Intervention de Jean-Marc Ayrault

Séance en hémicycle du 15 novembre 2016 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2017 — Action extérieure de l'État

Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international :

Il sera bien entendu question de la politique étrangère de notre pays, mais notre débat porte plus exactement sur les moyens du ministère des affaires étrangères et du développement international. Si vous voulez un débat de fond, monsieur Myard, sur notre politique étrangère, j’y suis prêt. J’ai d’ailleurs participé il y a peu de temps à un débat de ce type au Sénat, qui était fort intéressant.

Nous avons pu découvrir à cette occasion, au-delà des divergences politiques habituelles, un certain nombre de convergences sur l’essentiel de ce que nous faisons pour défendre les intérêts de notre pays, pour renforcer son influence et son rayonnement, et pour jouer notre rôle sur la scène mondiale. Nous ne devons pas oublier que nous faisons partie des membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies, et que cela nous donne des devoirs ; cela nous ouvre aussi des possibilités dans un monde de plus en plus incertain, voire de plus en plus dangereux. En Europe même, après que le peuple britannique a décidé de sortir de l’Union européenne, la France est en première ligne, dans sa relation spécifique avec l’Allemagne, afin de poursuivre le projet européen.

Mesdames et messieurs les députés, il faut donner à ce ministère les moyens nécessaires pour qu’il puisse mener toutes ses missions, pour qu’il puisse déployer une diplomatie globale, et pour qu’il continue à jouer son rôle en matière économique – puisqu’il a également la responsabilité du commerce extérieur. Il s’agit de renforcer le soutien à nos entreprises en matière d’exportations, mais aussi d’attractivité.

Les résultats sont présents : nous sommes sur la bonne voie, même s’il reste beaucoup de chemin à parcourir. Quand je me déplace dans tous les pays du monde, je vois à quel point nos entreprises, et notamment les PME, pas seulement les grands groupes, sont mobilisées. Elles sont du reste reçues par nos ambassadeurs, nos équipes, nos opérateurs, qui les accompagnent dans tous les projets. Elles sont aidées aussi par les conseillers du commerce extérieur, que je rencontre à chaque fois que je me déplace.

Toutes ces entreprises donnent de la France une image particulièrement dynamique et innovante. C’est le cas de tous ces talents que l’on retrouve dans la French Tech – je tenais à la citer tout particulièrement. J’ai participé à l’inauguration de plusieurs French Tech Hubs, dans plusieurs pays, et j’ai pu voir que nos entreprises représentent dignement et avec dynamisme notre pays.

La diplomatie d’influence, la diplomatie culturelle, est aussi l’un des piliers de notre action globale. Nous devons la porter, la promouvoir : c’est l’occasion, pour nous, de continuer à défendre le modèle français et ses valeurs fondatrices. L’enseignement français à l’étranger, dont il a beaucoup été question en commission élargie, représente à cet égard un vecteur exceptionnel d’influence et de rayonnement. La voix de la France se fait aussi entendre par la coopération culturelle et la promotion de notre création artistique. L’Institut français, à Paris, et les instituts français à l’étranger, s’y emploient, de façon complémentaire avec le réseau des alliances françaises dans le monde.

La France qui rayonne, c’est aussi la France qui attire. C’est particulièrement vrai pour les étudiants étrangers, qui font de la France la troisième destination mondiale pour les études supérieures.

Une diplomatie globale, c’est enfin une diplomatie qui promeut l’attractivité de notre territoire. Malgré les attentats qui ont frappé notre pays, nous devons poursuivre notre mobilisation pour renforcer et promouvoir notre offre touristique. Il s’agit de soutenir ce secteur qui représente plus de 7 % du PIB et plus de deux millions d’emplois non délocalisables.

J’en viens plus précisément au budget de la mission « Action extérieure de l’État ». J’ai déjà dit à plusieurs reprises que ma priorité, c’est la sécurité. La principale mesure pour 2017 est la mise en place d’un plan de sécurité. C’était une nécessité, parce que la France est en première ligne dans la lutte contre le terrorisme et la radicalisation, et parce que, nous le savons, nos implantations et nos communautés sont particulièrement visées par les groupes terroristes.

J’ai obtenu 62,6 millions d’euros de crédits supplémentaires pour ce plan. Ces crédits permettront d’augmenter le nombre de gardes de sécurité dans nos postes à l’étranger, de renforcer les outils qui contribueront à la sécurité de nos compatriotes à l’étranger – notamment les moyens du centre de crise du Quai d’Orsay – et de sécuriser l’ensemble de nos réseaux dans la quarantaine de pays les plus exposés à la menace.

J’insiste sur le fait que nous irons au-delà de la sécurité des seules ambassades. Il s’agit aussi de sécuriser les établissements d’enseignement à l’étranger – nos écoles et lycées français – ainsi que notre réseau culturel – instituts français et alliances françaises. Nos établissements doivent continuer à fonctionner, à accueillir des élèves, à organiser des manifestations ouvertes au public, même là où la situation sécuritaire se dégrade. Dans ces pays, précisément, il est plus que jamais nécessaire que la France affirme ses valeurs et ses idées. C’est pourquoi près de la moitié des crédits du plan de sécurité hors dépenses de personnel sera consacrée à nos réseaux culturels et d’enseignement.

Enfin, 14,3 millions d’euros de crédits additionnels seront consacrés à notre coopération de sécurité et de défense. Nous pourrons ainsi répondre aux demandes croissantes de nos partenaires, notamment en Afrique, pour faire face à une menace terroriste qui s’étend tout en renforçant ce que nous mettons déjà en oeuvre, en particulier au Sahel.

Le budget de cette mission présente aussi, bien sûr, des économies, qui sont d’un niveau maîtrisé. La diminution globale des crédits de la mission est de l’ordre de 1,4 % ; elle s’explique en premier lieu par la baisse de 100 millions de nos contributions aux organisations internationales et aux opérations de maintien de la paix – non pas parce que nous nous désengagerions, mais parce que le changement de barème allège la contribution française, et parce que certaines opérations de maintien de la paix ont fortement décru.

Nous poursuivons aussi les efforts structurels que nous avons engagés pour moderniser le ministère et rationaliser ses outils. C’est un effort réel mais là encore d’une ampleur maîtrisée, qui représente en tout 38 millions d’euros, soit 1,2 % des crédits de la mission.

Tout cela est la conséquence d’un grand chantier de modernisation ouvert depuis maintenant deux ans par le ministère via des dispositifs tels que les postes à présence diplomatique – PPD – dont la mise en place va s’achever en 2017 et dont je rappelle ici que nous avons renoncé à en lancer une troisième vague. Ce grand chantier comporte aussi la mise en cohérence du réseau de l’ensemble des instituts français avec les alliances françaises et, enfin, la modernisation de nos méthodes de travail, avec de plus en plus de numérisation et de dématérialisation de certaines activités – je pense au eConsulat par exemple, qui apporte en outre des services supplémentaires aux usagers.

En termes d’emplois, après prise en compte des créations au titre du plan de sécurité, le plafond d’emplois du ministère est quasiment stabilisé puisque les effectifs baissent de 48 équivalents temps plein sur un total de 13 834, dont je rappelle que 70 % d’entre eux sont dans nos postes à l’étranger. Quant aux opérateurs, ils ont fait, eux aussi, l’objet de nombreux échanges lors des réunions en commission élargie. Leur rôle et leur importance montent en puissance, nous le voyons clairement tous les jours, à travers leur contribution à cette diplomatie globale que j’évoquais au début de mon propos. J’ai donc veillé à ce que leurs moyens soient préservés : tous opérateurs confondus, ils sont stabilisés dans le projet de loi de finances pour 2017, s’établissant à 461,2 millions, soit même en légère augmentation.

Les évolutions opérateur par opérateur ont été quelque peu différenciées en fonction de leur situation. Ainsi, la dotation de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger – AEFE – augmente de 1,7 million. En revanche, celle de l’Institut français à Paris diminuera, l’an prochain, de 3 %. Cela s’explique par le fait que la priorité a été donnée aux opérateurs qui ont des implantations à l’étranger pour les sécuriser, ce qui n’est pas son cas.

Enfin, le renforcement de certains moyens n’a pas attendu ce projet de loi de finances. C’est en particulier le cas pour Atout France avec la mise en place d’un plan exceptionnel de promotion pour le tourisme doté de 10 millions d’euros, qui s’inscrit dans les engagements du comité interministériel du tourisme réuni la semaine dernière qui se montent à 43 millions au total. Cela veut dire que nous injectons dès maintenant pour Atout France des moyens additionnels qui correspondent au tiers de sa dotation annuelle.

Quant aux moyens consacrés aux Français de l’étranger, ils correspondent à l’attention toute particulière que nous devons porter à leur situation. Vous le savez tous : c’est une communauté dynamique qui continue de croître, mais elle a aussi ses fragilités. Il est donc essentiel d’être à l’écoute de leurs attentes et de leurs préoccupations. Parmi celles-ci figure bien sûr la sécurité, mais il y a aussi d’autres problèmes qui se posent dans certains cas : je pense à cet égard aux moyens consacrés à l’aide sociale pour les Français de l’étranger. Cette aide est reconduite à un niveau inchangé. Il est important de rappeler que la France est le seul pays au monde à avoir mis en place un tel système. C’est notre honneur que de continuer à le préserver.

Et puis s’agissant de notre réseau d’enseignement à l’étranger, il est au coeur des préoccupations de nos compatriotes et vous vous en faites à juste titre le relais. Mais je ne voudrais pas qu’on en ait une vision excessivement pessimiste, même si je sais que certains vont s’en faire encore l’écho ce soir.

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