La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
Nous poursuivons l’examen des crédits relatifs à la santé (no 4125, annexe 42 ; no 4129, tome II).
Nous en arrivons aux questions. Je vous rappelle que la durée des questions et des réponses est fixée à deux minutes.
La parole est à Mme Bernadette Laclais, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.
En tant que rapporteure pour avis, madame la ministre, j’ai souhaité que la partie thématique de mon rapport concerne cette année l’institut national du cancer – INCa. Il me semblait en effet intéressant de faire le point sur cet acteur, dont le positionnement est original. Douze ans après sa création, l’INCa a en effet réussi à devenir l’une des agences de référence internationale dans la lutte contre le cancer. Je profite donc de l’examen des crédits de cette mission, madame la ministre, pour vous interroger.
En commission, le budget déployé par votre ministère, mais, aussi, celui de la recherche, nous a rassurés. Il me semblerait néanmoins intéressant, compte tenu du renforcement du rôle de l’INCa notamment en matière de politique de prévention et parce que vous vous avez évoqué vous-même dans votre propos liminaire l’attachement du Gouvernement à cette dernière, que vous nous en disiez peut-être un peu plus sur la façon dont vous la concevez pour ce qui est de l’INCa.
Je souhaiterais également savoir où nous en sommes de la rédaction et de la mise en oeuvre des décrets d’application de l’article 144 de la loi de modernisation de notre système de santé relatif à la place de l’activité physique adaptée – nous sommes là encore dans cette logique de prévention qui vous est chère. Vous savez que les parlementaires que nous sommes avons souhaité cette disposition et que nous sommes attachés à la parution de ce décret avant la fin de cette législature, dans l’esprit qui a prévalu et qui doit donner un cadre pérenne à de nombreuses initiatives territoriales très appréciées. Pouvez-vous nous confirmer le calendrier et l’esprit dans lequel vous envisagez ces décrets – comptez-vous notamment vous appuyer sur les expériences territoriales ?
Mesdames, messieurs les députés, madame Laclais, l’INCa a mené un travail très remarquable pour rénover le dispositif de dépistage du cancer du sein dont 12 000 femmes meurent chaque année. Il s’agit en effet du cancer le plus meurtrier pour elles alors que, s’il est pris à temps, il est possible de le guérir neuf fois sur dix. L’amélioration du processus de dépistage est donc évidemment très importante et nous devons le moderniser.
L’INCa s’est mobilisé et a fait un certain nombre de propositions, en particulier afin de promouvoir un parcours plus personnalisé de dépistage, une meilleure information des femmes et une meilleure implication du médecin traitant. Avant la fin de l’année, j’aurai l’occasion de préciser les modalités du nouveau programme de dépistage qui sera mis en place à partir des recommandations de l’INCa. L’objectif : soigner toujours un plus grand nombre de femmes.
La deuxième partie de votre question portait sur une disposition de la loi de modernisation de notre système de santé votée à l’initiative des parlementaires de votre groupe, madame la députée. Il s’agit de permettre au médecin traitant de prescrire une activité physique adaptée aux malades chroniques ou souffrant d’une affection de longue durée.
Deux textes d’application sont en cours de concertation : un décret qui précisera les professionnels qui pourront dispenser cette activité physique adaptée ; un arrêté qui permettra d’accompagner les médecins prescripteurs.
La concertation se poursuit et je tiens à publier ces deux textes d’application avant la fin de l’année, en précisant, madame la députée, qu’ils doivent être bien entendu d’application simple, sans complexité inutile, et qu’ils doivent permettre aux patients qui pourraient tirer un bénéfice de l’activité physique de le faire effectivement tout en assurant aussi aux malades les plus fragiles et aux intervenants les garanties de sécurité, y compris de sécurité juridique, qui s’imposent. Tel est l’esprit dans lequel nous travaillons.
Nous en arrivons aux questions du groupe Les Républicains.
La parole est à M. Bernard Perrut.
Madame la ministre, le nombre de patients sans cesse croissant dans les services d’urgence n’est pas sans conséquence. Les situations de tension hospitalière, les difficultés de recrutement médical dans ces services, les évolutions dans le cadre de la loi santé avec les groupements hospitaliers de territoire – GHT – m’amènent à évoquer l’organisation et les évolutions des services d’urgences.
De nombreux rapports professionnels, institutionnels, parlementaires existent. J’aimerais connaître, madame la ministre, vos orientations et décisions concernant l’organisation territoriale de la prise en charge des urgences. Des propositions vous ont été faites visant à établir différents niveaux des structures prenant en charge les urgences afin d’optimiser les compétences et de mieux gérer les ressources humaines et donc financières dans le cadre de nouvelles articulations entre les services existants.
Ainsi la complémentarité des services des urgences entre un hôpital et un établissement privé, comme c’est le cas dans l’agglomération de Villefranche-sur-Saône, dans le Rhône, mérite-t-elle d’être poursuivie. Les deux directions de ces établissements, les praticiens, les maisons médicales de garde sont ouverts à une adaptation de l’organisation actuelle mais expriment leurs inquiétudes devant une éventuelle cessation d’activité, envisagée par l’agence régionale de santé – ARS –, au sein de la polyclinique qui assure pourtant plus de 20 % de l’activité d’urgence.
Cette disparition, madame la ministre, conduirait à une surcharge de patients pour l’hôpital et l’offre de soins ne serait plus suffisante pour les habitants de ce territoire. Une telle décision irait à rencontre du but recherché.
Madame la ministre, merci de me rassurer quant à votre volonté de mettre en oeuvre cette réforme des urgences en lien avec les professionnels de santé et les élus locaux, qui connaissent bien les réalités de leurs territoires. Il est en effet essentiel de s’adapter aux besoins de la population et de répondre à l’objectif d’un accès pour tous aux soins urgents dans les délais les plus rapides avec une haute qualité de prise en charge.
Monsieur Perrut, l’accès aux urgences est évidemment une priorité. Tout d’abord, nous avons déployé un réseau de médecins correspondants du Samu qui permet à nos concitoyens d’accéder à des services d’urgence dans un délai inférieur à trente minutes. Nous sommes proches de cet objectif pour l’ensemble de la population française.
Ensuite, il y a les services d’urgence, au sens classique du mot, dans l’hôpital. J’ai pris une série de mesures afin de permettre d’endiguer la présence importante de patients. Nous avons d’abord mis en place des dispositions de gestion des lits d’aval pour éviter un engorgement dans les services d’urgence une fois que les patients peuvent les quitter. Cela fonctionne bien.
Les établissements, ensuite, mettent en place des filières adaptées répondant aux urgences immédiates, aux grandes urgences ou aux urgences, disons, plus bénignes. Cette répartition des filières donne d’excellents résultats dans les établissements.
Enfin, nous devons évidemment nous adosser aux maisons médicales de garde et à la médecine libérale lorsqu’elle est disponible et volontaire. C’est d’ailleurs le cas dans votre département : le GHT de Villefranche-sur-Saône fait partie des établissements dont la démarche de coopération est avancée. Le volet « urgence » du schéma régional d’organisation des soins, organisé avec l’ARS, est en pleine phase de mise en oeuvre. C’est dans ce cadre qu’il a été demandé à l’hôpital et à la clinique de Villefranche-sur-Saône de travailler ensemble sur un schéma d’organisation territoriale des urgences qui fera l’objet d’une validation au début de l’année prochaine.
Tous les éléments sont réunis pour que les choses se mettent en place de façon satisfaisante pour les professionnels et, évidemment, pour la population. À mon sens, il n’y a aucune raison de nourrir quelque inquiétude que ce soit dès lors que l’ensemble des acteurs poursuit le chemin de la coopération et d’une action constructive au service de nos concitoyens.
Madame la ministre, dans la présentation stratégique de la mission, vous prônez la refondation de la politique de santé pour relever les grands enjeux du XXIe siècle. Aussi souhaiterais-je vous poser deux questions.
Vous demandez aux ARS de construire les projets régionaux de santé. Or, la feuille de route est difficile, d’abord parce que vous leur demandez d’aller vite, ensuite en raison d’une ligne politique nationale mal définie, et surtout parce que les ARS ne se sont pas complètement approprié leurs nouveaux périmètres d’intervention issus des fusions. Madame la ministre, ne serait-il pas intéressant de redonner du temps aux acteurs locaux, d’autant plus que, le plus souvent, ils ne se connaissent pas encore ?
Le deuxième point touche à la politique vaccinale, sur laquelle nous ne cessons d’appeler votre attention eu égard à la défiance de nos concitoyens vis-à-vis du recours au vaccin. Il a fallu attendre la fin du quinquennat pour que soit organisée une concertation préalable à la redéfinition d’un axe pourtant essentiel dans le champ de la prévention. Au regard du calendrier électoral, quelle est finalement votre stratégie – sauf à penser, bien sûr, que vous n’affichiez pas une véritable ambition en la matière ?
Monsieur Delatte, j’entends l’inquiétude que vous exprimez quant à la mise en place des projets régionaux de santé mais je souhaite la lever.
L’objectif fixé par la loi est que ces projets soient mis en oeuvre au 1er janvier 2018. Un travail a été engagé : les ARS auront eu plus de trois ans pour se préparer et discuter bien évidemment avec l’ensemble des acteurs concernés, l’objectif étant de parvenir à des stratégies décloisonnées de coopération entre tous. Je précise que les dispositions d’application de la loi ont fait l’objet de concertations systématiques avec l’ensemble des acteurs. Je suis donc confiante.
Monsieur le député, je ne vous laisserai pas dire que la question de la vaccination n’a pas été pour moi une préoccupation constante depuis le début de ce quinquennat. D’ailleurs, cela a été remarqué puisque des oppositions se sont parfois fait jour suite à l’expression extrêmement ferme de ma conviction selon quoi la vaccination constitue un enjeu majeur de santé publique.
Monsieur le député, j’ai saisi à plusieurs reprises le Haut conseil de la santé publique, qui s’est prononcé. J’ai engagé des concertations avec les industriels afin de garantir l’approvisionnement des pharmacies en vaccins puisque, si l’on veut que les gens se vaccinent ou fassent vacciner leurs enfants, il faut évidemment que tous les vaccins soient disponibles. Des progrès notoires ont été accomplis.
Je me suis engagée pour la vaccination contre la grippe. Dans le cadre du PLFSS, vous êtes en train de voter les dispositions qui permettront aux pharmaciens de vacciner les personnes les plus fragiles, notamment celles qui ont plus de 65 ans. C’est un progrès important.
Sourires
Enfin, j’ai lancé une concertation présidée par le professeur Fischer, dont les résultats seront présentés prochainement. L’objectif a toujours été clair : renforcer la confiance de nos concitoyens dans la vaccination. Nul mieux qu’un grand professeur de médecine, pédiatre, professeur à l’hôpital Necker, n’était habilité à présider une telle concertation qui, pour moi, vise à conforter une confiance indispensable en termes de santé publique.
Madame la ministre, vous nous avez présenté un projet de loi de financement de la Sécurité sociale dont vous êtes satisfaite. Pas nous, ni les médecins libéraux généralistes, dont il manque 30 à 40 % d’installations dans les zones rurales mais aussi dans certaines zones urbaines ou désertifiées.
Et que dire de ce que vous déployez dans le cadre du projet de loi de finances ! On continue de naviguer à contresens. Depuis 2013, les crédits des missions affectées aux instituts chargés de la veille sanitaire et de la prévention, aujourd’hui réunis au sein de l’Agence nationale de santé publique, ont chuté de 38,2 %, alors qu’on augmente dans le même temps de 40 % les crédits du programme qui finance l’aide médicale de l’État – AME. Procéder à de telles coupes budgétaires en matière de prévention est extrêmement inquiétant, d’autant plus que le système de santé est déjà extrêmement fragilisé par le manque de médecins et par un personnel soignant débordé.
Les jeunes médecins diplômés renoncent à s’installer à la fin de leurs études, du fait des contraintes de travail auxquelles s’ajoutent des contraintes administratives et financières. La nouvelle convention n’est pas signée par les syndicats les plus représentatifs, malgré l’aumône consentie aux médecins français, qui sont les moins rémunérés d’Europe. Pour les médecins spécialistes, le problème est encore plus flagrant : il faut six mois à un an pour obtenir un rendez-vous, et les médecins qui partent à la retraite ne sont pas remplacés.
En milieu hospitalier, 30 % de postes offerts et nécessaires ne sont pas pourvus. Les hôpitaux ont recours à des médecins intérimaires, dont la rémunération avoisine les 1 000 à 1 500 euros par jour dans de nombreuses spécialités, comme la radiologie, l’anesthésie ou les urgences. Cela grève le budget des hôpitaux, mais c’est souvent la seule solution pour éviter la fermeture de services. En outre, ils ont recours à des médecins d’origine étrangère, non européens, sous-payés et ayant une formation différente de la nôtre. Le numerus clausus est certes un facteur aggravant, mais il n’explique pas tout. De même, le mouvement des infirmiers et des aides-soignants exprime le ras-le-bol d’un personnel surexploité et sous-payé, taillable et corvéable à merci.
Cette misère du monde médical nous amène à des situations catastrophiques et dramatiques. Aussi, Madame le ministre, que comptez-vous faire pour apporter des solutions concrètes et pérennes à tous ces problèmes, qui mettent en danger la santé de l’ensemble de nos concitoyens ?
Monsieur le député, je comprends parfaitement la préoccupation que vous exprimez au sujet de la présence de professionnels de santé dans tous nos territoires, à la fois dans les hôpitaux et dans les cabinets libéraux. Mais dire que la santé des Français est menacée, c’est faire injure à l’ensemble de notre système de santé. En effet, les résultats sont là. Et je ne parle pas des résultats de ce gouvernement ou d’un autre, mais des résultats en termes de santé publique, d’espérance de vie et de guérison des maladies.
Autant il est légitime de se préoccuper de la présence de professionnels de proximité, autant il faut se garder de tout propos excessif, car c’est faire du tort à l’action que vous prétendez défendre, et c’est manquer de respect et de reconnaissance envers notre système de santé.
Je ne peux pas vous laisser dire que nous mettons à mal le budget de l’Agence nationale de santé publique. En effet, comme je l’ai dit tout à l’heure à la tribune, la contribution qui lui est demandée dans le cadre des efforts budgétaires qui sont réclamés à l’ensemble du pays, et que vous appelez vous-même de vos voeux, se limite à 2,5 % en termes d’effectifs. Nous avons par ailleurs stabilisé les crédits alloués à la prévention.
S’agissant de la présence des professionnels de santé, je n’entrerai pas dans le détail de toutes les mesures qui ont été annoncées. Je rappellerai simplement que nous avons introduit dans le cadre de la loi santé – j’ignore si vous l’avez votée – un dispositif qui va plafonner les rémunérations des médecins intérimaires. Parallèlement, j’ai lancé un plan d’attractivité pour que des praticiens hospitaliers viennent plus spécifiquement dans les territoires et dans les hôpitaux de proximité. Ces deux mesures conjuguées doivent nous permettre de faciliter les recrutements de professionnels dans les hôpitaux. De la même manière, un plan incitatif a été mis en place, qui s’enrichit année après année, pour que des médecins libéraux s’installent dans tous nos territoires. C’est un sujet que le Gouvernement a pris à bras-le-corps, et qui justifiera que d’autres mesures soient prises à l’avenir.
J’appelle les crédits de la mission « Santé », inscrits à l’état B.
Sur ces crédits, je suis saisie de plusieurs amendements.
La parole est à M. Thierry Mariani, pour soutenir l’amendement no 614 .
Le présent amendement vise à réduire les autorisations d’engagement et les crédits de paiement de l’action « Aide médicale de l’État » du programme 183 « Protection maladie ».
Les 815 213 193 euros de l’Aide médicale de l’État contribuent à assurer un effort de solidarité nationale en faveur de l’accès aux soins des étrangers en situation irrégulière. Dans ce projet de loi de finances pour 2017, le montant des crédits alloués à l’AME connaît une nouvelle progression, de 76,6 millions d’euros par rapport à 2016. L’opposition est par ailleurs persuadée que ces crédits sont sous-estimés, et le rapporteur spécial, si on lui donnait la parole, pourrait le montrer, car il semble qu’une partie des frais soit désormais comprise dans la couverture maladie universelle – CMU. Le nombre des bénéficiaires de l’AME est par ailleurs en hausse, puisqu’il est passé de 177 000 en 2003 à 316 000 en 2015.
Le Gouvernement ne peut pas, d’un côté, étendre les contributions sociales, CSG et CRDS, aux Français de l’étranger, et de l’autre augmenter les crédits alloués à l’aide médicale pour les étrangers en situation irrégulière. Le parallèle peut vous choquer, mais quel message la majorité donne-t-elle à nos compatriotes établis hors de France, si ce n’est qu’un étranger en situation irrégulière en France a davantage le droit d’être soigné qu’un Français résidant à l’étranger ?
À titre de comparaison, pour les 2 millions de Français établis hors de France, les crédits alloués à l’aide à l’accès à la Caisse des Français de l’étranger – CFE – s’élèvent à 392 000 euros seulement, soit 2 000 fois moins que ceux de l’AME.
Vous faites là un très mauvais calcul, madame la ministre. En effet, quand certains Français résidant à l’étranger n’ont pas les moyens de se soigner parce qu’ils n’ont pas pu avoir accès à la CFE, on leur dit de retourner en France pour recevoir les soins dont ils ont besoin. Il serait plus judicieux d’augmenter les crédits d’accès à la CFE et de revoir à la baisse le budget de l’AME, pour lequel vous avez, au cours de ce quinquennat, renoncé à toute maîtrise.
La parole est à M. Claude Goasguen, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Monsieur le député, vous proposez de réduire la dotation versée par l’État à la Caisse nationale d’assurance maladie au titre du financement des soins pour les bénéficiaires de l’AME, car vous considérez que les étrangers en situation irrégulière en France seraient avantagés par rapport aux Français vivant à l’étranger.
Vous oubliez de mentionner, quand vous comparez les montants attribués à ces deux populations, que les effectifs ne sont pas du tout les mêmes. Vous oubliez également de rappeler que le plafond de ressources pour bénéficier de l’aide à l’accès à la CFE est supérieur au plafond d’accès à l’AME.
Enfin, il est faux de dire que les Français expatriés sont moins bien traités que les personnes en situation irrégulière, dans la mesure où les règles sont différentes. Encore une fois, le plafond de ressources pour bénéficier, à l’étranger, de l’aide à l’accès à la CFE est supérieur. Nous adoptons, dans les deux cas, la même démarche : une démarche sanitaire, éthique et morale. Et nous n’avons aucunement la volonté de discriminer les Français qui résident à l’étranger et qui bénéficient du système français dans les mêmes conditions que leurs compatriotes.
Madame la ministre, permettez-moi de vous redire que vous faites un très mauvais calcul à long terme. Pour nos compatriotes expatriés, l’aide à l’accès à la CFE est très faible, et un certain nombre d’entre eux ne peut pas s’y inscrire. Comme ils ne sont pas assurés à l’étranger, on leur dit, au consulat, que s’ils veulent se faire soigner, il vaut mieux qu’ils rentrent en France, où ils seront soignés gratuitement. Cela coûterait beaucoup moins cher s’ils s’assuraient à l’étranger.
Nous en arrivons à une situation aberrante : alors que nos compatriotes pourraient être soignés à moindre coût, si on les aidait à prendre une assurance à l’étranger, aujourd’hui ils reviennent en France et nous coûtent beaucoup plus cher – sans compter que la situation est loin d’être idéale pour eux.
Sans vouloir comparer la situation des sans-papiers et celle des Français de l’étranger, j’insiste sur le fait que 316 000 sans-papiers reçoivent une aide 2 000 fois supérieure aux 2 millions de Français expatriés.
L’amendement no 614 n’est pas adopté.
Cet amendement fixe, pour l’année 2017, le montant alloué au dispositif d’indemnisation des victimes de la Dépakine, lequel dispositif sera détaillé dans l’amendement no 1131 : c’est donc là que nous aurons le débat de fond.
La somme qui est inscrite pour 2017 s’élève à 10 millions d’euros. Il va de soi qu’il s’agit d’un montant d’amorçage et que nous aurons ensuite une montée en puissance. Puisque nous sommes seulement sur le point de créer le dispositif d’indemnisation, il faudra un peu de temps avant que les premières victimes soient indemnisées. Je répète donc que cette somme de 10 millions est destinée à augmenter fortement dans les années à venir.
Cet amendement n’a pas été examiné en commission et je n’ai pas d’avis sur la question.
Il s’agit d’un amendement important, comme le no 1131 que nous examinerons tout à l’heure. La question concerne un certain nombre de Français. L’usage de la Dépakine est un véritable scandale sanitaire, qui dure depuis une cinquantaine d’années. On estime en effet que ce médicament est à l’origine de malformations importantes chez le foetus et de troubles comportementaux chez l’enfant, lorsque la femme enceinte l’a utilisé.
Cela fait un certain nombre d’années que les familles se battent, et le flou a persisté longtemps. Je suis donc très heureux que le Gouvernement présente cet amendement, et l’UDI le votera, comme le no 1131.
J’estime néanmoins que cela ne suffira pas : indemniser les victimes, c’est bien, mais éviter que cela ne se reproduise, c’est mieux.
Il existe un Centre de référence sur les agents tératogènes, le CRAT, qui dresse la liste de l’ensemble des molécules à risque : j’estime qu’il faudrait le solliciter, de façon à labelliser ces molécules et à éviter de nouvelles situations du même genre. De même, il serait bon de renforcer les procédures en matière de pharmacovigilance, de façon à ce que ces scandales à répétition ne se reproduisent pas. Tout le monde se rappelle celui du Mediator.
L’amendement no 1132 est adopté.
La parole est à M. Thierry Mariani, pour soutenir l’amendement no 609 .
Il propose de réduire les crédits affectés à l’aide médicale de l’État, à hauteur de 235 millions d’euros, et d’augmenter d’autant les crédits de l’action 14 du programme 204, où figurent notamment les dépenses relatives au plan cancer et au plan Alzheimer.
En effet, il convient de faire participer les étrangers en situation illégale, qui bénéficient gratuitement d’une couverture santé à 100 %, aux efforts de redressement des comptes publics. Par ailleurs, le plan cancer et le plan Alzheimer sont une priorité, je pense que nous pouvons tous en convenir.
Cette réduction de 235 millions est une mesure de bon sens budgétaire et aussi de justice sociale, qui permettrait tout simplement de revenir au niveau des dépenses d’AME de 2012.
Cet amendement n’a pas été examiné en commission, mais à titre personnel, j’y suis favorable.
Avis défavorable. Le Gouvernement est évidemment engagé dans la lutte contre le cancer et contre la maladie d’Alzheimer, à laquelle il consacre des crédits tout à fait importants. Il n’est donc pas utile d’organiser la sous-budgétisation de l’AME. J’ajoute que des efforts ont été demandés à l’AME, puisqu’en 2016, 150 millions d’économies ont été réalisés grâce à l’alignement de la tarification des soins hospitaliers avec celle de droit commun. Par ailleurs, 60 millions d’économies ont été réalisés grâce à la suppression de la prise en charge des médicaments qui ne sont remboursés qu’à hauteur de 15 %.
L’amendement no 609 n’est pas adopté.
Les crédits de la mission « Santé », modifiés, sont adoptés.
Je suis saisie de plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 62.
La parole est à M. Laurent Furst, pour soutenir l’amendement no 338 .
L’amendement no 338 , accepté par la commission, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
À propos de l’AME de droit commun, la Cour des comptes n’hésite pas à parler de dérive des dépenses, justifiant ainsi une réforme des conditions d’octroi de l’AME. On ne peut plus, en effet, laisser dériver les comptes comme vous l’avez fait, madame la ministre, pour un dispositif non contributif destiné à des personnes qui n’ont pas vocation à rester sur le territoire français et tellement coûteux pour la solidarité nationale – de l’ordre de 1 milliard d’euros – qu’il en devient injuste pour nos concitoyens, qui peinent, eux, à faire face à leurs propres dépenses de santé.
Cet amendement propose de réinstaurer deux mesures adoptées dans le cadre du PLFSS pour 2011 et que vous avez décidé de supprimer dès 2012. La première est un droit annuel forfaitaire, qui conditionnerait le bénéfice de l’AME pour les majeurs. La recette est estimée à environ 5 milliards en année pleine. D’un montant de 30 euros, il représenterait l’équivalent du coût d’une mutuelle pour un salarié au SMIC. Ce droit de timbre constitue, au regard de l’importance des crédits finançant l’AME, une mesure équilibrée mais surtout symbolique, qui a le mérite d’éviter que des personnes en situation irrégulières soient les seules dispensées de la moindre participation à leur couverture sociale, au moment même où notre système de protection sociale exige un effort national de solidarité accru. J’imagine que vous allez nous opposer les coûts de gestion de ces droits de timbre, mais cette mesure n’a pas été appliquée suffisamment longtemps pour pouvoir en juger l’importance. Des solutions concrètes peuvent d’ailleurs être trouvées pour en limiter les coûts.
La seconde mesure vise à rétablir la procédure d’agrément préalable pour les soins hospitaliers les plus coûteux et programmés, sachant que l’essentiel des dépenses est constitué par les soins hospitaliers.
Ces mesures tendent à renforcer la bonne gestion de l’Aide médicale de l’État et à en garantir la pérennité, puisqu’elle répond à des considérations éthiques et sanitaires évidentes – mais sans avoir vocation à être plus généreuse que la couverture sociale de nos concitoyens, à l’heure où tant de Français modestes renoncent à des soins faute de moyens. Je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter cet amendement.
Je voudrais essayer de rétablir la vérité sur l’AME. N’oublions pas que ce dispositif a été créé pour disposer d’une estimation de l’aide apportée par la France à des immigrés clandestins. L’intention était louable, mais, comme le montrent les six rapports que j’ai réalisés sur la question, le dérapage est constant. L’AME est un ovni sur le plan comptable : son montant ne correspond absolument pas à la réalité des coûts. Le dispositif est largement sous-estimé, ce qui est fréquent mais qui conduit aussi, et c’est beaucoup plus grave, s’agissant d’un sujet aussi politique, à ce que la vérité n’apparaisse pas. Il a fallu attendre que la Cour des comptes juge les comptes de l’AME insincères – ce qui, pour un comptable, est pire que tout.
En réalité, l’aide aux immigrés clandestins dépasse largement le budget de l’AME, comme en témoignent les quelques exemples que j’ai donnés dans le rapport, malgré certaines difficultés d’obtention des éléments chiffrés, le ministère n’étant pas très prompt à éclairer ce sujet. Je pense notamment à la pratique habituelle de la loi de finances rectificative, ou aux 250 millions pris sur le budget de la Sécurité sociale et alloués aux hôpitaux – certains sont beaucoup plus concernés que d’autres. Je pense également au budget de Mayotte : on m’a répliqué que ce département n’était pas encore éligible à l’AME, mais ce budget est quand même consacré aux immigrés clandestins ! D’après les chiffres que j’ai obtenus, j’estime que 100 millions d’euros sont consacrés aux immigrés clandestins. Et les chiffres sur la Guyane sont contredits en permanence par la chambre régionale des comptes… En réalité, le coût global de l’AME a largement dépassé le milliard d’euros.
Au reste, il existe un nouveau sujet, qui est formidable : les demandeurs d’asile. Tant qu’ils n’ont pas été déboutés, les demandeurs d’asile sont en situation régulière. Ils relèvent donc du budget de la CMU. Le jour où ils sont déboutés, que deviennent-ils ? Si vous avez la réponse, donnez-la moi, parce que je n’arrive toujours pas à le savoir ! S’ils restent sur le territoire, ils devraient, conformément au droit en vigueur, être éligibles à l’AME. Ils n’ont en tout cas aucune possibilité de rester à la CMU, puisqu’ils ne sont plus en situation régulière. Par conséquent, nous faisons face de toute évidence à un nouveau problème : celui des immigrés clandestins venant de la procédure du droit d’asile dans la CMU.
Les chiffres sont donc totalement sous-évalués, et l’AME est morte : quel que soit le prochain gouvernement, l’AME n’est plus gérable. C’est une fiction, et c’est une catastrophe, pour la politique comme pour la comptabilité.
La commission n’a pas examiné cet amendement. À titre personnel, j’émets un avis favorable.
La parole est à Mme Bernadette Laclais, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales.
La commission des affaires sociales a examiné l’amendement de M. Delatte, comme elle le fait régulièrement : tous les ans en effet, il est redéposé, avec les mêmes arguments et les mêmes réponses de notre part.
Nous sommes défavorables à cet amendement pour des raisons de principe, mais aussi pour des raisons d’efficacité de la dépense. Puisque nous discutons du projet de loi de finances, je rappelle qu’un rapport d’information du comité d’évaluation et de contrôle de notre assemblée indiquait en 2015 que si 10 % des bénéficiaires de l’AME retardaient leur accès aux soins jusqu’à être contraints de recourir à une prise en charge hospitalière, le surcoût serait de 20 millions d’euros. Le gain obtenu grâce au droit de timbre que vous proposez, que vous estimez à environ 5 millions, serait donc, au mieux, complètement neutralisé.
Au reste, je souligne que le dispositif que vous proposez a déjà fait la preuve de son inefficacité, puisque vous l’avez mis en oeuvre en 2011. Il a été supprimé en 2012, mais dès 2011, nous avons pu constater que la procédure d’agrément préalable avait eu pour conséquence une progression spectaculaire des dépenses, de 4,9 %, qui s’explique notamment par une augmentation de 7,2 % des dépenses hospitalières.
Enfin, la procédure d’agrément préalable a elle-même un coût important, dans la mesure où elle nécessite des infrastructures de traitement des demandes. Pour des raisons éthiques, pour les raisons sanitaires que j’ai eu l’occasion de rappeler la semaine dernière en commission et pour des raisons financières, nous sommes donc hostiles à cet amendement.
Avis défavorable, pour les mêmes raisons. J’ajoute que, contrairement à ce qui a été dit, la maîtrise des dépenses est de plus en plus fine et l’évaluation des dépenses de plus en plus précise. En effet, s’il y avait un écart significatif il y a quelques années entre les crédits ouverts en loi de finances initiale et les dépenses constatées, cet écart s’est très considérablement réduit : il a été divisé par deux entre 2015 et 2016. En 2015, nous avions prévu une dépense de 632 millions d’euros, qui s’est finalement établie à 734 millions, ce qui représente un écart de 102 millions. En 2016, nous avons prévu des crédits en loi de finances initiale très supérieurs à ceux de l’année précédente – 696 millions – et la dépense constatée sera de 754 millions.
L’écart existe toujours, mais il n’est plus que de 58 millions. Nous affinons donc année après année nos dispositifs. En 2013, l’écart était de 172 millions – 2013, pas 2010, 2011 ou 2009 ! Cela signifie que le travail d’évaluation et d’anticipation se précise et nous permet d’aboutir à des estimations qui sont aujourd’hui satisfaisantes.
Sans ralentir le débat, je tiens à compléter les propos de Mme Laclais en donnant un autre chiffre : le coût moyen d’un patient attributaire de l’AME est à peu près le même en 2016 qu’en 2007. Le seul pic a été constaté en 2011, où le coût a effectivement explosé.
C’est vous qui l’avez écrit dans vos rapports, monsieur le rapporteur spécial !
Une étude de la CPAM de Paris montre que l’immense majorité – plus de 80 % – des personnes éligibles à l’AME coûtent un peu moins de 1 000 euros par an, et que seuls 3 % d’entre eux coûtent environ 10 000 euros, notamment pour des motifs d’hospitalisation et de maternité.
Il est donc faux de répéter que le coût de l’AME explose, mais il est vrai qu’il y a plus d’attributaires aujourd’hui. Mme la ministre a dit que les crédits qui y étaient consacrés étaient légitimes. Vous avez le droit d’être contre. Il s’agit d’un problème de fond, que vous résoudrez peut-être grâce à la campagne électorale qui s’annonce.
Nous avons pour notre part la conviction que l’AME est non seulement un impératif éthique et humanitaire, mais qu’elle répond aussi à un problème objectif de santé publique.
J’entends beaucoup parler d’éthique et de morale, mais demander à tous les Français de participer alors qu’ils savent qu’aux étrangers sans papiers, on ne demande même pas 30 euros, est-ce éthique et moral ? Vous avez supprimé le simple examen pour accord préalable, était-ce éthique et moral ? Je me rappelle comment, à la faveur des débats, avec notamment M. Goasguen et M. Tian, nous avions réussi à arracher au ministre d’alors, Mme Bachelot, l’instauration de cette petite participation symbolique et cet accord préalable.
J’ai admiré vos propos, madame la ministre : si j’ai bien compris, les chiffres sont de mieux en mieux maîtrisés, mais le coût était de 75 millions en l’an 2000, contre 815 millions aujourd’hui. Autrement dit, nous maîtrisons de plus en plus l’estimation de l’augmentation ! C’est effectivement un grand progrès… En réalité, comme l’a dit M. Goasguen, l’AME est une dépense qui n’est absolument plus maîtrisée, d’autant que nous avons renoncé à demander le moindre effort à cette population.
En outre, vous savez très bien, comme moi qui ai présidé, quand j’étais maire, un hôpital à Valréas, dans le sud de la France, qu’il existe une fraude à l’identité considérable !
Certaines personnes vont se faire soigner avec la carte d’AME de quelqu’un d’autre. Ce sont des sans papiers qui ne sont même pas attributaires de l’AME. Bref, il y a une dérive totale, dont témoigne l’explosion des chiffres.
Les dispositions que la majorité précédente avait bien trop timidement votées constituaient de tout petits pas. Vous êtes revenus en arrière. Le rejet du présent amendement montrera que l’on a renoncé à toute maîtrise. L’année prochaine, si, par malheur, vous étiez toujours majoritaires, je suis persuadé que vous proposerez une augmentation de 85 millions, en vous félicitant que ce soit si bien estimé !
L’amendement no 296 n’est pas adopté.
Cet amendement important vise à mettre en place un dispositif d’indemnisation amiable des victimes de la Dépakine et, plus largement, des victimes du valproate de sodium et de ses dérivés.
Contrairement à ce que vous avez laissé entendre, monsieur Vercamer, nous avons fait face à cette situation de façon résolue et très vite. Dès 2013, nous avons initié, avec d’autres, un travail au niveau européen pour évaluer les conséquences du valproate du sodium – car il y a des victimes de la Dépakine dans d’autres pays. Les propositions qui ont été faites m’ont amenée à saisir en 2015 l’Inspection générale des affaires sociales – IGAS – qui m’a remis un rapport qui débouche sur la mise en place de ce dispositif d’indemnisation.
Je le dis de façon solennelle : en la matière, l’État assume ses responsabilités. C’est pour réparer les conséquences du passé que nous mettons en place un tel dispositif. Un dispositif spécifique est également nécessaire au regard de la complexité de cette affaire. L’information des patientes et les dommages causés sont au coeur du drame : ils méritent d’être pris en considération de manière spécifique.
Le dispositif que je vous propose, qui a évidemment fait l’objet d’une concertation très approfondie – et je tiens à remercier tous ceux, et surtout celles, qui se sont engagés pour le faire aboutir – se décompose en deux phases. La première consiste dans une expertise simplifiée, en lien avec le protocole de diagnostic et de soins en cours de finalisation, sur l’imputabilité des dommages aux médicaments contenant du valproate de sodium. Cette première étape consiste donc, par exemple dans le cas d’un enfant qui présente des troubles autistiques, à évaluer si ces troubles sont imputables à la prise d’un médicament contenant du valproate de sodium.
La seconde phase est une phase d’identification des responsables, puis de conciliation et d’indemnisation. Le comité d’indemnisation rendra un avis dans chaque dossier sur l’identification de celui ou de ceux qu’il considère comme responsables des dommages et sur l’étendue des préjudices. Si le responsable identifié refuse de proposer une offre amiable, s’il présente une offre manifestement insuffisante ou encore si le défaut d’information sur les risques est caractérisé mais que le comité n’a pas identifié de personne physique ou morale pouvant être tenue à l’indemnisation, alors, c’est l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux – ONIAM – qui indemnisera les victimes avant de se retourner à son tour contre ceux qu’il estimera responsables, devant les tribunaux. Bref, en cas de défaut de responsabilité ou si les responsables identifiés se dérobent, l’ONIAM interviendra pour que les victimes ne restent pas sans indemnisation.
J’avais pris l’engagement d’instaurer un dispositif simple, rapide et qui apporte le plus grand nombre possible de garanties aux victimes, parce qu’il est normal, en cas de manquement des autorités sanitaires ou d’autres acteurs, que les responsabilités soient assumées.
Un tel dispositif permet de répondre à une double demande. Je le dis de façon très ferme : la première vise à ne pas déresponsabiliser certains des acteurs, ce qui aurait été le cas si on avait choisi un dispositif engageant l’État en première ligne alors même que ce n’est pas l’AFSSAPS – l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, ancêtre de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé – qui est considérée comme responsable. C’est vrai qu’un tel dispositif avait été envisagé, parce qu’il permettait d’aller très vite, l’État se retournant ensuite vers les responsables. Il avait toutefois un défaut, qui a interdit qu’on le retienne : il donnait le sentiment que les acteurs autres que l’État, notamment industriels, pourraient échapper à leurs responsabilités, ce qui n’était ni sain ni satisfaisant. Il convient de placer tous les responsables devant leurs responsabilités : telle est la première demande à laquelle nous avons voulu répondre.
La seconde est que les victimes soient indemnisées, même dans le cas où les acteurs potentiellement considérés comme responsables refusent de s’engager dans une indemnisation à l’amiable : la substitution de l’ONIAM sera alors automatique.
J’ai indiqué que nous provisionnons 10 millions d’euros pour la première année : dans les faits, les victimes qui doivent être indemnisées le seront et le montant pourra être réajusté dès 2017 en cas de nécessité.
S’agissant du principal médicament concerné, la Dépakine, j’ai écrit à Sanofi pour lui demander de se positionner sur sa participation au système d’indemnisation amiable. Je regrette que le laboratoire ait refusé par principe toute indemnisation amiable a priori. Je souhaite évidemment qu’il change d’avis lors de l’analyse des dossiers, qui se fera au cas par cas.
Je tiens enfin à souligner qu’en adossant ce dispositif à l’ONIAM, je fais le choix de la cohérence du système d’indemnisation amiable dans le secteur de la santé. Il sera toutefois nécessaire de réformer l’Office pour améliorer son organisation et ses procédures d’indemnisation, tout en ayant à coeur de renforcer plus encore les droits des victimes. J’ai donc demandé à l’IGAS de piloter un comité chargé d’élaborer pour le 1er mars un plan d’action en ce sens.
Mesdames et messieurs les députés, ce sujet grave et sensible me tient à coeur, parce que, par-delà son aspect technique, voire abstrait pour ceux qui ne sont pas plongés dans ces mécanismes, ce sont des femmes, leurs enfants, des familles qui sont touchés. Je l’ai déjà souligné au début de la discussion : la Dépakine peut sauver des vies ! Certaines femmes n’ont pas d’autre choix que d’en prendre. Le problème est que, souvent, elles n’ont pas reçu l’information selon laquelle la prise de ce médicament durant la grossesse fait courir des risques importants – qui ont été progressivement mieux évalués – à l’enfant. Il s’agit là de situations humaines tragiques, de drames, comme notre système de santé doit parfois en gérer.
La comparaison avec le Mediator n’est pas pertinente, car les deux situations sont très différentes. Le Mediator ne sauvait aucune vie, contrairement, encore une fois, à la Dépakine. Nous devons apporter une réponse à cette situation humaine. C’est la raison pour laquelle je me suis engagée personnellement dans ce dossier. C’est un moment important et je souhaite que tous puissent se retrouver dans le vote de ce dispositif, dont il faudra ensuite sécuriser la mise en place. Ce soir, nous pouvons faire oeuvre utile, oeuvre juste et oeuvre humaine.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Madame la ministre, il s’agit effectivement d’un sujet grave et je tiens tout d’abord à faire part de ma solidarité avec les victimes de la Dépakine. Je salue également l’écoute qui a été la vôtre des victimes et familles de victimes ainsi que des associations de parents d’enfants victimes de la Dépakine. Je salue enfin votre travail sur ce dossier et le fait que vous ayez tenu vos engagements, comme le prouve cet amendement.
J’avais déposé deux autres sous-amendements sur le sujet, qui ont été déclarés irrecevables par la commission des finances. Peut-être pourrez-vous nous éclairer aussi à leur propos. Le premier prenait en considération les victimes à la fois directes et indirectes : compte tenu de notre expérience de l’ONIAM, nous voulions avoir la certitude que les victimes indirectes – par exemple un parent qui a dû renoncer à travailler pour s’occuper de son enfant – seront bien prises en compte dans le cadre de votre dispositif. En effet, en dépit de la jurisprudence du Conseil d’État, il est arrivé à l’ONIAM, dans d’autres cas, de ne pas prendre en compte les victimes indirectes.
