Intervention de Christian Eckert

Séance en hémicycle du 17 novembre 2016 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2017 — Après l'article 46

Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget et des comptes publics :

Il est essentiel, sur un tel sujet, que le Parlement dispose des informations les plus récentes à propos du fonctionnement de nos services. Je salue d’ailleurs la présence, ce soir, de la nouvelle cheffe du service du contrôle fiscal.

Vous l’avez souligné, monsieur le député, grâce aux décisions que le Parlement a prises, sur propositions du Gouvernement ou de manière spontanée, nous disposons d’un arsenal législatif très solide pour lutter contre l’optimisation fiscale agressive.

Parallèlement, j’y reviendrai probablement, des travaux sont menés au plan international, notamment avec l’OCDE, en vue d’adopter des standards et des conventions internationales types, permettant de conduire une politique cohérente en vue de mettre en oeuvre le principe, que chacun comprend ici, selon lequel l’impôt doit être justement payé là où les bénéfices sont réalisés.

Je me vois contraint de simplifier. Il existe deux grands types de moyens pour échapper à l’imposition des bénéfices réalisés en France. Le premier consiste à faire systématiquement facturer par des sociétés basées à l’étranger les contrats donnant lieu à du chiffre d’affaires, sous prétexte que ces entreprises n’auraient pas d’établissement stable en France, c’est-à-dire qu’elles n’y disposeraient pas de bâtiments, de personnel ou d’infrastructures. L’administration fiscale s’appuie sur les dispositions législatives déjà existantes pour redresser ces entreprises, une fois caractérisé leur établissement stable, à partir des traces de leur fonctionnement dans notre pays, donnant lieu à chiffre d’affaires.

L’administration fiscale le fait d’ailleurs si bien que je peux, sans trahir le secret fiscal, vous indiquer qu’en 2015, un contrôle opéré à ce titre a conduit à notifier à une grande entreprise, après caractérisation de son établissement stable en France, un redressement de 900 millions d’euros, pénalités comprises. En 2015 toujours, les différents articles législatifs relatifs à la territorialité de l’impôt nous ont permis de rétablir, au bénéfice de la France, 2 milliards d’euros d’assiette, qui ont été redressés, au titre de l’impôt sur les sociétés, avec un taux de pénalité variant de 40 à 80 %. D’ores et déjà, les multinationales GAFA – Google, Apple, Facebook et Amazon – se sont vu notifier 2,5 milliards d’euros de redressement, pénalités comprises de 40 à 80 %, là encore. Et ce n’est pas fini car les exercices 2013 à 2015 restent en cours de contrôle et l’on peut penser qu’ils donneront lieu à des redressements de même ampleur.

Ces redressements ne font l’objet, je tiens à le souligner, d’aucune négociation, contrairement à la politique menée dans des pays comme le Royaume-Uni ou l’Italie. L’administration procède à la simple application du droit. Celle-ci donne évidemment lieu à des contentieux, dans le cadre de procédures contradictoires, qui sont le droit commun en France : les contestations, qui portent parfois sur le principe du redressement, parfois sur son volume, ne vont pas sans prendre, dirai-je non sans ironie, un certain temps…

Les prix de transfert constituent la seconde échappatoire : des filiales de grands groupes, situées en France, se voient facturer par leur maison mère, basée dans des pays à fiscalité, disons, favorable, des droits qui correspondent ou pas – le plus souvent, pas vraiment – à des prestations fournies. Cela permet, sous prétexte de frais de conseil, de recherche ou de marketing dépourvus de réalité, de remonter les bénéfices réalisés en France, si bien que ces établissements situés dans notre pays, facilement repérables, ne dégagent aucun bénéfice, puisqu’ils se voient taxés par les contributions versées à leur maison mère, parfois via des sociétés écrans – je simplifie toujours.

L’administration fiscale, là encore, procède à des redressements : en 2015, 2,8 milliards d’assiette ont été rétablis à ce titre au profit de la France ; le plus gros redressement pour ce motif s’est élevé à 400 millions d’euro, pénalités comprises. Vous m’avez déjà entendu souligner que les cinq plus gros redressements effectués en 2015 ont produit 3,4 milliards d’euros en droits et pénalités.

Le message que je tiens à faire passer, au-delà de l’hémicycle lui-même, est le suivant : les outils dont l’administration dispose pour effectuer ses redressements s’appuient d’ores et déjà sur la caractérisation d’établissement stable et les prix de transfert, et ils permettent d’obtenir des résultats importants.

Existe-t-il encore des trous dans la raquette ? Oui. Mais votre amendement, monsieur Galut, répond-il au besoin de les boucher ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion