Intervention de Arnaud de Bresson

Réunion du 3 novembre 2016 à 10h00
Mission d'information sur les suites du référendum britannique et le suivi des négociations

Arnaud de Bresson, délégué général de Paris Europlace :

Serait-elle capable de « casser » la place de Londres que la place de Paris n'en aurait aucunement l'intention, car cette place est un atout concurrentiel pour l'Europe – nous avions d'ailleurs pris clairement parti en faveur du maintien du Royaume-Uni dans l'Union. Au fond, la question ne se pose pas en ces termes, et ce pour au moins deux raisons concrètes. Tout d'abord, les banques et institutions internationales, notamment américaines, concentrent 80 % de leurs activités de financement en Europe à Londres et ne veulent plus courir un tel risque, a fortiori dans la perspective du Brexit. La question a d'ailleurs été soulevée auprès de leurs autorités de régulation nationale. Plutôt que de quitter définitivement Londres, les banques et sociétés de gestion internationales vont chercher à rééquilibrer une partie de leurs activités vers l'Union européenne, ne serait-ce que pour gérer ces risques. L'enjeu – important – pour nous consiste donc à tenter de reprendre une partie des activités en euros actuellement traitées à Londres. Même ainsi, la City continuera d'exister, vu l'écart qui la sépare des autres places financières européennes.

J'entends d'autre part demander pourquoi Paris Europlace se bat pour doter la France d'une place financière européenne, ce rôle pouvant être confié à Londres puisque la ville de Paris a plutôt fait le choix de développer les start-ups. Comment peut-on imaginer développer des PME de croissance et de haute technologie en France sans disposer des instruments financiers nécessaires à leur accompagnement ? Il n'y aura pas de start-ups en France sans place financière capable de leur apporter les instruments indispensables que sont le capital-investissement et la bourse des PME. En clair, l'idée de consolider une place financière en Europe continentale, notamment en France – l'une des principales économies de l'Europe – est réaliste et nous permettra, sans « casser » la place de Londres car ce n'est pas notre intention, de jouer un rôle croissant dans les différents secteurs liés à l'euro.

Nous n'avons adopté aucune religion hostile à la taxe sur les transactions financières, monsieur Giraud. En revanche, nous partageons précisément votre souhait que le Brexit soit l'occasion d'assainir davantage les marchés financiers européens en les rendant plus responsables. En effet, nous avons là une possibilité de développer une place financière européenne qui ne réponde pas aux mêmes standards que la place de Londres. Nous avons créé Paris Europlace il y a vingt ans selon un modèle économique consistant à placer les entreprises au premier rang, plutôt qu'à recréer un club de banquiers londoniens. C'est pourquoi depuis l'origine, Paris Europlace est présidée par un président d'entreprise, les entreprises représentant 70 % de nos membres, outre les banques et les investisseurs ; de plus, elle accorde une grande importance au dialogue des professionnels avec les autorités de régulation. Avant la crise financière, ce modèle était jugé franchouillard et irréaliste ; je prétends qu'il s'impose aujourd'hui comme le modèle d'après la crise. Depuis 2008, nous avons ainsi signé une quinzaine d'accords de coopération avec des places émergentes – Shanghai, Pékin, Moscou et Dubai ou encore Casablanca, Alger et Tunis, qui choisissent désormais notre modèle car elles l'estiment plus proche de la réalité du financement de l'économie et plus adapté à une bonne régulation des marchés.

La seule religion que nous nous sommes faite concernant la taxe sur les transactions financières est celle de M. Bartolone : la France ne saurait adopter seule cette mesure, à moins de provoquer la disparition de cette place financière que vous souhaitez plus responsable, monsieur le député. La Suède, qui avait instauré cette taxe, a dû l'abandonner au bout de deux ans car toute l'activité financière avait disparu. L'Italie, quant à elle, a créé une taxe sur les activités dérivées qui s'est traduite par le transfert de 60 % de ce secteur vers Londres, précisément. En prenant seuls cette mesure, vous provoqueriez le départ vers Londres de ce qui reste de la place financière de Paris au lieu d'y attirer et développer une finance européenne responsable.

Les banques et les sociétés d'assurance à Londres, monsieur Lequiller, ont non seulement exprimé leur souhait mais aussi entrepris concrètement de rééquilibrer leurs activités au profit de l'Europe continentale, compte tenu des risques liés à une surconcentration sur la place de Londres et au Brexit. Nous les rencontrons, et nous avons lancé une réflexion sur les six filières industrielles concernées – banque de financement, gestion d'actifs, capital-risque, entreprises industrielles, start-ups et technologie financière, infrastructures de marché – pour déterminer plus précisément nos objectifs en matière de relocalisation des activités. En effet, les banques et sociétés de gestion concernées ont d'ores et déjà commencé à recueillir les données relatives à la performance comparée des places financières concurrentes que sont Paris, Francfort, Amsterdam, Luxembourg et Dublin. La place de Paris a l'avantage de représenter une économie de rang mondial s'appuyant sur de grandes entreprises, ce qui n'est le cas ni de Luxembourg ni de Dublin – où, de surcroît, les capacités immobilières sont arrivées à saturation. De plus, Paris est le siège de grandes entreprises internationales et de marchés très actifs ; c'est un centre financier mondial, alors que Francfort est une place régionale largement tournée vers les banques – dont la situation n'est guère florissante.

Nous avons donc une véritable chance à saisir, à condition de réaliser une union sacrée. Le Premier ministre, la maire de Paris, la présidente de la région Île-de-France, le président de la métropole et le président de Paris Europlace, monsieur Mestrallet, sont heureusement autour de la table pour que nous progressions sur ce sujet, dont je ne comprends pas qu'il soit absent des débats sur le projet de loi de finances.

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