Le second sous-amendement avait pour objet de savoir si le fonds d’indemnisation prendrait en compte les victimes dans des cas survenus avant la date à laquelle une information devait être donnée aux patientes sur les risques encourus par le foetus en cas de prise de ce médicament durant la grossesse.
J’en viens aux deux sous-amendements, nos 1134 et 1136 , que j’ai cosignés avec Gérard Bapt. Le premier vise à préciser la juridiction compétente, à savoir le tribunal de grande instance – TGI – de Paris, qui comprend un pôle spécialisé en santé publique. Si cette précision n’est pas inscrite dans la loi, l’incertitude sur la juridiction compétente aboutira à saisir plusieurs juridictions en même temps : la complexité de la procédure engendrera alors des blocages aux dépens des victimes, d’autant que la justice administrative ne peut pas trancher une question portant sur la responsabilité du laboratoire.
Le sous-amendement no 1136 prévoit, quant à lui, que la date d’entrée en vigueur du dispositif soit avancée du 1er juillet 2017 au 1er mai 2017 : ce délai semble raisonnable pour la publication du décret en Conseil d’État, et il appartient au gouvernement et à la majorité actuels de s’assurer jusqu’au bout de l’entrée en application du dispositif.
Madame la ministre, si vos propos sont très émouvants, cet amendement n’est pas sans nous interroger. Il soulève en effet de gros problèmes, d’ordre juridique notamment. J’aurais bien aimé pouvoir examiner en commission les aspects juridiques du texte que vous présentez, qui est très complexe et qui porte sur un sujet que des avocats peuvent connaître, puisqu’il leur arrive de plaider sur des sujets voisins.
Par ailleurs, le commissaire aux finances que je suis se demande comment vous avez choisi la somme annoncée. Pourquoi celle-là plutôt qu’une autre, qu’est-ce qui justifie ce montant ? Vous affirmez que c’est prévisionnel, soit. Mais même une somme prévisionnelle, il convient de la justifier ! Vous ne l’avez pas fait.
Ces deux questions préalables n’interdiront pas le vote en faveur du dispositif. Toutefois, un commissaire aux finances se devait de soulever ces deux problèmes essentiels.
J’essaierai de répondre à toutes ces questions et je demanderai le retrait de ces deux sous-amendements, je vais dire pourquoi.
J’aurais dû préciser que nous parlons ce soir de milliers de cas. Je ne suis pas en mesure de dire combien, par définition. Le rapport de l’IGAS évalue à 14 000 le nombre des femmes exposées entre 2007 et 2014. Des femmes ont pu être exposées depuis 2014 – peu, nous l’espérons – et il y en a évidemment eu avant 2007. Je tiens donc à dire à tous ceux qui, contrairement aux députés de la commission des affaires sociales, avec lesquels nous avons beaucoup échangé, n’ont pas travaillé depuis des mois sur les dispositifs d’indemnisation, que le nombre des victimes potentielles est significatif, même si, je le répète, je ne saurais en donner le nombre exact.
Les dommages causés par l’exposition in utero à ce médicament consistent en des troubles autistiques, des troubles du développement ou des malformations. C’est tout cela qu’il faudra apprécier. L’estimation à 10 millions d’euros pour 2017 est globale, voire grossière, je n’en disconviens pas. J’ai d’ailleurs moi-même souligné qu’il serait peut-être nécessaire de procéder à un ajustement. En toute hypothèse, les années suivantes, il faudra raisonner en dizaines de millions d’euros, pas en unités. Encore une fois, j’ignore combien, puisque le dispositif d’indemnisation que nous proposons fonctionne au cas par cas. Chaque cas examiné fera l’objet des deux étapes que j’ai évoquées : l’évaluation de l’origine des troubles constaté, puis, si les experts estiment que ces troubles sont liés à l’exposition au valproate de sodium, la recherche des responsabilités et l’évaluation du dommage.
Bref, peut-être ce montant de 10 millions a-t-il surtout le mérite de marquer symboliquement l’engagement du processus.
S’agissant de la date d’entrée en application du dispositif, je tiens à souligner que cela demandera un peu de temps, car nous voulons le sécuriser tant sur le plan juridique que sur le plan opérationnel. Il faut mettre en place toute la procédure liée à la concertation. En accord avec les associations de victimes, nous ne pensons pas que le montant de 10 millions prévu pour 2017 soit inadapté : en effet, l’évaluation des premiers dossiers prendra du temps. Mais une fois que le processus sera engagé, le dispositif montera en puissance assez rapidement.
Mesdames et messieurs les députés, je souhaite que tout soit prêt pour le 1er mai. Pour ce faire, je vais pousser les feux, et l’engagement que j’ai pris il y a plusieurs mois reste valable : je ne lâcherai pas ! Je vous annonce ce dispositif ce soir, mais je continuerai à mettre ma vigilance et ma ténacité au service de cette cause au cours des prochains mois.
Si le décret peut être publié avant le 1er mai donc, j’en serai la première heureuse et je pense que tout le monde ici sera satisfait, dans l’intérêt des victimes, parce que la procédure pourra être engagée plus vite. Mais je ne veux pas prendre de risque juridique. Si nous n’étions pas prêts le 1er mai, si la concertation prenait du temps, si nous avions besoin de quelques semaines de mise en place, si le décret sortait du Conseil d’État quelques semaines trop tard, je ne voudrais pas que nous soyons entravés par une date qui ne soit pas tenable. Cela fait partie de ma façon de travailler : je n’ai jamais fait de promesse que je n’étais pas certaine de pouvoir tenir. Je vous demande donc d’entendre ma volonté d’être prête pour le 1er mai, mais aussi la nécessité de nous montrer responsables.
Le sous-amendement no 1134 est plus significatif et plus compliqué. Vous demandez que le TGI de Paris ait une compétence globale sur les actions contentieuses qui découleraient du dispositif d’indemnisation. Pour dire les choses concrètement, vous demandez d’écarter la justice administrative. J’entends bien votre argument, qui a du poids, selon lequel il serait plus simple que ces affaires soient jugées par une seule juridiction. Cependant, je souhaite faire deux observations.
D’une part, vous avez voté la mise en place d’actions de groupe en matière de santé. Je n’exclus pas qu’une telle action de groupe soit engagée à propos des dégâts causés par la Dépakine.
L’avocat de l’association d’aide aux parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anti-convulsivant – APESAC – l’a en effet annoncé. Cette procédure commune simplifiera les choses pour les victimes.
D’autre part, quand vous évoquez des procédures judiciaires, vous pensez évidemment à la responsabilité de l’industriel, mais cette affaire engage aussi la responsabilité de l’État ! Je ne parle pas simplement de l’État au sens institutionnel, mais aussi de l’État dans l’exercice de ses prérogatives de puissance publique.
Or les actes pris dans l’exercice de prérogatives de puissance publique relèvent de la juridiction administrative.
Tel est l’état de notre droit. Certes, il existe des situations où l’État renonce à certaines procédures parce que sa responsabilité ne change pas grand-chose à la situation. Je ne donnerai pas d’exemple, mais il est des cas où saisir un tribunal plutôt qu’un autre n’a pas d’incidence majeure. Mais dans le cas de la Dépakine, l’enjeu est absolument majeur pour l’État, puisque c’est sa responsabilité de garant et de protecteur des procédures de sécurité sanitaire qui est mise en cause. Des agences, des autorités sanitaires sont impliquées : nous parlons donc bien de l’État dans ses compétences régaliennes en matière sanitaire.
Je vous demande donc, madame la députée, de retirer ce sous-amendement au bénéfice de mes explications. Il n’y a pas de mauvaise volonté de ma part, aucune volonté de complexifier les procédures, j’espère que vous l’entendez bien, mais au contraire une volonté de m’assurer que la responsabilité de l’État sera pleinement assumée et totalement prise en compte.
Voilà donc les raisons pour lesquelles je demande le retrait de vos deux sous-amendements. À défaut, je serai défavorable au sous-amendement no 1134 relatif à la compétence du TGI de Paris et je m’en remettrai à la sagesse de votre assemblée concernant le no 1136, qui vise à avancer au 1er mai 2017 la date d’entrée en vigueur du dispositif. Cela étant, être responsable, c’est aussi être sûr de pouvoir tenir ses engagements.
Madame la ministre, je veux d’abord avoir une pensée pour les familles des victimes.
Il ne s’agit pas ici de l’effet indésirable d’un médicament sur un organisme, qui cause des dégâts personnels, mais de dégâts familiaux. Ils sont certes sériels, comme pour le Mediator, mais cette affaire n’a rien à voir, notamment en ce qu’aucune obstruction par l’industrie n’a été prouvée – encore que l’instruction judiciaire fera la lumière sur ce point. Elle s’en rapproche cependant par la durée pendant laquelle ces effets indésirables n’ont pas été repérés, ni les alertes, lancées dès les années 1980 pour les malformations et dans les années 1990 pour les troubles du développement neurocognitif, prises en compte. Il ne faut pas non plus oublier les morts in utero, lorsque les malformations du foetus sont massives.
Comme moi, vous avez sûrement rencontré des familles concernées, avec parfois plusieurs enfants souffrant non seulement de malformations physiques, mais aussi de troubles du comportement pouvant aller jusqu’à l’autisme. Je pense aussi aux dégâts familiaux : on sait par exemple que les divorces sont presque deux fois plus fréquents dans les familles concernées par l’autisme. C’est dire la souffrance des parents, et encore plus lorsque plusieurs enfants sont atteints. Les familles ont découvert le rôle joué par la Dépakine soit par hasard sur internet – c’est ce qui est arrivé à la présidente de l’APESAC, qui a oeuvré de manière admirable pour diffuser cette alerte – soit à l’occasion d’un dépôt de plainte, soit en recevant par exemple le résultat d’études pharmaco-épidémiologiques visant à évaluer le nombre de cas et de familles concernés. Bref, nous parlons d’un drame social au moins aussi important que celui du Mediator.
Par ailleurs, madame la ministre, je veux saluer la façon dont vous avez travaillé, en concertation avec les familles des victimes, en particulier avec l’APESAC. L’amendement que vous nous présentez ce soir a fait l’objet d’un long travail, y compris avec les conseillers juridiques de cette association.
Il y a quand même un point sur lequel je souhaite vous entendre, madame la ministre. Mme Batho a évoqué tout à l’heure un sous-amendement déclaré irrecevable au titre de l’article 40 et qui visait à préciser que l’indemnisation concerne non seulement la victime, c’est-à-dire l’enfant, éventuellement devenu adulte, mais aussi les personnes du contexte familial et médico-social. Certes, nous allons indemniser un dommage. Mais nous parlons d’un médicament indûment prescrit pendant une longue durée, sans information des médecins ni des familles. Pour ces dernières, dont certaines doivent assurer l’éducation et le destin d’enfants autistiques, serait-il juste et solidaire d’indemniser le seul préjudice de la victime ? Ne devons-nous pas faire preuve d’une solidarité particulière à leur endroit ? La justice nous dira quelles sont les responsabilités engagées et comment elles sont partagées.
Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. J’aimerais moi aussi que vous répondiez à mes questions sur les victimes indirectes et sur la date prise en compte pour l’indemnisation.
Je retire le sous-amendement no 1136 relatif à la date d’entrée en vigueur du dispositif : j’ai confiance en votre détermination à aller le plus vite possible.
En revanche, je préfère maintenir le no 1134, même si j’ai bien compris qu’il ne serait pas adopté.
L’intention de ce sous-amendement n’est en aucun cas de dédouaner l’État de sa responsabilité. Il vise le cas de figure où une victime conteste la décision du collège d’experts : nous ne pouvons pas la laisser dans une complexité procédurale infinie pour savoir quel est le tribunal compétent.
Le sous-amendement no 1136 est retiré.
Madame Batho, je vais répondre à vos deux premières questions, c’était un oubli.
Le dispositif que je vous propose ne comporte aucune date à partir de laquelle il y aurait une indemnisation. Comme je l’ai dit, c’est au cas par cas que les experts décideront s’il y a lieu d’indemniser ou non un préjudice.
Par ailleurs, il est évidemment prévu la réparation intégrale des préjudices imputables à ces médicaments, qu’il s’agisse des victimes directes ou indirectes. Mais en tout état de cause, je n’aurais pas souhaité inscrire cette précision dans la loi, car nous aurions été confrontés à un risque d’a contrario préoccupant concernant les autres dispositifs de l’ONIAM.
Lorsque l’ONIAM ne respecte pas le principe d’une indemnisation de l’ensemble des victimes, cela pose problème et des actions sont menées. La jurisprudence a récemment confirmé que les victimes directes ou indirectes doivent être indemnisées dans tous les dispositifs. Cette règle a été rappelée à l’ONIAM.
Enfin, je regrette que vous ne retiriez pas le sous-amendement no 1134 relatif à la compétence du TGI de Paris. Je réitère mon avis défavorable, et je veux préciser que ces dispositions sont de nature anticonstitutionnelle.
La répartition des compétences juridictionnelles entre l’ordre judiciaire et l’ordre administratif relève en effet de la Constitution, sauf cas de force majeure. Le dispositif que nous mettons en place doit apporter toutes les garanties nécessaires. Il ne nous semble pas qu’il y ait des raisons majeures de déroger à la répartition fondamentale, constitutionnelle, des compétences de nos juridictions.
Je le répète : je suis défavorable à ce sous-amendement et j’appelle l’attention de l’ensemble des parlementaires sur son caractère anticonstitutionnel.
Le sous-amendement no 1134 n’est pas adopté.
L’amendement no 1131 est adopté à l’unanimité.
Applaudissements sur divers bancs.
La séance, suspendue à vingt-deux heures quarante-cinq, est reprise à vingt-deux heures cinquante.
Nous abordons l’examen des crédits relatifs à l’action extérieure de l’État (no 4125, annexes 1 et 2 ; no 4126, tome I ; no 4127, tome II ; no 4128, tomes I et II)
Sur la base de l’article 58, alinéa 1er de notre règlement, je souhaite faire une remarque sur l’organisation de notre séance. La France est engagée militairement au Proche-Orient, en Afrique, où elle combat le terrorisme ; cela induit, bien évidemment, des problèmes de politique étrangère. Dans le même temps, le Gouvernement a refusé de lever les sanctions contre la Russie, alors même que cette assemblée, par l’adoption d’une résolution, lui avait demandé de le faire.
Dans le même temps toujours, nous entendons des appréciations divergentes à propos de l’élection du nouveau président des États-Unis.
Dans ce contexte, le débat de politique étrangère que nous allons mener sera un débat croupion, il faut bien le reconnaître. On cherche à expédier ces questions, en ne leur consacrant qu’un examen en commission puis une discussion très rapide ce soir en séance publique.
Je le dis comme je le pense : c’est une faute contre notre politique étrangère. Nous affirmons publiquement, à la face du monde, que la politique étrangère est une politique de seconde zone dont la France n’a que faire !
C’est aussi une faute contre le Parlement lui-même. Le Parlement s’honorerait de débattre de la politique étrangère, au moment où la situation internationale va à vau-l’eau. Je tenais à le dire clairement et à protester contre la tenue de ce débat croupion.
Je m’en tiens là, et je vais partir : ce débat-là ne sert à rien !
Rires.
Sourires.
Je resterai pour écouter le ministre, c’est plus correct. Mais lui seul !
Action extérieure de l’État
Nous en revenons à l’examen des crédits de l’action extérieure de l’État – pas à un débat sur la politique étrangère, monsieur Myard.
La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.
Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, messieurs les rapporteurs, je voudrais tout d’abord rassurer M. Myard : il ne s’agit pas d’un débat sur la politique étrangère de la France.
Il sera bien entendu question de la politique étrangère de notre pays, mais notre débat porte plus exactement sur les moyens du ministère des affaires étrangères et du développement international. Si vous voulez un débat de fond, monsieur Myard, sur notre politique étrangère, j’y suis prêt. J’ai d’ailleurs participé il y a peu de temps à un débat de ce type au Sénat, qui était fort intéressant.
Nous avons pu découvrir à cette occasion, au-delà des divergences politiques habituelles, un certain nombre de convergences sur l’essentiel de ce que nous faisons pour défendre les intérêts de notre pays, pour renforcer son influence et son rayonnement, et pour jouer notre rôle sur la scène mondiale. Nous ne devons pas oublier que nous faisons partie des membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies, et que cela nous donne des devoirs ; cela nous ouvre aussi des possibilités dans un monde de plus en plus incertain, voire de plus en plus dangereux. En Europe même, après que le peuple britannique a décidé de sortir de l’Union européenne, la France est en première ligne, dans sa relation spécifique avec l’Allemagne, afin de poursuivre le projet européen.
Mesdames et messieurs les députés, il faut donner à ce ministère les moyens nécessaires pour qu’il puisse mener toutes ses missions, pour qu’il puisse déployer une diplomatie globale, et pour qu’il continue à jouer son rôle en matière économique – puisqu’il a également la responsabilité du commerce extérieur. Il s’agit de renforcer le soutien à nos entreprises en matière d’exportations, mais aussi d’attractivité.
Les résultats sont présents : nous sommes sur la bonne voie, même s’il reste beaucoup de chemin à parcourir. Quand je me déplace dans tous les pays du monde, je vois à quel point nos entreprises, et notamment les PME, pas seulement les grands groupes, sont mobilisées. Elles sont du reste reçues par nos ambassadeurs, nos équipes, nos opérateurs, qui les accompagnent dans tous les projets. Elles sont aidées aussi par les conseillers du commerce extérieur, que je rencontre à chaque fois que je me déplace.
Toutes ces entreprises donnent de la France une image particulièrement dynamique et innovante. C’est le cas de tous ces talents que l’on retrouve dans la French Tech – je tenais à la citer tout particulièrement. J’ai participé à l’inauguration de plusieurs French Tech Hubs, dans plusieurs pays, et j’ai pu voir que nos entreprises représentent dignement et avec dynamisme notre pays.
La diplomatie d’influence, la diplomatie culturelle, est aussi l’un des piliers de notre action globale. Nous devons la porter, la promouvoir : c’est l’occasion, pour nous, de continuer à défendre le modèle français et ses valeurs fondatrices. L’enseignement français à l’étranger, dont il a beaucoup été question en commission élargie, représente à cet égard un vecteur exceptionnel d’influence et de rayonnement. La voix de la France se fait aussi entendre par la coopération culturelle et la promotion de notre création artistique. L’Institut français, à Paris, et les instituts français à l’étranger, s’y emploient, de façon complémentaire avec le réseau des alliances françaises dans le monde.
La France qui rayonne, c’est aussi la France qui attire. C’est particulièrement vrai pour les étudiants étrangers, qui font de la France la troisième destination mondiale pour les études supérieures.
Une diplomatie globale, c’est enfin une diplomatie qui promeut l’attractivité de notre territoire. Malgré les attentats qui ont frappé notre pays, nous devons poursuivre notre mobilisation pour renforcer et promouvoir notre offre touristique. Il s’agit de soutenir ce secteur qui représente plus de 7 % du PIB et plus de deux millions d’emplois non délocalisables.
J’en viens plus précisément au budget de la mission « Action extérieure de l’État ». J’ai déjà dit à plusieurs reprises que ma priorité, c’est la sécurité. La principale mesure pour 2017 est la mise en place d’un plan de sécurité. C’était une nécessité, parce que la France est en première ligne dans la lutte contre le terrorisme et la radicalisation, et parce que, nous le savons, nos implantations et nos communautés sont particulièrement visées par les groupes terroristes.
J’ai obtenu 62,6 millions d’euros de crédits supplémentaires pour ce plan. Ces crédits permettront d’augmenter le nombre de gardes de sécurité dans nos postes à l’étranger, de renforcer les outils qui contribueront à la sécurité de nos compatriotes à l’étranger – notamment les moyens du centre de crise du Quai d’Orsay – et de sécuriser l’ensemble de nos réseaux dans la quarantaine de pays les plus exposés à la menace.
J’insiste sur le fait que nous irons au-delà de la sécurité des seules ambassades. Il s’agit aussi de sécuriser les établissements d’enseignement à l’étranger – nos écoles et lycées français – ainsi que notre réseau culturel – instituts français et alliances françaises. Nos établissements doivent continuer à fonctionner, à accueillir des élèves, à organiser des manifestations ouvertes au public, même là où la situation sécuritaire se dégrade. Dans ces pays, précisément, il est plus que jamais nécessaire que la France affirme ses valeurs et ses idées. C’est pourquoi près de la moitié des crédits du plan de sécurité hors dépenses de personnel sera consacrée à nos réseaux culturels et d’enseignement.
Enfin, 14,3 millions d’euros de crédits additionnels seront consacrés à notre coopération de sécurité et de défense. Nous pourrons ainsi répondre aux demandes croissantes de nos partenaires, notamment en Afrique, pour faire face à une menace terroriste qui s’étend tout en renforçant ce que nous mettons déjà en oeuvre, en particulier au Sahel.
Le budget de cette mission présente aussi, bien sûr, des économies, qui sont d’un niveau maîtrisé. La diminution globale des crédits de la mission est de l’ordre de 1,4 % ; elle s’explique en premier lieu par la baisse de 100 millions de nos contributions aux organisations internationales et aux opérations de maintien de la paix – non pas parce que nous nous désengagerions, mais parce que le changement de barème allège la contribution française, et parce que certaines opérations de maintien de la paix ont fortement décru.
Nous poursuivons aussi les efforts structurels que nous avons engagés pour moderniser le ministère et rationaliser ses outils. C’est un effort réel mais là encore d’une ampleur maîtrisée, qui représente en tout 38 millions d’euros, soit 1,2 % des crédits de la mission.
Tout cela est la conséquence d’un grand chantier de modernisation ouvert depuis maintenant deux ans par le ministère via des dispositifs tels que les postes à présence diplomatique – PPD – dont la mise en place va s’achever en 2017 et dont je rappelle ici que nous avons renoncé à en lancer une troisième vague. Ce grand chantier comporte aussi la mise en cohérence du réseau de l’ensemble des instituts français avec les alliances françaises et, enfin, la modernisation de nos méthodes de travail, avec de plus en plus de numérisation et de dématérialisation de certaines activités – je pense au eConsulat par exemple, qui apporte en outre des services supplémentaires aux usagers.
En termes d’emplois, après prise en compte des créations au titre du plan de sécurité, le plafond d’emplois du ministère est quasiment stabilisé puisque les effectifs baissent de 48 équivalents temps plein sur un total de 13 834, dont je rappelle que 70 % d’entre eux sont dans nos postes à l’étranger. Quant aux opérateurs, ils ont fait, eux aussi, l’objet de nombreux échanges lors des réunions en commission élargie. Leur rôle et leur importance montent en puissance, nous le voyons clairement tous les jours, à travers leur contribution à cette diplomatie globale que j’évoquais au début de mon propos. J’ai donc veillé à ce que leurs moyens soient préservés : tous opérateurs confondus, ils sont stabilisés dans le projet de loi de finances pour 2017, s’établissant à 461,2 millions, soit même en légère augmentation.
Les évolutions opérateur par opérateur ont été quelque peu différenciées en fonction de leur situation. Ainsi, la dotation de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger – AEFE – augmente de 1,7 million. En revanche, celle de l’Institut français à Paris diminuera, l’an prochain, de 3 %. Cela s’explique par le fait que la priorité a été donnée aux opérateurs qui ont des implantations à l’étranger pour les sécuriser, ce qui n’est pas son cas.
Enfin, le renforcement de certains moyens n’a pas attendu ce projet de loi de finances. C’est en particulier le cas pour Atout France avec la mise en place d’un plan exceptionnel de promotion pour le tourisme doté de 10 millions d’euros, qui s’inscrit dans les engagements du comité interministériel du tourisme réuni la semaine dernière qui se montent à 43 millions au total. Cela veut dire que nous injectons dès maintenant pour Atout France des moyens additionnels qui correspondent au tiers de sa dotation annuelle.
Quant aux moyens consacrés aux Français de l’étranger, ils correspondent à l’attention toute particulière que nous devons porter à leur situation. Vous le savez tous : c’est une communauté dynamique qui continue de croître, mais elle a aussi ses fragilités. Il est donc essentiel d’être à l’écoute de leurs attentes et de leurs préoccupations. Parmi celles-ci figure bien sûr la sécurité, mais il y a aussi d’autres problèmes qui se posent dans certains cas : je pense à cet égard aux moyens consacrés à l’aide sociale pour les Français de l’étranger. Cette aide est reconduite à un niveau inchangé. Il est important de rappeler que la France est le seul pays au monde à avoir mis en place un tel système. C’est notre honneur que de continuer à le préserver.
Et puis s’agissant de notre réseau d’enseignement à l’étranger, il est au coeur des préoccupations de nos compatriotes et vous vous en faites à juste titre le relais. Mais je ne voudrais pas qu’on en ait une vision excessivement pessimiste, même si je sais que certains vont s’en faire encore l’écho ce soir.
J’en veux justement pour preuve les chiffres, à la fois réalistes et précis, de la rentrée 2016 : 342 000 élèves scolarisés, soit une progression de 1,7 %, le nombre d’élèves français étant stable alors que celui des étrangers, qui représentent environ 60 % du total, progresse de 3 %. Cela montre que notre système d’enseignement à l’étranger est particulièrement attractif. La question de l’accès pour les familles aux établissements d’enseignement français à l’étranger renvoie à celle à laquelle vous êtes à juste titre sensible, mesdames et messieurs les députés : celle des bourses. Les montants que nous versons aux familles augmentent très régulièrement.
Monsieur Mariani, vous savez très bien que c’est vrai. Mais si vous avez des trous de mémoire, je vais vous donner les chiffres : nous avons versé 106 millions en 2016 contre 100 millions en 2015, soit une progression de 6 % alors que le nombre d’élèves français est stable. Cela veut dire que nous avons fait plus et mieux. Et en 2017, avec 110 millions – nous avons aligné la dotation budgétaire sur le montant qu’il est prévu de dépenser – l’augmentation se poursuivra, de près de 4 %. Il est important de le rappeler car c’est la vérité des chiffres qui compte et pas seulement les commentaires ou les appréciations.
La vérité des chiffres, c’est que vous avez supprimé des millions de crédits qui allaient aux bourses !
Quant à la question des frais de scolarité payés par les familles, leur évolution l’an prochain ne sera en tout état de cause certainement pas la conséquence d’un supposé désengagement de l’État, tout simplement car il n’y aura pas de désengagement. J’en veux pour preuve que la dotation de l’État augmentera de 1,7 million en 2017 et que le nombre d’emplois sous plafond sera stabilisé. En outre, 14,7 millions seront consacrés à la sécurité des écoles et des lycées à l’étranger dans le cadre du plan de sécurité que j’évoquais. Jusqu’alors les dépenses de sécurité étaient autofinancées pour l’essentiel par les établissements. Ce ne sera plus le cas. Cela veut dire que les ressources propres de l’AEFE, notamment les droits de scolarité, iront désormais entièrement au développement de l’action pédagogique des établissements et plus au financement de la sécurité.
Mesdames, messieurs les députés, pour conclure, je souligne que c’est un budget responsable que je propose pour la mission « Action extérieure de l’État ». En effet, la sécurité à l’étranger est la première de mes responsabilités, et un effort sans précédent sera produit l’an prochain en ce domaine. J’ai d’ailleurs demandé aux ambassadeurs avec lesquels je m’en suis entretenu, en particulier ceux en poste dans les pays les plus exposés, de ne pas perdre de temps et d’engager sans délai les interventions nécessaires dès que le budget sera exécutoire. Ce budget est également responsable parce que mon ministère poursuit son effort de modernisation et de rationalisation de ses outils tout en garantissant un service de qualité dans les domaines essentiels pour nos communautés à l’étranger, c’est-à-dire l’éducation, l’aide sociale et l’état civil.
Il correspond donc à une ambition mais aussi à une vision réaliste, car je ne veux pas qu’on oublie, alors que certains d’entre vous préconisent des baisses extraordinaires dans la dépense publique – les mêmes qui me demandent parfois de dépenser plus –…
…que nous avons tous la responsabilité de contribuer à la maîtrise de la dépense publique, tout en préservant l’essentiel de nos missions et de nos ambitions. Voilà en tout cas l’esprit et la lettre de ce budget que je vous propose d’adopter.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Nous en venons aux porte-parole des groupes.
La parole est à M. Philippe Baumel, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur spécial Pascal Terrasse, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, depuis le début de cette législature, le ministère des affaires étrangères et du développement international s’est employé à conjuguer deux impératifs : le redressement des comptes publics et la préservation des moyens indispensables au bon fonctionnement de notre diplomatie dans une période où les crises se sont succédé sur la scène internationale. Le budget présenté est globalement équilibré. Cela étant, non pas parce que parfois le diable se cache dans les détails mais parce que je suis soucieux de précision et que le temps qui m’est imparti est court, je voudrais appeler votre attention sur quelques points-clefs.
Tout d’abord, les crédits du programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » s’élèveront à 1,93 milliard en crédits de paiement, soit une baisse de 1,7 %, ou 33 millions d’euros. Dans ce contexte cependant, comme vient de le rappeler M. le ministre, il est à noter qu’une priorité justifie un effort tout à fait particulier : la sécurité. Le projet de budget intègre un plan de renforcement des moyens de lutte antiterroriste et de protection des communautés et des intérêts français à l’étranger, doté de 51,9 millions de crédits hors rémunération. Soixante-sept emplois équivalents temps plein sont créés, ce qui est tout à fait significatif. Le programme 105 en est le principal bénéficiaire, avec 34,7 millions de crédits nouveaux.
Mais le budget de la mission continue donc pourtant de diminuer pour contribuer à l’effort général de désendettement. Il nous faut noter toutefois deux bonnes nouvelles : la baisse des contributions obligatoires, qui devrait se poursuivre, et l’effet-change. Ces deux éléments permettent de limiter les économies.
Je voudrais cependant évoquer un sujet qui me préoccupe particulièrement : les cessions immobilières. En effet, les possibilités de cessions très rentables et qui ne posent pas de difficultés politiques ou symboliques s’amenuisent. Il ne reste presque plus aujourd’hui à vendre que ce qui nécessite des opérations de restructuration complexes et donc, paradoxalement, de nouveaux investissements. Où, par exemple, allons-nous trouver les moyens nécessaires pour reloger nos services à Londres avant de pouvoir mettre en vente un tel élément immobilier, ce qui pourrait pourtant s’avérer particulièrement rentable ?
Autre difficulté : la contribution du ministère au désendettement, par prélèvement sur les cessions qu’il réalise. Il apparaît très clairement qu’elle est devenue tout à fait disproportionnée. Les 100 millions de 2016 étaient liés à des recettes considérables perçues l’an passé, du fait notamment de la cession, pour près de 200 millions d’euros, de notre site de Kuala Lumpur. Mais l’an prochain est prévue une contribution de 60 millions, en regard des 130 millions de recettes escomptées. En raison des aléas sur les opérations immobilières, la politique d’investissements se limitera donc à 40 millions. On peut s’interroger sur le sens d’imposer une telle contrainte, un tel niveau de prélèvement sur les cessions du ministère, qui est en vérité le seul à avoir fourni avec autant de constance une si vaste part du produit de ses ventes, sachant que d’autres ministères, pourtant beaucoup riches propriétaires, n’ont contribué que très modestement à cette politique en faveur du désendettement.
Je rappelle en outre que, malgré la poursuite de la rebudgétarisation partielle des dépenses d’entretien immobilier à l’étranger, l’enveloppe reste tout à fait insuffisante pour se passer du produit des cessions puisqu’elle ne représenterait que de 12,2 millions pour l’entretien lourd d’un patrimoine de plus de 4 milliards d’euros.
J’en viens maintenant au programme 151 « Français à l’étranger et affaires consulaires ». Il est en hausse de 16 millions, principalement en raison du coût des élections l’année prochaine. Mais, hors élections, on constate une diminution relative des crédits de ce programme, diminution qui porte principalement sur l’enveloppe consacrée aux bourses scolaires : celle-ci s’établit à 110 millions, contre 115,5 millions dans le budget précédent, pour s’aligner sur le montant effectivement décaissé.
Enfin, le programme 185 « Diplomatie culturelle et d’influence » subira une diminution de 8,6 millions en crédits de paiement. Si l’on met à part les crédits nouveaux octroyés en faveur de la sécurité, la diminution est vraiment très nette puisque les crédits hors rémunération baissent de 3,9 %. En 2017, le montant des crédits pour notre diplomatie culturelle et d’influence, hors subventions à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger et à Atout France et hors rémunérations, n’atteindra que 208 millions. Seront particulièrement affectées les lignes budgétaires relatives aux bourses et aux crédits du réseau, qui baissent de 4,9 %, et l’Institut français, dont la dotation s’établira seulement à 28,7 millions, soit 24 % de moins qu’à sa création en 2010 et 35 % de baisse de ses crédits d’intervention sur la période.
Ces constats, monsieur le ministre, sont des alertes qui doivent nous inciter à revoir pour les années à venir tant l’usage des ressources issues des ventes de biens à l’étranger que leur ventilation entre les différentes lignes budgétaires, car nous sommes tous évidemment très attachés au maintien de notre réseau diplomatique et culturel, essentiel au rayonnement de notre pays.
Je conclurai en disant que ce projet de budget, en dépit de baisses notables sur certains programmes, permet malgré tout à la France de conserver sa capacité d’influence. Dès lors, je vous invite, mes chers collègues, à voter la mission « Action extérieure de l’État ».
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Madame la présidente, monsieur le ministre, il est difficile de parler du budget de la mission en cinq minutes. Aussi, je me limiterai à quelques éléments, en profitant du calendrier pour dresser un bilan de la mandature car, pour cette année, monsieur le ministre, je reconnais que vous avez limité la casse par rapport à votre prédécesseur.
J’évoquerai tout d’abord, vous vous en doutez, les Français de l’étranger qui, comme je le rappelais en commission, ont été nettement pénalisés durant ces cinq années.
Tout d’abord, fait tristement historique, ce gouvernement est à l’origine d’une baisse inconsidérée des aides à la scolarité et des bourses pour les Français de l’étranger.
En 2012, le gouvernement socialiste a fait le choix – que l’on peut partager ou condamner – de supprimer le dispositif de prise en charge des frais de scolarité. On se souvient pourtant des déclarations du candidat François Hollande devant les Français de Londres : les sommes économisées grâce à l’abandon de la prise en charge devaient être entièrement investies dans le mécanisme des bourses.
Aujourd’hui, force est de constater que le compte n’y est pas. En 2012, la prise en charge des frais de scolarité et les bourses représentaient au minimum 125 millions d’euros, avec, vous l’avez dit, monsieur le ministre, des effectifs en augmentation, signe de la qualité de notre réseau. Or dans ce seul budget pour 2017, les crédits consacrés aux bourses sont en baisse de 5,5 millions d’euros par rapport au budget pour 2016 : ils seront de 110 millions d’euros alors qu’ils s’élevaient à 115,5 millions l’an dernier.
Sur cinq ans, il manque donc 47,5 millions d’euros pour les bourses scolaires. Comme Frédéric Lefebvre, Alain Marsaud et peut-être Claudine Schmid, je rencontre certaines familles qui, ne pouvant plus assumer les coûts de scolarité, orientent leurs enfants vers des écoles locales et perdent ce lien essentiel avec la France. Les larmes aux yeux, des pères de famille m’ont dit que l’école était le seul lien que leur enfant avait avec la France. En ce sens, une baisse des bourses est particulièrement préjudiciable.
Monsieur le ministre, bien que vous soyez parvenu à boucler l’enveloppe cette année, dans certains pays, ce résultat n’a été obtenu qu’en diminuant tous les crédits de 15 % – au Cambodge, il manquait ainsi 200 000 euros.
Il en va de même pour les moyens accordés à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger – AEFE –, qui développe dans le monde entier les valeurs et les ambitions de la culture et de la langue françaises, et accomplit un travail de grande qualité. L’agence a vu son budget amputé de 24,1 millions d’euros par rapport à 2012. En cumul depuis lors, et à supposer que le budget qui lui avait été alloué en 2012 ait simplement été reconduit, ce sont 63 millions d’euros que l’AEFE n’a pas reçus. Au total, 110 millions d’euros manquent à l’appel sur les deux instruments permettant la scolarisation des enfants des Français de l’étranger – les aides à la scolarité et les crédits alloués à l’AEFE.
Aussi, si je vous remercie cette année d’avoir limité la casse par rapport à votre prédécesseur, monsieur le ministre, force est de constater que vous êtes loin d’avoir compensé les coupes qu’il avait effectuées.
S’agissant de l’ensemble du budget, nous avons dénoncé à plusieurs reprises le risque que représentent les postes à présence diplomatique – PPD. Je prends acte avec satisfaction, monsieur le ministre, que vous arrêtez ce programme. Permettez-moi cependant d’être inquiet pour certains pays dans lesquels je me suis rendu récemment – je pense à la Moldavie, à Brunei ou au Turkménistan –, où des tournées consulaires doivent remplacer les consulats. Parce que le prochain gouvernement, quel qu’il soit, devra réduire les crédits dans ce domaine, le nombre de ces tournées diminuera, année après année. Aussi, monsieur le ministre, je compte vous interroger sur les valises Itinera, qui peuvent être un instrument pour pallier ce handicap.
Les fermetures de consulats risquent d’entraîner des difficultés pour nos compatriotes expatriés, notamment lorsque les pays auxquels ils sont rattachés se trouvent à plusieurs heures d’avion. La Papouasie-Nouvelle-Guinée, par exemple, où la communauté française est certes très réduite, est à présent rattachée au consulat de Sydney, à quatre heures d’avion, avec trois vols par semaine. Vous imaginez, monsieur le ministre, le coût pour chaque expatrié, obligé de séjourner au minimum deux jours à Sydney.
Enfin, je m’associe aux inquiétudes et aux réserves exprimées par l’orateur socialiste : en matière de patrimoine, les coupes doivent cesser. Ce ministère a certainement été parmi ceux qui ont le plus contribué à l’effort nécessaire au remboursement de la dette, mais certains postes, après avoir vendu leur patrimoine, sont aujourd’hui contraints de louer. Ces économies réalisées à court terme risquent de coûter très cher à long terme.
Mes collègues Frédéric Lefebvre et Claudine Schmid partagent avec moi ce constat : malgré tous les chiffres annoncés, si l’on compare la situation avec celle que nous avions laissée en 2012, ces cinq années…
…ont vraiment été calamiteuses pour l’aide à la scolarité des Français de l’étranger.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur spécial, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, la mission que nous examinons en cette fin de journée est essentielle car elle porte sur les moyens que la France se donne pour peser, exister et faire entendre sa voix au-delà de ses frontières. Pourtant, avec 2,9 milliards d’euros de crédits de paiement pour 2017, le budget alloué à la mission baisse d’environ 30 millions d’euros à périmètre constant, c’est-à-dire sans tenir compte du programme temporaire qui a financé la COP21 l’an dernier.
Certes, des moyens supplémentaires sont prévus cette année au titre de la lutte contre le terrorisme. Une dotation complémentaire de 60 millions d’euros est en effet dédiée à la sécurité et à la création de 67 équivalents temps plein pour mettre en oeuvre le plan de renforcement des moyens de lutte contre le terrorisme et de protection des communautés et intérêts français à l’étranger. Il ne pouvait que difficilement en être autrement dans le contexte actuel. Nous saluons donc les efforts réalisés en faveur de la sécurité, s’agissant notamment des travaux de sécurisation des établissements scolaires à l’étranger.
Nous déplorons en revanche que ces moyens supplémentaires s’accompagnent d’une démarche importante de rationalisation, destinée à réduire les dépenses de fonctionnement. La priorité accordée à la sécurité masque ainsi une réduction drastique des crédits dans les autres domaines.
Des efforts considérables ont été demandés en cinq ans en matière d’action extérieure de l’État. Depuis 2012, 604 emplois ont été supprimés sur le périmètre de la mission ; en dix années, le ministère aura réduit ses effectifs de 15 %. En raison des économies ainsi imposées, les opérateurs concernés risquent de se trouver dans l’impossibilité d’assurer leurs missions.
S’agissant du seul programme 185 « Diplomatie culturelle et d’influence », hors moyens supplémentaires relatifs à la sécurité, les crédits demandés atteignent 620,1 millions d’euros, soit une baisse de 3,8 % par rapport à 2016. Les attaques terroristes qui ont bouleversé le pays en 2015 et 2016 ont fortement écorné l’image de la France à l’étranger et entraîné une diminution de la fréquentation internationale des lieux touristiques. Or le tourisme génère entre 7 et 8 % du produit intérieur brut français – vous le savez mieux que quiconque, monsieur le ministre – et représente environ 2 millions d’emplois directs et indirects : c’est donc un secteur essentiel.
Nous regrettons donc la baisse de 0,8 % par rapport à 2016 des crédits destinés à l’agence Atout France. L’enveloppe de 10 millions d’euros qui a été débloquée est loin d’être suffisante, ainsi que notre collègue Rudy Salles l’a indiqué en commission élargie. En matière de promotion internationale, la France est très en retrait par rapport à ses principaux voisins et concurrents – le Royaume-Uni, l’Italie, et l’Espagne.
Notre exceptionnel réseau diplomatique et culturel nous permet de faire entendre dans le monde notre voix, si forte et si particulière, mais pourrons-nous continuer à encourager le développement de ce réseau si ses effectifs se voient réduits de 115 équivalents temps plein et si les moyens de fonctionnement des ambassades diminuent de 4 % ?
Nos valeurs universelles sont aussi portées par la culture et l’enseignement. S’agissant de l’attractivité universitaire et scientifique, la France, troisième pays pour l’accueil des étudiants étrangers, doit renforcer ses positions. En 2012, lors d’un discours prononcé devant la communauté française de Rome, le Président de la République avait évoqué la nécessité « d’augmenter le niveau des bourses et le nombre des bourses pour assurer la démocratisation de l’enseignement français à l’étranger ».
Or, pour 2017, les crédits affectés aux bourses sont en diminution de 4,3 %.
Plus généralement, on observe une nette tendance à la baisse des dotations de l’action 2 « Accès des élèves français au réseau AEFE » du programme 151 et de l’action 5 « Agence pour l’enseignement français à l’étranger » du programme 185. Dans un souci d’égalité et de promotion de l’influence culturelle de la France à l’étranger, il nous paraît essentiel de maintenir le niveau et le nombre de bourses scolaires, pour permettre à tous les Français résidant à l’étranger de continuer d’étudier dans leur langue.
Ainsi, mes chers collègues, si ce budget permet de renforcer les moyens alloués à la sécurité des Français à l’étranger, il n’est pas à la hauteur des autres enjeux que sont notamment la préservation d’un enseignement français de qualité à l’étranger et le développement de notre réseau diplomatique et culturel. Les efforts demandés aux services du ministère des affaires étrangères et du développement international ainsi qu’aux opérateurs devraient s’intégrer à des réformes structurelles, seules aptes à garantir des économies réelles et durables, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
Aussi, le groupe de l’Union des démocrates et indépendants votera contre les crédits de la mission « Action extérieure de l’État ».
La parole est à M. Stéphane Claireaux, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, chers collègues, nous discutons ce soir d’un budget en stabilité plutôt positive puisque, à périmètre constant, hors crédits exceptionnels ouverts en 2016 au titre de la COP21, ce budget est en hausse de 1,15 %.
À ce titre, nul ne peut contester le renforcement des moyens de sécurité. La lutte contre le terrorisme et la part qu’y prend la France le justifient pleinement. Ainsi, le plan de renforcement des moyens de lutte contre le terrorisme et de protection des communautés et intérêts français à l’étranger prévoit une dotation complémentaire de 60 millions d’euros, dédiée à la sécurité et à la création de 67 postes.
Ces moyens additionnels se déclinent autour de trois axes : protéger l’ensemble des emprises de la France à l’étranger, en particulier les réseaux culturels et d’enseignement ; renforcer les moyens alloués à la sécurité des Français de l’étranger, notamment en matière de réponse d’urgence aux crises ; enfin, consolider les crédits de coopération internationale antiterroriste.
Dans cet objectif, rappelons que l’une des principales évolutions de la mission, depuis 2012, concerne la priorité donnée à la sécurisation de nos emprises et à la protection de nos concitoyens à l’étranger, les crédits destinés à la sécurité ayant été multipliés par 2,5 sur la période.
Par ailleurs, nous poursuivons l’adaptation de notre réseau par une action déterminée et bien menée qui conduit, non pas à un affaiblissement de notre diplomatie, mais à sa plus grande efficience, et se traduit par un redéploiement des effectifs et des moyens vers les zones géographiques prioritaires.
Il faut néanmoins aller plus loin en ce qui concerne les organisations internationales et les opérations de maintien de la paix, dont les crédits diminuent de 11 %, par l’effet conjugué de la révision des barèmes de contribution et de la décroissance de certaines opérations de maintien de la paix. Alors que les organisations internationales sont en crise, le multilatéralisme n’est plus de mise : le concert des nations – près de 200 États membres dans l’Organisation des Nations unies –, sans chef d’orchestre et, le plus souvent, sans instruments, est devenu inaudible.
La baisse des moyens des opérateurs de diplomatie d’influence est aussi très regrettable puisque les moyens qui leur sont dévolus, hors crédits de sécurité, diminuent en moyenne de 3 % dans le projet de loi de finances pour 2017.
Cette diminution intervient au moment où la plupart des pays considèrent le soft power comme un axe essentiel de la diplomatie, alors qu’il est l’un des moins coûteux et des plus efficaces. Ainsi, par exemple, la création d’une librairie francophone sur la Cinquième avenue, à New York, dans les anciens locaux de notre service culturel, est une excellente initiative.
La singularité française, qui rend la France aussi attractive, réside d’abord dans sa culture, dont sa langue. La France a d’immenses atouts dans ce domaine. Aussi, il est regrettable qu’en 2017, le réseau des Alliances françaises voit ses dotations diminuer, passant de 5,67 à 5,5 millions d’euros.
De même, les crédits du réseau public de coopération et d’action culturelle repartent à la baisse, avec une perte de 2 millions d’euros, et la subvention de l’Institut français diminue de 3 %. Bien qu’un effort soit fait pour stabiliser la dotation de Campus France, après une forte baisse en 2016, la diminution des emplois et des crédits affectés aux bourses se poursuit.
La langue et la culture françaises restent partout des valeurs sûres. Nous devons nous montrer plus ambitieux pour conforter la place unique de notre culture et de notre langue dans le monde, qui jouissent d’un rayonnement sans nul autre pareil.
Le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste votera naturellement le budget de cette mission : forte du troisième réseau diplomatique mondial, la France doit continuer à veiller en 2017 à préserver et à défendre ses intérêts au service de la stabilité dans le monde et sur le continent européen, ainsi qu’à promouvoir une stratégie d’influence.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à M. François Asensi, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France a toujours eu la volonté de jouer un rôle majeur dans le concert des nations. Cependant, une décennie de coupes budgétaires, limitant considérablement les moyens de notre diplomatie, a eu raison de cette ambition.
La vingt et unième conférence des parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques – la COP21 – terminée, le projet de loi de finances pour 2017 voit les crédits de la mission « Action extérieure de l’État » diminuer de nouveau,…
…notamment ceux des programmes « Action de la France en Europe et dans le monde » et « Diplomatie culturelle et d’influence ». On reste dans le cadre d’une baisse continue de la dépense publique, avec un plan triennal qui affaiblit notre action extérieure : baisse de 1 % des crédits et suppression depuis 2012 de 600 emplois en équivalent temps plein, dont 115 en 2017.
L’universalité de notre réseau est mise à mal par la transformation de vingt-six ambassades en postes de présence diplomatique, ainsi que par l’exercice dit « des grands postes ». Certes, l’expérimentation de « bureaux de France » en 2017 devrait permettre d’étendre notre réseau à de nouvelles métropoles dans les pays émergents, mais je me joins à M. le rapporteur spécial pour dire que pour que notre diplomatie puisse faire face aux nouveaux enjeux qui secouent le monde, à terme des créations d’emplois seront indispensables : la diplomatie française doit disposer des moyens nécessaires pour tenir son rang sur la scène internationale.
J’observe enfin que la culture continue de payer le prix fort, avec une chute de 1,2 % des crédits. Une vision marchande de la culture progresse, alors que la mondialisation effrénée exigerait de promouvoir la culture comme dialogue entre les nations.
Au-delà des questions budgétaires, et bien que ce ne soit pas l’ordre du jour, permettez-moi, monsieur le ministre, de faire quelques observations sur notre diplomatie.
Le quinquennat de Nicolas Sarkozy avait été marqué par le retour de la France dans le commandement intégré de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord, l’OTAN ; celui de François Hollande a été marqué par la réintégration totale de notre pays dans l’organisation, signe de l’abandon de notre libre arbitre et d’un alignement atlantiste. Notre suivisme a conduit notre pays à s’isoler progressivement sur la scène internationale. Membre permanent du Conseil de sécurité, ancienne puissance mandataire, la France, malgré ses tentatives de médiation, a ainsi été tenue constamment à l’écart des discussions sur l’avenir de la Syrie.
Notre diplomatie s’inscrit aujourd’hui plus que jamais dans une logique d’affrontement de blocs, quitte à nous éloigner de nos objectifs premiers : promouvoir la paix et la stabilité. L’imbroglio autour de la visite à Paris du président russe Vladimir Poutine l’illustre ; au Proche-Orient, la mise à l’écart du partenaire russe, tout comme celle des Iraniens auparavant, hypothèque nos chances de parvenir à des accords de paix.
La France a vocation à défendre un monde multipolaire. À l’heure de l’élection de Donald Trump, qui promeut une politique extérieure isolationniste et une refonte de l’OTAN, il serait temps pour la France de retrouver sa voix dans le concert des nations.
Par ailleurs, je m’interroge sur la cohérence de la position française au Moyen-Orient.
Le gouvernement turc, après une tentative de coup d’État avortée, s’est lancé dans une vaste opération de répression de tous les opposants politiques. L’opposition kurde, organisée autour du parti démocratique des peuples, en est la dernière victime. En ne condamnant pas cette situation avec fermeté, ne prenons-nous pas le risque d’affaiblir notre seul allié laïc dans la région ?
L’industrie française de l’armement se porte bien, tirée par des exportations en hausse. Cependant, en équipant des pays comme l’Arabie saoudite, engagée au Yémen et accusée de crimes de guerre, la France ne participe-t-elle pas, d’une certaine manière, à la déstabilisation de la région ? En ne préparant pas le renouveau des institutions politiques en complément de l’action militaire au Moyen-Orient, ne préparons-nous pas des lendemains chaotiques, comme l’illustre la situation en Afghanistan et en Libye ?
Un mot enfin sur l’impasse et l’absence d’horizon politique en Israël et en Palestine.
Nous avons la responsabilité d’oeuvrer pour sortir d’un tête-à-tête stérile depuis tant d’années ; cela passe par la reconnaissance officielle de l’État palestinien par la France, et ce dès maintenant.
Nous ne pouvons pas prendre le risque d’attendre plus encore, alors que la colonisation et le mur ont déjà tant grignoté les territoires palestiniens occupés, rendant de plus en plus illusoire une solution à deux États.
Monsieur le ministre, les parlementaires avaient pourtant voté il y a un an la reconnaissance de l’État de Palestine, geste fort de la représentation nationale. Allez-vous respecter la décision de l’Assemblée et du Sénat avant la fin de la législature ? Le Moyen-Orient aurait tout à gagner d’une telle décision, qui renforcerait la sécurité d’Israël. La France ne doit pas manquer une nouvelle occasion de jouer un rôle progressiste et central au sein de la communauté internationale.
Pour revenir au budget, compte tenu de ces divers problèmes et de la baisse régulière des crédits depuis cinq ans, nous ne voterons pas, monsieur le ministre, les crédits de la mission « Action extérieure de l’État ».
Nous en arrivons aux questions.
Je vous rappelle que la durée des questions et des réponses est fixée à deux minutes.
Nous commençons par une question du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à M. François Loncle, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, qu’est-ce qui est la vitrine de la France à l’étranger ? Nous le savons tous – vous venez de le rappeler, monsieur le ministre : ce sont nos entreprises, les centres culturels et instituts français, le réseau des Alliances françaises, les écoles et les lycées français, avec des personnels le plus souvent remarquables. Malheureusement, la trajectoire budgétaire du programme 185, qui englobe tout ce que je viens de dire, est décevante. C’est pourquoi, comme ces deux dernières années, j’en appelle au moins à une concertation interministérielle, pour que les ministères dont les moyens ont été accrus prennent leur juste part dans le volet extérieur de leur politique : le ministère de l’éducation nationale et le ministère de la culture.
L’augmentation des moyens humains du premier a concerné exclusivement le réseau national et en aucune sorte le réseau à l’étranger ; l’augmentation des crédits du second, absolument bienvenue, ne peut négliger le volet extérieur. C’est d’autant plus justifié que le ministère exerce désormais la cotutelle sur l’Institut français et qu’à ce titre il devrait l’aider à fonctionner correctement. À ce jour, il contribue à des dépenses d’investissement, mais les coûts de fonctionnement de l’Institut sont élevés et il n’y a aucune raison que le ministère des affaires étrangères les assume seul.
Je m’en suis ouvert, au nom de mes collègues du groupe socialiste, écologiste et républicain, au Président de la République et à vous-même, monsieur le ministre, via un courrier argumenté. Vous m’avez répondu, et le Président de la République aussi ; j’ai d’ailleurs joint ma lettre au Président de la République au rapport pour avis que j’ai présenté. Le Président de la République, après avoir argumenté sur l’ensemble des crédits sans vraiment me convaincre, fait à la fin de son courrier une ouverture : « Vous en appelez enfin, écrit-il, à davantage de concertation entre les ministères concourant au dynamisme de notre réseau de diplomatie culturelle et d’influence, soyez assuré que le Gouvernement y sera attentif. » C’est la raison pour laquelle je vous demande, monsieur le ministre, comment vous comptez mettre en oeuvre cette bonne intention.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le député, d’abord je vous remercie pour votre intervention ; nous avons déjà eu l’occasion de débattre, notamment en commission élargie, et je sais votre détermination à défendre les moyens alloués au rayonnement et à l’influence culturelle de la France.
Vous notez une diminution des crédits du programme 185 ; je vous invite à examiner le budget dans tous ses aspects : les crédits du programme baissent de 1,3 %, hors crédits de rémunération, lorsque ceux de la mission « Action extérieure de l’État », considérée dans son ensemble, diminuent de 4 %. Je ne sais pas si cela est convaincant, mais je vous donne ce chiffre à titre d’élément de comparaison.
Ce que je me suis efforcé de faire, dans un contexte budgétaire contraint, c’est agir du mieux possible sur les crédits dédiés au programme 185. Résultat : les moyens des opérateurs ont été globalement préservés – je l’ai indiqué au début de cette discussion. Ils restent globalement stables.
S’agissant de nos moyens d’action culturelle à l’étranger, il ne faut pas l’oublier que, si les crédits des instituts français diminuent, ceux destinés aux Alliances françaises augmentent de 25,6 % ; un travail très important a été fait pour essayer de mieux coordonner, voire de mutualiser les moyens des instituts et ceux des Alliances françaises. Je me félicite du travail effectué.
Un effort important est mené pour conclure des partenariats ; cela est d’ailleurs encouragé par nos ambassadeurs. Ce n’est pas toujours facile, mais le bilan pays par pays montre que si les situations sont contrastées, il est des pays où l’on note un renforcement des moyens grâce aux initiatives prises par les instituts français ou par les Alliances françaises.
J’ai en outre obtenu, comme vous le savez, des mesures significatives pour la sécurité des instituts français. Jusqu’à présent, c’était une charge qui leur incombait ; elle était financée sur leurs fonds propres et cela grevait leurs marges de fonctionnement. Ce sont au total 4,6 millions d’euros de crédits additionnels qui, pour des raisons comptables, apparaissent sur le programme 105, et non sur le programme 185. Ce sont autant de dépenses en moins, ce qui permettra aux instituts d’améliorer leur fonctionnement et de renforcer l’accueil du public.
Vous évoquez de manière tout à fait justifiée – nous en avons déjà parlé ensemble – le rôle que les autres ministères, en particulier celui de l’éducation nationale et celui de la culture, pourraient jouer afin de renforcer le rayonnement et l’influence culturelle de la France.
C’est une vraie question, j’en suis parfaitement conscient. Le Président de la République l’a d’ailleurs évoqué dans sa réponse écrite, qui va dans le même sens que ce que je vous avais indiqué.
J’ai entamé un travail sur ce sujet avec la ministre de l’éducation nationale. Le ministère de l’éducation nationale a certes des missions très importantes, que je ne rappellerai pas, mais il est vrai aussi qu’il a bénéficié de moyens supplémentaires très importants tout au long de ce quinquennat. Je vais donc poursuivre mes discussions, ou mes « négociations » – si j’ose dire –, avec ce ministère, de même qu’avec le ministère de la culture. Nous nous concertons, c’est une chose à laquelle je tiens particulièrement, et nous le faisons en premier lieu avec le ministère de la culture, afin qu’en mutualisant nos moyens, nous puissions additionner nos efforts, conclure un plus grand nombre de partenariats, et le faire au bénéfice des instituts français, des Alliances françaises et surtout du rayonnement de la France. Vous avez eu raison d’insister sur ce point : nous allons y travailler, et je me propose d’associer à ce travail les parlementaires qui le souhaiteront.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à M. Philippe Le Ray, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour le groupe Les Républicains.
Je vous rappelle que vous disposez de deux minutes par question et de deux minutes par réponse. Merci, chers collègues, de respecter cette organisation.
…j’ai décidé de le remplacer et de poser une question précise relative au tourisme.
Monsieur le ministre, vous avez souhaité faire de la sécurité votre priorité, et vous avez raison de vouloir sécuriser nos Alliances françaises et nos réseaux culturels. Concernant le tourisme, votre politique est volontariste – tout comme celle de votre prédécesseur. Vous êtes en train de vous adapter à la nouvelle donne, consécutivement aux attentats et incidents que notre pays a connus récemment.
Vous avez réuni à plusieurs reprises le comité d’urgence économique pour le tourisme. Après avoir diminué de 0,84 % les moyens d’Atout France, pour un budget total de 33,08 millions d’euros, vous avez finalement octroyé à l’agence 10 millions d’euros supplémentaires. Mes questions, très simples, concernent l’utilisation de cette somme.
D’abord, je vous suggère d’intervenir auprès d’Atout France, qui est un groupement d’intérêt économique, pour qu’il travaille davantage avec les acteurs du numérique. TripAdvisor, c’est 300 millions de visites par mois ; Atout France travaille déjà avec Airbnb, mais aucun partenariat n’a été conclu avec Booking.com ou Expedia.fr. Or Expedia.fr met 2 milliards d’euros dans les réseaux et le numérique, et Booking.com presque autant. Nous entrons dans une nouvelle ère et je pense que nous devrions travailler avec de tels partenaires. Qu’en pensez-vous ?
Je voudrais aussi savoir si, grâce à ces 10 millions d’euros supplémentaires, nous pourrions agir auprès des médias internationaux. En effet, on sait bien que lorsque l’on achète des pages dans de grandes revues à l’international, on bénéficie immédiatement de retombées promotionnelles. Il faut faire parler de nous, en Europe comme dans les pays de l’ABRIC – Afrique du Sud, Brésil, Russie, Inde et Chine.
Enfin, je voudrais aborder rapidement la question de la taxe de séjour. On sait bien que celle-ci n’est pas réellement prélevée dans notre pays : elle l’est à hauteur de 50 %. Pourtant, le produit de cette taxe est bien utilisé. Ne pourrait-on pas imaginer d’instaurer, à l’échelle nationale, une taxe de séjour unique et proportionnelle, de manière à relancer, dans un cadre différent, la promotion de notre pays à l’étranger ?
Je sais bien que nous n’avons pas eu le temps d’échanger avant, mais, comme vous le voyez, monsieur le ministre, mes questions se veulent extrêmement constructives !
Merci de la préoccupation que vous avez exprimée, monsieur Le Ray, s’agissant du tourisme. La semaine dernière, le Premier ministre a réuni un comité interministériel qui ne l’avait plus été depuis plusieurs années. À cette occasion, nous avons décidé d’une enveloppe supplémentaire de 43 millions d’euros, laquelle s’ajoute aux 10 millions que j’avais annoncés lors de la deuxième réunion du comité d’urgence mis en place par mes soins.
La conférence annuelle sur le tourisme, qui se réunira le 17 novembre, se penchera sur quatre priorités : l’accueil, l’investissement, la formation et le numérique. Celui-ci est donc au coeur de nos préoccupations, comme du travail engagé par Atout France, actuellement en discussion avec les acteurs du numérique, tels Expedia.fr ou Booking.com – puisque vous les avez cités –, afin de développer des contenus conjoints. Nous allons poursuivre ce travail.
Vous avez aussi évoqué l’usage de l’enveloppe de 10 millions d’euros, notamment pour la campagne en faveur de l’attractivité touristique de notre pays ; à cette fin, j’ai proposé au comité d’urgence économique pour le tourisme qu’un travail étroit soit engagé entre Atout France et un certain nombre de régions. Ce travail a commencé, et il devrait déboucher sur des programmes d’action concrets, notamment à Paris et en Île-de-France, où un effort supplémentaire est nécessaire car c’est la région qui souffre le plus, mais aussi en Provence-Alpes-Côte d’Azur.
Nous avons donc proposé qu’une partie de l’enveloppe soit mise à disposition des régions qui s’engagent à apporter elles-mêmes leur propre contribution. Je n’entre pas dans le détail des futures campagnes : l’idée est d’aller le plus loin possible pour toucher les publics concernés. Je ne pense pas forcément à des pages de publicité achetées dans les journaux : on peut aussi utiliser d’autres moyens, par exemple les réseaux sociaux, pour toucher des publics nouveaux le plus largement possible, mais aussi des invitations, en particulier à des journalistes, lesquels peuvent ensuite écrire des « papiers », sans doute assez efficaces, dans leurs journaux. Pour prendre un dernier exemple, j’ai récemment tenu, en Chine, une conférence de presse devant des médias spécialisés dans le tourisme. Les journalistes, très intéressés par les informations concrètes que je leur ai données, ont ensuite écrit un nombre considérable de « papiers ».
Nous sommes également présents dans de très nombreux salons internationaux du tourisme. Récemment encore, Matthias Fekl a participé, avec une délégation de quatre-vingts personnes formant une équipe de France, au salon international du tourisme en Chine, à Macao. Nous en ferons de même à Berlin et dans tous les salons où notre présence doit être multipliée. Le tourisme nécessite en effet, compte tenu de ce qu’il apporte en termes d’emplois, un effort encore accru et, surtout, une mobilisation de tous les acteurs.
La France possède l’un des réseaux diplomatiques les plus importants et les plus denses au monde : on a pu mesurer ses capacités de mobilisation l’an dernier, avec la réussite de la COP21. Vous l’avez dit, monsieur le ministre, votre ministère a engagé un plan d’adaptation de ses réseaux diplomatiques et consulaires ; ce plan, mis en oeuvre sans étude d’impact préalable, s’inscrit dans un mouvement général de diminution des emplois au sein des affaires étrangères, ce qui a des conséquences sur notre influence comme sur l’accueil consulaire des communautés françaises à l’étranger. Il porte sur la mise en place des postes de présence diplomatique à format très allégé, les fameux « PPD », ayant des moyens humains réduits – quatre postes équivalents temps plein, outre l’ambassadeur.
Sur les treize premiers pays concernés par le format PPD, trois sont situés dans ma circonscription, et d’autres suivent : le Paraguay, le Salvador et le Nicaragua. Ces postes ne traiteront plus de l’administration générale des Français au sens le plus large – l’état civil, l’inscription au registre, la délivrance de titres d’identité et de voyage, l’aide sociale ou les bourses scolaires en tant que telles.
Face à une telle situation, monsieur le ministre, j’aimerais savoir si vous comptez présenter rapidement un rapport d’évaluation sur cette réforme, en y intégrant un volet social, pour faire le point sur les conditions de licenciement et d’indemnisation des personnels en contrat local, ou sur les offres de reconversion qui ont pu leur être proposées lors de la transformation des postes en PPD. Je ne sais si les engagements de votre prédécesseur vous lient, mais Laurent Fabius en avait pris en ce domaine, l’an passé, lors du débat budgétaire en commission élargie.
Enfin, pour m’en tenir aux deux minutes imparties, 2017 sera une année de rendez-vous électoraux majeurs pour notre pays, donc pour les Français établis hors de France aussi : quel type de campagne d’information votre ministère compte-t-il mener auprès d’eux pour favoriser la participation, pour les aider à mieux connaître l’emplacement des bureaux de vote et la manière dont ils pourront exercer leur citoyenneté ?
Je vous remercie de l’attention que vous portez à notre présence diplomatique, notamment aux postes qui l’assurent, et de la précision de votre exposé.
Nous pouvons en effet dresser un premier bilan, articulé autour d’un double principe. Ce bilan est positif. De fait, un recentrage s’est opéré sur un nombre limité de missions, le plus souvent à caractère politique et économique, sans oublier bien entendu la protection d’urgence de nos ressortissants. Des dispositifs allégés ont été mis en place en matière de fonctionnement et d’immobilier, notamment grâce au numérique. Quant aux fonctions consulaires, elles sont assurées par des postes régionaux de rattachement, et parfois par nos partenaires de l’espace Schengen. Cela s’accompagne d’un renforcement des tournées consulaires des postes de rattachement et une dématérialisation des procédures.
En matière d’action culturelle, nous concentrons l’effort sur un seul instrument, la fin des doublons Institut français-Alliance française. Le passage en format PPD a entraîné une rationalisation de notre dispositif immobilier, c’est vrai, à travers des colocalisations avec un partenaire européen comme au Honduras, à Brunei et en Érythrée, ou le regroupement sur un même site de la chancellerie et de la résidence comme en Jamaïque, à Trinité-et-Tobago et en Zambie, ce qui permet de dégager quelques marges en termes d’effectifs. Comme je vous l’ai dit, il n’y aura pas de troisième vague.
Sur le volet social, je suis tout à fait disposé à vous donner une réponse concrète et à associer, dans le même esprit que la réponse faite à M. Loncle, les parlementaires. Si le rapporteur spécial acceptait de travailler à vos côtés et aux nôtres, je n’y verrais que des avantages. En tout cas, je souhaite apporter, dans la transparence, des réponses aux questions que vous avez posées.
Quant à l’information des Français de l’étranger en vue des élections présidentielle et législatives, non seulement nous ouvrirons davantage de bureaux de vote, mais des instructions seront données à tous nos postes pour assurer cette information, nécessaire au plein exercice des droits civiques.
J’appelle les crédits de la mission « Action extérieure de l’État », inscrits à l’état B.
Sur ces crédits, je suis saisie de plusieurs amendements, nos 612 , 694 , 693 , 611 , 615 et 619 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 615 et 619 sont identiques.
La parole est à M. Thierry Mariani, pour soutenir l’amendement no 612 .
Cet amendement vise à abonder les crédits alloués à l’AEFE. Vous avez paru étonné, monsieur le ministre, lorsque j’ai dit que, sur l’ensemble du quinquennat, ce sont 63 millions d’euros qui auront manqué à cette agence. Le calcul est pourtant simple. Le budget de l’Agence atteignait 420 millions d’euros en 2012, 5 millions de plus – divine surprise – en 2013, 417 millions en 2014, 409 millions en 2015, 395 millions en 2016 et, en 2017, il s’établira à 396 millions. L’addition du manque à gagner annuel, en comparaison de la dotation de 2012, révèle que 63 millions ont bel et bien été retirés à ce poste budgétaire.
Son budget est tellement tendu que l’AEFE, comme vous le savez, a procédé à des rappels dans des établissements à gestion directe, à Moscou, à Hô-Chi-Minh-Ville, à Vienne – et dans la circonscription de M. Coronado aussi, j’en suis sûr. En réalité, on a fait remonter des fonds de ces établissements en gestion directe pour abonder le budget de l’AEFE. C’est bien la preuve du fort mauvais bilan laissé par votre prédécesseur, même si vous avez pu trouver 1 million d’euros de plus cette année.
Le rapport de la Cour des comptes, que vous avez sans doute lu comme moi, montre que le réseau doit être modernisé et adapté. La France devrait être plus présente dans un certain nombre de pays. L’Inde, où vous vous rendrez prochainement, en est un bon exemple. Le lycée français établi à Delhi perd des effectifs car, malheureusement, ses locaux ne sont plus adaptés. Nous possédons aussi une petite école, aux moyens très réduits, à Bombay, et c’est tout, si l’on excepte Pondichéry : nous n’avons rien à Bangalore, par exemple. Nous parlons pourtant d’un pays de 1,3 milliard d’habitants.
J’ajoute, pour terminer, que des travaux sont nécessaires en matière de sécurité, dont vous avez déclaré, à juste raison, faire la priorité absolue. L’idée que je vous suggère ici serait financée par le présent amendement. Un certain nombre d’établissements sont gravement touchés par la pollution, laquelle atteint, à Delhi où je me suis rendu ce week-end, de 1 000 à 1 200 microgrammes par mètre cube d’air – à rapporter au seuil d’alerte parisien, fixé, si je ne m’abuse, madame la présidente, à 60 microgrammes. Je vous conseille donc de porter un masque lorsque vous vous rendrez dans cette ville... Dans les lycées, les élèves en portent et les salles de classe ne sont absolument pas isolées.
Les crédits supplémentaires que je propose permettraient aux quatre ou cinq établissements les plus touchés en zone de pollution de mieux protéger les élèves et leur santé, comme c’est déjà le cas au lycée français de Pékin.
Puis-je considérer que vous avez aussi défendu les amendements de repli nos 694, 693 et 611, monsieur Mariani ?
« Oui ! » sur plusieurs bancs.
La parole est à M. Pierre-Yves Le Borgn’, pour soutenir l’amendement no 615 .
Je veux tout d’abord saluer l’engagement de l’État, à hauteur de 14,7 millions d’euros, pour la sécurité de nos établissements à l’étranger. Cet engagement est bienvenu car il est nécessaire : vous l’avez rappelé vous-même, monsieur le ministre, et un certain nombre d’orateurs après vous.
Je ne puis cependant oublier le récent rapport de la Cour des comptes, qui pointe une baisse de 8,16 % des crédits de l’AEFE entre 2012 et 2015. Ces crédits diminuent objectivement, alors même que le nombre d’élèves, dans notre réseau, augmente. Un tel désengagement de l’État, que symbolise cette baisse, pèse sur les frais d’écolage à la charge des familles ; les hausses qui en résultent pour elles provoquent, hélas, un effet d’éviction et, les députés des Français de l’étranger le savent, des phénomènes de déscolarisation.
Le désengagement de l’État se matérialise aussi, je veux le souligner, par le plafonnement du nombre d’agents de l’éducation nationale à l’étranger, plafonnement et même plutôt réduction, s’agissant de ma circonscription d’Europe centrale. Or la présence de ces agents est la clé du succès de nos établissements à l’étranger, placés par ailleurs, faut-il le rappeler, dans une situation de concurrence.
Dans ce projet de loi de finances, l’enveloppe destinée au fonctionnement de l’AEFE, hors sécurité, accuse une baisse de 13 millions d’euros. Autrement dit l’augmentation, que je veux saluer une fois encore, atteint 1,7 % ; mais elle n’est pas suffisante au regard des besoins de nos établissements à l’étranger et des exercices budgétaires précédents.
Mon amendement, qui vise à rattraper les crédits perdus dans la durée, concerne donc la capacité d’intervention et d’investissement du réseau d’enseignement français à l’étranger, afin de le hisser au même rang, dans l’ordre des priorités politiques, que l’éducation dans notre propre pays.
La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 619 .
Je défendrai en même temps l’amendement no 623 , qui a un peu le même objet : nous gagnerons ainsi du temps.
De fait, le débat a déjà eu lieu en commission élargie, et je ne crois pas que l’issue des votes réserve beaucoup de surprises…
Comme l’ont rappelé M. Mariani et M. Le Borgn’, l’AEFE voit ses subventions pour charges de service public du programme 185 diminuer, alors que le nombre d’élèves au sein du réseau, M. le ministre l’a dit, ne cesse d’augmenter.
Amputer le budget de l’Agence, comme je l’ai dit en commission élargie, revient à la priver de ses capacités d’intervention, d’investissement comme de pilotage d’un réseau pourtant largement reconnu dans le monde.
Selon le dernier rapport de la Cour des comptes, l’ensemble des crédits budgétaires a diminué de 8,16 % entre 2012 et 2015. Je me contente là de citer les chiffres.
La contribution à la maîtrise des finances publiques s’est ainsi traduite par un désengagement de l’État caractérisé d’un côté par une baisse continue des crédits publics et de l’autre par un plafonnement durable du nombre d’agents du ministère de l’éducation nationale détachés à l’étranger, ainsi que l’a rappelé notre collègue Pierre-Yves Le Borgn’.
Or cette limitation des ressources publiques est parallèle à une hausse continue de la demande de scolarisation, qui trouve son origine dans l’augmentation du nombre de Français vivant à l’étranger et dans la forte attractivité pour le public étranger d’un modèle d’enseignement d’excellence.
La diminution des crédits publics observée ces dernières années, comme le manque de visibilité quant aux perspectives financières pour les années à venir, a des conséquences : l’AEFE se voit désormais contrainte de multiplier les arbitrages d’appoint, de rechercher des solutions de court terme et d’envisager une nouvelle hausse des frais de scolarité acquittés par les familles. Elle pourrait même devoir se résoudre, comme cela a déjà été le cas par le passé, à piocher dans le fonds de roulement des établissements en gestion directe, les EGD. Ce point a également été rappelé.
Si nous voulons que l’enseignement français à l’étranger demeure un outil d’influence à part entière, un effort accru de l’État est nécessaire, monsieur le ministre. Mon amendement no 619 vise donc à tenter de rattraper la perte budgétaire subie ces dernières années.
Comme l’a relevé la commission de l’enseignement, des affaires culturelles, de l’audiovisuel extérieur et de la francophonie de l’Assemblée des Français de l’étranger, le budget prévisionnel de l’AEFE pour 2017 comporte une enveloppe de 14,7 millions d’euros pour la sécurité. Mais parallèlement, le reste de l’enveloppe destinée au fonctionnement de l’AEFE enregistre une baisse de 13 millions d’euros. Il n’est donc pas tout à fait transparent, pour continuer d’user d’un langage diplomatique, de présenter le budget de fonctionnement de cette Agence comme étant en augmentation.
Le projet de loi de finances pour 2017 prévoit également une baisse de 5 millions d’euros des crédits destinés aux bourses scolaires. Le rapport de la commission de l’enseignement, des affaires culturelles de l’audiovisuel extérieur et de la francophonie de l’AFE, instance consultative qui doit, monsieur le ministre, vous informer et qui contribue à vous éclairer sur la situation des Français établis à l’étranger, souligne certes « une sous-consommation des budgets précédents » mais déplore « la rigidité de certains postes consulaires sur l’application des instructions. »
Je conclus en rappelant à mes collègues que ce qui se joue est en fait l’attractivité des établissements d’enseignement français à l’étranger : elle se confirme d’année en année, si l’on considère le nombre d’élèves scolarisés dans ce réseau. Il n’y a donc de notre part aucun pessimisme, mais une légitime inquiétude sur la capacité de ce réseau à se renforcer, à se redéployer et à répondre objectivement aux demandes croissantes qui lui sont adressées.
Quel est l’avis de la commission sur cette série d’amendements en discussion commune ?
Je vais essayer de répondre à l’ensemble des auteurs de ces amendements, défendus, il faut bien le dire, par des députés dont la mission est notamment de s’assurer que les Français de l’étranger soient bien traités.
À ce titre, je voudrais, en tant que rapporteur spécial, dire ici à nos collègues la très grande importance de leur travail et de leur engagement, y compris pour les députés ne représentant pas nos concitoyens expatriés. Ce travail est en effet tout à fait pertinent et utile, et vous avez évidemment raison, chers collègues, de défendre l’AEFE.
Il faut en effet faire en sorte que tous les organismes concourant à l’enseignement du français à l’étranger – vous auriez à cet égard pu citer la Mission laïque française, qui accomplit elle aussi un travail tout à fait remarquable – améliorent la mutualisation de leurs moyens. Vous avez eu raison, monsieur le ministre, de soutenir l’idée d’un comité de gestion et de moyens qui permette à ces deux derniers organismes, l’AEFE et la Mission laïque française, de pouvoir travailler ensemble.
S’agissant des amendements, je rappelle que j’y avais donné un avis défavorable en commission. Je serai appelé à faire de même ici.
Quoi qu’il en soit, je voudrais revenir sur deux ou trois points qui me paraissent utiles. D’une part, on ne pourra pas continuer indéfiniment à diminuer les crédits des établissements de formation à l’étranger, vous êtes plusieurs à l’avoir dit. Nous sommes aujourd’hui parvenus à un niveau satisfaisant, car, au fond, il est possible d’engager des économies tout en maintenant la performance et les dispositifs pédagogiques. On ne peut pas simplement dire que, parce que les moyens de ces établissements augmenteraient, on y enseignerait mieux.
Il est évident que nous pouvions faire quelques économies : elles ont été réalisées. Nous avons maintenant atteint, je l’ai dit, un niveau satisfaisant. Je précise que cette année, le montant des crédits sera supérieur de 14 millions d’euros à ceux de l’année dernière.
Certes, ces crédits supplémentaires n’iront pas directement à l’enseignement, mais serviront à renforcer la sécurité des établissements. Vous savez combien les députés, notamment les commissaires des affaires étrangères, nous ont dit que la sécurité de ces établissements devait être améliorée. Ces 14 millions d’euros supplémentaires mobilisés par le ministère des affaires étrangères ne seront pas pris sur le budget de l’AEFE. Il était impératif de mettre en place ces dispositifs de sécurité. Je constate par conséquent que le budget pour 2017 sera supérieur à celui de 2016 : c’est une bonne chose.
Mais je tiens à dire ici, m’exprimant devant le ministre, que nous atteignons un niveau tel qu’il ne sera pas possible d’aller beaucoup plus bas. Avis défavorable à cette série d’amendements.
Oui, si vous voulez. La commission avait donné un avis défavorable à l’amendement no 619 . Elle n’avait pas examiné les autres.
Messieurs les députés, je vous ai écoutés attentivement lorsque vous avez défendu vos amendements, et je comprends qu’ils vous tiennent à coeur.
Monsieur Mariani, je voudrais vous apporter une précision concernant les élèves indiens : vous avez cité le lycée français de Delhi, en soulignant que le nombre d’élèves inscrits y baissait. C’est exact, mais cette baisse est due, pour l’essentiel, à la diminution du nombre d’expatriés sur place. Cette baisse ne s’explique pas par le coût des études dans cet établissement.
J’ai cru que vous aviez fait cette corrélation. Si tel n’est pas le cas, cela me donne néanmoins l’occasion de lever un malentendu. En effet, les frais de scolarité au lycée français de Delhi sont beaucoup moins élevés que dans les lycées français des États-Unis ou d’autres pays. Nous avons donc, de ce point de vue, un avantage. Simplement, le nombre d’expatriés français mais aussi d’autres nationalités vivant à Delhi a baissé. Et nous ne pouvons pas compenser avec des élèves indiens car le gouvernement indien leur interdit de fréquenter nos établissements scolaires.
C’est la même chose en Chine.
Il faut souligner la qualité de ces établissements, que chacun s’accorde, me semble-t-il, à reconnaître. Les résultats aux examens, en particulier au baccalauréat, y sont remarquables. Certains d’entre vous m’ont fait valoir qu’ils obtenaient de tels résultats car ils pratiquaient une sélection : or, tel n’est pas le cas.
L’origine de ces résultats est à chercher bien plus dans la pédagogie utilisée et dans la motivation des enseignants, des élèves, des enseignants et des familles, qui font bloc : cela me semble très important et il faut saluer ces efforts.
Que vous défendiez, les uns et les autres, cette action de la France, je le comprends et je partage votre sentiment à ce sujet. Cela étant, vous avez fait état d’une dégradation qui n’est, cette année, pas avérée. L’État va financer les dépenses de sécurité à hauteur de 14,7 millions d’euros : les établissements vont, de ce fait, disposer d’une plus grande marge de manoeuvre. Il me semble important de le rappeler.
Vous évoquez également les frais de scolarité. Or toutes les mesures que j’ai exposées vont dans le sens d’une réaffirmation de l’engagement de l’État et de la maîtrise de ces frais.
Monsieur Mariani, vous avez dressé un bilan général du quinquennat sur ce point. Je vous renvoie, sans malice aucune, à l’évolution des frais de scolarité entre 2008 et 2012 : ils avaient augmenté de 36 % en moyenne pour les élèves français ! Ce chiffre relativise bien évidemment vos affirmations.
Messieurs Le Borgn’ et Coronado, je souscris pleinement à l’analyse de la Cour des comptes sur les dangers d’un désengagement de l’État et d’une hausse généralisée des frais de scolarité. Il faut vraiment y être attentif. C’est la raison pour laquelle j’ai tenu à ce que cette année, la dotation de l’AEFE augmente et que les établissements soient soulagés des dépenses de sécurité. J’ai pleinement conscience, messieurs les députés, de votre engagement total en faveur de l’AEFE, et de manière plus générale, de l’enseignement du français à l’étranger.
Monsieur Mariani, monsieur Le Borgn’, vous avez recherché une ressource afin de financer l’augmentation du budget de l’AEFE que vous appelez de vos voeux. Mais êtes-vous bien conscients des conséquences qu’auraient vos amendements s’ils venaient à être adoptés ? Vous souhaitez en effet diminuer de 20 millions d’euros notre contribution au Conseil de l’Europe. Est-ce possible ?
Mais si !
Il faut simplement que le Gouvernement réagisse et assume les dépenses qu’il prévoit !
Monsieur Lefebvre, je ne suis ni dérangé ni choqué que vous m’interrompiez. Simplement, nous avons déjà passé beaucoup de temps en commission élargie, et encore ici ce soir, pour expliquer les efforts significatifs faits cette année. Si une tendance à la baisse se dessinait, il est clair qu’elle a été stoppée : je vous remercie d’ailleurs, monsieur Mariani d’avoir eu l’honnêteté de le reconnaître. Et je prends des engagements concrets.
Il n’en demeure pas moins que la solution que vous avez trouvée, et qui consiste à gager votre augmentation de dépenses sur la suppression de notre contribution au Conseil de l’Europe, est impossible à mettre en oeuvre.
Il faut que vous vous rendiez compte de la portée de votre proposition, messieurs Mariani et Le Borgn’.
Quant à M. Coronado, lui, il n’a pas trouvé autre chose que de rogner sur notre contribution à l’OTAN, l’Organisation du traité de l’Atlantique nord, au moment précisément où tant d’incertitudes pèsent en matière de sécurité et de défense, notamment après l’élection américaine. Je ne comprends pas que l’on puisse faire une telle proposition.
Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à l’ensemble de ces amendements.
Très brièvement, quels sont nos reproches, monsieur le ministre ? Premièrement, l’enseignement français à l’étranger n’a pas été traité avec équité. Notre collègue François Loncle faisait remarquer que si l’on avait augmenté les effectifs d’enseignants à l’étranger dans les mêmes proportions que dans l’Hexagone, il aurait fallu avoir 600 enseignants de plus. Or, pas un seul poste supplémentaire n’a été créé. Les Français de l’étranger ont donc bel et bien été oubliés.
Deuxièmement, vous avez souhaité comparer l’évolution du budget de l’AEFE entre 2007 et 2012 et de 2012 à aujourd’hui : chiche ! En 2007, il s’élevait à 283 millions d’euros et, cinq ans après, nous le laissions à 420 millions d’euros. Je suis donc prêt à toutes les comparaisons.
Pour autant vous avez raison, les frais de scolarité ont augmenté de 35 % de 2008 à 2012. Mais franchement, cette augmentation est-elle le fruit de la politique de l’État à cette époque-là ? Je n’en suis sincèrement pas persuadé. On constate que partout l’augmentation de ces frais se poursuit. Ce n’est ni de votre faute, ni de la nôtre : il faut tout simplement agrandir certains établissements. Vous avez parlé du lycée français de Delhi, que j’ai, comme je vous l’ai dit, visité récemment : l’année dernière, les frais de scolarité y ont augmenté de 35 % – je dis bien 35 % ! Ce n’est pas, monsieur le ministre, de votre faute, mais dans un certain nombre d’établissements anciens, des travaux sont nécessaires.
Troisièmement, je me suis peut-être mal exprimé, et dans ce cas je vous prie de m’en excuser, ou vous m’avez peut-être mal compris : la Cour des comptes dit dans son rapport que dans certains pays, notre réseau gagnerait à être plus présent. Et autant notre présence en Chine est satisfaisante, autant en Inde, pourtant deuxième pays le plus peuplé au monde, nos établissements sont sous-dimensionnés. La baisse des effectifs du lycée français de Delhi, vous avez eu raison de le souligner, est avant tout due à la baisse du nombre d’expatriés.
Enfin, oui, nous avons gagé nos amendements comme nous pouvions, mais en réalité c’est un appel au Gouvernement pour qu’il lève le gage. Je ne veux pas faire de parallèle, mais il y a quelques instants, alors que nous terminions l’examen des crédits de la mission « Santé », et vous avez assisté à leur adoption, monsieur le ministre, le Gouvernement a su trouver 76 millions d’euros de crédits supplémentaires pour l’aide médicale d’État – l’AME. Ne serait-il pas possible de faire un tout petit effort pour les Français expatriés, lorsque l’on en fait par ailleurs un autre de 76 millions d’euros pour les étrangers sans papiers – qu’il faut bien sûr soigner ?
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
C’est facile de s’offusquer, mais les hasards du calendrier font que l’on ne peut que mettre en regard certains chiffres. Je suis désolé, mais je maintiens mes amendements et espère avoir levé le malentendu s’agissant du lycée de Delhi.
Monsieur le ministre, avant que nous ne passions au vote, j’aurais souhaité que vous nous apportiez une précision : vous nous dites que 14 millions d’euros supplémentaires seront dégagés pour la sécurité, ce qui permettra de soulager les établissements. Pour éclairer l’Assemblée nationale tout autant que pour rassurer les parents et lever toute ambiguïté, cette enveloppe bénéficiera-t-elle à tous les types d’établissement, c’est-à-dire les établissements en gestion directe, les établissements conventionnés, et les établissements homologués ?
Sans aucun esprit de polémique, l’interrogation qui est la nôtre à nous, députés représentant les Français établis à l’étranger, est de comprendre pourquoi, alors que l’éducation a été une véritable priorité au cours de ce quinquennat – son budget n’a jamais diminué et des efforts budgétaires importants ont été consentis pour opérer des recrutements –, cette priorité s’est arrêtée aux frontières hexagonales.
Nous pensons que l’éducation à l’étranger doit aussi être une priorité. Et il ne s’agit pas, contrairement à ce qu’a semblé suggérer M. le rapporteur, d’une simple défense des intérêts de nos électeurs dont nous sommes naturellement, et c’est heureux, les porte-voix.
Aux dernières nouvelles, un parlementaire est le représentant, le porte-voix de ses électeurs et même, au-delà, de l’ensemble de la nation. Nous ne sommes pas simplement les VRP de la politique gouvernementale, heureusement. Moi, je n’ai pas honte du tout de défendre ici les intérêts de mes électeurs. Je crois que c’est aussi le rôle des parlementaires, et le Gouvernement tend parfois à l’oublier quand il traite des questions budgétaires avec sa majorité.
Cela dit, ce n’est pas une question qui doit intéresser uniquement les parlementaires représentant les Français établis à l’étranger. Il s’agit en effet de la présence de la France, de notre influence, de notre rayonnement. La présence française à l’étranger repose essentiellement, monsieur le ministre, et vous le savez, sur deux grands piliers, le réseau éducatif et le réseau culturel. Ce sont deux réseaux extrêmement importants. Ils sont puissants, reconnus dans le monde entier. Ils nous permettent d’avoir une présence pérenne, là où, parfois, le Gouvernement ne mène aucune politique pensée ou stratégiquement accomplie.
C’est donc une question d’avenir : il s’agit de la présence française dans les années qui viennent. Nous serons encore dans cinquante ou soixante ans une nation dont la langue sera parlée, et ce sera grâce au réseau éducatif et au réseau culturel.
La question n’est donc pas de savoir si les parlementaires représentant les Français de l’étranger font du clientélisme de bas étage en défendant leurs électeurs, mais de savoir comment on pense la présence française à l’étranger dans les années qui viennent.
Par ailleurs, il est vrai que ce sont des établissements d’excellence mais, en raison de l’explosion des frais de scolarité depuis un certain nombre d’années, ils ne sont pas accessibles à tout le monde. Ils ne sont pas accessibles à toutes les familles françaises et ils ne le sont pas non plus à toutes les familles qui, dans les pays où nous sommes, voudraient y scolariser leurs enfants. Sans invoquer Bourdieu, c’est aussi ce qui explique leurs excellents résultats. Les familles qui ont les moyens d’y envoyer leurs enfants ont non seulement un gros capital économique mais aussi un très grand capital culturel.
Monsieur le ministre, je ne mets pas du tout en cause votre volonté d’essayer de rattraper les choses dans ce dernier budget, mais vous étiez Premier ministre au moment où a été engagée cette politique et, comme l’a rappelé M. Mariani, au moment de la suppression de la prise en charge, la PEC, le Président de la République s’était très clairement engagé à recycler ce dispositif sur l’ensemble des bourses.
Vous avez été assez honnête tout à l’heure, vous avez expliqué que le nombre d’enfants français scolarisés stagnait, et pour cause. Vous n’avez pas dit qu’un grand nombre de familles ne déposaient même plus de demandes de bourse.
C’est le cas dans la circonscription qui est la mienne, d’autant que l’indice Mercer qui a été mis en place ne correspond absolument pas à la situation réelle, sans compter d’autres absurdités. Pour décider si, oui ou non, une famille a droit à une bourse, est ainsi pris en compte par exemple le 401K, c’est-à-dire le plan retraite par capitalisation auquel souscrivent les Français. Des gens sont également exclus des bourses parce qu’ils sont propriétaires de biens, même s’ils ne peuvent pas en disposer parce qu’ils les possèdent en indivision. Je pense à cette enseignante de New York qui est venue me voir, qui ne peut pas mettre ses propres enfants dans l’établissement où elle enseigne, ou cette maman de Seattle qui est venue me voir en pleurs il y a quelques jours parce qu’elle est obligée de retirer son enfant de l’école.
On peut dire ce qu’on veut mais les chiffres ne mentent pas. Sur cinq ans, qu’il s’agisse du soutien scolaire avec les bourses ou de la subvention à l’AEFE, on a globalement 110 millions d’euros de moins. Le rapporteur spécial a eu l’honnêteté de le rappeler puisque ce sont les chiffres qu’il a lui-même présentés dans son rapport.
Il faut donc arrêter ce petit jeu d’essayer de faire croire que les bourses n’ont pas diminué ou que le nombre d’enfants qui ne peuvent malheureusement pas être scolarisés n’augmente pas. Cela, personne ne peut l’entendre, dans aucun pays du monde, parce que chacun sait quelle est la réalité, y compris les élus que vous connaissez.
Monsieur le rapporteur spécial, monsieur le ministre, vous avez entendu un certain nombre de députés des Français de l’étranger, quel que soit leur engagement partisan, expliquer qu’il y a une attente, une inquiétude partout dans nos circonscriptions quant à l’avenir de ces établissements.
Nous recevons chacun dans nos permanences des parents d’élèves venant nous faire part de leur inquiétude devant la baisse des quotités de bourses ou nous informant parfois de la déscolarisation de leurs enfants, et je pense que personne ici ne peut accepter une situation pareille.
Je voulais, comme mes collègues, donner un exemple de ma circonscription. Je m’inquiète du fait que la réforme des bourses scolaires opérée en 2013 ait insuffisamment pris en compte, notamment en Allemagne, les difficultés des familles monoparentales.
Cela doit être la troisième fois que je le dis ici dans les débats budgétaires et il y a une forme de lassitude à se retrouver tous les mois d’octobre et de novembre à partager ce genre de difficultés et à avoir du mal à se faire entendre.
Je vous le dis d’autant plus, monsieur le ministre, que j’ai tenu à saluer le redressement de la trajectoire budgétaire. Il y a 14,7 millions d’euros pour les investissements de sécurité. Comme il y a une baisse de 13 millions d’euros sur le reste, cela veut dire qu’il y a 1,7 million d’euros de plus. C’est mieux mais la difficulté est telle depuis maintenant plusieurs années qu’il est important que nous le disions ensemble ici et c’est le but de nos interventions. Elles n’ont en rien été préparées collectivement mais nous convergeons parce que c’est le vécu de nos circonscriptions dont il était question ici ce soir.
Tous les établissements qui bénéficient de financements AEFE sont concernés, madame Schmid, y compris les établissements partenaires.
Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 503 , 504 , 536 , 616 , 623 , 499 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 504 et 536 sont identiques, de même que les amendements nos 616 et 623 .
Je vous suggère, monsieur Mariani, de soutenir en même temps l’amendement no 503 et l’amendement no 504 .
Oui, madame la présidente et je serai bref.
Nous avons discuté de l’AEFE. Là, il s’agit des bourses, dont j’ai parlé tout à l’heure.
Monsieur le ministre, il est vrai qu’on arrive à rentrer dans les enveloppes, mais à quel prix ? Je crois que tous mes collègues de gauche ou de droite qui rencontrent nos compatriotes expatriés ont entendu les mêmes doléances, et je vais prendre un exemple très concret, notamment pour que mes collègues de métropole aussi comprennent.
Quand on est à l’étranger, il y a trois choses dont on connaît le prix, l’école, parce qu’on la paie, sa sécurité sociale, parce qu’on la paie, et sa retraite, parce qu’on la paie.
Pour être inscrit dans un établissement français à l’étranger, cela coûte en moyenne 10 000 ou 12 000 euros dans ma circonscription. Il y en a qui sont moins chers, d’autres plus chers, jusqu’à 18 000 euros, et, dans la circonscription de Frédéric Lefebvre, on arrive à 25 000 euros.
Quand une bourse à 100 % est réduite à 85 %, si vous avez trois enfants dans un établissement où les frais sont de 12 000 euros, cela vous fait 4 800 euros à payer.
Il ne faut pas oublier que la majorité des Français de l’étranger ne sont plus des expatriés avec logement, école etc. payés par l’entreprise. Ils ont aujourd’hui des contrats locaux, avec, en Chine, par exemple, des salaires de 1500, 1 800 euros au plus par mois pour certains. Quand, même avec une bourse à 85 %, il reste 4 800 euros à payer, cela entraîne très souvent des déscolarisations.
On me dit que les bourses sont mieux gérées mais j’insiste sur le fait que je vois en réalité très souvent dans des commissions que l’on a baissé les taux de 5 à 10 % pour ne pas dépasser l’enveloppe.
Deuxièmement, vous savez très bien qu’on a changé les critères. Il n’y a pas de secret, quand on change les critères avec une enveloppe plus faible et des élèves plus nombreux, il y a forcément un mistigri. Comme l’a souligné Frédéric Lefebvre, certains critères font que, désormais, certains de nos compatriotes ne sont plus éligibles à une bourse. Le fait de posséder une maison de campagne ou d’avoir conservé la maison de son grand-père ou de son père au fin fond d’un village du Vaucluse ou de Loire-Atlantique, vous exclut des bourses si cette maison vaut plus de 200 000 euros si ma mémoire est bonne.
Oui, on rentre dans l’enveloppe, mais nous rencontrons tous dans nos circonscriptions des gens qui sont progressivement exclus des bourses. Les deux amendements que j’ai déposés tendent à rétablir les crédits de l’action Accès des élèves français au réseau AEFE ». Je vous rappelle qu’il y avait 125 millions à la fin du mandat précédent pour la prise en charge et les bourses. Le Président de la République actuel avait dit qu’il maintiendrait ce montant. Tel n’a pas été le cas pendant ces années.
À partir du moment où, vous le dites très bien, monsieur le ministre, et je le vis dans ma circonscription, le nombre de Français concernés est de plus en plus grand, où, vous le dites aussi, le nombre de Français scolarisés stagne et où – les chiffres sont ce qu’ils sont , le montant global sur cinq ans des bourses et des aides a baissé, cela veut dire que l’on a changé la clé de répartition et de distribution des bourses.
On vient de citer un certain nombre d’exemples extrêmement concrets. Les élus, de toutes tendances politiques, vous le disent, sans passion mais avec beaucoup de gravité. La réalité, c’est que les gens que nous avons en face de nous sont des citoyens qui n’arrivent pas à comprendre quand ils lisent les débats que nous avons dans cette assemblée, les arguments qui sont donnés – souvent soufflés par l’administration. On explique qu’en fait, il n’y a pas de recul, qu’on n’a jamais distribué autant de bourses, que tous ceux qui en ont demandé une l’ont obtenue. Or tout le monde sait que ce n’est pas la réalité.
Le rapport de Pascal Terrasse est très clair, il y est bien dit qu’on est passé d’une moyenne de 90 à 85 % de prise en charge. Quand les frais de scolarité représentent des sommes extrêmement élevées, le reste à charge pour les parents devient insupportable et on voit de plus en plus de familles qui font suivre au petit dernier ou à la petite dernière l’enseignement local.
Vous le savez très bien d’ailleurs, et le réseau le sait très bien aussi puisqu’il essaie de trouver des solutions alternatives. Mettons-les sur la table. Il y a par exemple le programme FLAM – français langue maternelle. Cela fonctionne bien mais le nombre d’enfants explose puisque c’est le seul dispositif à même de recevoir tous ces enfants qui sont en réalité mis à la porte des autres établissements. Le problème, c’est qu’au bout de cinq ans, il n’y a plus de subvention et d’aide de la puissance publique. Il faut donc remettre à plat le système.
La parole est à M. Pierre-Yves Le Borgn’, pour soutenir l’amendement no 616 .
Monsieur le ministre, c’est à mon tour de défendre un amendement qui vise, très modestement, à accroître de 5 millions d’euros la dotation de l’action 2 du programme 151, qui vise à favoriser l’accès au réseau des lycées français à l’étranger.
Je reviens sur ce qui a été dit par mes collègues, de droite comme de gauche, en soulignant, en tant que centriste, que, depuis 2012, année de la réforme des bourses scolaires, l’enveloppe globale allouée par l’État aux familles françaises résidant à l’étranger est passée de 125 millions à 115 millions en 2016. L’année prochaine, elle sera de 110 millions, soit une baisse de près de 15 % en cinq ans.
Où sont passés les engagements solennels du Président de la République ? Où est passée la priorité à l’éducation ? Je me souviens parfaitement d’un discours prononcé le 22 juin 2012 dans lequel le Président de la République, fraîchement élu, déclarait devant la communauté française de Rome, dont j’ai l’honneur d’être le représentant à l’Assemblée nationale, que « la solution, c’est d’augmenter le niveau des bourses et le nombre des bourses pour assurer la démocratisation de l’enseignement français à l’étranger ». Par ces propos, le chef de l’État s’engageait de fait à maintenir a minima les crédits budgétaires alloués à la politique des bourses scolaires pour les non-résidents.
Monsieur le ministre, l’immense majorité des 2,5 millions de Français à l’étranger ne sont ni des rentiers, ni des héritiers de grandes fortunes, ni des cadres dirigeants de multinationales expatriés, ni des exilés fiscaux. Beaucoup de familles sont des familles nombreuses ou monoparentales. Je ne vais pas entrer dans le détail de la vie de ces femmes qui viennent dans nos permanences nous expliquer qu’elles ne peuvent pas mettre leur troisième enfant dans un établissement français, sauf à en retirer un autre. C’est un peu le comble que ce soient des députés du centre et de droite qui vous fassent une telle requête, dans un souci d’égalité et de promotion du rayonnement culturel de la France à l’étranger.
Il nous semble essentiel de maintenir la dotation des bourses scolaires, pour permettre à tous les Français de l’étranger de continuer à étudier. Pour augmenter de 5 millions d’euros la dotation prévue, je vous propose de soustraire cette somme de l’action 4 du programme 105.
Quel est l’avis de la commission sur ’ensemble de ces amendements en discussion commune ?
Ces amendements posent trois questions : celles des moyens, des critères d’attribution des bourses et des montants attribués. Sur la durée du quinquennat, le nombre de boursiers à 100 % a diminué, comme l’a rappelé Frédéric Lefebvre. Mais le taux des boursiers des classes moyennes, qui bénéficient d’une quotité comprise entre 70 et 90 %, a augmenté, lui, de près de 50 %.
S’agissant du montant global, disons les choses telles qu’elles sont. Je suis membre de la commission des finances, et nous savons qu’il existe des autorisations d’engagement et des crédits de paiement. En toute fin de processus, quand les crédits votés au Parlement ne sont pas consommés, Bercy retrouve ces crédits errants et les récupère. Voilà la réalité.
Il faut donc savoir quelle mobilisation des ressources est faite et si elle est satisfaisante. S’il s’agit simplement de faire un effet d’affichage pour ne pas consommer ensuite les crédits, c’est de très mauvaise gestion. Le montant des crédits affectés aux bourses continue d’ailleurs d’augmenter. Entre 2015 et 2017, ce sont près de 10 millions d’euros supplémentaires qui seront affectés aux bourses.
Concernant les critères d’attribution des bourses, Pierre-Yves Le Borgn’ ainsi que des députés du centre et de la droite m’ont sollicité à plusieurs reprises, car ils ne semblent pas totalement satisfaisants. Il faudrait sans doute réfléchir, monsieur le ministre, à leur évolution.
Des commissions d’attribution des bourses sont présidées par les ambassadeurs ou les consuls. Moi qui vais très souvent voir ce qui se passe sur le terrain, on me dit que, dans certains pays comme les États-Unis, où le coût de la scolarité est très élevé, le montant des bourses n’est pas totalement adapté aux besoins. Il faudrait revoir les critères sur lesquels s’est fondé ce dispositif social qui était juste au départ, qui correspondait à des besoins, mais qui pose désormais quelques difficultés dans certains cas.
Comme en commission élargie la semaine dernière, j’émets un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements. Cependant, monsieur le ministre, je profite de l’occasion pour appeler votre attention sur ce problème des critères, plus que sur celui des moyens financiers.
Ce sujet est intéressant. Je vois que nous partageons tous la même ambition, et nous n’allons pas le regretter. En revanche, j’ai trouvé les propos de M. Coronado excessifs, comme si notre système d’enseignement français à l’étranger était quasiment en perdition. Ce n’est pas ce que je vois sur le terrain, ni ce que les parlementaires représentant les Français de l’étranger y voient. Il y a certes des choses à améliorer et des insuffisances. Vous êtes dans votre rôle légitime en disant cela ; mais n’ayons pas une vision misérabiliste d’une réalité qui est l’une des fiertés de la France.
Nous sommes quasiment le seul pays à disposer d’un tel réseau. Il est d’une grande qualité. C’est d’ailleurs pour cela qu’il est très souvent fréquenté par beaucoup d’autres expatriés. Il est important de le rappeler.
Quant au coût moyen des frais de scolarité, l’étude que nous avons faite l’a établi non pas à 12 000 euros, mais à 5 000 euros par enfant.
Je le sais bien.
Il m’arrive assez souvent de visiter des établissements. La semaine dernière, à Conakry, j’ai posé la première pierre de l’extension du lycée. J’ai aussi permis de débloquer un dossier bloqué depuis cinq ans par les autorités du pays. Le président de la République de Guinée, Alpha Condé, s’est mobilisé personnellement. Nous avons présidé ensemble cette cérémonie, ce qui est positif. J’ai eu la chance d’inaugurer le lycée Charles de Gaulle en Chine, dont la construction avait bien sûr été décidée avant que je ne sois ministre.
Il faut avoir une vision positive et être fiers de ce qui est entrepris, tout en étant lucides et en ne craignant pas de faire évoluer la manière dont on aide les familles à accéder à l’enseignement. Il existait un système de prise en charge – la PEC – mis en place par le précédent gouvernement. Je tiens à rappeler, sans esprit polémique, que ce dispositif ne touchait qu’une minorité de 7 800 élèves sur les 115 000 du réseau. Cela ne marchait pas.
C’est pour cela que nous avons réformé le système, afin qu’il soit plus équitable. Le dispositif actuel des bourses permet que 21 % des élèves, soit environ 26 000, en bénéficient. Vous êtes plusieurs à me dire que ce n’est pas assez, ce qui est compréhensible. Je ne sais pas pour qui vous allez voter dimanche prochain, et cela ne me regarde pas ; mais, comme tous les candidats de la primaire de droite proposent de baisser les dépenses publiques de 100 milliards d’euros, il ne restera plus rien de l’enseignement français à l’étranger !
Vous avez encore le temps de réagir pour empêcher que cela ne se fasse. Je vous y encourage !
Je suis certain qu’avec tout ce que vous avez dit ce soir, les choses vont bouger dans le bon sens.
Par ailleurs, j’ai également écouté d’autres suggestions. Je voudrais dire à Pierre-Yves Le Borgn’ que je partage sa proposition de travailler sur les critères. Nous en avons déjà discuté en commission élargie. Les sénateurs ont proposé la même chose. Je m’engage devant vous à travailler avec vous, une fois que vous aurez désigné les rapporteurs que vous souhaitez, pour faire des propositions qui donneront lieu à une concertation et, si possible, à des décisions rapides pour mettre au point un système de critères plus équitable que l’actuel. La demande vient de partout. J’ai entendu les arguments. En attendant, je ne peux qu’émettre un avis défavorable aux amendements défendus.
Monsieur le ministre, nous sommes tous d’accord sur votre constat : le réseau est d’une qualité exemplaire ; le niveau est remarquable ; le dévouement des enseignants est à saluer, particulièrement celui de ceux qui travaillent sous contrat local et qui n’ont pas le salaire des enseignants expatriés, alors qu’ils auraient tout à fait le niveau pour l’être s’il y avait assez de contrats.
Cependant, vous parlez d’un coût moyen de 5 000 euros. Cela est sans doute vrai dans certaines zones, mais pas dans la mienne, à moins qu’il ne s’agisse des maternelles. Ce coût dans ma zone s’établit plutôt entre 8 000 et 10 000 euros pour les classes de terminale.
S’agissant de la PEC instaurée par le gouvernement de Nicolas Sarkozy, vous avez dit qu’elle ne concernait que 7 000 élèves. Vous aviez raison. Mais c’est que le dispositif ne concernait que les secondes, les premières et les terminales, soit, par définition, moins de bénéficiaires que les bourses. Vous avez revu le système, comme vous l’aviez annoncé clairement dans votre programme – ceux qui ont voté pour vous savaient de quoi il allait retourner. Mais le compte n’y est pas. À Rome et à Londres, votre candidat, l’actuel Président, avait dit qu’il maintiendrait le volume global des bourses, lequel s’élevait en 2012 à 125 millions d’euros. Si cette somme avait été maintenue, il y aurait eu globalement 47,5 millions de plus pour les bourses pendant ces cinq années.
Vous avez raison : l’opposition actuelle propose un certain nombre de réductions de crédits. Mais nous discutons dans ce cas précis de 5 à 10 millions d’euros, pas de 20 milliards ! En réalité, ils suffiraient pour tout changer. Le sujet concerne 2 millions de Français. Les sommes en jeu sont, par rapport au budget de l’État, infinitésimales. Pendant ces cinq années, vous ne les avez pas trouvées pour maintenir l’enveloppe. Les Français de l’étranger n’auront pu que constater une baisse des moyens de l’AEFE et des bourses.
Je veux vous remercier, monsieur le ministre, d’accepter notre requête de travailler sur une révision des critères. Il faut le faire d’une manière très ouverte. Les critères ont été resserrés afin d’accompagner une baisse des crédits. En effet, les 30 millions de la PEC qui devaient être réinjectés dans le dispositif des bourses ne l’ont pas été, ce qui n’a pas permis de maintenir globalement les crédits. S’il s’agit simplement de revoir les critères à enveloppe constante, cela ne sert à rien. Le sujet aujourd’hui est celui de l’engagement pris par François Hollande à l’époque. Il faut vous engager à ce que nous retrouvions les 47 millions d’euros perdus pour les bourses.
Par ailleurs, Pascal Terrasse a eu l’air de dire tout à l’heure qu’en réalité les crédits n’étaient pas consommés. Parlons des artifices trouvés sur la question des bourses avec l’AEFE pour créer un petit matelas ! Je vois M. Terrasse qui acquiesce car il le sait. Qui, in fine, se retrouve le dindon de la farce ? Ce sont les familles. Nous venons vous voir parce que, à cause de ces artifices, de ces décisions et du non-respect de ces demandes, ce sont des enfants français qui ne peuvent pas avoir la chance de continuer à être scolarisés dans ces établissements.
Alors qu’il était ministre de l’éducation, Benoît Hamon s’était engagé auprès de moi, avant, malheureusement, de quitter votre gouvernement pour des raisons qui lui appartiennent, à flécher un certain nombre de postes vers des postes pour les Français de l’étranger, notamment dans ma circonscription. Ces engagements ont été abandonnés. Pour l’avoir très bien dit à plusieurs reprises, François Loncle pourrait vous redire combien les Français de l’étranger sont mal traités en nombre de postes, par rapport au système métropolitain.
Madame la présidente, chers collègues, comme les autres députés des Français de l’étranger, je voudrais accueillir positivement la proposition du ministre de réfléchir à une redéfinition des critères d’attribution des bourses. Il est hélas amplement prouvé qu’il y a du travail à accomplir en cette matière si nous voulons être justes. Pour être efficace, ce travail devra se faire dans le consensus entre les parlementaires des Français de l’étranger, députés et sénateurs, et l’Assemblée des Français de l’étranger, instance importante dans ce domaine.
Je ne voudrais pas que nous terminions ce débat sans évoquer les 70 % d’enfants français qui ne sont pas scolarisés dans le réseau de nos établissements à l’étranger, mais fréquentent les établissements des pays où ils vivent, souvent à la recherche de solutions d’enseignement bilingue. Frédéric Lefebvre a parlé du programme FLAM ; je voudrais souligner le bénéfice du label FrancÉducation, et le besoin de mieux soutenir le travail qui le sous-tend. Dans la circonscription dont je suis l’élu, en particulier dans sa partie slave, il existe énormément d’établissements locaux dont la qualité d’enseignement en français est remarquable, et qu’il faut aider.
Enfin – c’est un clin d’oeil à M. le ministre –, je n’oublie pas tout l’intérêt qu’il y a à travailler à la création de lycées franco-allemands. Ce projet existe à Hambourg ; j’espère qu’il aboutira, dans le respect de l’attente de nos compatriotes sur place. Cela nous obligera à agir, car s’il y a trois lycées franco-allemands en Allemagne et un seul en France, nous aurons besoin de travailler également à une solution côté français.
Juste une remarque : ce débat est passionnant et nous apprécions beaucoup l’action de nos collègues qui représentent les Français de l’étranger. Nous savons ce qu’ils font et ils ont droit à beaucoup d’égards. Mais il n’y a pas deux catégories de députés, en particulier pour cette discussion budgétaire. Beaucoup de collègues métropolitains, appartenant ou non à la commission des affaires étrangères, voyagent beaucoup et se rendent à l’étranger pour y effectuer des missions. Nous faisons les mêmes constats, poursuivons les mêmes objectifs et nous battons de la même façon. C’est pourquoi – et je remercie M. le ministre pour sa réponse – j’ai estimé, avec mes collègues, que le ministère de l’éducation nationale et le ministère de la culture devaient s’impliquer bien davantage pour redresser la situation que vous avez décrite ce soir.
L’amendement no 616 est retiré.
L’amendement no 503 n’est pas adopté.
La parole est à M. Frédéric Lefebvre, pour soutenir l’amendement no 541 .
Cet amendement concerne les moyens des consulats, qu’il est indispensable d’augmenter. Des efforts sont entrepris en ce sens ; un travail sur la simplification est notamment mené avec les élus de l’AFE, les postes consulaires et les parlementaires, et on a commencé à faire des progrès en matière d’enregistrement ou de passeports. En même temps, on a pris une série de décisions brutales de suppressions de postes, comme à Calgary. Cette politique pose la question de l’accessibilité de ces services pour nos compatriotes de l’étranger. Avec des horaires de plus en plus restreints, ceux qui travaillent ont les plus grandes difficultés du monde à obtenir des rendez-vous et des réponses à leurs demandes. Ils doivent parfois parcourir de longues distances pour effectuer les démarches : ainsi, quand on habite à Seattle, il faut aller à San Francisco, ce qui est évidemment compliqué pour les familles. Comme l’a rappelé Thierry Mariani, le service Itinera n’est pas toujours aussi efficace que nous le souhaiterions et ne passe pas suffisamment souvent. À Seattle, il y avait plus de 600 demandes ; or à chacune des deux visites annuelles, on ne peut en traiter qu’une soixantaine. C’est dire à quel point on est décalé par rapport à la réalité !
Vous êtes sensible, monsieur le ministre, à ce que font nos amis allemands ; or il semblerait qu’ils ont trouvé un accord avec, en particulier, la police américaine, et j’ai souvent dit dans les postes consulaires qu’il faudrait entreprendre une étude sur leur expérience…
Vous ne terminez jamais dans les deux minutes imparties. Il est déjà une heure moins dix. Je ne vais pas vous couper le micro mais concluez !
C’est ce que je suis en train de faire.
Pourriez-vous analyser, monsieur le ministre, ces initiatives de coopération avec les polices locales, en l’occurrence la police américaine, qui permettent de procéder au relevé des empreintes, et qui pourraient éviter les trajets et les dépenses importantes pour l’État liées à la valise Itinera ?
Nous avons eu l’occasion, en début de séance, d’évoquer les PPD. Le ministre a rappelé qu’il n’y aurait pas de nouvelle création de PPD, que la question de l’évaluation du dispositif était posée et qu’il était utile et nécessaire que les parlementaires voient comment s’est organisée la mise en place de ces postes.
La création de « maisons de France » – objet de l’amendement de notre collègue Frédéric Lefebvre – exigerait de mobiliser 8 millions d’euros, qui seraient récupérés sur des crédits d’influence et de diplomatie générale. Or le ministère a mis en place des « bureaux de France », qui représentent en réalité une réponse à votre question.
Je posais la question de l’accessibilité des services en matière d’horaires !
Envisagés dès 2017, ils seront financés par l’intermédiaire de plusieurs programmes. Ces bureaux expérimentaux devraient en principe permettre de colocaliser les services d’opérateurs, comme Business France ou les Alliances françaises. Selon les besoins, ils pourront comporter des services consulaires de proximité – un enjeu majeur pour la population. Le premier bureau de ce type pourrait être expérimenté en Indonésie, à Bali ; d’autres formules, avec des consulats honoraires, pourraient également être tentées. Je pense en particulier à l’Australie, que nous avons évoquée tout à l’heure à propos des déplacements de plus de quatre heures. On ouvrirait un bureau à Sydney, mais aussi à Chennai, en Inde.
L’idée de ce dispositif correspond parfaitement à ce que vous proposez. Ces bureaux devraient en principe ouvrir dès 2017 ; sept ou huit sites sont aujourd’hui identifiés pour le volet expérimental. Je suis d’accord avec vous, monsieur Lefebvre : la France dispose d’un réseau diplomatique d’influence remarquable, ce qui n’est pas le cas de nos amis anglais ni d’autres États qui ont décidé de réduire leur présence. S’il s’agit de se demander comment donner accès à nos services aux ressortissants français, les bureaux de France seront là pour répondre à votre interrogation.
Vous êtes donc défavorable à l’amendement, monsieur le rapporteur spécial ?
Monsieur le député, vous appelez notre attention sur les services consulaires. Le registre des Français établis hors de France est désormais totalement en ligne…
Vous avez bien fait. C’est le cas depuis le 15 juin. Nous avons également mis en place l’envoi postal des passeports biométriques à leurs titulaires, afin d’éviter un deuxième déplacement, qui peut être long et coûteux.
Nous travaillons aussi sur le paiement en ligne des droits de chancellerie ou encore sur la pré-demande en ligne de passeport, qui permettra à l’usager de saisir sa demande sur internet, et assurera un traitement plus rapide de la démarche lors de sa venue au consulat. Par ailleurs, comme en 2012, les Français de l’étranger pourront utiliser le vote électronique dans le cadre des élections législatives de 2017. Il y a donc des choses qui avancent.
Vous avez évoqué plusieurs propositions. Avant de les aborder, je voudrais rappeler que nous sommes en train de déployer les valises Itinera dans plusieurs grands pays, notamment aux États-Unis et en Russie. J’ai moi-même assisté à une démonstration lors de ma visite des services à Nantes. L’essai est convaincant ; il faut désormais former le personnel pour mobiliser cet outil qui, je crois, répond à beaucoup d’attentes. L’exemple que vous avez cité de Seattle et San Francisco est, de ce point de vue, éloquent.
M. le rapporteur spécial a évoqué les bureaux de France, qui visent à assurer une présence officielle française autour de l’implantation d’une entité existante. Ils regrouperont à la fois les bureaux d’opérateurs, l’institut culturel, l’Alliance française ou le consul honoraire. Les premières expérimentations seront conduites dès l’année prochaine ; nous pourrions commencer par Zurich.
Un dernier point, monsieur Lefebvre. Je suis prêt à analyser l’expérience allemande, mais il faut voir ce qu’il en est de la protection des données personnelles – un aspect non négligeable. Je ne sais pas comment les Allemands ont réglé toutes ces questions. Vous avez fait une suggestion et je suis prêt à l’examiner. Pour l’instant, je donne un avis défavorable à votre amendement.
Compte tenu de la réponse du rapporteur spécial et du ministre, je le retire. Je remercie le ministre de bien vouloir organiser l’étude sur l’expérience allemande et je fais une dernière suggestion : on devrait également étudier la possibilité pour les consuls honoraires de réaliser eux-mêmes des prises d’empreintes. Cela éviterait des dépenses considérables pour l’État car Itinera – qui exige de dépêcher et de loger des fonctionnaires – coûte cher. Cela permettrait de réduire les coûts tout en améliorant le service.
L’amendement no 541 est retiré.
La parole est à M. Thierry Mariani, pour soutenir l’amendement no 613 .
Cet amendement aurait pu faire l’objet d’une présentation commune avec le précédent. Je prendrai l’exemple de l’Australie : les Français officiellement recensés y sont 26 000, mais la population estimée s’élève à quelque 80 000 à 100 000, surtout si l’on prend en compte les détenteurs du visa working holiday. Il n’y a qu’un seul consulat dans ce pays, et il n’est pas question d’en ouvrir un autre. Nous disposons de tout un réseau de consuls honoraires ; la question est de savoir si l’on ne peut pas leur donner plus de moyens.
Je prends l’exemple du poste de Perth, où seuls 3 100 Français sont officiellement recensés, alors qu’on estime qu’il y en a entre 10 000 et 12 000. Ils demandent qu’une valise Itinera y soit présente en permanence. En effet, cette valise est venue à Perth trois fois en 2015, deux fois en 2016. La dernière plage de rendez-vous était du 31 octobre au 4 novembre ; quand j’y étais, il y a trois semaines, tous les rendez-vous étaient déjà pris et il y avait quarante-cinq personnes sur la liste d’attente. Pour cela, on fait se déplacer deux employés de Sydney ; on leur paie – et c’est bien normal – l’hôtel pendant une semaine et les billets Sydney-Perth, qui ne sont pas donnés en Australie… La personne qui tient le poste est une ancienne employée du ministère des affaires étrangères français. Ne pourrait-on pas faire des économies tout en étant plus efficace pour la communauté expatriée ?
Je suis persuadé qu’en un ou deux déplacements, la valise sera vite amortie. Et nous rendrions un service nettement supérieur à nos expatriés. J’ai pris l’exemple de Perth, mais je pourrais vous en citer quatre ou cinq autres dans ma circonscription.
Thierry Mariani n’a pas défendu son amendement. Je vais néanmoins émettre un avis négatif.
Je crois qu’on a parlé ce soir de beaucoup de sujets qui n’avaient rien à voir avec une discussion budgétaire !
Je vais tout de même lui répondre, ce qui lui fera plaisir, que lors des échanges que nous avons eus avec le Quai d’Orsay et le ministre, j’ai constaté que l’on se souciait de Perth. Au tout début de l’année 2017, il y aura non pas une « maison de France », mais un bureau de France à Perth, ce qui permettra de ne plus déplacer la valise. Il s’agira d’un consulat à gestion simplifiée, ce qui devrait parfaitement correspondre à vos attentes, monsieur Mariani.
En tant que rapporteur spécial, vous allez donner votre avis sur l’amendement ?
Absolument, madame la présidente. J’ai émis un avis négatif sur cet amendement, même si celui-ci n’a pas été défendu.
L’amendement a été brillamment défendu par M. Mariani.
Cela étant, je suis en désaccord avec ce qu’il propose puisque les crédits consacrés à l’aide sociale pour les Français de l’étranger sont reconduits en 2017 à leur niveau de 2016. Dans mon intervention liminaire, j’ai dit que nous étions les seuls à avoir cette situation. Je ne vois donc pas l’intérêt de cet amendement. Avis défavorable.
Je vais le retirer, madame la présidente, le ministre m’ayant convaincu que je l’avais très bien défendu
Sourires.
Murmures sur les sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
J’ai pris bonne note du fait qu’il y aura un bureau de France à Perth. Pouvez-vous cependant me confirmer que les équipements seront en permanence sur place ? Si vous me dites qu’il y a une valise, ce qui permettra aux Français de ne plus attendre les deux périodes de permanences annuelles,…
Oui, il y en aura une.
L’amendement no 613 est retiré.
Murmures sur divers bancs.
Les crédits de la mission « Action extérieure de l’État » sont adoptés.
Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Action extérieure de l’État ».
La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2017 : examen des crédits de la mission « Culture » ; examen des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ; avances à l’audiovisuel public » ; examen des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ; examen des crédits de la mission « Outre-mer ».
La séance est levée.
La séance est levée le mercredi 16 novembre 2016 à une heure.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly