J'interviens au nom du groupe Les Républicains.
Comme chaque année, la discussion du budget de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » nous rappelle l'importance de la solidarité et notre responsabilité vis-à-vis des populations les plus fragiles de la société française. Elle nous conduit aussi à évaluer avec lucidité les réussites et les échecs des politiques publiques.
Or, si le budget général de la mission est en baisse de 2,6 %, ce qui s'explique par le transfert de certains financements, le programme 304, qui concerne l'inclusion sociale et la protection des personnes, augmente de 11 %. Je mesure, comme vous tous, l'importance des crédits de ce programme qui visent à permettre que chacun vive dignement, mais je m'interroge sur l'avenir. Il est bien sûr de notre devoir d'apporter une aide financière aux plus démunis. Néanmoins, l'augmentation récurrente de ces dépenses révèle un aspect tragique de notre société et pointe l'incapacité du Gouvernement à réformer efficacement et durablement notre pays. L'aide aux plus démunis n'est qu'un pansement sur une plaie profonde que nous aurions pu soigner depuis longtemps. Des réformes économiques et sociales d'ampleur auraient dû être appliquées pour relancer la machine économique française : c'est le seul moyen efficace pour résorber la pauvreté. Or, cela n'a été fait. Les minima sociaux réduisent le taux de pauvreté mais ne permettent pas de s'extraire de la pauvreté – en dépit d'une hausse, j'y insiste, de 30 % de la dépense publique dans ce domaine entre 2008 et 2014.
Ce constat général étant fait, j'en viens à quelques observations. Les premières portent sur la prime d'activité. Selon les chiffres de la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF), le nombre de foyers bénéficiaires a augmenté de plus de 350 000 entre mars et juin 2016, et 400 000 jeunes perçoivent cette prime au lieu des 200 000 jeunes initialement prévus. La question a déjà été posée à la ministre mais je la pose à nouveau : les 4,3 milliards d'euros inscrits à cet effet dans le budget de la mission suffiront-ils à servir la prime d'activité à tous les ayants droit en 2017 ?
L'élargissement de la prime d'activité aux bénéficiaires de l'AAH qui travaillent dans les ESAT est une très bonne mesure. À ce sujet, même si les crédits correspondants ont été transférés à l'Assurance maladie, je veux insister sur la nécessité de créer des places en ESAT. Vous avez annoncé que vous donnerez un avis favorable à un amendement d'origine parlementaire prévoyant de créer 500 nouvelles places dans les entreprises d'insertion ; il faudra faire davantage car, malheureusement, compte tenu de la situation économique dramatique de notre pays, la réinsertion des personnes lourdement handicapées passe essentiellement par la création de places supplémentaires dans ces établissements.
Pour ce qui est de la simplification des minima sociaux et de l'application de certaines des propositions du rapport Sirugue, le Gouvernement donne un signal sans véritablement entrer dans le vif du sujet. On compte, en France, dix minima sociaux différents et plus de quatre millions d'allocataires, et l'on dépense à ce titre plus de 24 milliards d'euros. Pourtant, je l'ai dit, en dépit des hausses budgétaires successives, ces aides ne permettent pas à leurs bénéficiaires de sortir de la pauvreté. Le mécanisme doit donc être revu ; ma collègue Gisèle Biémouret et moi-même préconisons, dans le rapport d'information sur l'évaluation des politiques publiques en faveur de l'accès aux droits sociaux que nous avons déposé au nom du Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques, d'ouvrir un grand chantier de simplification au lieu de s'en tenir à quelques mesures éparses.
Le programme « Handicap et dépendance » contient peu de nouveautés. Cela traduit ce que fut la Conférence nationale du handicap de 2016, qui ne restera pas dans les annales tant les annonces y furent pauvres. On mentionnera toutefois le cumul de l'AAH et de la prime d'activité.
Vous évoquez, comme chaque année, les objectifs de la loi de 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, qui reste le texte de référence. Je persiste à penser que nous ne pouvons laisser les collectivités seules face au coût énorme que représentent les travaux d'accessibilité dans certains bâtiments publics.
La loi d'adaptation de la société au vieillissement a été promulguée. Ce texte, qui avait été annoncé comme devant être la grande loi sur la dépendance, occulte la question centrale de la prise en charge en établissement et du financement de la dépendance, alors que l'espérance de vie ne cesse d'augmenter et que les besoins se chiffreront en milliards d'euros au fil des ans. Plus concrètement, bon nombre de décrets d'application n'ont pas encore été pris, notamment ceux qui concernent la tarification des EHPAD ; quand seront-ils publiés ?
Reste enfin la question particulière des réserves de crédits de la CNSA. Alors que ces réserves tendaient à diminuer ces dernières années, leur brusque remontée s'explique essentiellement par les excédents dégagés au cours de l'exercice 2015, en raison, précisément, du retard pris dans l'élaboration et la promulgation de la loi relative à l'adaptation de la société au vieillissement. Les associations exigent, avec raison, la sanctuarisation de ces fonds au bénéfice des personnes âgées ou handicapées ; qu'en sera-t-il ? Je rappelle qu'en 2014 et en 2015, ces recettes ont servi à financer une partie du déficit du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), ce qui n'était aucunement leur destination initiale.