Cet amendement important vise à mettre en place un dispositif d’indemnisation amiable des victimes de la Dépakine et, plus largement, des victimes du valproate de sodium et de ses dérivés.
Contrairement à ce que vous avez laissé entendre, monsieur Vercamer, nous avons fait face à cette situation de façon résolue et très vite. Dès 2013, nous avons initié, avec d’autres, un travail au niveau européen pour évaluer les conséquences du valproate du sodium – car il y a des victimes de la Dépakine dans d’autres pays. Les propositions qui ont été faites m’ont amenée à saisir en 2015 l’Inspection générale des affaires sociales – IGAS – qui m’a remis un rapport qui débouche sur la mise en place de ce dispositif d’indemnisation.
Je le dis de façon solennelle : en la matière, l’État assume ses responsabilités. C’est pour réparer les conséquences du passé que nous mettons en place un tel dispositif. Un dispositif spécifique est également nécessaire au regard de la complexité de cette affaire. L’information des patientes et les dommages causés sont au coeur du drame : ils méritent d’être pris en considération de manière spécifique.
Le dispositif que je vous propose, qui a évidemment fait l’objet d’une concertation très approfondie – et je tiens à remercier tous ceux, et surtout celles, qui se sont engagés pour le faire aboutir – se décompose en deux phases. La première consiste dans une expertise simplifiée, en lien avec le protocole de diagnostic et de soins en cours de finalisation, sur l’imputabilité des dommages aux médicaments contenant du valproate de sodium. Cette première étape consiste donc, par exemple dans le cas d’un enfant qui présente des troubles autistiques, à évaluer si ces troubles sont imputables à la prise d’un médicament contenant du valproate de sodium.
La seconde phase est une phase d’identification des responsables, puis de conciliation et d’indemnisation. Le comité d’indemnisation rendra un avis dans chaque dossier sur l’identification de celui ou de ceux qu’il considère comme responsables des dommages et sur l’étendue des préjudices. Si le responsable identifié refuse de proposer une offre amiable, s’il présente une offre manifestement insuffisante ou encore si le défaut d’information sur les risques est caractérisé mais que le comité n’a pas identifié de personne physique ou morale pouvant être tenue à l’indemnisation, alors, c’est l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux – ONIAM – qui indemnisera les victimes avant de se retourner à son tour contre ceux qu’il estimera responsables, devant les tribunaux. Bref, en cas de défaut de responsabilité ou si les responsables identifiés se dérobent, l’ONIAM interviendra pour que les victimes ne restent pas sans indemnisation.
J’avais pris l’engagement d’instaurer un dispositif simple, rapide et qui apporte le plus grand nombre possible de garanties aux victimes, parce qu’il est normal, en cas de manquement des autorités sanitaires ou d’autres acteurs, que les responsabilités soient assumées.
Un tel dispositif permet de répondre à une double demande. Je le dis de façon très ferme : la première vise à ne pas déresponsabiliser certains des acteurs, ce qui aurait été le cas si on avait choisi un dispositif engageant l’État en première ligne alors même que ce n’est pas l’AFSSAPS – l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, ancêtre de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé – qui est considérée comme responsable. C’est vrai qu’un tel dispositif avait été envisagé, parce qu’il permettait d’aller très vite, l’État se retournant ensuite vers les responsables. Il avait toutefois un défaut, qui a interdit qu’on le retienne : il donnait le sentiment que les acteurs autres que l’État, notamment industriels, pourraient échapper à leurs responsabilités, ce qui n’était ni sain ni satisfaisant. Il convient de placer tous les responsables devant leurs responsabilités : telle est la première demande à laquelle nous avons voulu répondre.
La seconde est que les victimes soient indemnisées, même dans le cas où les acteurs potentiellement considérés comme responsables refusent de s’engager dans une indemnisation à l’amiable : la substitution de l’ONIAM sera alors automatique.
J’ai indiqué que nous provisionnons 10 millions d’euros pour la première année : dans les faits, les victimes qui doivent être indemnisées le seront et le montant pourra être réajusté dès 2017 en cas de nécessité.
S’agissant du principal médicament concerné, la Dépakine, j’ai écrit à Sanofi pour lui demander de se positionner sur sa participation au système d’indemnisation amiable. Je regrette que le laboratoire ait refusé par principe toute indemnisation amiable a priori. Je souhaite évidemment qu’il change d’avis lors de l’analyse des dossiers, qui se fera au cas par cas.
Je tiens enfin à souligner qu’en adossant ce dispositif à l’ONIAM, je fais le choix de la cohérence du système d’indemnisation amiable dans le secteur de la santé. Il sera toutefois nécessaire de réformer l’Office pour améliorer son organisation et ses procédures d’indemnisation, tout en ayant à coeur de renforcer plus encore les droits des victimes. J’ai donc demandé à l’IGAS de piloter un comité chargé d’élaborer pour le 1er mars un plan d’action en ce sens.
Mesdames et messieurs les députés, ce sujet grave et sensible me tient à coeur, parce que, par-delà son aspect technique, voire abstrait pour ceux qui ne sont pas plongés dans ces mécanismes, ce sont des femmes, leurs enfants, des familles qui sont touchés. Je l’ai déjà souligné au début de la discussion : la Dépakine peut sauver des vies ! Certaines femmes n’ont pas d’autre choix que d’en prendre. Le problème est que, souvent, elles n’ont pas reçu l’information selon laquelle la prise de ce médicament durant la grossesse fait courir des risques importants – qui ont été progressivement mieux évalués – à l’enfant. Il s’agit là de situations humaines tragiques, de drames, comme notre système de santé doit parfois en gérer.
La comparaison avec le Mediator n’est pas pertinente, car les deux situations sont très différentes. Le Mediator ne sauvait aucune vie, contrairement, encore une fois, à la Dépakine. Nous devons apporter une réponse à cette situation humaine. C’est la raison pour laquelle je me suis engagée personnellement dans ce dossier. C’est un moment important et je souhaite que tous puissent se retrouver dans le vote de ce dispositif, dont il faudra ensuite sécuriser la mise en place. Ce soir, nous pouvons faire oeuvre utile, oeuvre juste et oeuvre humaine.