Intervention de Roger-Gérard Schwartzenberg

Réunion du 8 novembre 2016 à 21h30
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi Égalité et citoyenneté

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoger-Gérard Schwartzenberg :

Cet amendement est très court, mais il a une longue histoire, au cours de laquelle le Sénat s'est comporté comme le grand effaceur de la République.

Périodiquement, plusieurs communes refusent d'inscrire certains élèves à la cantine des écoles primaires en se fondant sur des motifs irréguliers et discriminatoires tels que le lieu de résidence ou l'exercice d'une activité professionnelle par leurs parents. Souvent, ce refus touche donc des enfants dont l'un des parents au moins est au chômage : cela revient à discriminer, voire à stigmatiser des familles déjà en difficulté, bref à ajouter l'exclusion à l'exclusion.

La restauration scolaire n'est pas une compétence obligatoire pour les communes, mais, quand une commune a choisi de créer une cantine scolaire, celle-ci a le caractère d'un service public. Or on sait la valeur constitutionnelle que le Conseil constitutionnel accorde au principe d'égalité, notamment d'égalité des usagers devant le service public.

Sur ces fondements, la justice administrative a toujours condamné de tels refus d'admission. Ainsi, le 16 novembre 1993, le tribunal administratif de Versailles a refusé toute distinction entre les élèves selon que leurs parents ont un emploi ou non. Le Conseil d'État a jugé de même à plusieurs reprises, notamment le 23 octobre 2009, puis en 2011.

Il importe donc de légiférer sur ce point et d'inscrire explicitement dans la loi ces principes posés par le juge, afin de dire clairement qu'ils sont obligatoires. Ainsi, des familles souvent démunies n'auront plus besoin de former des recours contentieux pour faire reconnaître leurs droits. Le Défenseur des droits a recensé 400 cas de discrimination de ce type, ce qui est tout à fait considérable. Mais les personnes qui seraient en droit d'agir ne le savent pas toujours et n'en ont pas forcément les moyens.

Une proposition de loi allant dans ce sens, adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale le 12 mars 2015, a été rejetée par le Sénat. Grâce à votre bienveillance, elle est devenue un amendement au présent projet de loi qui a été adopté, mais, à nouveau, le Sénat a supprimé la disposition correspondante. Je propose ici de la rétablir.

Je remercie très vivement les deux ministres qui sont successivement intervenus dans cette affaire : Marylise Lebranchu, puis Patrick Kanner, lequel a défendu cette disposition au Sénat avec une magnifique énergie – sans parvenir toutefois à convaincre les sénateurs, qui lui ont opposé, sans toujours le dire, des arguments essentiellement financiers. Pourtant, ceux d'entre nous, nombreux, qui sont maires ou l'ont été savent que faire construire un restaurant scolaire n'est pas ruineux. En outre, comme l'a fait observer la Fédération des conseils de parents d'élèves (FCPE), ce n'est généralement pas nécessaire : il suffit souvent d'aménager les locaux existants en créant un second service ou un self-service.

Il est très injuste de créer une discrimination entre les enfants de chômeurs et les autres. Cette ségrégation est particulièrement choquante dans la période actuelle. Jean Zay, ministre de l'éducation nationale, disait que la pire des injustices est celle qui est commise envers des enfants. Comme les auteurs du même amendement, que je remercie de leur soutien, je souhaite qu'il soit mis fin à cette injustice.

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