Intervention de Pierre Lellouche

Réunion du 3 novembre 2016 à 10h00
Mission d'information sur les suites du référendum britannique et le suivi des négociations

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Lellouche :

Je ne vais pas me livrer à un exercice de guérilla avec Mme Guigou, coutumier au sein de notre commission. Autant je suis convaincu que nous avons un problème de ciblage de l'aide au développement, autant la façon de faire n'est pas la bonne.

Deux aspects ressortent de vos interventions ce matin.

Tout d'abord, il y a un problème d'équipe de France en ce qui concerne la place de Paris. En tant qu'élu parisien, je pense que nous pouvons gagner à condition d'être cohérents. On ne peut pas tenir un discours très incitatif pour attirer vers Paris, tout en décidant de mesures fiscales allant dans l'autre sens au gré de nos débats internes à l'Assemblée nationale. J'en appelle à la raison, et j'espère qu'au cours de l'examen budgétaire, nous pourrons compenser les erreurs qui ont été commises par certains, en cohérence avec les voeux de la maire de Paris, la présidente de région, le Premier ministre. Nous voulons tous la même chose, mais nous sommes très gaulois, et très incohérents.

Le volet européen est au moins aussi important pour la façon de gérer les opérations. Je suis très inquiet du précédent suisse, un pays en Europe qui sait parfaitement jouer avec les institutions européennes, et qui a multiplié toutes sortes d'accords. Quand j'étais secrétaire d'État chargé des affaires européennes, j'ai été épaté par la capacité de ce petit pays à se jouer des règles européennes et à faire du cherry picking, pays par pays, en fonction de ses intérêts. Ils sont donc les mieux lotis, puisqu'ils ont tous les avantages sans les inconvénients. Les Britanniques sont des négociateurs roués et parfaitement capables d'exploiter toutes les divisions internes. Ils le font déjà au sein de l'OTAN et dans beaucoup d'autres domaines.

Je suis donc complètement d'accord avec Élisabeth Guigou sur ce point : tout va dépendre de la façon dont nous abordons cette négociation. Maintenant que nous avons une date, la pire des choses serait d'entrer dans la négociation sur les conditions de sortie du Royaume-Uni avec les Britanniques au sein des institutions.

Comment négocier la sortie de quelqu'un qui est à la table des négociations, et qui va continuer à produire les règles de droit pendant la période intérimaire ? Surtout que c'est la Commission européenne qui va négocier, sur laquelle nous n'avons aucun contrôle – voyez l'exemple des négociations commerciales. Si nous restons dans ce schéma, et faute d'une volonté politique très forte de la France, de l'Allemagne, et de quelques autres pour refuser de jouer ce jeu, nous sommes fous.

Il s'agit d'une décision souveraine du peuple britannique de sortir de l'Union. Nous avons une date. Il ne faut pas que le juridisme de l'article 50 nous amène à négocier les conditions du divorce avec l'autre partie autour de la table. Même en droit de la famille, cela ne se fait pas, sauf en cas de consentement mutuel, si tout est acté à l'avance devant le notaire. Là, nous allons discuter de la séparation alors que les négociateurs britanniques vont jouer de toutes les tensions internes au sein des Vingt-sept ; pensez à la Pologne, à l'Allemagne, c'est infini ! Si nous procédons ainsi, nous sommes cuits, dans le domaine financier mais aussi s'agissant du commerce, des droits sociaux, de la libre circulation. Et au final, le risque est qu'ils ne s'en sortent pas si mal que cela. Même si théoriquement, ils perdent l'accès au marché, il ne faut pas sous-estimer la capacité d'adaptation du système britannique.

Tout cela n'est pas entre vos mains, ce sont des décisions politiques qui se prennent au plus haut niveau, et je souhaite qu'à l'occasion de l'élection présidentielle, les candidats de droite comme de gauche le disent. On ne peut entrer dans cette négociation dans les conditions actuelles, c'est de la folie.

J'en viens à l'utilisation de l'euro. Dans le cadre d'un rapport rédigé avec Karine Berger sur l'extraterritorialité des lois américaines, nous avons étudié l'histoire de l'euro et du dollar. À notre totale consternation, nous nous sommes aperçus que ces dix ou quinze dernières années, la part de l'euro dans les échanges mondiaux avait diminué. Sachant que la moitié des transactions se font à Londres – alors que Londres n'est pas dans l'euro – et que la part de l'euro baisse, ma question aux techniciens que vous êtes est la suivante : comment profiter de la sortie de l'Angleterre pour redonner à l'euro un rôle de monnaie d'échange ? Si l'euro ne joue pas ce rôle de monnaie d'échange, nous allons continuer à subir les normes édictées par les Américains – et demain par les Chinois – et nous serons totalement marginalisés.

Voilà les trois questions que je me pose. Celle de l'équipe de France est une question de bon sens, mais je perds parfois espoir. La deuxième question est très difficile, et si nous laissons les choses filer, les Anglais vont profiter de ce délai de deux ans pour nous éplucher et profiter des divisions internes. La troisième est celle de notre stratégie pour que l'euro devienne une monnaie de réserve, ce qui était son objectif initial.

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