
Ces structures s'inscrivent dans la politique globale que mène le Gouvernement en faveur des jeunes, plus particulièrement des plus vulnérables.
Dans le secteur de la protection de l'enfance dont j'ai la charge, la loi du 14 mars 2016 a mis en place une série de mesures qui visent à mieux accompagner les jeunes presque majeurs ou émancipés sortant des dispositifs d'aide sociale à l'enfance (ASE). Ces jeunes sont particulièrement vulnérables car ils se retrouvent parfois trop soudainement lâchés dans la nature, sans soutien familial ou financier.
Avec la réforme de la protection de l'enfance, un entretien est désormais obligatoirement organisé un an avant la majorité des jeunes, afin de préparer leur projet d'autonomie. Par ailleurs, la mesure d'accompagnement peut se poursuivre après la majorité pour leur permettre de terminer l'année scolaire ou universitaire engagée. J'ai aussi souhaité que ces jeunes, lorsqu'ils ont été confiés à l'ASE, puissent bénéficier d'un pécule à leur sortie du dispositif, qui est constitué de la consignation de l'ARS durant leur placement – il ne pèse donc pas sur les dépenses des départements. Enfin, une circulaire est en cours de rédaction pour mobiliser les services de l'État dans l'accompagnement de ces jeunes.
Ainsi, les PAEJ s'inscrivent dans cette politique plus large de soutien aux jeunes vulnérables.
Je saisis l'opportunité de cette audition pour exposer un certain nombre d'autres sujets qui me tiennent à coeur.
Je commence par souligner que le budget qui vous est présenté, pour ce projet de loi de finances, prévoit une hausse de 8 % du programme budgétaire 137, dédié à l'égalité entre les femmes et les hommes. Cette nouvelle hausse s'inscrit dans la dynamique engagée il y a plus de quatre ans maintenant : sur toute la durée du quinquennat, les crédits du fameux 137 ont augmenté de près de 50 %, ce dont nous pouvons nous féliciter.
Dans le même temps, les crédits de l'action 17 du programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes » ont été maintenus, alors même que nous nous trouvions dans un contexte de réduction des dépenses budgétaires. Je suis fière de la politique que nous menons, tout à la fois responsable financièrement et juste socialement. Ces actions me semblent d'autant plus justes qu'elles sont à destination de populations qui sont trop souvent invisibles, absentes des « écrans radar », voire rendues invisibles par la société.
J'en viens aux droits des femmes et à la politique familiale.
Je sais qu'un sujet tient particulièrement à coeur à Mme Coutelle, présidente de la Délégation aux droits des femmes : la transversalité du budget des droits des femmes. Le budget des droits des femmes ne relève pas, en effet, du seul programme 137 : le document de politique transversal nous permet de l'évaluer à 310 millions d'euros.
Il nous faudra aller vers une meilleure identification des dépenses publiques en direction des femmes et des hommes dans nos politiques budgétaires : en clair, nous devrons nous orienter vers des budgets « genrés », qui permettront de savoir si un dispositif ou une dépense profite de manière équitable aux femmes et aux hommes ou davantage aux uns ou aux autres en cas de politique généraliste et non pas de politique spécifique.
Autre sujet : les femmes victimes du système prostitutionnel.
Le dispositif du parcours de sortie instauré par la loi du 6 avril 2016 sera opérationnel dès janvier prochain. Pour 2017, le budget dédié au parcours de sortie a presque triplé et s'élève désormais à 6,6 millions d'euros, auxquels s'ajouteront les recettes provenant de la confiscation des biens et produits des proxénètes et réseaux de traite des êtres humains. Il nous permettra de financer, à la fois, l'aide à l'insertion sociale professionnelle (AFIS) versée aux bénéficiaires du parcours de sortie, ainsi que les subventions aux associations qui accompagnent les personnes prostituées, mais également leur parcours de sortie.
La question de la prostitution a vocation à intégrer le cinquième plan de lutte contre les violences faites aux femmes. Ce plan sera notamment financé par le programme 137, tant pour les actions de soutien, de prise en charge, que pour les actions de prévention. En 2017, ce seront plus de 9 millions qui seront consacrés à ce cinquième plan, soit 1 million de plus qu'en 2016.
Autre chantier sur lequel le programme 137 est mobilisé : l'égalité professionnelle.
À l'occasion de la quatrième édition de la semaine de l'égalité professionnelle, nous avons lancé le premier plan interministériel en faveur de l'égalité professionnelle. Ce plan rassemble toutes les mesures qui contribuent à faire progresser l'égalité entre les femmes et les hommes dans le milieu professionnel, public et privé, qu'elles passent par la lutte contre les stéréotypes, l'accompagnement du dialogue social et la mise en oeuvre de la loi, l'insertion professionnelle ou encore la lutte contre les discriminations et les violences au sein des entreprises.
Toutes ces actions s'articulent autour du fil conducteur de mon ministère : la lutte contre le sexisme. La campagne que j'ai lancée, « Sexisme, pas notre genre ! », nous permet de mettre en lumière la dimension systémique des discriminations et des violences subies par les femmes.
Dans le contexte économique difficile que nous connaissons, nous devons développer des initiatives innovantes, efficaces et pas toujours onéreuses pour les finances publiques. C'est en s'appuyant sur les initiatives locales portées par des associations ou la société civile que l'action publique pourra se renouveler et être repensée. Une action publique qui sera démocratique en impliquant chaque citoyenne et chaque citoyen.
Ainsi, une très large majorité des crédits du programme 137 bénéficie directement aux associations. Elles sont les chevilles ouvrières de la politique en faveur des droits des femmes dans les territoires. Depuis 2012, plus d'une dizaine de conventions pluriannuelles d'objectifs ont été signées entre l'État et de grandes associations, permettant ainsi de mieux sécuriser leur activité. En effet, le passage aux conventions pluriannuelles d'objectifs est extrêmement rassurant pour les associations, aussi bien les têtes de réseaux que les associations locales, dans la mesure où il garantit une visibilité sur leurs engagements à venir.
De la même façon, j'ai particulièrement oeuvré en faveur du maintien, et du dégel, des subventions accordées aux associations dans le cadre du programme 304.
Un mot maintenant sur les réseaux d'entraide et le soutien à la parentalité.
Le réseau d'entraide aux familles monoparentales, Parents solos et compagnie, est une parfaite illustration des politiques innovantes que les pouvoirs publics peuvent mener avec les associations. Ce réseau permet aux familles monoparentales de construire du lien et de dégager du temps pour elles-mêmes. L'objectif est de mailler le territoire national en 2017 : cela sera possible grâce à la bonne implantation de certaines associations telles que les centres sociaux et les UDAF.
L'action 17 du programme 304 a largement financé le réseau d'entraide : 230 000 euros en 2015 et 55 000 euros en 2016 – sommes extrêmement raisonnables, vous le voyez. Bien que les modes de financement se diversifient, le réseau aura encore besoin des crédits du programme 304 en 2017 pour asseoir son installation.
Le soutien à la parentalité est un levier de la politique familiale auquel je suis très attachée. Au-delà du réseau « Parents solos », plusieurs associations de soutien à la parentalité sont subventionnées par le programme 304. Parmi les associations financées par l'action 17 du programme 304 se trouvent aussi celles qui oeuvrent à la prévention de la radicalisation et à l'accompagnement des familles dont un ou plusieurs enfants sont radicalisés ou en cours de radicalisation.
Autre public trop souvent oublié des politiques publiques : les enfants, notamment ceux de la protection de l'enfance.
J'ai annoncé mon ambition de vouloir sortir la protection de l'enfance de l'angle mort des politiques publiques. C'est ce que nous avons fait avec la feuille de route de la protection de l'enfance 2015-2017 et la loi relative à la protection de l'enfant du 14 mars 2016.
Comme vous le savez, la protection de l'enfance est une compétence décentralisée, confiée aux départements. Néanmoins, nous avons réussi à conduire une réforme ambitieuse sans entraîner de dépenses supplémentaires pour l'État ou pour les collectivités, grâce à l'évolution des pratiques et des philosophies des différentes structures impliquées.
Toujours dans ce domaine de la protection de l'enfance, je souhaiterais aborder avec vous un point développé dans le projet annuel de performance (PAP) : le rapprochement des groupements d'intérêt public Enfance en danger (GIPED) et de l'Agence française de l'adoption (AFA). Ces deux GIP, qui sont en partie financés par l'action 17 du programme 304, ont un même objet : la recherche du meilleur intérêt de l'enfant.
Depuis début 2016, le rapprochement GIPED-AFA est en phase de préfiguration. Nous souhaitions le mener à terme avant la fin du quinquennat. Cela ne sera pas le cas : un tel regroupement nécessite plus de temps que nous l'avions initialement envisagé, notamment pour sécuriser la procédure des accréditations pour les adoptions internationales. Celle-ci a suscité de vives inquiétudes, qui ont été relayées largement sur vos bancs. Il ne semblait pas possible d'avoir un débat apaisé sur le sujet, susceptible de répondre aux inquiétudes des familles adoptantes. Par ailleurs, nous n'avons pas trouvé de véhicule législatif satisfaisant.
Ce regroupement a pourtant été recommandé par les inspections des affaires sociales et des affaires étrangères. Dès 2014, un rapport de la Cour des comptes pointait la situation difficile de l'AFA qui, dans un contexte de baisse constante des adoptions internationales, n'a assuré que 200 adoptions sur les 815 adoptions internationales en 2015 – les autres étant assurées par des structures de droit privé. Face à ces constats, le projet de rapprochement reste nécessaire, notamment pour répondre à l'objectif de créer un opérateur unique pour la protection de l'enfance. Il semble en outre y avoir un consensus sur le bien-fondé du projet parmi tous ceux qui maîtrisent le dossier.
Nous souhaitons donc poursuivre la préfiguration du projet, mais en envisageant cette fois différents modes de coopération possibles entre les deux structures, sans en modifier la nature juridique – pour nous mettre à l'abri des éventuelles conséquences de leur rapprochement sur les différences procédures d'adoption déjà en cours.
Le dernier aspect sur lequel je souhaiterais revenir brièvement est la participation de l'Etat à la prise en charge des mineurs non accompagnés (MNA). Comme vous le savez, l'action 17 du programme 304 finance le remboursement, aux départements de l'évaluation, des MNA. Ces remboursements ont sensiblement augmenté ces trois dernières années, et j'ai personnellement veillé à ce que les départements soient remboursés plus rapidement qu'ils ne l'étaient.
Au-delà de la question de l'évaluation, et bien que la protection de l'enfance relève de la compétence départementale, la solidarité nationale doit jouer face à ses situations qui sortent de l'ordinaire, comme celle que nous avons connues à Calais. C'est pourquoi la mise à l'abri des mineurs de Calais a été entièrement effectuée à la charge de l'État. Plusieurs centaines devraient rejoindre le Royaume-Uni. Ceux qui resteront seront intégrés dans le système de droit commun, selon des modalités en cours de définition avec les départements – avec lesquels la discussion est ouverte depuis la réunion organisée la semaine dernière par le Premier ministre avec les ministres concernés.
Des droits de l'enfant aux droits des femmes, le Gouvernement veille au respect des valeurs et des principes de la République de solidarité et d'égalité des chances sur l'ensemble du territoire.
Je vous remercie en regrettant d'être amenée à vous quitter dans une dizaine de minutes pour rejoindre le conseil des ministres.