Intervention de Emmanuelle Cosse

Réunion du 7 novembre 2016 à 16h15
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi Égalité et citoyenneté

Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable :

Comme vient de le souligner M. Bies, la rédaction du Sénat procède à une généralisation de l'exception, qui ne fait l'unanimité dans aucun des groupes parlementaires. Deux visions s'opposent en matière d'application de l'article 55 : la rédaction issue de la Haute Assemblée peut s'interpréter comme une tentative pour préfigurer ce que serait la réforme de la loi SRU, dont certains veulent même la suppression ; nous tenons, au contraire, à donner une pleine effectivité à cette loi.

Pourquoi avons-nous été amenés à sortir définitivement certaines communes du dispositif ? Un problème, qui se posait peu il y a quelques années, s'est amplifié avec l'élargissement du champ de la loi SRU en 2013 et l'augmentation très forte des adhésions aux EPCI. Certains EPCI recouvrent des situations très disparates avec une ville centre pressée d'appliquer la loi SRU et des agglomérations très éloignées géographiquement où cette application n'a pas le même sens. Pour celles-ci, ce n'est pas tant la construction de logements sociaux qui pose problème que le rythme de construction. J'ai rencontré plusieurs maires de communes de 5 000 habitants qui se trouvent sans demande de logement social, sans desserte en transports publics et sans bailleur. Dans les zones détendues, l'enjeu, pour nous, est de réguler le marché locatif, social ou privé, pour éviter une dévitalisation totale du secteur. C'est la raison pour laquelle nous avons introduit le critère de taux de pression, plus fin que le critère de décroissance démographique dont il était question dans la loi de 2013 – rappelons ici que des communes se spécialisant dans le tourisme peuvent être en décroissance démographique.

Au-delà de la loi SRU, il faut se poser la question de la diversité des logements sociaux à construire. Les contrats de mixité sociale en cours de signature dans les communes carencées sont efficaces. Certaines communes ont manifesté la volonté de construire des logements sociaux pour les retraités parce qu'elles doivent répondre aux besoins de publics particuliers – je pense en particulier à celles qui ont des passés industriels très lourds où certaines personnes âgées touchant de toutes petites retraites ne trouvent pas à se loger, car elles se heurtent aux logiques de gentrification. D'autres veulent construire des logements sociaux pour les étudiants et les jeunes actifs. La loi de finances de 2016 avait fixé l'objectif de 135 000 nouveaux logements sociaux financés et cet objectif sera pleinement atteint, du fait notamment de la dynamique des communes.

Reste certaines communes qui refusent l'application de la loi SRU mais qui ont énormément construit depuis 2000. La transparence des données publiques permettant un meilleur accès aux statistiques des permis de construire, on sait que certaines ont autorisé la construction de plusieurs milliers de logements. Pourquoi une telle volonté, depuis quinze ans, de ne même pas consacrer un petit pourcentage de logements sociaux sur le nombre de permis de construire autorisés ? Pour ces communes aujourd'hui, à neuf ans de l'échéance fixée par la loi, il est vrai qu'il leur sera impossible de se conformer aux taux exigés. Sans doute l'État a-t-il une part de responsabilité dans ce phénomène et n'a pas été assez clairvoyant pour mettre le holà à cette évolution. Il est certain que ce n'est pas en construisant que ces communes pourront atteindre ces taux : c'est la solution de la préemption de logements déjà construits qui s'imposera.

L'augmentation des demandes de certains publics, comme les retraités, pousse beaucoup de communes à demander l'accès à des loyers maîtrisés. Il faut que nous parvenions à avancer collectivement. C'est pour cela que nous voulons donner à la loi sa pleine effectivité.

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