Intervention de Béatrice Santais

Réunion du 9 novembre 2016 à 9h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBéatrice Santais, rapporteure :

Le projet de loi a pour principal objet de ratifier deux ordonnances récentes, l'une datant du 27 juillet 2016 et portant sur l'autoconsommation électrique, l'autre, publiée le 3 août 2016, concernant la production d'électricité à partir d'énergies renouvelables. Le fait que le Gouvernement demande cette ratification au Parlement n'est pas sans importance : il n'y est pas obligé mais, s'il ne le fait pas, les ordonnances demeurent alors des actes de l'autorité réglementaire. En l'occurrence, la ratification a pour principal intérêt de sécuriser le dispositif mis en place par les ordonnances.

En plus de la ratification des deux ordonnances, ce projet de loi comporte des dispositions relatives aux réseaux d'électricité et de gaz ainsi qu'aux énergies renouvelables. Ces dispositions sont nécessaires à une mise en oeuvre efficace de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte votée il y a plus d'un an. Je me félicite de ce que certains manques pointés dans le rapport d'information sur l'application de ladite loi, dont nous avons discuté il y a deux semaines en commission, figurent ainsi dans le présent projet de loi.

L'article 1er ratifie les ordonnances n° 2016-1019 du 27 juillet 2016 et n° 2016-1059 du 3 août 2016.

L'autoconsommation, objet de la première ordonnance, est pratiquée depuis de nombreuses années, notamment dans l'industrie : c'est le cas de la métallurgie dans les sites alpins, souvent approvisionnés en hydroélectricité, ou encore de l'industrie papetière, alimentée par des systèmes de cogénération. Néanmoins, en comparaison de ce qu'il en est chez nos proches voisins européens, la part de l'autoconsommation en France reste faible, même s'il est probable que l'autoconsommation, individuelle ou collective, connaisse dans les prochaines années un développement important, compte tenu notamment des évolutions technologiques mais surtout des fortes attentes sociétales en la matière.

L'ordonnance que ratifie ce projet de loi est donc d'autant plus utile. Elle fixe un cadre pour l'autoconsommation : elle définit l'opération d'autoconsommation comme le fait pour un producteur, dit autoproducteur, de consommer lui-même tout ou partie de l'électricité produite par son installation ; elle rend possible les opérations d'autoconsommation collective, qui ne faisaient jusqu'alors l'objet d'aucune définition juridique ; elle prévoit un tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité spécifique pour les installations de moins de 100 kilowatts, le micro-TURPE (tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité) ; elle permet aux installations d'une puissance installée maximale fixée par décret de déroger à l'obligation de conclure un contrat de vente avec un tiers pour le surplus d'électricité non consommée.

Cette ordonnance a permis le lancement de l'appel d'offres « autoconsommation » en août 2016. Si certaines dispositions techniques ne font pas consensus, tous les acteurs du monde de l'énergie sont néanmoins convaincus que l'autoconsommation, qu'elle soit individuelle ou collective, connaîtra dans les prochaines années un développement important, qu'il s'agit aujourd'hui d'anticiper au mieux.

Je proposerai trois amendements dont l'objet est de clarifier certaines notions, afin d'assurer plus de visibilité aux acteurs de terrain. Le premier vise à réintroduire la notion de site pour l'autoconsommation individuelle. Le deuxième amendement a pour objet de préciser que l'électricité autoconsommée est celle qui est consommée immédiatement ou stockée, de manière à éviter le net metering, système qui consiste à compenser des kilowattheures injectés par des kilowattheures soutirés à des moments qui peuvent être différents. Ce système n'incite pas à la mise en place de démarches vertueuses, ni en termes de synchronisation de la consommation du site avec la production, ni en termes d'injection sur le réseau, dans la mesure où il permet de compenser des kilowattheures soutirés en plein hiver, aux périodes de pointe, par des kilowattheures produits l'été lorsque le soleil brille largement, qui n'ont donc pas la même valeur. Le troisième amendement remplace la notion d'antenne basse tension par celle de départ basse tension, et ce pour des raisons de sécurité juridique.

La production d'électricité à partir d'énergies renouvelables est l'objet de la seconde ordonnance, qui comporte de nombreuses dispositions, dont deux particulièrement importantes. L'une ouvre la possibilité de recourir à d'autres procédures de mise en concurrence que l'appel d'offres, procédure parfois trop lourde, qui pourra être remplacée notamment par la procédure de dialogue concurrentiel, inspirée du dialogue compétitif utilisé en matière de commande publique. Il s'agit d'une procédure plus souple que l'appel d'offres et donc mieux adaptée au développement de certaines filières.

L'autre disposition qui me semble importante crée une priorité d'appel pour les installations produisant de l'électricité à partir d'énergies renouvelables dans les zones non interconnectées.

Je vous propose de ratifier cette ordonnance sans y apporter de modification.

L'article 2 interdit la valorisation des garanties d'origine de la production d'électricité renouvelable bénéficiant déjà d'un soutien public.

Certains fournisseurs d'électricité proposent à leurs clients de souscrire une offre garantissant une électricité « verte ». Pour justifier auprès des consommateurs que l'électricité qu'ils consomment est « verte », ils doivent garantir une équivalence entre la quantité d'électricité consommée par leurs clients et une quantité d'électricité produite à l'aide d'énergies renouvelables. Cette équivalence est attestée par des garanties d'origine, une garantie correspondant à 1 mégawattheure de production électrique. Un producteur d'électricité verte peut revendre cette énergie ainsi que la garantie d'origine associée à un client ayant souscrit une offre 100 % électricité verte. Il peut aussi revendre la seule garantie d'origine à un autre fournisseur, qui pourra justifier à son tour de cet achat d'énergie verte auprès de ses propres clients.

Le projet de loi vise à empêcher que la production d'électricité renouvelable bénéficie à la fois d'un soutien sous la forme d'obligation d'achat et de la valorisation des garanties d'origine attachées à la production de cette électricité, sachant que les producteurs bénéficiant du complément de rémunération doivent d'ores et déjà renoncer à la valorisation des garanties d'origine.

J'aurai à répondre tout à l'heure à un amendement de suppression de cet article, mais je tiens à souligner d'ores et déjà que cette disposition du projet de loi ne remet nullement en cause les situations acquises, puisqu'aujourd'hui, seule EDF, acheteur obligé, est autorisée à valoriser les obligations d'origine en se subrogeant aux producteurs.

Les mesures envisagées par le projet de loi sont uniquement de nature à clarifier les choses et à prévenir un risque de confusion chez les clients. Sont ainsi distinguées, d'une part, les productions d'énergies renouvelables bénéficiant d'un mécanisme de soutien – que ce soit l'obligation d'achat ou le complément de rémunération – et financées par l'ensemble des consommateurs d'énergie acquittant les contributions alimentant le compte d'affectation spéciale « Transition énergétique » et, d'autre part, les productions d'énergies renouvelables ne bénéficiant pas d'un mécanisme de soutien et financées par les consommateurs d'électricité verte ayant acquis des garanties d'origine.

Je vous propose d'adopter sans amendement cet article du projet de loi.

L'article 3 permet au tarif de distribution de couvrir une partie des coûts de raccordement aux réseaux de distribution des producteurs d'électricité à partir d'énergies renouvelables. Cette prise en charge partielle par le TURPE, appelée « réfaction tarifaire », est pour l'instant uniquement réservée aux consommateurs d'électricité. La prise en charge du coût du raccordement est plafonnée à 50 % de son coût total pour le raccordement des productions. Le taux applicable sera défini par arrêté.

Le projet de loi, en permettant une réduction des coûts mis à la charge des producteurs, va donc dans le bon sens, le coût du raccordement pouvant être un réel obstacle à l'implantation d'installations d'énergies renouvelables, notamment en milieu rural, où le raccordement est souvent plus cher qu'en milieu urbain.

Malgré l'élargissement de la réfaction tarifaire, il subsistera cependant un reste-à-charge relativement important pour le producteur, reste-à-charge indispensable à la prise en compte des contraintes du réseau. En effet, ce signal-coût devrait favoriser une localisation pertinente des installations produisant des énergies renouvelables.

Je tiens également à signaler que l'effet de cette mesure sur le tarif d'utilisation du réseau de distribution ou sur la facture du consommateur sera négligeable.

L'article 4 permet d'enclencher la procédure de modification de la nature du gaz acheminé dans des réseaux par les gestionnaires de ces réseaux.

Il existe, en effet, deux types de gaz en France : le gaz B à bas pouvoir calorifique et le gaz H à plus haut pouvoir calorifique. Le gaz B, majoritairement en provenance des Pays-Bas, est distribué dans le nord de la France où il alimente environ 1,3 million de foyers et une centaine de clients industriels raccordés aux réseaux de GRDF. Les contrats d'approvisionnement en gaz B prévoient une décroissance progressive des livraisons en France jusqu'à leur terme, en 2029. Les réseaux alimentés actuellement avec ce gaz à bas pouvoir calorifique doivent donc être convertis pour fonctionner avec du gaz à haut pouvoir calorifique.

La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte a prévu cette conversion, mais le Gouvernement a considéré que cette loi ne comportait pas de base légale pour que les gestionnaires de réseaux puissent intervenir sur les installations des particuliers. Or, pour éviter tout risque d'intoxication, ces appareils nécessitent un réglage différent suivant le type de gaz. Le présent projet de loi permet donc aux gestionnaires de réseaux de distribution de tout gaz combustible de sélectionner et de missionner des entreprises afin de réaliser des opérations de contrôle, d'adaptation et de réglage de tous les appareils et équipements gaziers des consommateurs concernés.

J'ai déposé quelques amendements pour préciser le champ des contrôles et des équipements mentionnés par l'article du projet de loi, lequel doit être approuvé pour achever la conversion d'ici à 2029, voire avant. Je soutiendrai également des amendements sur les carburants alternatifs, ainsi qu'un amendement sur le raccordement des éoliennes offshore. Je m'interroge aussi sur la possibilité d'attribuer des aides financières aux consommateurs les plus précaires raccordés au réseau dans le nord de la France, qui se trouveraient contraints, du fait du changement de gaz, d'engager des dépenses lourdes. Je réfléchis à déposer un amendement en ce sens lors de la séance publique.

L'article 5 propose que, dans l'attente de la publication de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), les objectifs définis par arrêté du ministre chargé de l'énergie concernant l'injection de biométhane valent programmation pluriannuelle de l'énergie. Cet article est caduc depuis la publication de la PPE le 28 octobre dernier. J'en propose donc la suppression.

Ce projet de loi doit pleinement contribuer à la réussite de la transition énergétique en permettant le développement et la promotion de solutions innovantes, respectueuses de l'environnement et porteuses d'efficacité énergétique. Il importe pour cela que le soutien public soit bien orienté, bien ajusté, et suffisamment incitatif pour permettre à chacun de s'impliquer dans l'évolution que notre pays souhaite porter. Moyennant quelques modifications, je vous propose donc aujourd'hui d'adopter ce texte.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion