La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Ce matin, l’Assemblée a commencé l’examen des articles non rattachés à des missions, s’arrêtant à l’amendement no 546 portant article additionnel après l’article 40.
La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour soutenir l’amendement no 546 .
Cet amendement, cosigné par un certain nombre de mes collègues ici présents, concerne l’investissement locatif. Actuellement, les deux tiers de la production de logements reposent sur le dispositif dit Pinel, qui ouvre droit à une réduction d’impôt sur le revenu pouvant atteindre 6 000 euros par an pendant neuf à douze ans.
Au-delà de la question du coût de ce dispositif, se pose celle relative à l’équité territoriale. En effet, force est de constater que la plupart des investisseurs et promoteurs concentrent désormais leur production sur des territoires éligibles, c’est-à-dire les zones A, B1 et B2.
Des territoires où s’exerce pourtant une forte pression se trouvent ainsi dépourvus d’investissements locatifs neufs au motif qu’ils ne sont pas identifiés par l’arrêté qui classe les communes bénéficiant de cette aide fiscale.
Il apparaît donc nécessaire de corriger cette distorsion territoriale en introduisant plus de souplesse dans le zonage du dispositif Pinel, afin que des opérations d’investissement locatif puissent aussi émerger dans des villes a priori non éligibles, mais dont la progression démographique est pourtant avérée.
Cet amendement tend à mettre en place une expérimentation sur 2017 et 2018 donnant au préfet de région, après avis du comité régional de l’habitat et de l’hébergement, le pouvoir de rendre certaines communes éligibles au dispositif Pinel. Cette dérogation interviendrait uniquement pour des opérations immobilières ponctuelles implantées sur des territoires en tension. Elle serait accordée après un délai d’instruction de trente jours par les services de la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement – DREAL –, sur présentation d’une requête conjointe de la commune et du promoteur.
Cet amendement ne vaut pas que pour la Bretagne ; il concerne tout le pays. Si je cite la Bretagne, c’est parce que le « Club décentralisation et habitat », qui rassemble des collectivités locales de toutes sensibilités politiques, a voté une motion en ce sens le 18 octobre dernier.
La parole est à Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission sur l’amendement no 546 .
La commission des finances a auditionné, il y a quelques mois, à l’initiative de son président, le directeur général de l’aménagement, du logement et de la nature. Nous lui avions posé la question des dérogations que certains préfets de région peuvent parfois mettre en oeuvre et de leur impact sur la décision des bailleurs de construire des logements sociaux, en fonction de critères précis. Nous avons reçu des éléments de réponse il y a seulement quelques jours, mais de toute manière, nous n’avons pas suffisamment de recul pour dresser un vrai bilan de ces dispositifs.
Néanmoins, nous avons tous en tête des situations problématiques, comme celle du voisinage d’une commune classée B1 avec une commune classée C. Les investisseurs s’intéresseront bien évidemment davantage à la commune classée B1 qu’à celle qui ne bénéficie pas du dispositif Pinel, ce qui peut créer des distorsions importantes.
La commission des finances n’a pas examiné cet amendement. À titre personnel, j’y suis plutôt favorable…
….à condition de maintenir des garde-fous. Selon l’amendement, c’est le préfet de région qui interviendrait – c’est en effet préférable à une intervention du préfet de département, plus exposé au risque de pression que pourrait exercer sur lui le maire d’une commune importante –, après avis du comité régional de l’habitat et de l’hébergement. Je souhaite que celui-ci prenne en compte le taux de logements sociaux qui peuvent exister afin qu’une dérogation ne soit pas accordée à des investisseurs privés sans contrepartie en la matière. Il faut vraiment que cette donnée soit un élément d’appréciation. Avis favorable.
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
Je suis parfaitement d’accord avec Mme la rapporteure générale. Pour avoir bien connu par le passé ce problème de dérogation, je sais que celle-ci doit être très verrouillée. C’est le préfet de région qui donnera son agrément. Le comité régional de l’habitat et de l’hébergement rendra son avis en tenant compte de la problématique des logements sociaux. J’ajoute que ce dispositif sera mis en place à titre expérimental.
La procédure me semble donc parfaitement verrouillée. Il m’est arrivé à plusieurs reprises, sous la précédente législature, de refuser des amendements similaires de notre excellent collègue M. Le Fur, car ces trois verrous n’avaient pas été mis en place à l’époque. Je souhaite que cet amendement soit adopté.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics, pour donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement.
J’entends bien le débat sur le fond et, une fois n’est pas coutume, je ferai deux remarques de forme. Tel qu’il est rédigé, l’amendement pose deux problèmes.
Tout d’abord, il vise à agréer des logements. Or, on agrée un territoire, pas des logements. C’est une première objection. Les critères d’éligibilité au dispositif Pinel sont en général fondés sur des critères géographiques – une commune, un territoire, un zonage, et non pas les logements.
Par ailleurs, vous proposez de mener l’expérimentation à partir du 1erjanvier 2018. Or, nous venons de proroger le dispositif Pinel jusqu’au 31 décembre 2017. Vous voulez donc prolonger un dispositif à titre expérimental jusqu’à une date à laquelle, pour le moment, la loi n’a pas prévu qu’il puisse perdurer.
Reste la question de fond – j’ai rencontré un certain nombre d’élus qui m’ont fait part de leurs préoccupations à cet égard. Puisque nous avons décidé de revoir la prorogation du dispositif Pinel à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances rectificative, je vous propose de revoir dans ce cadre cet amendement qui, en l’état, ne peut pas être retenu pour les deux raisons que je viens d’exposer. Je vous invite à le retirer, sinon j’y serai défavorable, sachant, je le répète, que je suis d’accord pour travailler à la réécriture de cet amendement au cours des navettes ou du projet de loi de finances rectificative.
Merci madame la rapporteure générale, monsieur le président de la commission et monsieur le secrétaire d’État, pour votre esprit d’ouverture.
Cet amendement pourrait très bien être corrigé immédiatement, en séance publique. Il suffirait de remplacer le terme « logements » par celui de « territoires ».
Je constate aujourd’hui qu’une partie de notre territoire ne bénéficie pas du dispositif Pinel : le monde rural et le monde rurbain. Nous aboutissons ainsi à une situation paradoxale où des cabinets de conseil en viennent à déconseiller aux investisseurs qui cherchent légitimement à placer leur argent d’investir sur leurs propres territoires, les orientant plutôt vers Paris ou les grandes villes. Ce n’est pas cohérent.
Cet argumentaire a souvent été développé – Isabelle Le Callennec ne me contredira pas – par notre ancien collègue Pierre Méhaignerie. Nous avons là l’occasion d’une ouverture qui est rendue d’autant plus nécessaire par les dispositions de l’article 38 dont nous aurons à débattre de nouveau. Si celles-ci sont adoptées, nous assisterons en 2017 et en 2018 à un arrêt de fait des travaux réalisés par les bailleurs sur les logements anciens. Il faut à tout le moins que le dispositif Pinel permette de compenser cet arrêt de l’activité dans les territoires concernés. Chacun l’a dit, cette expérimentation serait très encadrée. Compte tenu des rectifications proposées, je crois que tout le monde pourrait se mettre d’accord.
Pierre Méhaignerie, nous nous en souvenons tous, soutenait une thèse que je partage : nous n’expérimentons pas assez. C’est ainsi que l’on échoue souvent à trouver une solution. Il a donc fait réformer la Constitution française. Alors que le texte constitutionnel interdisait l’expérimentation – ce qui est quand même formidable ! –, désormais il fonde une telle démarche.
L’idée de Pierre Méhaignerie est intéressante en ce qu’elle procède d’une analyse que tous ceux qui connaissent le marché du logement partagent : il ne peut y avoir de politique nationale en la matière, il faut une politique adaptée à l’extrême diversité des territoires. En outre, l’expérimentation proposée est limitée ; elle est entre les mains de l’État, du préfet de région, du comité régional de l’habitat et de l’hébergement. Bref, les verrous sont posés.
Monsieur le secrétaire d’État, je vous félicite de l’ouverture dont vous faites preuve, car vos prédécesseurs se sont souvent montrés fermés à toute expérimentation. Deux observations néanmoins au sujet de vos deux critiques formelles. D’une part, si nous remplaçons « 2018 » par « 2017 », l’affaire sera réglée. D’autre part, je ne suis pas tout à fait d’accord avec votre deuxième objection. Il est en effet précisé dans le texte de l’amendement : « dans les secteurs géographiques se caractérisant par une tension de logements […], la réduction d’impôt s’applique », etc. On dispose donc d’un verrou supplémentaire, puisque le préfet de région peut très bien décider d’autoriser l’expérimentation pour trente logements dans telle zone où la dérogation serait accordée, mais pas plus. C’est un aspect à approfondir.
Pour ma part, je trouve l’amendement assez bien rédigé. Il permet justement de prévoir un calibrage et de limiter par exemple l’expérimentation à trente logements, pas plus. Si mes collègues souhaitent le retirer, j’en serai d’accord, mais nous comptons sur vous pour le peaufiner dans cet esprit, sachant que le projet de loi de finances rectificative sera examiné très prochainement.
Je suis très opposé à cet amendement. Il faut tirer les leçons du passé. Le dispositif Scellier a été créé sans condition de territorialité. Et l’on a très rapidement vu ce que cela donnait : on a créé des logements dans des endroits qui n’en avaient pas besoin, c’est-à-dire où les taux de vacance étaient très élevés. J’appelle votre attention sur le fait que le marché de l’immobilier est aujourd’hui en dépression dans beaucoup d’endroits, avec des taux de vacance très importants.
En outre, des investisseurs particuliers de ces zones géographiques se sont retrouvés dans des situations invraisemblables puisqu’ils n’ont pas trouvé les locataires dont ils avaient besoin pour bénéficier de la réduction d’impôt.
Je suis donc extrêmement réservé. Au minimum, nous devrions disposer d’une étude qui préciserait zone par zone, notamment en fonction des taux de vacance, la réalité des besoins, afin de déterminer s’il faut élargir ou non le dispositif Pinel.
Je rappelle que lorsque l’on a adopté ce dispositif, on a considéré qu’il fallait le réserver aux zones tendues et, parallèlement, on réservait le prêt à taux zéro aux zones non tendues. En d’autres termes, le Gouvernement poursuivait deux objectifs : favoriser l’accession à la propriété dans les zones rurales et semi-urbaines et favoriser le logement intermédiaire et le logement locatif dans les zones tendues. Tel était l’esprit du plan présenté par Manuel Valls. Personnellement, je pense qu’il faut le conserver et maintenir ces objectifs, faute de quoi on reproduira des dysfonctionnements au détriment non seulement des communes, mais aussi des investisseurs.
Je soutiens cet amendement présenté par Isabelle Le Callennec.
J’entends les arguments de M. Caresche, mais l’inégalité territoriale est bien réelle. Certes, il faut prendre en compte l’encadrement, le texte, la réglementation existants. Cependant, nous regrettons que très souvent de telles normes s’accompagnent d’une absence de discernement. Elles ont en effet des impacts et, faute de ce discernement, on n’adapte pas les textes aux circonstances locales et territoriales.
En fin de compte, ce sont bien de la souplesse et du discernement que nous proposons, sous la responsabilité d’une autorité et d’un comité.
Un réel contrôle est confié aux acteurs du territoire. C’est le préfet de région lui-même, après avis d’un comité régional qui réunit tous les acteurs et tous les décideurs, qui donne le tempo. Nous avons un garde-fou, il est important de le souligner.
Enfin, le dispositif est expérimental. Comme l’indiquait M. de Courson, nous regrettons souvent de ne pouvoir mener des expérimentations. Et là nous avons cette possibilité.
Souplesse, discernement, garde-fou, expérimentation… Bref, c’est une proposition pleine de bon sens !
Je suis favorable aux expérimentations, mais je veux d’abord dire que l’on peut construire sans avantage fiscal dans ce pays. Notre discussion peut laisser à penser qu’il s’agirait de délivrer un agrément à construire : ce n’est nullement le cas ! Ce dont il s’agit, c’est de l’ouverture de la possibilité de bénéficier de 63 000 euros au maximum pour construire un logement dans certains territoires. Le dispositif Duflot-Pinel permet en effet de bénéficier pour un logement, dans la limite de 300 000 euros, d’une exonération fiscale de 21 %.
La question est de savoir s’il faut que l’argent public aille dans ces territoires, fût-ce de manière expérimentale, pour faire de l’investissement locatif. À cet égard, je souscris à certaines remarques formulées par Christophe Caresche. Le dispositif Scellier n’était en effet pas soumis aux mêmes conditions. Or je rappelle que le poids de ce dispositif dans le présent projet de budget pour 2017, c’est environ 900 millions d’euros, sur un total de dépense fiscale de 2 milliards d’euros pour l’ensemble des dispositifs encore existants en faveur l’investissement locatif. J’aimerais que la même attention soit portée aux primo-accédants. En effet, vu le succès de ces dispositifs, la logique du guichet pour l’investissement locatif aboutit d’une certaine manière à exclure de fait les primo-accédants dans beaucoup de zones.
Or la difficulté principale que nous rencontrons depuis quelque temps en France – et il est heureux que l’assouplissement du prêt à taux zéro décidé à l’automne 2015 commence à y remédier –, c’est la difficulté, pour des ménages de la classe moyenne, d’accéder à la propriété d’un logement non pas pour le louer, mais pour y habiter. Voilà pourquoi, même avec les garde-fous proposés, je suis très réservé s’agissant de l’extension du dispositif en faveur de l’investissement locatif.
L’idée n’est pas de reproduire les écueils de la loi Scellier – et je conviens qu’il y en a eu, mes chers collègues.
Par ailleurs, les deux tiers de la production de logements locatifs se situent aujourd’hui dans des zones éligibles, c’est un fait. Comme l’a très bien expliqué Mme la rapporteure générale, des territoires sont pénalisés. Quand une commune classée en zone B1 ou B2 et que la commune d’à côté est en zone C, les opportunités offertes ne sont pas tout à fait les mêmes.
Certains territoires peuvent apporter la preuve, fondée sur des diagnostics, d’une forte tension en matière de logement.
Notre proposition pourrait donc être de sous-amender cet amendement, car j’entends bien les remarques de forme de M. le secrétaire d’État et je le remercie de les avoir exprimées. On parlerait non plus de logements mais de territoires, et l’on remplacerait la date du 1er janvier 2018 par celle du 1er janvier 2017.
Nous ferions ainsi un pas. Encore une fois, il s’agit d’une expérimentation. Je crois qu’elle rendrait bien des services. Dans les zones concernées, ce sont principalement les classes moyennes qui trinquent.
Du reste, il a existé par le passé des possibilités de dérogation en zone C. Les critères, je m’en souviens très bien, étaient au nombre de dix et comprenaient une condition de proportion de logements sociaux. Nous avons donc déjà travaillé la question. La mise en place ne serait pas compliquée, elle sera à la main des préfets, qui auront la possibilité d’accorder ou de refuser l’agrément. La demande émane de collectivités, notamment des EPCI, qui détiennent la délégation des aides à la pierre, qui savent donc de quoi elles parlent, et qui sont de toutes les obédiences politiques.
Je suis favorable à cet amendement. Qu’il soit maintenu ou qu’il soit retravaillé par ses auteurs, je le voterai d’autant plus volontiers qu’il vise des territoires très particuliers. Les études ont déjà été effectuées. Elles montrent que ces territoires se développent de façon continue, que la présence des opérateurs publics y est constante, mais qu’un segment de logements y est absent, celui des logements recherchés par des cadres moyens, des gens qui ont déjà un parcours et souhaitent parfois accéder à la propriété. Cette expérimentation fait donc partie du combat politique que mènent les maires et les présidents de communauté de communes dans ces secteurs. Les choses sont maîtrisées, on sait ce que l’on veut : il s’agit simplement de mener une expérimentation qui pourrait prouver que, même lorsque l’on n’appartient pas à un zonage particulier, le fait de connaître un développement économique est pris en compte.
Dans ces territoires républicains, ce serait le meilleur exemple que l’on pourrait donner, chacun – élus comme représentants de l’État – faisant son travail. Vraiment, il serait très utile de voter cette expérimentation qui donnera peut-être à d’autres élus l’idée de se rallier à l’avis de Pierre Méhaignerie. On verra alors que l’on n’est pas obligé de zoner toute la France pour réaliser une opération à un endroit donné,…
…mais que si l’on respecte les critères édictés, on peut effectivement déroger au zonage, et ce pour le bien de tous et pour le bien de l’économie.
Je souhaite revenir sur les objections techniques que j’ai formulées sur l’écriture de cet amendement. Après tout, on peut faire en séance publique un travail de commission…
J’ai dit que le mot « logements » ne me semblait pas être un bon critère.
J’ai soulevé le problème de la date de mise en oeuvre.
Après relecture, permettez-moi d’en soulever un troisième. Il est en effet écrit dans l’amendement : « […] sur la base d’une demande conjointe du maire et du promoteur immobilier concerné ».
Le fait de prévoir que la demande devra obligatoirement émaner conjointement du maire et d’un promoteur risque, selon moi, de remettre en cause un certain nombre de principes.
Que l’on puisse, en se fondant sur différents critères et après une décision du préfet de région prise elle-même après avis du comité régional de l’habitat et de l’hébergement, dans une commune ou une communauté de communes donnée, donner un agrément pour construire des logements, éventuellement en plafonnant leur nombre ou en fixant des critères de proportion de logements sociaux, pourquoi pas ? Mais le faire uniquement sur une demande conjointe du maire et du promoteur, cela peut donner lieu à un certain arbitraire, pardonnez-moi de le dire !
Je ne mets pas en cause la probité et les bonnes intentions des défenseurs de l’amendement, bien au contraire – vous avez cité Pierre Méhaignerie, sachez qu’il est venu me voir cet été pour évoquer ce sujet –, mais l’obligation d’une demande conjointe du maire et du promoteur pourrait amener le maire à procéder à un choix arbitraire.
Je ne cherche pas à gagner du temps – je vous ai montré mon ouverture d’esprit sur ce sujet –, mais cet amendement doit être réécrit. Je propose que nous reprenions le débat dans le cadre de la navette ou du projet de loi de finances rectificative.
Le 15 juin dernier, nous avons auditionné le directeur général de l’aménagement, du logement et de la nature. Je vous ferai parvenir les éléments que j’ai reçus la semaine dernière à la suite des questions que je lui avais alors posées et qui reprenaient les interrogations des uns et des autres. Il s’agissait de comparer le pourcentage de logements sociaux dans les zones B2 qui bénéficient de dérogations et dans celles qui n’en bénéficient pas, sachant qu’une opération immobilière comporte à la fois des logement sociaux, des logements intermédiaires et des logements qui ne sont ni l’un ni l’autre.
En 2015, dans les zones B2 bénéficiant de dérogations, 12 988 logements ont été construits, soit un ratio de 34 % par rapport au nombre total de logements autorisé ; dans les zones B2 non agréées, donc ne bénéficiant pas de la dérogation, 6 612 logements ont été construits, soit un ratio de 25 %. L’écart est de neuf points. C’est factuel. Il faut savoir que ce ratio est supérieur à celui observé dans les autres zones.
Le fait de préciser qu’il s’agit d’une expérimentation me paraît très important. Sans doute faudrait-il ramener la durée de celle-ci à un an, étant entendu qu’elle devra commencer le 1er janvier prochain. Mais nous aurions intérêt à revoir cet amendement dans le cadre du projet de loi de finances rectificative car, comme l’a souligné M. le secrétaire d’État, il ne serait pas très légitime de prévoir dans la loi une demande conjointe du maire et d’un promoteur immobilier. Je ne suis pas certaine que notre assemblée en sortirait grandie.
Cela dit, sur le fond, d’un point de vue économique, je soutiendrai un tel amendement. Je vous propose, madame Le Callennec, de le retirer pour le déposer sur le projet de loi de finances rectificative, sur une base plus claire et après en avoir revu la dernière partie.
Je vous remercie pour ces propos. J’ai bien écouté et entendu vos remarques, monsieur le secrétaire d’État. Si vous m’apportez toutes les garanties que cet amendement sera réexaminé dans une nouvelle écriture, j’accepte de le retirer. Je le redéposerai en bonne et due forme et il obtiendra, je l’espère, un soutien collectif.
L’amendement no 546 est retiré.
L’amendement no 790 est retiré.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement no 57 rectifié .
Cet amendement vise à proroger l’aide fiscale « Censi-Bouvard » proposée à l’article 199 sexvicies du code général des impôts en faveur de la production de nouvelles résidences de tourisme et de la réorienter au profit de la rénovation qualitative du parc existant afin de renforcer l’attractivité touristique du secteur et de lutter contre le phénomène des « lits froids ».
Pour ce faire, une nouvelle réduction d’impôt sur le revenu serait mise en place au profit des propriétaires des logements concernés afin d’impulser la réhabilitation des résidences de tourisme. Elle concernerait les travaux de grande ampleur adoptés en assemblée générale de copropriété et portant sur l’ensemble de la résidence.
Si les motifs de cette mesure peuvent être entendus, il n’en demeure pas moins que la suppression de l’application du dispositif à une date relativement proche, le 31 décembre 2016, risque d’entraîner d’importantes difficultés pour les projets de construction en cours. Au total, quatre-vingt-huit projets sont concernés sur l’ensemble du territoire français, ce qui n’est pas un chiffre significatif.
C’est pourquoi, alors que le secteur du tourisme traverse une crise sans précédent, il vous est proposé avec cet amendement de reconduire le dispositif jusqu’au 31 décembre 2017 pour les opérations de construction engagées avant le 31 décembre 2016, notamment pour permettre aux quatre-vingt-huit projets déjà engagés d’aboutir dans les conditions prévues initialement.
Nous savons depuis trois ans que ce dispositif arrive à échéance. En outre, vous ne précisez pas ce que représente l’engagement d’une opération. Pour ces raisons, la commission a émis un avis défavorable.
L’objectif de l’amendement est de recentrer le dispositif « Censi-Bouvard » sur la réhabilitation du parc existant pour éviter ce que l’on appelle communément les « lits froids ». Tout le monde est d’accord sur ce point.
Vous demandez une prolongation du crédit d’impôt au prétexte que des opérations déjà engagées pourraient être compromises par la mise en oeuvre de l’article 41. Or nous prévoyons d’ores et déjà un « tuilage » puisque les dispositions contenues dans l’article 41 maintiennent le bénéfice de la réduction d’impôt pour toutes les acquisitions réalisées jusqu’au 31 mars 2017 dès lors qu’elles ont été engagées par une promesse d’achat ou de vente ou par un contrat de réservation signé au plus tard le 31 décembre 2016.
Il existe donc déjà un dispositif de tuilage. Votre amendement vise simplement à prolonger un dispositif qui a été quelque peu mis en cause, pour le dire très pudiquement, par différents rapports pour le recentrer sur la rénovation – nous en avons débattu avec votre ancien collègue Michel Bouvard, aujourd’hui sénateur, qui lui-même réclame ce recentrage. Cet amendement, s’il était maintenu, ne pourrait que recevoir un avis défavorable de la part du Gouvernement.
Les dispositions dont il est question résultent d’un rapport conjoint de Mmes Annie Genevard et Bernadette Laclais, remis en 2015, et ont été votées à l’unanimité dans la loi Montagne. Dès lors que le dispositif de « tuilage » est effectivement prévu, nous sommes tous d’accord, même Michel Bouvard, pour éviter le développement de résidences de tourisme qui finissent par se transformer en friches touristiques – voire en friches énergétiques du fait de la qualité de certains matériaux.
Le dispositif en place me paraît donc parfaitement adapté à la réorientation telle qu’elle a été largement souhaitée sur tous les bancs de l’hémicycle.
L’amendement no 57 rectifié n’est pas adopté.
L’article 41, amendé, est adopté.
Le texte proposé par le Gouvernement prévoit un plafond majoré de 30 000 euros qui s’appliquerait tant pour les véhicules 100 % électriques que pour les véhicules hybrides, qui fonctionnent grâce à des batteries rechargeables.
Cet amendement de la commission des finances vise à concentrer l’avantage fiscal en question sur les véhicules électriques qui, en l’état actuel du développement technologique, sont les plus propres dans la mesure où ils obtiennent les meilleures performances en termes de rejets et de transition énergétique.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement no 934 .
Dans le même état d’esprit que Mme la rapporteure générale, je souhaite réserver le « super amortissement » de 30 000 euros aux seules voitures particulières ou camionnettes émettant jusqu’à 20 grammes de dioxyde de carbone par kilomètre, c’est-à-dire aux seuls véhicules 100 % électriques, qu’ils soient ou non équipés d’un prolongateur d’autonomie.
En effet, sur le plan de la concurrence, si nous ouvrons trop largement le champ d’une telle mesure, cela se fera au détriment de la production française qui précisément s’oriente vers les véhicules 100 % électriques. Adopter cet amendement serait un signe fort en direction de l’industrie automobile française.
L’amendement de Mme Dalloz coûterait moins à l’État que celui de la commission des finances.
Pour une fois ! Mais vous fermez la porte, chère collègue, à tous les développements engagés par les constructeurs français en matière de véhicules hybrides rechargeables.
L’amendement de la commission des finances est plus concentré sur les véhicules électriques – sur ce point, nous partageons le même objectif –, mais il donne une petite latitude aux constructeurs, notamment français, qui développent des véhicules hybrides rechargeables.
Donc, avis défavorable à l’amendement de Mme Dalloz.
Le Gouvernement est favorable à l’amendement de la commission, excellemment présentée par Mme la rapporteure générale, et défavorable à l’amendement de Mme Dalloz.
L’objet de l’amendement est de poser une question de nature économique : est-ce une bonne mesure sur le plan industriel que de remonter de 18 300 euros à 30 000 euros, pour les véhicules émettant moins de 60 grammes par kilomètre, c’est-à-dire essentiellement les véhicules électriques, la fraction du prix d’acquisition par les entreprises faisant l’objet d’un amortissement déductible ? Pour connaître les intérêts de la branche automobile, je vous engage, chers collègues, à appeler les constructeurs : ceux-ci vous répondront par la négative.
La mesure induira des effets de substitution, alors que les producteurs d’automobiles gagnent leur vie sur les modèles haut de gamme. Je conviens que les véhicules électriques ne représentent même pas 1 % à 2 % du marché, mais c’est sur ces véhicules que les constructeurs réalisent les marges les plus importantes.
C’est pourquoi je suis un peu sceptique sur le dispositif proposé aux alinéas 5 à 10 de l’article 42. Certes, l’enjeu de l’amendement n’est pas considérable, puisque l’étude d’impact évalue le coût fiscal de la mesure à 1 ou 2 millions, mais je pense que la suppression ou la forte réduction de la déductibilité des amortissements s’effectuera au détriment de la compétitivité de notre industrie.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement no 926 .
C’est une mauvaise idée que de durcir la déductibilité de l’amortissement des véhicules de société. En effet, c’est grâce au premium que les constructeurs français peuvent réaliser une marge permettant d’investir en recherche et développement. Or il faut des années de R et D pour mettre sur le marché un moteur compétitif.
Si l’on veut accompagner la R et D des entreprises de la filière française sur ce segment où les entreprises allemandes gagnent des parts de marché, il faut remettre en cause la disposition.
Les amendements visent à supprimer plusieurs alinéas qui durcissent les conditions d’amortissement, ce qui ne correspond pas exactement à ce qu’indique l’exposé sommaire.
Sur le fond, c’est-à-dire sur la portée économique de la mesure, vous souhaitez que même des voitures qui polluent continuent de bénéficier d’un avantage fiscal. On peut en conclure que vous n’intégrez pas le progrès technologique. Sur ce point, l’amendement de la commission de finances est plus ambitieux. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable.
Même avis.
L’article 42, amendé, est adopté.
Nous proposons de supprimer un article consacré au régime des impatriés, c’est-à-dire aux salariés non domiciliés en France au cours des cinq dernières années, régime que la loi Macron a déjà considérablement assoupli pour un coût global d’environ 150 millions d’euros, afin d’attirer ces personnes en France.
L’article vise à mettre en place un régime complémentaire, prévoyant un nouvel assouplissement, pour un coût identique. Je m’interroge sur l’efficacité d’une telle mesure, compte tenu des arguments du Gouvernement, que je partage, relatifs aux salariés d’un établissement hospitalier en ZRR ou simplement au nom de l’équité entre les citoyens résidant sur le territoire national, où chacun consent en matière fiscale un effort important.
La parole est à M. Daniel Goldberg, pour soutenir l’amendement no 1009 .
Je partage l’analyse de M. Giraud, car je suis favorable à une certaine stabilité fiscale. Le régime des impatriés tel qu’il existe aujourd’hui a été mis en place il y a peu, par une loi sur l’activité économique à laquelle on donne souvent le nom du ministre qui l’a défendue. Concrètement, il s’agit de savoir si, pour attirer des cadres étrangers, notamment après le Brexit, il faut alourdir la note fiscale, dans le but de fortifier la compétitivité économique de la France.
Je pense que non. Dans cette forme de dumping fiscal, nous serons de toute façon perdants, d’autant que l’environnement économique me semble favorable au développement des entreprises en France.
Nous devons encourager celui-ci par d’autres arguments que la baisse du coût salarial. En effet, l’exonération des primes d’impatriation et l’augmentation de cinq à huit ans des exonérations fiscales adressent un message clair aux chefs d’entreprise : elles les incitent à baisser les salaires directs.
La France doit attirer des entreprises et bénéficier du Brexit, mais le dispositif proposé n’est certainement pas le bon outil.
Je suis favorable aux amendements, comme je l’ai indiqué en commission des finances, et ce pour trois raisons.
Premièrement, je rappelle le coût du régime des impatriés pour les finances publiques. Il s’établissait, en 2008, à 50 millions d’euros ; en 2009, à 70 millions ; en 2010, à 80 millions ; en 2011, à 112 millions ; en 2013, à 140 million ; en 2014, à 165 millions. Les chiffres figurent à la page 97 du rapport général no 4125, tome III, volume 1. Tout coût pour les finances publiques est financé, je le rappelle, soit par l’impôt des Français, soit par la dette. Il n’y a pas d’autre solution possible.
Le nombre de bénéficiaires s’établit aujourd’hui à 13 000. Je vous invite à faire la division. C’est à la portée de chacun d’entre nous.
Deuxièmement, nous avons demandé au ministère de l’économie et des finances combien de temps les impatriés restaient en France, puisqu’il s’agit de les mobiliser pour développer l’activité économique dans notre pays. Au bout de deux ans, 60% d’entre eux sont partis : 40% au bout de la première année, 19% au bout de la deuxième. On peut donc douter de l’efficacité du dispositif.
Troisièmement, l’article représente un coût budgétaire – je vous renvoie à la page 110 du même rapport – de 7 millions pour 2017, montant que les finances publiques peuvent largement absorber, mais le dispositif monte en charge avec un coût estimé à 134 millions en 2025, à ajouter au montant actuel de 164 millions.
Cette semaine, des journaux se sont demandé comment l’Europe continentale pourrait tirer son épingle du jeu en attirant, au lendemain du Brexit, des sociétés situées à Londres. Mais tant que l’on ne met pas sur la table la négociation du passeport européen, que la France n’a pas encore demandé, tout le monde restera bien tranquillement à la City. Nous aurons beau présenter tous les dispositifs fiscaux du monde, personne ne traversera la Manche. C’est le B A BA. Je constate que M. Caresche est d’accord sur ce point et je l’en remercie.
Si, selon une étude publiée dans Les Échos, Dublin tire son épingle du jeu, c’est parce qu’on y parle anglais. Dans les milieux financiers, la connaissance de la langue anglaise et du droit anglo-saxon est de mise. En 2000, quand certains candidats tentaient de conquérir la mairie de Paris, une étude de Paris Europlace a montré que le critère principal permettant à une place financière de se développer était la pratique de l’anglais.
Je le répète : le droit anglo-saxon régit beaucoup d’activités financières et la langue de travail est l’anglais. Quand on le parle mal ou pas du tout, il est difficile d’attirer ces activités. Pour toutes ces raisons, je le répète : avis favorable à ces amendements.
Pour la clarté de nos débats, pouvez-vous nous indiquer, madame la rapporteure générale, si la commission a examiné et voté ces amendements ?
Je vais être honnête : la commission a examiné un de ces amendements au titre de l’article 86 du règlement, mais elle ne l’a pas adopté.
J’ai demandé à m’exprimer après la rapporteure générale, car si, vous l’avez constaté, nous sommes très souvent d’accord, je ne partage pas son avis sur ces amendements.
Je l’assume, monsieur Giacobbi. D’ailleurs, la commission des finances a bien voulu me suivre sur ce point. La rapporteure générale a cité certains éléments sur lesquels je la rejoins.
Néanmoins, au mois de juin, le Premier ministre, la maire de Paris et la présidente de la région Île-de-France se sont solennellement engagés avec une belle unanimité sur un plan dont cette mesure est emblématique.
Depuis lors, nous avons connu certains soubresauts sur différents sujets, comme la taxe sur les transactions financières, mais si, sur ce point, nous mettons en difficulté le Gouvernement, et si nous remettons en cause la parole de l’État et les engagements qui ont été pris, nous jouerons contre nos intérêts.
Je comprends certaines réserves qui ont été formulées. Quand j’ai constaté la montée en régime de la dépense fiscale, je me suis posé des questions, même si je ne crois pas à l’évaluation à terme citée par la rapporteure générale, qui supposerait que les impatriés restent plus longtemps qu’aujourd’hui et qu’ils utilisent tous les dispositifs. Mais une parole publique a été donnée à tous les niveaux, de façon unanime, et j’estime que la parole de la France doit être respectée.
Je remercie le président de la commission des finances, de se faire l’avocat du Gouvernement.
C’est l’impression qu’auront ceux qui suivent nos débats.
Quand la rapporteure générale cite les évaluations passées, elle s’appuie effectivement sur des éléments factuels, sur lesquels on ne peut pas revenir. On peut cependant être plus réservé en ce qui concerne les projections sur l’avenir.
Elle a constaté elle-même qu’une part importante des impatriés reste peu de temps. Au-delà de cinq ans, il n’en demeure guère plus de 15%. Les derniers chiffres qu’elle a avancés sont donc à prendre avec beaucoup de prudence. Ils suggèrent que le dispositif fonctionnerait énormément, ce que l’on peut espérer, mais qui n’est pas totalement acquis.
Comparons à présent les mesures d’attractivité en vigueur en France et à l’étranger. La plupart des pays européens offrent un régime spécifique à leurs impatriés. Celui-ci est de huit ans aux Pays-Bas, de dix ans au Portugal et il est en pratique illimité en Belgique. Notre dispositif de cinq ans est donc moins durable que ceux des pays européens avec lesquels nous sommes en concurrence.
Les mesures d’attractivité de l’article sont proposées, soulignons-le, au lendemain du Brexit, qui constitue une motivation essentielle, sinon la principale, du régime proposé par le Gouvernement. L’article prolonge le dispositif actuel de cinq à huit ans – durée qui s’applique aux Pays-Bas – et exonère les primes d’impatriation de taxe sur les salaires.
Ce dispositif ne me paraît donc pas révolutionnaire. Il a fait l’objet de discussions et a été porté conjointement par les élus franciliens et parisiens, d’une part, et par le Premier ministre, d’autre part. Le Gouvernement souhaite évidemment le vote de cet article et le rejet des amendements de suppression qui viennent d’être présentés.
Monsieur le secrétaire d’État, vous proposez une mesure destinée, dites-vous, à accroître l’attractivité de la France à l’égard d’un pays qui a choisi de quitter l’Union européenne. Je crois qu’en la matière, il faut garder raison. Vous venez de citer l’exemple de pays – tels la Belgique ou le Portugal – qui ont choisi des régimes favorables aux impatriés, mais qui, malheureusement pour eux, n’abritent pas une place financière internationale attractive. Leur situation ne peut donc pas être comparée à la nôtre. L’Allemagne, en revanche, avec Francfort – pour avoir quelque expérience dans le domaine de la finance, je peux vous assurer que c’est notre seul concurrent dans le contexte du Brexit – devra bien évidemment faire l’objet d’une attention particulière. À cet égard, monsieur le secrétaire d’État, je suis navrée de devoir vous rappeler que l’Allemagne n’a mis en place aucun régime spécifique aux impatriés,…
…aucun mécanisme d’attractivité par la fiscalité, tout simplement parce qu’elle recourt à d’autres instruments pour attirer ces cadres.
Il est une deuxième raison pour laquelle nous ne pouvons pas abonder dans votre sens. La rapporteure générale a donné des chiffres macroéconomiques ; permettez-moi de mener à son terme la division qu’elle nous a proposé de réaliser collectivement. À l’heure actuelle, les avantages fiscaux accordés aux impatriés permettent à un peu plus de 11 000 contribuables de bénéficier d’un chèque de 13 000 euros, chaque année, de la part du fisc français. Monsieur le secrétaire d’État, comme les impatriés que vous souhaitez attirer avec votre dispositif ont plus de chances de s’installer à Paris ou à Lyon qu’à Gap, je vais vous dire très franchement que je ne souhaite pas que les contribuables haut-alpins ou d’autres territoires français contribuent à faire un chèque de 13 000 ou 14 000 euros, voire de 26 000 euros dans le dispositif que vous proposez de développer, au profit d’autres territoires en France.
Troisièmement, les impatriés, dans notre droit fiscal, désignent toute personne, étrangère ou française, qui n’a pas travaillé en France depuis cinq ans. Je connais beaucoup de gens, issus des promotions des écoles où j’ai étudié, qui sont parties faire du trading à la City.
J’en connais beaucoup, et je ne souhaite pas du tout qu’à la suite de ces décisions individuelles, les Français qui sont restés travailler en France contribuent à hauteur de 28 000 euros, chaque année, pour convaincre les impatriés de revenir s’installer à Paris.
Pour toutes ces raisons, monsieur le secrétaire d’État, je crois qu’une aide fiscale de 14 000 euros pour chaque personne qui rentre de Londres, c’est déjà beaucoup, mais 28 000 euros, c’est trop !
J’ai l’impression que, dans cette assemblée, on est parfois un peu schizophrène. D’une part, nous sommes en train de discuter du projet de loi de finances, d’un certain nombre de dispositifs tels que la taxe sur les transactions financières, le régime des impatriès – il y en aura d’autres. D’autre part, nous avons créé une mission d’information, présidée par le président de l’Assemblée nationale, sur le Brexit, avec un objectif : voir ce qui peut être fait, en particulier sur le plan financier, pour permettre à la France, et notamment à la place de Paris, de récupérer un certain nombre de délocalisations. En ce qui me concerne, j’assume cet objectif : c’est le premier point. La question, ici, est de savoir si l’on assume ou non le fait que la France propose un certain nombre de dispositifs pour attirer des activités en France à la suite de l’événement que constitue le Brexit.
Deuxième point : nous nous sommes rendus, dans le cadre de la mission présidée par Claude Bartolone, à Londres, lundi dernier. Nous avons vu les représentants de la City. La situation est extrêmement simple. Un flou total règne, côté britannique, sur la situation et les perspectives : à l’heure actuelle, la City, les entreprises qui s’y trouvent, ignorent ce qui va se passer. C’est apparu extrêmement clairement, y compris sur la question du passeport. Il y a aujourd’hui une incertitude totale. Dans ce contexte, il est évident, avant même que la question du passeport soit tranchée, qu’un certain nombre d’opérateurs se posent la question de la délocalisation. Comment cette question se pose-t-elle ? Pas seulement avec Francfort, mais aussi avec New York. Trois possibilités existent : soit aller à New York – manifestement, un certain nombre d’opérateurs privilégient déjà cette hypothèse, en estimant qu’il n’y aura plus de place financière en Europe –, soit s’installer à Francfort, soit opter pour Paris. Nous avons fait le choix de garder une place financière à Paris, il y a trois ans, lorsqu’Euronext a été vendu. Je souhaite, pour ma part, que l’on poursuive cet objectif, et je pense que le régime proposé le permet.
Les choses sont très simples, au regard des calculs qui sont faits : soit ces personnes viennent en France, soit elles n’y viennent pas. Le plus probable, si l’on ne vote pas cette disposition, est qu’elles ne viendront pas. Il n’y aura pas, en toute hypothèse, de coût pour le contribuable de Gap. La question est de savoir si elles viennent ou non, et si ce dispositif est suffisamment attractif. Je pense qu’il faut le voter.
Je voudrais non seulement présenter la position du groupe socialiste, mais également revenir sur ce qu’a été la délibération de la commission des finances. Le débat doit se faire dans la clarté.
Premièrement, dans l’exposé sommaire de son amendement de suppression, M. Goldberg chiffre le coût de la mesure à 150 millions d’euros : c’est faux, que ce soit pour 2017, 2018 ou 2026. Le secrétaire d’État a donné des chiffres : 7 millions en 2017, 18 millions en 2018. Ça ne pourra jamais être 150 millions, car cela signifierait que les personnes concernées restent quinze ans ; or, les chiffres donnés par la rapporteure générale montrent le contraire. Cela voudrait dire aussi que tous les impatriés travaillent dans le secteur de la banque et de l’assurance, ce qui maximiserait le coût de la taxe sur les salaires. Ce chiffre n’est donc pas juste.
Deuxièmement, je rappelle à chacun – car on donnerait presque l’impression que l’on fait des cadeaux fiscaux – que ce qui est, à un moment donné, exonéré, c’est la part de rémunération excédant le salaire d’une personne exerçant la même fonction dans une autre entreprise. Le coût provient donc de l’exonération de ce surplus. Mais nous pourrions dire que si des emplois sont créés grâce à cette mesure, nous disposerons de recettes fiscales au titre de l’impôt sur le revenu des impatriés venant en France.
Bien sûr !
Troisièmement, je n’ai pas tout à fait compris – je m’en excuse auprès d’elle si j’ai mal interprété ses propos – l’intervention de la rapporteure générale. La commission des finances a examiné ces amendements de suppression, les a clairement rejetés…
…et a clairement adopté l’article 43. En effet, cette mesure a été annoncée par le Premier ministre, au forum Paris Europlace, le 6 juillet, et a été confirmée, dans le cadre d’une démarche commune, notamment en Île-de-France. Je regrette, madame Berger, mais la place financière internationale à Gap, je ne sens pas le dossier ! En revanche, en Île-de-France, la question se pose. Par ailleurs, si l’on peut bien vivre à Gap, c’est parce que le PIB progresse et que des activités sont conduites dans la région capitale.
La présidente de la région Île-de-France, la maire de Paris, le Gouvernement soutiennent aujourd’hui cette mesure. Je vous laisse imaginer, chers collègues, ce qui adviendrait si l’Assemblée venait à supprimer cet article : la France ne serait plus perçue comme un pays stable, fiable, ayant des règles fiscales claires. De ce point de vue, nous perdrions toute chance, dans le cadre post Brexit, d’attirer des activités importantes dans notre pays.
Mes chers collègues, j’ai toujours été mal à l’aise avec le statut des impatriés. En vertu de ce dispositif, des personnes de nationalité française résidant à Londres quelques années, puis revenant en France, bénéficient d’un statut dérogatoire, alors même, j’y insiste, qu’ils sont citoyens français. Pour ma part, je fais partie des vieux républicains attachés au principe d’égalité. Un système existe, tant en ce qui concerne l’impôt sur le revenu, que la taxe sur les salaires. On nous propose deux mesures : une amélioration du dispositif concernant la taxe sur les salaires, qui commencera à coûter 7 millions dès l’année prochaine et qui montera progressivement en puissance, et une mesure relative à l’IR, qui ne commencera à coûter qu’en 2023. Je ne suis pas tout à fait naïf, je sais l’intérêt que peuvent présenter ces mesures dans le cadre du Brexit, mais je voudrais revenir sur quelques arguments.
Premièrement, j’entends dire que le Premier ministre s’est engagé. Mais il ne peut s’engager, il a en face de lui un Parlement ! De grâce, n’employez donc pas cet argument, car cela commence à bien faire : si l’on ne sert à rien, on sort, on fait une ordonnance, et le Gouvernement fait ce qu’il veut ; cela finirait très mal. N’utilisez donc pas cet argument !
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
S’il vous plaît, mes chers collègues ! Seul M. de Courson a la parole !
Je vous remercie de me laisser parler, chers collègues !
Deuxièmement, concernant la taxe sur les salaires, je pense que le Gouvernement a raison. Nous sommes en effet la seule nation à appliquer cette taxe, qui frappe ceux qui ne sont pas assujettis à la TVA, c’est-à-dire essentiellement – je fais simple – le secteur des banques et des assurances. Or, c’est dans ce domaine que l’on rencontre un problème d’attractivité. Il existe de surcroît un taux progressif, qui est complètement discriminatoire. Que le Gouvernement nous propose une mesure partielle, parce que l’on n’a pas les moyens de supprimer la taxe sur les salaires des impatriés : je soutiendrai cette mesure.
Mais, s’agissant de la deuxième mesure, relative à l’IR, Mme Berger n’a pas tout à fait tort : un peu plus de 11 000 personnes bénéficient, chacune, de 14 000 euros d’économies d’impôts. Or, certaines de ces personnes sont des citoyens français.
Une solution serait que l’on vote tous pour la taxe sur les salaires, mais que l’on s’abstienne de voter sur la partie IR.
Je suis désolé, je n’ai pas déposé l’amendement qui aurait peut-être permis de réconcilier différentes opinions.
Je voudrais insister sur la nécessité de se retrouver sur un certain nombre de principes évidents. Il n’y a d’ailleurs pas de hasard : comme cela a été rappelé par le président de la commission, tant le Président de la République que le Premier ministre, la présidente de la région Île-de-France et la maire de Paris se sont engagés en faveur de ce dispositif. C’est évidemment lié au Brexit, mais ce qui, au-delà, est en jeu, c’est la question de l’attractivité. On a entendu l’argument selon lequel l’Allemagne n’ayant pas ce type de dispositif, nous ne devrions pas l’appliquer non plus. Mais d’autres facteurs d’attractivité de la politique allemande permettent d’attirer en Allemagne un certain nombre de cadres, du secteur de la finance comme d’autres secteurs. Ce qu’a dit M. Caresche est parfaitement juste.
En revanche, la présentation qui nous a été faite au début de ce débat pose problème : présenter le dispositif comme étant coûteux pour le contribuable et l’État français est une façon tronquée de décrire les choses. Par construction, l’ensemble de ces cadres n’auront d’intérêt à choisir la France plutôt qu’un autre pays qu’à la condition qu’existe un dispositif les incitant à venir s’installer chez nous. S’ils ne venaient pas, ce serait au contraire une perte pour l’État.
Le dispositif d’exonération réduirait évidemment la recette à attendre, mais ces amendements de suppression – dont l’adoption conduirait à remettre en cause la parole de la France,…
…de la mairie de Paris, de la région Île-de-France – auraient pour effet, en réalité, de faire rentrer moins de recettes fiscales en France, ce qui n’aurait aucun sens.
Sur cette question de l’impatriation, il faut, à un moment donné, se poser la question de savoir si la France est ou non attractive.
Ce dispositif est l’un des éléments qui peut permettre de la rendre plus attractive, mais il y en a beaucoup d’autres comme, par exemple, l’éducation. Pour avoir des contacts avec beaucoup de cadres de grands groupes, je sais que l’un des éléments qui sera déterminant pour leur venue en France sera l’éducation, et je pense qu’il faut que l’on s’y attelle.
J’ai bien entendu tous les arguments. Comme je l’ai dit en présentant mon amendement, je suis bien sûr attaché à la préservation de la compétitivité économique de notre pays et à ce que l’on se donne la possibilité de tirer profit du choix dramatique que les Britanniques ont fait pour eux-mêmes et pour le développement de l’Europe.
Cela étant dit, l’adoption de ces amendements de suppression ne mettrait pas en cause le régime d’impatriation introduit par cette assemblée voilà deux ans dans le cadre de la loi Macron, et je le dis amicalement car j’ai vu passer Richard Ferrand. Je faisais en effet partie des personnes un peu sceptiques sur ce dispositif. Je me souviens des longues discussions que nous avons eues sur la durée de l’exonération d’impôt sur le revenu, et je ne voudrais pas que cette assemblée, pour dire les choses de manière humoristique, soit en marche…
… pour rattraper une décision qui n’a pas été prise alors.
Par ailleurs, je pense très sincèrement que ce n’est pas en allongeant la durée d’application de l’exonération d’impôt sur le revenu que l’on incitera beaucoup de salariés, de cadres d’entreprises de la finance à venir s’installer en France. Peut-être faudrait-il faire beaucoup plus d’ailleurs, car je ne suis pas sûr que la marche envisagée dans ce cas-là soit assez haute.
Mon ami Dominique Lefebvre a laissé entendre que les chiffres que j’avais cités étaient faux. Ils figurent à la page 217 des analyses préalables au projet de loi de finances dont nous discutons. En outre, ce dispositif a vocation à être pérenne, car il n’est pas question d’en changer à nouveau dans deux ou trois ans. Les chiffres que j’ai annoncés sont donc bien sûr conformes à l’analyse qu’a pu en faire le Gouvernement, puisque ce sont les siens.
J’aimerais développer un dernier argument. Cette aide n’ira pas aux salariés eux-mêmes, parce que les salariés ne viendront pas sans leurs entreprises.
Ce sont donc bien les entreprises qu’on cherche à attirer en France. Et on espère le faire en baissant les coûts salariaux, par une forme de dumping fiscal. Or je doute que les revenus des salariés changeront en quoi que ce soit avec ces mesures-là.
Pour toutes ces raisons, je maintiens mon amendement.
Le débat de cet après-midi me paraît totalement déconnecté des réalités. Des collègues se figurent, et cela dépasse les clivages politiques, que certains parlementaires seraient plus républicains que d’autres, plus favorables à l’égalité. Qu’est-ce à dire ? Où a-t-on entendu pareille affirmation ? Dans cet hémicycle aujourd’hui nous sommes tous des républicains, et nous sommes tous soucieux de l’égalité. En outre, nous sommes tous représentants de la nation française, et il va falloir que nous oubliions un peu nos territoires, car notre regard porte toujours au travers de ce prisme ; et le mien fixe à présent certains d’entre nous à dessein.
La réalité – et n’étant pas parisienne, je suis d’autant plus à l’aise pour vous le dire –, c’est que la Place de Paris relève aujourd’hui de notre responsabilité collective pour demain. Le Brexit a été voté en Angleterre. Si vous n’avez pas compris que c’est maintenant et dans les quelques mois qui viennent qu’il y a un coup à jouer pour la France, alors vous n’avez rien compris. Vous avez mis en place la taxe sur les transactions financières, et vous l’avez élargie aux opérations dites intraday, et vous pensez pouvoir encore supprimer le dispositif des impatriés sans que cela ait de conséquences ?
C’est pure folie ! Je pense sincèrement que vous vous trompez de débat.
On a entendu des arguments assez fallacieux au cours de ce débat. D’abord, tous ceux qui ont pris part à des investissements étrangers sur notre territoire savent qu’il faut être business friendly en France, si vous me passez cet anglicisme. On peut le regretter, mais dans le contexte actuel, le Gouvernement, la maire de Paris et la présidente de la région Île-de-France n’avaient pas d’autre solution que de faire des offres. Je ne suis donc pas du tout d’accord avec notre collègue de Courson. Lorsqu’on discute avec des partenaires, il faut bien avancer des offres, et il n’est pas possible d’attendre pour cela l’aval du Parlement.
Notre assemblée serait bien mal avisée de donner un contre-signal, lequel serait lourd de conséquences pour l’avenir, alors même que les responsables de l’exécutif au Gouvernement, à la Ville de Paris et à la région Île-de-France se sont avancés un peu seuls.
Ce qui est clair, c’est que les chiffres qui ont été cités sont purement virtuels, car s’il fonctionne, ce dispositif aura un coût croissant, mais s’il ne fonctionne pas, il ne coûtera rien. Je constate que notre assemblée se remplit ou se vide selon les moments de la journée ou de la soirée ; on serait fort mal avisé de jouer un coup comme celui-là, qui serait totalement rédhibitoire pour Paris et pour la France dans les années à venir.
Je ne suis pas parisien, mais je suis tout de même favorable à ce que mon territoire participe à cet effort de la France pour convaincre les 11 000 impatriés bénéficiaires de rester.
Nous verrons bien si le dispositif fonctionne, car tout cela demeure virtuel. Il faut néanmoins absolument soutenir l’initiative du Gouvernement.
J’associe à mes propos – cela nous évitera une intervention supplémentaire et nous fera ainsi gagner du temps – ma voisine de circonscription Seybah Dagoma, qui préside le conseil d’administration de Business France et qui connaît bien ces sujets.
À ce moment de notre débat, il n’est plus temps de reprendre tous les excellents arguments qui ont été développés pour maintenir l’article 43 et rejeter les amendements de suppression. Si j’interviens, c’est parce que je ne perçois pas la teneur de notre discussion et le vote qui va engager notre assemblée comme étant liés à la parole du Gouvernement. Pour ma part, j’y vois bien plutôt une opportunité, une chance donnée au Parlement de participer à l’effort national visant à rendre notre territoire plus attractif.
Certes, il s’agit de l’attractivité de l’Île-de-France et de la Place de Paris, mais c’est également un enjeu national, qui porte au-delà, et je remercie Jean-Louis Gagnaire, élu d’une autre région, de s’être exprimé en ce sens. Je suis très heureux qu’au travers de cet article 43 nous puissions participer, nous engager au côté du Gouvernement, de la présidente de la région Île-de-France, de la maire de Paris pour adopter des dispositions fiscales incitatives afin de rendre notre territoire plus attractif sur le plan économique.
Ma seconde observation sera tout aussi brève. Je me permets de rappeler que le régime des impatriés n’est pas créé par l’article 43 ; il existe depuis la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite loi Macron.
En effet, mais il a été renforcé par la loi du 6 août 2015. Et la principale mesure proposée par le Gouvernement est d’étendre la durée d’application de l’exonération de cinq à huit ans, tout simplement pour rendre notre pays plus compétitif, notamment vis-à-vis d’autres État européens ; les Pays-Bas ont été mentionnés.
Pour ma part, et ce sera ma conclusion, madame la présidente, je considère vraiment cet article comme le crédit d’impôt cinéma international, qui a permis de relocaliser tant de tournages de films internationaux dans notre pays. C’est un investissement, un coût fiscal pour l’année 2017 de 7 millions d’euros, mais il en résultera de façon absolument évidente un gain de points de croissance.
J’aimerais expliquer une fois encore en quelques mots que le régime des impatriés a été proposé dans la loi Macron.
Je ne sais pas s’il a été adopté, parce que le vote de ce projet de loi a été un peu rapide.
Sourires.
Par ailleurs, les amendements visent à supprimer non pas le régime mais l’extension de trois ans de sa durée d’application. Je répète ce qu’a dit notre excellent collègue Daniel Goldberg : il ne faut pas laisser croire que les impatriés ne bénéficieraient plus de l’exonération d’impôt sur le revenu. Je trouve d’ailleurs cette mesure déjà inadmissible, car tje ne pense pas qu’on rendra la France plus attractive par le désarmement fiscal et le dumping fiscal. On se trompe sur ce point-là. Et je rejoins notre collègue de Courson à ce sujet : crédit d’impôt par crédit d’impôt, on détricote la fiscalité française et personne n’y comprend plus rien.
Après le débat qui vient d’avoir lieu et tous les propos que nous avons entendus, j’aimerais revenir sur l’exposé sommaire de l’amendement de M. Giraud, dans lequel il écrit : « La mesure actuelle prévue sur cinq ans est efficace – c’est bien de le dire – et utile […] ». Voilà qui montre combien ce dispositif peut être loué par tous et perçu unanimement comme présentant un intérêt.
Dans cette période d’incertitude ouverte par le Brexit, il faut au-delà des opérations de communication des uns et des autres, de la région ou du pays, poser des actes. L’annonce commune du Premier ministre, de Mme la maire de Paris et de Mme la présidente de la région était opportune, car il fallait réagir très vite. Nous ne pouvions pas attendre, il fallait très vite envoyer des signaux. Parce que nous regrettons parfois l’absence de réactivité des uns et des autres, nous ne pouvons que louer celle dont il a été fait preuve ici.
J’aimerais simplement insister sur le fait que l’attractivité de la France ne peut être uniquement de nature fiscale. Si nous avons nous-mêmes si souvent critiqué le dumping que pratiquent les autres pays sur ce plan-là, comment pourrions-nous à notre tour reprendre un tel argument et considérer que la seule façon de faire valoir la Place de Paris serait l’attractivité fiscale ?
Par ailleurs, voilà quelques jours, un vote nous a beaucoup heurtés, choqués : l’élection de Donald Trump. Nous avons entendu ici et là, partout sur ces bancs, que le peuple américain, dans sa majorité, avait considéré les élites coupables de s’arroger des droits qu’elles ne reconnaissaient pas aux autres. Posons-nous donc simplement cette question : comment allons-nous expliquer demain que nous sommes prêts à continuer de ponctionner les classes moyennes tout en faisant de nouveaux cadeaux fiscaux aux impatriés ? Alors que le régime dont ils bénéficient porte déjà à cinq ans la durée de l’exonération, il est question de l’étendre à huit ans. Comment expliquer cela à un pareil moment ? Et comment ne pas voir que nous sommes en train d’ouvrir des boulevards à celles et ceux qui, populistes, dangereux, extrémistes, se saisiront malheureusement demain de cette erreur ?
J’aimerais battre en brèche l’idée selon laquelle les mesures d’attractivité seraient uniquement de nature fiscale. Quand le Premier ministre a pris la parole devant le président de Paris Europlace, il n’a pas été question que d’attractivité fiscale. Il a évoqué les mesures de simplification pour l’installation dans notre pays, qui ont intéressé les entreprises, ainsi que l’ouverture de sections internationales, un sujet important pour ceux qui peuvent venir travailler en France. L’attractivité n’est donc pas uniquement une question fiscale.
Je regrette qu’un argument avancé dans ce débat consiste à opposer à notre décision de respecter l’engagement du Premier ministre la ponction opérée sur les classes moyennes, car c’est exactement le contraire que nous faisons ! Convoquer des arguments fallacieux pour attaquer des mesures sur lesquelles on a de fortes préventions me paraît être un procédé stérile.
Dans le cadre de la bataille européenne que nous menons aujourd’hui pour l’attractivité de notre pays et singulièrement de la région capitale, les mesures que nous prenons ne sont pas uniquement de nature fiscale. Ce qui est proposé aujourd’hui est un package global, si je peux m’exprimer ainsi. C’est pourquoi la position du groupe est très claire, même si ce dernier n’est pas unanime : elle est de suivre le Gouvernement et les engagements du Premier ministre sur la question des impatriés et sur l’extension de la durée d’application de ce régime.
Je voudrais ajouter deux choses. D’abord, contrairement à ce qu’a dit Mme Dalloz, il ne s’agit pas de supprimer l’actuel régime des impatriés. La prime d’impatriation fait l’objet pendant cinq ans d’une exonération fiscale. Ensuite, je voudrais soulever une question. Je suis française et mes études en école d’ingénieur ont été payées par la France. Soit le cas d’école suivant : je pars travailler à Londres pour HSBC pendant cinq ans, puis je reviens travailler pour HSBC à Paris : je bénéficie de l’exonération fiscale sur l’impatriation.
Je suis toujours française, mes études ont été payées par la France, je pars travailler à Londres pour BNP Paribas, j’y reste deux ans puis reviens : je ne bénéficie pas de cette exonération. Nous accélérons un mouvement qui divise jusques et y compris les Français qui reviennent en France. Cela constitue une inégalité de traitement extrêmement dommageable à la cohérence de notre nation.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
À l’issue de ce long débat au cours duquel je me suis peu exprimé, je voudrais revenir sur quelques points à propos desquels je suis en désaccord avec ce qui a été dit. Selon vous, monsieur de Courson, ce n’est pas parce que le Premier ministre s’est exprimé que l’Assemblée doit voter, ou alors autant gouverner par ordonnances !
Je vous invite à consulter le programme de certains candidats, ce qui vous incitera peut-être à faire preuve d’un peu d’humilité. Par ailleurs, nous sommes nombreux ici à avoir présidé des exécutifs communaux, départementaux, régionaux ou autre.
Chacun peut donc imaginer qu’il est assez difficile, lorsqu’il faut réagir à un événement international et prendre position, de faire attendre tout le monde en invoquant la nécessité de réunir l’Assemblée nationale afin d’obtenir son accord de principe sur la mesure décidée !
Le Premier ministre peut informer le président de l’Assemblée nationale !
Il faut raison garder et laisser parfois au Gouvernement, qui entretient des relations internationales et partenariales, le soin de préconiser ou de prendre certains engagements en urgence et de façon constructive. Nous avons tous été confrontés à ce genre de problème. Les élus qui président des exécutifs prennent parfois des positions avant de saisir leur assemblée, c’est la vie et non la démocratie au quotidien consistant à réunir tous les jours son conseil municipal ou départemental.
Ensuite, je trouve assez malsain, madame Berger, d’opposer dans ce débat Paris et la province en laissant entendre qu’un contribuable provincial devrait payer pour une exonération fiscale profitant à quelqu’un qui serait par nature plutôt francilien ou parisien. L’objectif de l’impôt sur le revenu est de fournir une recette globale et nationale. Nombreux sont ceux, et j’en fais partie, qui vantent le caractère redistributif de l’impôt sur le revenu, soit en termes d’argent, soit en termes de services, mais si on se met à détailler région par région et ville par ville d’où vient l’impôt sur le revenu, à qui profitent les services publics et combien ils coûtent, on pourrait avoir quelques surprises !
Ce débat est légitime et fréquent lorsque l’on parle de péréquation en matière de fiscalité locale, mais en matière d’impôt sur le revenu il me semble curieux de laisser penser que le coût d’une mesure fiscale, en termes de recettes non perçues, serait assumé par les contribuables d’une région en particulier.
Enfin – et c’est probablement le point le plus important – le coût d’une telle mesure est toujours difficile à estimer. Que propose le Gouvernement ? Un impatrié venant travailler en France et gagnant un salaire de 100, comparable à celui d’un Français exerçant le même type de fonctions, perçoit en général une prime d’impatriation de 30 en moyenne. Ce que propose le Gouvernement, c’est d’imposer non pas130, mais 100.
Vous pouvez penser qu’il en résulte une perte payée par d’autres car on n’impose pas la prime d’impatriation qui s’élève à 30, mais si l’impatrié ne vient pas en France, le gain pour l’État est égal à zéro, alors que s’il y vient et qu’on n’impose pas la prime de 30, l’État perçoit l’impôt sur le salaire de 100 au taux marginal de 30 %, qui est le plus courant dans ce type de profession. Les recettes de l’impôt sur le revenu progressent donc de 30.
Une autre présentation consiste à calculer la perte, comme nous le faisons en termes de dépense fiscale, même s’il faut nuancer les chiffres que vous avez avancés, madame Berger. Vous pouvez chiffrer la dépense fiscale à hauteur de la perte sur la prime de 30, mais vous oubliez de mentionner le gain sur le salaire de 100 qui, lui, est fiscalisé tout à fait normalement pendant une certaine durée !
Il faut donc raison garder et bien comprendre l’enjeu. L’enjeu n’est pas que des gens d’ailleurs paient pour l’impôt non perçu sur la prime de 30, car si les personnes concernées ne viennent pas, c’est zéro pour tout le monde ! Ça ne coûtera rien au contribuable de Gap, mais ça ne profitera en rien au budget de l’État en termes de recettes et on aura finalement tout perdu ! J’invite donc à la mesure sur ce point.
Je rappelle que l’observation des impatriés actuels montre que 50 % d’entre eux ont un revenu fiscal de référence inférieur à 80 000 euros, ce qui est déjà substantiel mais n’est pas comparable aux sommes pharaoniques qui sont parfois mises en avant, et qu’un quart d’entre eux ne sont pas des cadres, mais sont des salariés. On en trouve certes dans la finance, mais aussi dans le secteur industriel et dans des sièges sociaux d’entreprises à caractère industriel. Tels sont les éléments que je voulais porter à votre attention, mesdames, messieurs les députés, avant un vote qui sera déterminant pour le regard porté sur notre pays en matière d’attractivité. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements de suppression.
Il est procédé au scrutin.
La parole est à M. Frédéric Lefebvre, pour soutenir l’amendement no 45 .
Je rappelle d’abord à M. Sansu que, contrairement à ce qu’il a sous-entendu tout à l’heure, la loi Macron, en dépit du 49-3 dont elle a finalement fait l’objet, a été de bout en bout débattue dans cet hémicycle.
Moi aussi, vous vous en souvenez donc ! Cet article, nous en avons longuement débattu et nous l’avons voté, même si le texte n’a pas fait l’objet d’un vote final.
Quant à l’amendement no 45 , il vise à faire bénéficier nos compatriotes détenteurs d’un plan « 401k » du régime de l’impatriation. Nos compatriotes, notamment ceux qui vivent aux États-Unis, souscrivent à ces plans de retraite par capitalisation afin de construire leur retraite dans un pays où la retraite par répartition est très faible. Il serait juste que ces plans, qui constituent pour beaucoup d’entre eux l’essentiel de la retraite qu’ils percevront ensuite, soient introduits dans le régime de l’impatriation.
Il s’agit d’un point très important et j’insiste auprès de Mme la rapporteure générale comme de M. le secrétaire d’État. Ces compatriotes, que je reçois dans mes permanences et surnomme les « prisonniers de la retraite », sont des Français qui vivent et travaillent aux États-Unis et dont l’objectif est de rentrer en France pour leur retraite. Toutefois, la fiscalité américaine prévoit une exit tax, applicable s’ils rentrent en France, prélevant 40 % du montant de leur plan « 401k », qui constitue souvent tout leur patrimoine, au motif que celui-ci a été construit grâce à leur activité aux États-Unis, et une autre partie en est prélevée à leur arrivée en France. Ces compatriotes finissent donc par renoncer à rentrer en France. Ils sont très nombreux dans ce cas. Selon la logique qui vient d’être exposée, je propose donc un dispositif qui les intègre dans le système de l’impatriation. Il s’agit de Français désireux de regagner le pays pour y passer leur retraite et y dépenser leur argent et qui sont actuellement contraints – je dis bien contraints – de rester aux États-Unis. Le dispositif que je propose serait très favorable à notre pays.
La commission n’a pas examiné cet amendement. À titre personnel, j’y suis défavorable.
Je ne vois pas pourquoi vous proposez d’appliquer le régime des impatriés à des gens bénéficiant de prestations de retraites, monsieur Lefebvre, fussent-elles accumulées à l’étranger. Le régime des impatriés a pour objet d’attirer des actifs et non des retraités. L’avis du Gouvernement sur cet amendement ne peut donc qu’être défavorable. Peut-être le problème que vous soulevez – ce n’est d’ailleurs pas la première fois – mérite-t-il d’être traité sous un autre aspect, mais intégrer au régime des impatriés des personnes retraitées serait contraire à l’esprit de l’article. L’avis du Gouvernement est défavorable.
L’amendement no 45 n’est pas adopté.
L’article 43 est adopté.
Il s’agit d’un amendement de suppression de l’article 44 qui vise à faire passer le taux du crédit d’impôt compétitivité emploi de 6 % à 7 %. Nous avons débattu du CICE dans cet hémicycle à de très nombreuses reprises. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le bilan prête à débat. Les diverses statistiques sur ce sujet montrent que le nombre de créations d’emplois s’élève à 50 000 emplois, selon l’hypothèse basse, ou à 100 000 selon l’hypothèse haute. Quoi qu’il en soit, on est très loin des 300 000 emplois attendus. Un simple calcul de ratio aboutit à un coût d’environ 300 000 euros par emploi. Doté d’un taux à 6 %, le CICE n’a pas eu l’impact recherché en matière d’emploi stricto sensu. Certes, il a eu un impact manifeste sur la reconstitution des marges des entreprises, mais il n’a pas eu l’effet attendu sur l’emploi !
J’ai entendu à plusieurs reprises le Premier ministre sermonner les entreprises et les exhorter à prendre leur part dans le pacte de responsabilité voté ici même. Alors même que le bilan de ce dispositif fait débat et que nous cherchons à dégager des ressources fiscales, il n’est pas raisonnable d’augmenter ainsi le taux du CICE de 1 %. Une telle augmentation aura un coût très important pour les finances publiques sans être en mesure de créer un quelconque choc permettant d’augmenter le nombre de recrutements – nous pouvons tous nous accorder sur ce point. Attendons et stabilisons la situation. Je ne dis pas qu’il faut supprimer le CICE, car cela poserait de grandes difficultés à de nombreuses entreprises. Laissons la situation telle qu’elle est et donnons-nous un, deux ou trois ans pour dresser un bilan sérieux de cette mesure avant d’en étendre ainsi la portée. On voit bien que le caractère réversible de l’aide est très difficile à mettre en oeuvre une fois que celle-ci est versée.
Notre groupe est évidemment favorable à la baisse des charges pour les entreprises. Cet amendement n’a d’autre but, monsieur le secrétaire d’État, que de vous rappeler quels étaient les engagements du Gouvernement. De manière très claire, et dans le cadre du pacte de responsabilité, celui-ci s’était engagé à supprimer en 2017 la part restante de la C3S. Quels sont les paramètres nouveaux qui vous ont conduit à faire le choix de ne pas respecter cette promesse ? Nous avons mal – ou peut-être trop bien – compris ce qui pouvait justifier ce changement de stratégie.
On voit bien l’opportunité d’une telle mesure pour la résolution de l’équation budgétaire : l’augmentation du CICE, plutôt que la suppression de la C3S, permet de reporter la charge budgétaire sur 2018. Vous optez, en quelque sorte, pour de la cavalerie. Mais mesurez-vous, sur le plan économique, ce que représente pour les entreprises le choix de ne pas respecter un engagement fort, solennel, fondateur d’une stratégie ? En termes d’intelligence économique, pouvez-vous justifier le choix d’une augmentation du CICE plutôt que d’une suppression complète de la C3S ?
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement no 931 .
Le Gouvernement avait effectivement pris l’engagement de supprimer totalement la C3S. Cette mesure n’entraînait pas de sortie d’argent pour les entreprises, puisque la déduction se faisait de façon immédiate, sous forme de crédit d’impôt. Mais pour l’État, cela représentait une absence de rentrée fiscale. Compte tenu de l’équation budgétaire difficile qui se posait pour 2017, vous avez fait le choix de substituer à la suppression de la C3S une augmentation du taux de CICE, de 6 % à 7 %. Or, en matière de trésorerie, cette dépense ne sera opérationnelle qu’en 2018. C’est cela qui fonde votre construction budgétaire, et qui pose problème.
Le Haut Conseil des finances publiques a estimé que ce choix fragilisait la trajectoire des finances publiques à compter de 2018 et le respect de l’objectif de solde structurel à moyen terme. Vous obérez l’avenir. C’est la raison pour laquelle nous proposons de supprimer, par cet amendement, l’article 44.
La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement de suppression no 951.
Ma conclusion sera la même que celle de Mme Dalloz, mais je n’emploierai pas tout à fait les mêmes arguments… Le CICE a été instauré fin 2012. Au 31 juillet 2016, 43 milliards d’euros de créances ont été émises, dont 27,6 milliards ont fait l’objet de versements. L’article 44 a pour objectif d’augmenter la ristourne aux entreprises que représente le CICE de 3,1 milliards, en en portant le taux à 7 %.
La seule question qui vaille monsieur le secrétaire d’État est la suivante : cela a-t-il été efficace ? L’INSEE annonce aujourd’hui une remontée du chômage au troisième trimestre de 0,1 %. La politique de l’offre trouve là ses limites. Tous les rapports et études sur le CICE montrent que si le dispositif a servi à augmenter les marges des entreprises – ce dont l’on peut parfois se réjouir –, il n’a pas d’impact à court terme sur l’investissement, la recherche et développement, les exportations.
On estime que les créances de la période 2013-2014, soit 17,3 milliards d’euros, ont permis la sauvegarde de 50 000 à 100 000 emplois, ce qui donne une moyenne de 200 000 à 300 000 euros l’emploi. L’inefficacité du dispositif en matière d’emploi est donc notoire. Le jeu en vaut-il la chandelle ? C’est bien la question qui se pose. On ne va pas faire d’archéologie de blog, monsieur le secrétaire d’État, mais chacun sait que, comme vous avez pu l’écrire, des choix plus équilibrés auraient été plus judicieux.
La question connexe est bien sûr celle de la disparition annoncée de l’impôt sur les sociétés. Le rendement de l’IS atteindra 25 ou 26 milliards d’euros en 2018, soit 1,2 point de PIB – deux fois moins que la moyenne des pays de l’OCDE. Les cris d’orfraie que pousse M. Gattaz sur l’IS sont d’autant plus insupportables que cet impôt est des plus inefficaces, avec une assiette qui ne cesse de se rabougrir et un taux facial très élevé.
Personne ne nie que certains secteurs doivent être soutenus, mais d’autres ne le méritent pas. Il y a quelques années, monsieur le secrétaire d’État, vous auriez presque approuvé les amendements nos 1007 et 1089 , que je défendrai tout à l’heure. Prenons un cas concret, celui de La Poste, qui, en trois ans, aura touché 1 milliard d’euros de CICE en supprimant 20 000 emplois et en affaiblissant son réseau sur tout le territoire, tout en dégageant 2,5 milliards de résultats sur la même période. On ne peut accepter que le CICE serve à de telles opérations !
Mais que se serait-il passé à La Poste sans le CICE ? Il n’y aurait peut-être plus aucun bureau de poste dans le Cher !
La parole est à Mme Eva Sas, pour soutenir l’amendement identique no 987 .
Cet amendement vise à supprimer l’augmentation du taux de CICE de 6 % à 7 %. Sur la forme, cet article est un artifice, qui permet au Gouvernement de faire mine de respecter le pacte de stabilité et de croissance, alors que l’effet de le mesure n’interviendra qu’en 2018. Sur le fond, le comité de suivi du CICE pointe chaque année l’inefficacité de ce dispositif coûteux. En effet, le coût par emploi apparaît exorbitant, comme l’a souligné notamment la sénatrice Marie-France Beaufils dans son rapport d’information paru en juillet. Elle rappelle ainsi que le coût du CICE est estimé à 22 milliards d’euros en créances sur les salaires, en 2017, et que France Stratégie a estimé le nombre de créations d’emplois entre 0 et 100 000. Augmenter encore le taux du CICE alors que ce dispositif s’est avéré inefficace ne nous paraît pas acceptable.
Nous avons eu de nombreux débats sur le CICE, aussi bien en commission qu’en séance publique au cours des derniers mois. La commission a souhaité en rester à la proposition que fait le Gouvernement à l’article 44 et a émis un avis défavorable sur ces amendements.
Pourquoi avoir préféré une augmentation de 1 point du CICE à la suppression de la C3S ? La C3S, ou du moins ce qu’il en reste, n’est plus acquittée aujourd’hui que par les très grandes entreprises. Nous avons donc préféré une mesure qui profite, pour moitié, aux PME.
Permettez-moi de terminer mon propos. La suppression de la C3S n’aurait concerné que les très grandes entreprises, alors que l’augmentation du taux du CICE bénéficiera aux PME, ce qui est conforme aux souhaits de la majorité des députés ici présents.
Par ailleurs, si le CICE n’a un coût budgétaire pour l’État que l’année suivante, le crédit est imputé l’année même de l’exercice dans les comptes d’une entreprise. C’est donc bien en 2017 que les entreprises pourront enregistrer cette majoration du CICE dans leurs comptes. En outre, si les entreprises souhaitent obtenir un avantage de trésorerie, ce qui peut être une préoccupation pour certaines, le CICE peut être préfinancé.
Monsieur Sansu, je ne crains pas l’archéologie des blogs. Autrement, j’aurais supprimé ce que j’ai écrit. Mais cela, je ne le ferai jamais.
Certes, on peut nourrir des doutes sur un certain nombre de points – ce fut mon cas dans le passé, je le reconnais –, mais les entreprises, contrairement à ce qui a été trop souvent dit, non seulement ont parfaitement compris le dispositif, mais l’apprécient et nous demandent de ne pas y toucher.
Les interrogations que l’on peut avoir sur le CICE portent d’abord sur le fait qu’il s’agit d’un dispositif général, qui n’est pas ciblé. Mais en quoi un dispositif d’allégement de cotisations sociales pourrait-il l’être davantage ? Je le dis à l’intention de ceux qui souhaitent remplacer le CICE par un allégement des charges.
Je ne vois pas sur quel fondement juridique, compatible avec les règles européennes et la Constitution, on pourrait supprimer les cotisations sociales pour les entreprises industrielles, mais les maintenir pour La Poste, par exemple. Vous savez fort bien que cela est impossible, qu’il s’agisse de l’impôt ou des cotisations sociales. Nous n’avions donc d’autre solution que de proposer un dispositif général, qui comporte forcément des effets d’aubaine.
En ce qui concerne La Poste, je ne partage pas votre analyse, monsieur Sansu. Le groupe, dont je rencontre régulièrement le P-DG, Philippe Wahl, est aujourd’hui en difficulté mais, sans le CICE, elle serait dans le rouge – et même le rouge foncé. Vous savez aussi bien que moi que la baisse des expéditions de courrier rend très délicate sa situation financière, qu’équilibrent à peine les résultats de la Banque postale.
Le CICE est désormais une solution connue, utilisée et appréciée des entreprises. Nous y avons apporté des correctifs. Nous avons compensé les inégalités de situation entre les cliniques privées et les hôpitaux publics ou les établissements publics à but non lucratif par des tarifications différentes ; nous avons modulé la taxe sur les surfaces commerciales – la TASCOM –, afin de rattraper les effets d’aubaine pour les groupes de la grande distribution, ce que certains n’ont pas apprécié. En outre, nous allons instaurer un crédit d’impôt sur la taxe sur les salaires – CITS –, qui permettra de mettre à niveau le secteur de l’économie sociale et solidaire, lequel ne bénéficie pas du CICE puisqu’il ne paie pas l’impôt sur les sociétés. Ce secteur percevra ainsi une compensation de l’ordre de 600 millions d’euros.
Telles sont les raisons pour lesquelles je vous demande de rejeter ces amendements de suppression et d’adopter l’article 44.
Avec le CICE et le pacte de responsabilité, nous n’avons pas fait de miracle – c’est un euphémisme. Pour autant, la substitution d’une augmentation d’un point du CICE à la suppression de la C3S m’apparaît comme un moindre mal. Comme M. le secrétaire d’État l’a parfaitement expliqué, il est préférable d’augmenter un crédit qui bénéficie à toutes les entreprises, notamment aux PME, plutôt que de supprimer un impôt que seules les très grandes entreprises acquittent. C’est la réponse à une attente qui s’est largement manifestée lors des débats nombreux que nous avons eus sur le CICE.
Lors des Assises de la fiscalité, en 2014, les représentants des PME et des multinationales débattaient pour savoir si la baisse des impôts devait porter sur le haut de bilan, sur la production ou sur les bénéfices. Les grandes entreprises, et elles l’ont emporté, préféraient que la baisse affecte l’impôt de production, dit « impôt idiot ». Idiot, pas tant que ça ! Je comprends mieux maintenant pourquoi elles avaient intérêt à agir sur l’impôt de production : c’est celui qui échappe le plus à l’évasion fiscale. En ce sens, il faut absolument maintenir les impôts de production, tant qu’on n’aura pas assaini la question du transfert de bénéfices et de l’évasion fiscale.
Il conviendrait que nous ayons une vision plus globale des plus et des moins pour les entreprises. Vous avez commencé à le faire, monsieur le secrétaire d’État, en évoquant le cas des grandes surfaces, un secteur qui a été pointé du doigt, avec le secteur bancaire. Je me souviens qu’avec la TASCOM et le dispositif sur la réduction du temps de travail entre douze heures et quatorze heures, c’est quasiment 80 % du CICE que l’on a pu récupérer. J’aimerais avoir un aperçu pour l’ensemble des secteurs.
Monsieur le secrétaire d’État, je partirai de la chute finale de M. Sansu.
Sourires.
Il est effectivement un peu prématuré de parler aujourd’hui d’évaluation. Dans le cadre du rapport spécial que j’élabore à l’occasion du budget, j’auditionne chaque année des partenaires sociaux – organisations patronales et syndicales. J’ai reçu ces dernières au lendemain de leur journée de travail consacrée à l’évaluation du rapport et, à l’exception de l’une d’entre elles, qui était un peu mal à l’aise – on la connaît ! –, toutes les autres organisations syndicales étaient très favorables à cette mesure.
La baisse des cotisations des entreprises par le biais du CICE n’était peut-être pas le système idéal, mais ce système a le mérite d’exister et il est du reste très difficile de le transformer, car une baisse des charges serait très coûteuse et se traduirait par une augmentation du résultat des entreprises.
Contrairement à ce qu’a déclaré Mme Dalloz, toutes les organisations patronales, y compris le MEDEF – dont les membres présents, il est vrai, ne représentaient pas les très grands groupes, lesquels étaient globalement favorables à la suppression totale de la C3S – étaient plutôt satisfaites de cette évolution. Le résultat est là et il convient de conforter la compétitivité de nos entreprises, car ce dispositif commence à produire des effets et toute modification d’un système au gré des discussions budgétaires est très préjudiciable.
Les entreprises ont en effet besoin de sécurité fiscale. Certaines ont trop profité de ce dispositif. C’est le cas de La Poste, pour laquelle nous avons récupéré les excès du CICE en reprenant certains avantages liés à la diffusion de la presse. On a donc demandé à La Poste des efforts particuliers et corrigé progressivement les excès qui pouvaient exister, même s’il reste beaucoup à faire. Il est donc évident qu’il faut voter cette augmentation d’un point du CICE.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 720 .
Mes chers collègues, j’ai le plaisir de vous annoncer que cet amendement est hollandiste.
Sourires.
Vous vous souvenez tous, en effet, des déclarations qu’a faites le Président de la République lors de son intervention télévisée du 6 novembre 2014 : « Nous allons faire le CICE pendant trois ans […] ça va monter en régime et après, en 2017, tout ce qui a été mis sur l’allégement du coût du travail, ça sera transféré en baisse des cotisations sociales pérenne ». Cette promesse a d’ailleurs été réitérée en janvier 2016, le chef de l’État lui trouvant alors trois avantages : elle donnerait davantage de « clarté » pour les entreprises, pérenniserait un dispositif « de manière à ce qu’il n’y a pas de doutes » sur son existence et permettrait « la généralisation » de l’allégement du coût du travail « à l’ensemble des activités du pays ». C’est, vous le savez, la thèse que défend l’UDI depuis des années.
Ce dispositif coûte 20,5 milliards d’euros. En transformant le CICE en un abaissement de charges sociales patronales sur les cotisations famille – qui représentent, je le rappelle, un peu plus de 30 milliards d’euros –, le caractère déductible de cette charge permet d’aboutir à un montant de 25 milliards d’euros. Une petite mesure de TVA sociale permettrait alors de supprimer totalement les 3,45 % de cotisation patronale finançant la branche famille, et donc de fiscaliser enfin cette dernière.
Voilà, mes chers collègues, la proposition du groupe UDI. Ceux qui voteront pour cet amendement se situeront ainsi dans la ligne du Président de la République et je ne doute pas que le président Le Roux incitera le groupe socialiste à respecter les engagements de celui-ci.
Nos collègues du groupe Les Républicains étant, comme nous, favorables à l’abaissement des charges plutôt qu’au CICE, cet amendement no 720 devrait rencontrer une quasi-unanimité nationale.
Sourires.
Il y aurait beaucoup à dire, monsieur le député, mais je me limiterai à un point. Je ne comprends pas votre raisonnement, selon lequel un allégement de cotisations serait plus pérenne qu’un avantage fiscal. En quoi, en effet, le Parlement serait-il plus enclin à supprimer un avantage fiscal qu’un allégement de cotisations sociales ?
C’est imbécile ! – pardon de le dire un peu franchement à ce moment de nos débats.
J’ai entendu cent fois cet argument. On peut le comprendre de la part d’un parlementaire qui fait de la politique et des effets de manches, mais je l’ai également entendu formuler par des entreprises, qui affirment qu’un allégement de cotisations serait plus pérenne qu’un allégement d’impôt. Ne voyez-vous donc pas que les cotisations sociales évoluent, comme les taux d’imposition et les crédits d’impôt ? Je ne comprends vraiment pas cet argument et ne le comprendrai jamais.
Quant au coût de l’opération, il y a, comme vous le savez, un décalage d’un an entre le coût de ce dispositif pour le budget de l’État et son bénéfice pour les entreprises. Dans quelque sens que vous retourniez la question, le rétablissement se soldera donc par une année double. C’est incontournable.
Et si vous tirez argument de l’augmentation de l’impôt sur les sociétés résultant de la baisse des charges, vous nous prenez pour des zozos. Chacun sait en effet que, dans toutes les évaluations que nous réalisons, nous corrigeons toujours les allégements ou augmentations de cotisations auxquels nous procédons par l’effet qu’elles induisent automatiquement sur l’impôt sur les sociétés. J’ai donc le regret de vous le dire : votre calcul ne tient pas et le Gouvernement est bien évidemment défavorable à cet amendement.
Monsieur le secrétaire d’État, je suis très choqué par votre réponse, qui attaque directement le Président de la République.
Sourires.
Effet de manches !
Permettez-moi de citer à nouveau les propos qu’il a tenus le 6 novembre 2014 : « Nous allons faire le CICE pendant trois ans […] ça va monter en régime et après, en 2017, » – c’est ce dont nous parlons – « tout ce qui a été mis sur l’allégement du coût du travail sera transféré en baisse de cotisations sociales pérenne ». Ce n’est pas moi qui le dis, mais François Hollande,…
…qui a réitéré ces déclarations en janvier 2016. Mon amendement est donc hollandiste !
J’en viens maintenant à la deuxième partie de votre réponse. Le coût du CICE est, selon vos estimations, de 20,5 milliards d’euros en 2017 – ce n’est pas moi qui le dis, mais vos documents budgétaires. Il n’y a en outre pas lieu de tenir compte d’un effet sur l’IS, car il s’agit d’un crédit d’impôt.
Si la nouvelle majorité qui, je l’espère, sera issue des élections législatives transforme, comme elle s’y était engagée – et comme, par parenthèse, s’y était également engagé le Président de République – le CICE en baisse des cotisations sociales patronales, cela deviendra une charge déductible. Un montant de 20,5 milliards d’euros produira donc environ 5 milliards d’euros d’IS de plus.
Vous rendez 5 milliards d’euros aux entreprises !
On peut donc prévoir une mesure d’un coût de 25 milliards d’euros pour annuler cette différence. Le solde sera alors neutre par rapport à l’existant.
Il faut même prévoir 28 milliards !
Ce chiffre de 25 milliards d’euros approche du montant nécessaire pour supprimer les 3,45 % de cotisations sociales patronales alimentant la seule branche universelle qu’est la branche famille, lesquelles représentent 30 milliards d’euros. Il suffirait ainsi d’une petite mesure complémentaire pour atteindre ce résultat. Je ne comprends donc pas votre argument.
Vous soulevez le problème du passage du CICE au système d’une baisse des cotisations sociales patronales.
La réponse est très simple : on fera ce qu’on a toujours fait, à savoir geler la créance et voir plus tard si on la rembourse.
L’amendement no 720 n’est pas adopté.
Sourires.
Cet amendement, qui vise à cibler davantage le dispositif, a souvent fait l’objet de débats et je sais qu’il ne trouvera pas plus grâce aujourd’hui qu’auparavant. Je défendrai conjointement mon amendement no 1089 , qui tend quant à lui à établir une répartition en fonction de la taille de l’entreprise et de son chiffre d’affaires. Je sais cependant que ces deux amendements ne prospéreront pas et je les retirerai donc.
Sourires.
La commission, monsieur Sansu, a effectivement émis un avis défavorable sur cet amendement. Elle a examiné, pour ce qui concerne les secteurs d’activité, les rapports d’évaluation fournis notamment par France Stratégie en septembre sur l’efficacité du CICE et des différents soutiens apportés aux entreprises. L’avis est cependant défavorable à ces deux amendements, qui ont en effet déjà été présentés l’an dernier.
Monsieur Sansu, vous êtes toujours fidèle à nos travaux, alors que les membres de votre groupe ne sont pas toujours très nombreux en séance – mais c’est leur problème. C’est donc avec beaucoup d’amitié et de respect que je vous dis que le fait de présenter systématiquement les mêmes amendements ne sert pas l’image du Parlement. On peut – pourquoi pas ? – les présenter plusieurs fois, mais pourquoi ne pas au moins les modifier pour tenir compte des objections et des votes de l’Assemblée ?
Vous savez aussi bien que moi que l’amendement no 1007 n’est pas conforme au droit communautaire. Vous pouvez certes – vous le dites et vous l’assumez – être opposé au CICE et au droit de l’Union européenne, du moins tel qu’il est actuellement en vigueur, mais pourquoi proposer à notre assemblée de voter une mesure orthogonale au droit communautaire ? Vous déclarez en effet que vous souhaitez n’aider que les entreprises soumises à la concurrence internationale, alors que le droit communautaire prévoit exactement l’inverse.
En deuxième lieu, vous renvoyez à un décret le soin de préciser la notion d’entreprise exposée à la concurrence internationale. Je vous ai déjà demandé avec un peu d’humour d’imaginer un conseiller d’État assis devant une page blanche sur laquelle il devrait dresser la liste des entreprises soumises à la concurrence internationale ou, par défaut, des entreprises contraires : je nous souhaite collectivement bien du plaisir ! C’est du reste précisément pour cela que vous renvoyez à un décret. Comment décrire, en effet, ce que cela signifie que d’être soumis à la concurrence internationale ? Qu’en est-il pour une entreprise industrielle ou de services ? Les banques le sont-elles plus ou moins que les autres ? Et les entreprises de la grande distribution ? Ce n’est apparemment pas le cas des notaires – et encore ! Quant aux avocats, ils sont soumis la concurrence de leurs confrères étrangers. On n’en sort pas !
Pardon de vous dire tout cela sur un ton un peu provocateur. Toujours est-il que le Gouvernement est évidemment défavorable à cet amendement no 1007 , ainsi qu’à l’amendement no 1089 .
Monsieur le secrétaire d’État, nous disposons tout de même du droit d’amendement, qui est imprescriptible – on a parfois tendance à l’oublier.
La question de la conditionnalité est apparue dès l’élaboration du CICE et n’a pas été réglée. On peut dire aujourd’hui que c’était une bêtise que de vouloir conditionner et cibler ce dispositif, mais c’est aussi paresse de notre part que de ne pas y être parvenus. Le ciblage et la conditionnalité auraient en effet permis une meilleure acceptation du dispositif par certains de nos concitoyens qui trouvent que le CICE est très coûteux, pour un résultat peu évident.
Et les 55 000 créations d’emplois au dernier trimestre ? C’est du jamais vu depuis dix ans !
L’amendement no 1007 est retiré.
Un mot tout d’abord sur le débat qui vient d’avoir lieu avec M. le secrétaire d’État : certes, nous redéposons les mêmes amendements mais le travail parlementaire et le Gouvernement nous donnent parfois raison. Ainsi, nous avons défendu plusieurs fois la transformation de la réduction d’impôt pour l’aide à domicile des retraités en crédit d’impôt : et voilà que nous y parvenons dans le PLF pour 2017 ! S’il arrive qu’un même amendement, déposé plusieurs fois, soit retoqué avec de très bonnes raisons, il est parfois possible qu’il finisse par passer.
Par ailleurs, je ne peux pas vous laisser dire que toutes les entreprises sont exposées à la concurrence internationale. Il faut arrêter de laisser planer cette idée, car c’est tout simplement faux : la majorité des entreprises ne sont pas dans un système de concurrence avec l’international. Cet argument est tout le temps avancé alors qu’il n’est que très partiellement vrai.
Le présent amendement, que nous avons déjà présenté – raison pour laquelle j’ai fait cette introduction – lors des deux derniers exercices budgétaires, vise à adapter au mieux le CICE pour lui permettre, tout en maîtrisant ses coûts, d’atteindre les objectifs ayant présidé à son élaboration.
En effet, il s’agit de fixer des taux différents en fonction de la taille des entreprises bénéficiaires, au profit naturellement des TPE et des PME. Ces dernières ne bénéficient que du tiers des créances allouées alors qu’elles ont créé la majorité des emplois en France ces dernières années. En somme, il s’agit d’un amendement de bon sens. Il est d’ailleurs soutenu par la majorité des Français, comme l’a montré un sondage réalisé sur ce sujet en 2015.
Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements en discussion commune ?
Je suis bien conscient que le droit d’amendement est constitutionnel, monsieur le député Sansu : je vous l’ai dit avec respect, amitié et, je le crois, suffisamment de précautions.
Je souhaite dire ceci à Mme Sas : il est arrivé que mes enfants me demandent de changer de voiture. Je leur ai répondu : « Cette année, on ne peut pas : je n’ai pas l’argent ». Ils me l’ont redemandé l’année d’après. Je leur ai répondu : « Je ne peux toujours pas, on n’a pas l’argent ». Puis, la troisième année, je leur ai dit : « Cette année, on peut changer de voiture ! »
Sourires.
Vous faites allusion à un exemple de transformation d’une réduction d’impôt en crédit d’impôt, dans une disposition que nous étudierons tout à l’heure. Oui, parfois on a l’argent, on a des marges pour le faire ; et parfois, on ne les a pas.
Avis défavorable : nous nous sommes souvent exprimés sur ce sujet.
L’amendement no 1089 est retiré.
L’amendement no 988 n’est pas adopté.
La parole est à M. Stéphane Claireaux, pour soutenir l’amendement no 1015 .
Si vous n’y voyez pas d’inconvénient, madame la présidente, je présenterai conjointement l’amendement no 1014 .
Ces deux amendements ont été déposés par mon collègue Ary Chalus. Alors que le Gouvernement propose, dans le présent projet de loi de finances pour 2017, de porter le taux du CICE de 6 % à 7 %, l’amendement no 1014 vise à « sur-majorer » le taux applicable en outre-mer à 10 %. L’amendement no 1015 est quant à lui un amendement de repli, qui prévoit – c’est bien le moins – de maintenir la majoration du taux de CICE en outre-mer à 9 %.
Il s’agit de proposer un autre moyen de compenser la disparition, du fait de la hausse d’un point du CICE décidé par l’article 44, du différentiel de trois points existant entre l’Hexagone et les départements d’outre-mer.
À la différence des amendements précédents, il s’agit ici de proposer un taux de 12 % non pas pour l’ensemble des entreprises d’outre-mer, mais pour certains secteurs méritant d’être soutenus et qui, d’ailleurs, ont été retenus dans le cadre de la loi pour le développement économique des outre-mer. Il s’agit des secteurs de la recherche et développement, des technologies de l’information et de la communication, du tourisme – y compris les activités de loisir s’y rapportant –, de l’agro-nutrition, de l’environnement et des énergies renouvelables.
Le dispositif concernerait des secteurs prioritaires, avec un ciblage permettant d’organiser la compétitivité et l’efficacité. Son coût budgétaire serait de 30 millions d’euros, soit un coût moindre que la hausse d’un point qui pourrait être proposée pour l’ensemble des secteurs en outre-mer, laquelle coûterait 80 millions d’euros.
De la même façon, nous défendons le présent amendement pour maintenir une attractivité plus forte du CICE outre-mer.
Il y a plusieurs points dans l’amendement présenté par Mme Louwagie. Tout d’abord, sur la forme, vous renvoyez au 3° du III de l’article 44 quaterdecies du code général des impôts : votre amendement ne concerne donc que la Guadeloupe, la Martinique et la Réunion. Je pense que votre volonté n’était pas de concentrer votre amendement seulement sur ces trois départements.
Par ailleurs, il existe des exonérations de cotisations par secteur dans les zones du littoral. Vous voudriez le même dispositif pour le CICE, ce qui n’existe pas aujourd’hui, puisqu’il existe un taux unique dans l’ensemble de l’outre-mer. S’il est rehaussé de trois points, comme vous l’avez clairement précisé, il est identique pour tous les secteurs d’activité. Vous voudriez donc prendre un morceau de ce qui existe pour les exonérations de cotisations pour l’appliquer au CICE. Cette évolution peut être envisagée, mais la multiplication des taux de CICE ne serait sans doute pas judicieuse.
Enfin, nous avons discuté avec la Fédération des entreprises des outre-mer – la FEDOM – dans le cadre de ce projet de loi de finances pour 2017. Nous reposerons certaines questions à la Commissaire à la concurrence le 2 décembre prochain, lors de son audition devant la commission des finances. Elle a autorisé une enveloppe globale de soutien au développement économique de l’outre-mer. Or ce niveau n’a pas atteint, parce que divers dispositifs juridiques empêchent de le faire. Il serait souhaitable que nous discutions de ce sujet le 2 décembre en commission des finances avant de revoir notre position, le cas échéant, lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative, dans deux ou trois semaines – ce n’est pas très éloigné dans le temps. Cela nous permettrait d’avoir une vision globale et de résoudre cette question.
En tout état de cause, plutôt que d’avoir un taux de CICE qui ne serait pas uniforme dans l’ensemble des outre-mer, comme cela se fait pour les exonérations de cotisations sociales, je préférerais que l’on en reste à l’unité du taux.
Pour toutes ces raisons, je suggère le retrait de ces amendements, sinon j’émets un avis défavorable. Nous aborderons de nouveau ce sujet lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative.
Même avis.
L’amendement no 595 est retiré.
L’amendement no 734 est retiré.
L’article 44 est adopté.
La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-cinq, est reprise à dix-sept heures trente-cinq.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 721 .
Nous sommes tous favorables au maintien du dispositif des jeunes entreprises innovantes – JEI. La question est de savoir si on le prolonge temporairement ou si on le rend pérenne.
Je vous propose par cet amendement de rendre ce dispositif pérenne puisque tout le monde le trouve très bien. Cela permettrait de donner de vraies perspectives.
La commission est défavorable à cet amendement, d’autant qu’il ne se contente pas de rendre permanent le dispositif des jeunes entreprises innovantes : il supprime également la référence à la durée d’exonération de cotisation foncière des entreprises – CFE –, qui est de sept ans.
Vous la rendez permanente elle aussi ? Ce n’est pas ce que vous avez dit.
Rires.
Certes !
Pour ces deux raisons, monsieur de Courson, l’avis est défavorable !
Même avis, madame la présidente.
L’amendement no 721 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement no 928 .
Je pense que mon amendement est largement satisfait. Je le retire donc.
L’amendement no 928 est retiré.
L’article 45 est adopté.
Je souhaitais intervenir à ce moment de notre débat pour préciser quelques points à propos d’un amendement que j’ai déposé avec de nombreux collègues de tous les groupes de l’Assemblée nationale. Cet amendement portant article additionnel après l’article 46, tend à créer un impôt sur les bénéfices détournés.
Je présenterai plus en détail cet amendement tout à l’heure mais je tiens d’ores et déjà à préciser quelques points importants.
Mon amendement n’est pas en contradiction avec la politique menée par le Gouvernement depuis quatre ans, que je salue. Le Gouvernement et la majorité, je le reconnais volontiers, monsieur le secrétaire d’État, ont été à la pointe de la lutte contre l’optimisation fiscale agressive depuis le début du quinquennat, imposant le reporting pays par pays et la déclaration de prix de transfert, s’impliquant fortement dans la négociation et la réalisation du plan de lutte contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices – dit « plan BEPS » – au sein de l’OCDE et j’en passe.
Actuellement, la législation prévoit déjà des procédures permettant de lutter contre les prix de transfert abusifs pratiqués par certaines entreprises multinationales. Ces procédures ont été améliorées par la majorité, notamment à travers des modifications de l’article 57 du code général des impôts et de la procédure d’abus de droit.
Cependant, monsieur le secrétaire d’État, je tiens à préciser, eu égard aux échanges que j’ai pu avoir avec vous, que cet amendement n’a pas du tout vocation à le concurrencer et à créer un mécanisme parallèle. Il vise simplement à compléter le mécanisme dont nous disposons.
Premièrement, il ne se limite pas aux transferts : il impose effectivement les bénéfices réalisés par le biais d’une activité en France, à la manière de l’article 209 B du code général des impôts s’agissant des entreprises françaises contrôlant une entreprise à l’étranger, qui ne crée pas non plus un mécanisme parallèle à ce qui existe déjà.
Deuxièmement, il introduit une nouvelle norme visant explicitement les entreprises qui évitent de déclarer un établissement stable dans le but d’éluder ou d’atténuer l’impôt dû en France. Cette disposition, qui n’a jamais été envisagée par le droit fiscal français et qui vise notamment les accords de commissionnaires, les entrepôts ou simplement des entreprises qui ne facturent pas en France mais directement dans d’autres pays, serait un apport fondamental à notre législation.
Je voudrais ajouter une deuxième précision d’ordre plus technique. Cet amendement est une version améliorée d’un amendement adopté la semaine dernière par la commission des finances sur mon initiative. Comme je m’y étais engagé à la suite des remarques constructives formulées par certains collègues, notamment Mme la rapporteure générale, cette nouvelle version vise à répondre à certaines interrogations quant à la constitutionnalité et à la portée du dispositif.
Je tiens enfin à dire que je me réjouis que le débat parlementaire permette d’éclairer les propositions et les positions de chacun sur cette question essentielle de l’injustice fiscale au profit des multinationales et au détriment des entreprises françaises.
Si je ne m’abuse, monsieur Galut, vous venez de défendre l’amendement no 1085 ?
Je précise que nous sommes en train d’écouter les orateurs inscrits sur l’article 46.
La parole est à M. Paul Giacobbi.
Je commettrai le même pêché, c’est-à-dire que je profiterai de mon intervention pour défendre les amendements nos 792 et 793 , le second n’étant qu’un amendement de repli par report d’application au 1er janvier 2018. Cela ne vous dispensera pas de devoir me subir encore une fois par la suite !
L’amendement no 792 vise à modifier l’assiette du crédit d’impôt au titre des investissements réalisés en Corse. Le Gouvernement nous a donné tous les arguments possibles et imaginables en faveur de ce type d’amendements, en décrivant dans son rapport le tissu des entreprises en Corse : 95 % de très petites entreprises, malheureusement très peu diversifiées, oeuvrant essentiellement dans les services, notamment la construction, le commerce et l’hébergement-restauration, et souffrant d’une situation économique dégradée.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement prévoit de « booster » le crédit d’impôt pour l’investissement en Corse, le CIIC, en portant son taux à 30 % au bénéfice des TPE corses.
Nous vous proposons d’élargir l’assiette de cet impôt à des investissements intelligents et innovants,…
…à savoir les dépenses de conception de logiciels, de création de sites en ligne et de brevets et marques développés en interne.
En effet, aucune des mesures fiscales destinées spécifiquement à la Corse ne concerne l’innovation. On parle toujours de solder le passé mais on s’intéresse assez peu à l’innovation. J’ai bien essayé de doper le crédit d’impôt recherche pour la Corse mais sans succès hélas, malgré votre compréhension et votre bienveillance, monsieur le secrétaire d’État.
Il se trouve qu’il existe en Corse une activité dynamique de conception de logiciels et de création de sites internet très largement tournée, il est vrai, vers une clientèle extérieure à la Corse mais qui peut également servir une clientèle intérieure, essentiellement des TPE qui pourraient ainsi plus facilement se moderniser grâce à des outils logiciels adaptés à leur activité.
Par conséquent, c’est une disposition très dynamique qui vous est proposée. Elle ne coûterait pas cher mais permettrait une double évolution. D’une part, les TPE corses ne se développeront pas sans des outils de commercialisation de notre temps, qui sont des outils informatiques. D’autre part, ce serait un encouragement considérable à la création de logiciels sur place et nous avons ce qu’il faut pour cela.
C’est donc un cercle vertueux que nous vous proposons de créer : un petit cercle, mais qui ne demande qu’à s’élargir.
Sourires.
Peut-être le Gouvernement ne souhaitera-t-il pas discuter de ces amendements tout de suite. Nous avons admis qu’il devait y avoir un aggiornamento de la fiscalité corse : je l’appelle de mes voeux. Très prochainement, nous examinerons un amendement commun à un certain nombre de députés – Camille de Rocca Serra, François Pupponi, votre serviteur et d’autres –, sur des bases qui ne sont pas exclusivement territoriales puisque François Pupponi est élu à Sarcelles.
Sourires.
Cet amendement est très important. Il sera prochainement discuté à l’occasion d’une fenêtre d’initiative parlementaire : celle du groupe Les Républicains. Mais il faudra bien travailler sur l’ensemble des sujets et arriver à ce que la fiscalité corse prépare l’avenir, au lieu de solder le passé.
Ils ont été examinés la semaine dernière au titre de l’article 86 du règlement.
Il n’est pas tout à fait juste de dire, comme l’a fait M. Giacobbi, qu’il n’y aurait rien pour l’innovation en Corse. En effet, le crédit d’impôt innovation – CII – vaut pour tout le territoire national, dont la Corse. Il est donc faux de dire qu’il n’y a pas de soutien à l’innovation en Corse.
En revanche, les taux spécifiques qui sont appliqués au crédit d’impôt recherche – CIR – et au CIIC visent à répondre à certaines préoccupations que nous sommes plusieurs à avoir sur l’ensemble de ces bancs. À ce jour, pour certains développements informatiques – ce qui est votre préoccupation –, le crédit d’impôt recherche peut s’appliquer, bien entendu au taux qui existe en Corse.
On peut toujours aller plus loin, mais cela entraîne des dépenses. Nous avons estimé que l’ensemble des outils qui existent aujourd’hui répondent aux préoccupations qui sont les vôtres. C’est pourquoi l’avis est défavorable.
Il ne faudrait pas oublier ce qu’apporte cet article. Certes, on peut toujours faire plus, mais cet article tend à augmenter de 50 %, en faisant passer le taux de 20 % à 30 %, le crédit d’impôt qui bénéficie à des PME corses. Vous souhaitez en élargir l’assiette et faire bénéficier de ce dispositif des activités qui sont déjà couvertes, comme l’a dit Mme la rapporteure générale, par d’autres dispositions : le CII et le CIR. Je rappelle que le crédit d’impôt innovation subventionne les dépenses nécessaires à la conception etou à la réalisation de prototypes ou d’installations pilotes d’un produit nouveau. Quant au crédit d’impôt recherche, il subventionne les dépenses de recherche scientifique et technique des entreprises.
Il ne semble donc pas nécessaire d’élargir l’assiette éligible au crédit d’impôt corse aux dépenses que vous avez évoquées. Le Gouvernement n’est pas favorable à votre amendement.
J’entends bien ce que nous dit le Gouvernement : certes, et j’en remercie M. le secrétaire d’État, cet amendement vient modifier une disposition qui est en effet importante puisqu’elle augmente le taux du CIIC.
Je dis simplement qu’au lieu de n’encourager que les secteurs traditionnels – c’est-à-dire l’hôtellerie, la restauration, le commerce et la construction, auxquels je rends bien entendu hommage –, il serait intelligent et peu coûteux d’aider aussi, par un léger élargissement de l’assiette, des activités informatiques qui ont manifestement connu ces dernières années, en Corse, une tendance à se développer.
Vous me direz alors qu’ils n’ont pas besoin d’aide. Si, quand même ! Ces activités bénéficient pleinement du crédit d’impôt recherche, j’en conviens, mais comprenez qu’il est peut-être plus délicat et compliqué de créer des logiciels à Ajaccio que près de Paris ou à Sophia Antipolis.
Enfin, je dirai une chose simple : je serai le plus heureux des hommes le jour où la Corse n’aura besoin d’aucune disposition fiscale particulière, d’aucune aide spécifique pour son équipement.
Sourires.
Attention, j’en prends note !
Rires.
Cela signifierait que ce territoire et ses habitants jouissent de conditions d’équipement, de développement économique, d’innovation et de transports au moins équivalentes à celles qui existent partout ailleurs. À ce moment-là, évidemment, il n’y aurait plus la moindre justification à une mesure particulière. Mais je vous assure que nous en sommes encore loin.
Enfin, quand on progresse vers cet état-là, c’est favorable au Gouvernement, à l’État, à la République et à la nation dans son ensemble, puisque cela procure des ressources nouvelles.
Je maintiens donc mes amendements.
Je suis tout à fait favorable à ces deux amendements. Paul Giacobbi a raison : nous ne sommes pas ici pour défendre ce qui est et qui devrait perdurer, mais au contraire pour promouvoir une économie. Vient le moment où il faut démarrer une activité et la soutenir.
Tous les territoires ne sont pas égaux dans notre République. Nous sommes tous égaux, mais pas les territoires…
J’aurais aimé quant à moi, depuis des décennies, qu’on puisse implanter des centres de recherche, développer des activités productives. Ce n’est pas ce Gouvernement qui est responsable de la situation. Il n’y a eu qu’un engagement, en quarante ans, de la part d’un gouvernement : la création, par association de capitaux d’entreprises, de Corses Composites Aéronautiques. Nous avons créé une filière aéronautique qui, aujourd’hui, ne demande rien à personne, sinon d’être défendue au niveau européen. Elle produit des éléments pour Airbus : l’A 380, l’A 350 et la gamme Neo.
Cela veut dire que s’il y a un vrai engagement politique, nous pouvons produire : il y a de la matière grise.
Monsieur le secrétaire d’État, ce que nous demandons, avec Paul Giacobbi et l’ensemble des élus de la Corse, c’est simplement ce petit booster qui nous permette de passer d’une économie qui végète à une économie dynamique.
Ensuite, dans la durée, il est bien entendu que les mesures qui ne sont plus utiles ne doivent pas être maintenues.
J’ai défendu, pendant l’examen de la première partie du budget, des amendements tendant à la même fin sur le crédit d’impôt recherche et sur le crédit d’impôt innovation. Nous entrons dans une dimension nouvelle et Paul Giacobbi a raison de défendre ses amendements auxquels, je le répète, je suis tout à fait favorable. J’en défendrai ensuite un autre, d’une nature différente.
Nous avons encore besoin de tels outils. Cela dit, je peux comprendre que certains doutent de leur efficacité. On peut toujours douter. Il faudra, par la suite, prévoir une évaluation de ces dispositifs, mais nous devons, au départ, nous engager en faveur du développement d’une économie de production à forte valeur ajoutée. C’est cela qui fera la différence et nous évitera la mono-activité, touristique ou autre.
Nous avons là des outils parfaitement adaptés. Ce matin, nous avons discuté du Fonds d’investissement de proximité – FIP – outre-mer, sur la base du FIP Corse. Je ne suis pas défavorable à cette mesure. J’ai défendu dans cet hémicycle le FIP Corse qui aujourd’hui porte ses fruits, croyez-moi. Je serais heureux qu’il en aille de même outre-mer. Pour autant, je serais parfois heureux que la Corse puisse bénéficier de certains avantages de l’outre-mer, étant donné que l’insularité pose les mêmes problèmes, que l’on soit à 300, à 3 000 ou à 5 000 kilomètres des côtes.
Sourires.
La parole est à M. Camille de Rocca Serra, pour soutenir l’amendement no 489 .
Cet amendement, différent de ceux de Paul Giacobbi, vise à élargir le périmètre de la mesure. L’article 46, en effet, est un bon article, en faveur des petites entreprises corses. Mais je m’en tiens pour ma part à la recommandation de la Commission européenne qui, contrairement à cet article, définit les petites entreprises comme celles qui n’emploient pas plus de 50 salariés et dont le chiffre d’affaires ou le total du bilan annuel n’excède pas 10 millions d’euros.
Étendre à ces entreprises la majoration à 30 % du taux du crédit d’impôt permettrait d’aider 12 % d’entreprises supplémentaires – nous passerions de 8 966 à 10 217 unités, soit 1 251 entreprises. Ce faisant, la mesure bénéficierait à 10 217 entreprises employant 49 180 salariés, soit 78 % des effectifs du secteur privé. Cela pourrait être intéressant pour l’ensemble de l’activité et pour les salariés des entreprises corses.
Lors d’un déplacement en Corse, le Premier ministre a pris un certain nombre d’engagements, parmi lesquels figurait la majoration du crédit d’impôt corse, mais pas l’extension de son assiette.
Je sais bien qu’à chaque geste positif, on nous en demande un plus grand. Les incidences budgétaires ne sont pas massives, mais il existe tout de même des dispositifs très spécifiques en Corse : il est sage de s’en tenir au niveau auquel nous sommes aujourd’hui parvenus.
Si l’amendement était maintenu, l’avis du Gouvernement serait défavorable.
L’amendement no 489 n’est pas adopté.
L’article 46 est adopté.
Je suis saisie de plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 46.
Nous commençons par trois amendements, nos 985 , 750 et 854 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 750 et 854 sont identiques.
La parole est à M. Jean-Marie Beffara, pour soutenir l’amendement no 985 .
Il concerne le secteur de la presse qui, comme vous le savez, est fragilisé par le numérique, par les changements d’usages et par l’effondrement du marché publicitaire.
De nombreux dispositifs d’aide existent mais ils sont aujourd’hui concentrés à 96 % sur la presse d’information politique et générale – dite IPG –, ce qui se justifie par ailleurs eu égard à son rôle et à sa contribution au pluralisme du débat démocratique. Néanmoins, un autre type de presse, la presse spécialisée, est aussi utile en matière de diffusion des connaissances et du savoir ; elle souffre des mêmes difficultés et, en plus, de tarifs postaux beaucoup plus élevés.
Pour la presse spécialisée, le décret du 26 août 2016 ouvre droit au financement par le biais du fonds stratégique pour le développement de la presse, lequel permet une adaptation aux évolutions numériques. L’article 39 bis A du code général des impôts propose également une telle aide à travers la possibilité de constituer une provision déductible du résultat pour les investissements dans le numérique.
Cet amendement vise à conférer à la presse spécialisée les mêmes droits que la presse IPG, décrits à l’article susmentionné. Il répond exactement aux mêmes objectifs que l’amendement que la commission des finances a fait sien, mais dans une rédaction un peu différente puisqu’il ne mêle pas la presse IPG et la presse de la connaissance et du savoir dans le même article mais crée un article additionnel, le 39 bis B, reprenant les mêmes dispositions que le 39 bis A et permettant d’éviter, en cas de référence à l’article, de mélanger les deux types de presse.
Je le retire au bénéfice de l’amendement no 985 de M. Beffera, auquel la commission est donc favorable. L’amendement de la commission, en effet, s’appuie sur un article qui ne sera plus opérationnel à compter du 31 décembre 2017, alors que le dispositif proposé est mis en oeuvre à compter du 1er janvier 2018. Nous l’avions adopté tout en connaissant ce petit point de rédaction que corrige l’amendement de M. Beffara, lequel permet de répondre à la fois aux contraintes techniques et à l’objectif poursuivi.
L’amendement no 750 est retiré.
J’imagine que la commission va inviter M. Le Fur à faire de même s’agissant de son amendement identique no 854 ...
Je le retirerai, en effet, après l’avoir malgré tout présenté, bien évidemment.
Il est vrai que la presse connaît des difficultés majeures, chacun en est conscient. Il est vrai qu’un certain nombre de dispositifs ont été mis en place par l’État, ce qui est une bonne chose, mais il se trouve qu’ils sont spécialisés pour la presse d’information politique et générale, oublieux qu’ils sont des problèmes identiques rencontrés par la presse professionnelle, alors qu’elle est une occasion de culture, d’ouverture à la recherche scientifique et qu’elle est également importante pour les débats d’idées.
En Bretagne, par exemple, Le Paysan breton arrive dans toutes les fermes, dans pratiquement toutes les maisons, et c’est l’occasion pour toute une profession de découvrir certains problèmes ou de mieux les connaître, mais aussi de découvrir le monde, de prendre conscience d’autres difficultés, d’enrichir sa culture générale et professionnelle.
Il faut en finir avec le clivage entre la presse générale et la presse professionnelle et faire profiter cette dernière de l’ensemble des dispositifs. Je me réjouis que la commission aille dans ce sens. M. Beffera a parfaitement expliqué les choses, et je retire mon amendement au bénéfice du sien.
L’amendement no 854 est retiré.
L’amendement no 985 , accepté par le Gouvernement, modifié par la suppression du gage, est adopté.
Il s’agit d’un problème assez particulier que je vais résumer rapidement.
Les petites entreprises doivent pouvoir prévenir certaine difficulté qui peut avoir des conséquences considérables. Elles peuvent en effet être confrontées à un jugement de prud’hommes redoutable, dont les conséquences financières peuvent être importantes, jusqu’à menacer l’existence même de l’entreprise, comme nous avons pu le constater dans nos secteurs respectifs. Nous proposons donc que la constitution d’une provision soit possible afin d’éviter cette difficulté certes potentielle mais qui peut aussi s’avérer.
Le dispositif est bien structuré. Il ne vaut que pour les petites entreprises de moins de 50 salariés, cette provision étant déduite du résultat dans la perspective d’une difficulté et afin que celle-ci ne mette en cause ni l’emploi ni la pérennité de l’entreprise. Notre monde, c’est une réalité, se judiciarise de plus en plus et le risque juridique est de plus en plus présent. Nous vous proposons donc de l’atténuer à travers cette mise en place d’une provision comptable et fiscale.
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement no 751 .
Je précise le contexte : l’amendement adopté par notre commission est l’équivalent de celui que le Gouvernement avait déposé en commission des affaires sociales dans le cadre de la loi travail. Notre commission s’est donc appuyée sur celui-ci pour rédiger le sien, dont M. de Courson est co-signataire. M. le Fur en a déposé un quasiment équivalent mais, celui de la commission étant mieux tourné sur le plan rédactionnel, je l’invite à retirer le sien et à soutenir l’amendement no 751 .
Le Gouvernement n’est pas favorable à ces amendements car il s’agit d’un dispositif très dérogatoire aux principes fiscalo-comptables.
Par principe, les provisions sont admises en déduction des résultats des entreprises à condition qu’elles soient constituées en vue de faire face à des pertes ou des charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables.
Or vous proposez de constituer systématiquement des provisions en prévision d’une hypothétique dépense, à la suite d’un licenciement et d’une procédure prud’homale. Cela peut représenter des sommes importantes. Vous allez dire que cela ne concerne que la trésorerie et non le budget. Oui, mais imaginez un peu les sommes que cela peut représenter si toutes les entreprises se mettent à provisionner !
D’ailleurs, sur quelles bases le feront-elles ? Je ne sais pas si les amendements le précisent très bien en termes de volume. Cela me semble donc un principe extrêmement dérogatoire aux règles des provisions. Il est possible de constituer une provision dès lors qu’un risque est suffisamment précisé, avéré et qu’un contentieux est engagé, mais il me semble franchement exagéré d’autoriser des provisions parce qu’il n’est pas impossible qu’un jour il faille licencier un salarié qui vient d’être embauché, qu’il y ait une procédure contentieuse et qu’elle soit perdue.
Le Gouvernement n’est donc pas favorable à ces deux amendements. Si, toutefois, le Parlement estime nécessaire ou opportun d’en choisir un, le Gouvernement – quoiqu’il ne soit pas favorable à ces amendements, je le répète – considère que le moindre mal serait d’adopter celui de la commission dès lors que, si j’ai bien compris, il ne concerne que le flux, l’autre amendement concernant le stock.
Ce faisant, nous enclencherions un engrenage, car cela entraînerait des demandes d’autorisation de constitutions de provisions pour bien des choses. Je ne suis donc pas favorable à ces amendements.
J’ai en effet co-signé l’amendement présenté par Mme la rapporteure générale.
Quel est le problème ? Il est possible, dans une entreprise de 1 000 salariés, de calculer statistiquement une provision en la matière. Dans une entreprise qui en compte un, deux ou trois, ce n’est pas possible – c’est complètement aléatoire. Mettre un peu d’argent de côté en vue d’un éventuel contentieux est un moyen de rétablir l’égalité entre les petites et les grandes entreprises puisque, je le rappelle, l’amendement ne concerne que les premières, au sens communautaire.
Si vos services, monsieur le secrétaire d’État, évaluaient la mesure, ils constateraient que son coût est très faible. Voilà pourquoi la commission des finances l’a votée à l’unanimité.
J’ajoute que cette disposition a déjà été votée à l’article 65 de la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels et qu’elle a été annulée en tant que cavalier législatif par une décision du Conseil constitutionnel. Il s’agit simplement, en l’occurrence, de rétablir la mesure votée par le Parlement.
Je tiens tout d’abord à rassurer M. le secrétaire d’État : il s’agit uniquement des entreprises de moins de 50 salariés, des petites entreprises, celles qui sont le plus menacées par un contentieux, lequel peut mettre en cause leur existence même, donc l’emploi.
Je vous rappelle, monsieur le secrétaire d’État – avec d’autres –, que telle était la position retenue par le Gouvernement dans un autre texte. Nous ne faisons que reprendre une disposition gouvernementale proposée dans un passé récent. Il me semble donc assez légitime de la voter de nouveau.
Bien évidemment, j’entends le propos de notre rapporteure générale : les deux amendements sont très proches. Je me rallie donc à l’amendement de M. de Courson et de Mme la rapporteure générale, qui me semble bon.
Attention à nos PME : ce sont elles qui créent de l’activité et de l’emploi. Il faut les protéger et les convaincre qu’elles pourront embaucher. Si l’embauche peut créer des difficultés, y compris juridiques, il convient de les atténuer d’une manière ou d’une autre et c’est à quoi tend cet amendement.
L’amendement no 47 est retiré.
L’amendement no 751 n’est pas adopté.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 707 .
Vous vous souvenez que, à la suite des restructurations militaires, nous avions adopté un ensemble de dispositions fiscales dans les zones de restructuration de la défense, les ZRD. Un certain nombre ont été délimitées – je vous les rappelle car il n’y en a pas énormément : la zone d’emploi et la commune de Châlons-en-Champagne, cinq communes en Côte-d’Or, la commune de Châteaudun en Eure-et-Loir, la zone d’emploi de Lure-Luxeuil, quatre communes en Haute-Saône et trois communes dans l’Oise.
Nous avions prévu des dispositifs d’exonérations ou de réductions fiscales valables uniquement trois ans. À la suite de leur mise en place à partir de 2009, nous constatons que le temps de reconversion est beaucoup plus long. Cet amendement vise donc à porter le délai actuel de trois à six ans pour l’ensemble des implantations existantes – et éventuellement futures, si le Gouvernement décidait de créer quelques ZRD supplémentaires. Cette mesure aura pour effet de reporter la fin de cette période au 29 mai 2021 pour les ZRD reconnues par l’arrêté de 2015 et au 11 février 2022 pour celles qui ont été reconnues par l’arrêté de 2016, puisqu’il y a eu deux vagues de délimitation de ZRD.
La durée de trois ans qui avait été initialement envisagée est en effet beaucoup trop restrictive pour pouvoir engager pleinement des plans permettant d’accueillir des entreprises sur vos territoires. La commission n’a pas à proprement parler discuté de cet amendement mais, dans le cadre de l’article 88, elle a émis un avis favorable.
Nous avons en effet dialogué, y compris dans votre territoire, monsieur le député, et dans celui de M. Apparu. Ces échanges ont permis au Gouvernement de considérer cet amendement avec bienveillance compte tenu des difficultés spécifiques qu’ils connaissent. Avis favorable.
L’amendement no 707 , modifié par la suppression du gage, est adopté.
Cet amendement a trait au problème du calcul du bénéfice imposable des exploitants agricoles qui sont soumis au régime du micro-bénéfice agricole, ou micro-BA, qui remplace le forfait collectif agricole.
Il s’agit de savoir si l’on inclut ou pas les aides reçues au titre des mesures agro-environnementales et climatiques, des indemnités compensatoires de handicap naturel et des aides à la conversion et au maintien de l’agriculture biologique dans les recettes à retenir pour calculer le bénéfice imposable des exploitants agricoles soumis au régime du micro-BA. Je rappelle, pour ceux de nos collègues qui n’auraient pas en tête le système du micro-BA, que le revenu correspond à 15 % des recettes : c’est un système forfaitaire très rustique et très simple. Doit-on inclure dans l’assiette ces différents types d’aides ? Grand débat ! Mon sentiment est qu’il faudrait les exclure, pour ne pas donner le sentiment qu’on reprend l’argent qu’on a donné. Psychologiquement, c’est important.
Cet amendement tend à exclure les indemnités compensatoires de handicap naturel – ICHN – du bénéfice agricole, ce qui paraît d’autant plus pertinent que la carte des ICHN fait aujourd’hui l’objet d’importantes discussions.
Jusqu’à une date récente, comme l’a expliqué Charles de Courson, le système en vigueur était celui du forfait agricole, dont étaient exclues, au titre de l’assiette imposable, les indemnités compensatoires de handicap naturel, qui concernent à la fois les zones défavorisées simples, et les zones de montagne. Le nouveau régime, que nous avons imposé par la loi de finances rectificative pour 2015, fait rentrer de fait, dans le bénéfice imposable, ces indemnités compensatoires, alors qu’elles ne sont imposées dans aucun pays d’Europe. Cet amendement, qui a été adopté à l’unanimité par la commission des finances, vise à sortir les ICHN de l’assiette, de façon à en revenir à la logique même qui a présidé à la création du dispositif, puisqu’il s’agit non pas d’aides à la production, mais d’indemnités compensatoires.
L’amendement no 246 ne porte pas seulement sur les ICHN, puisqu’il inclut les aides versées au titre des mesures agro-environnementales et climatiques. Avis défavorable.
En plein accord avec le ministère de l’agriculture, j’émets, au nom du Gouvernement, un avis défavorable sur ces amendements. Le régime en question bénéficie d’un abattement de 87 % avant impôt.
Sourires.
Il a été construit, vous vous en souvenez, après un long travail qui a mobilisé de nombreux parlementaires, et en concertation avec la profession. Vous nous dites que ces indemnités ne sont pas imposées dans certains pays, mais il y a peu de pays, et peut-être aucun, dans lequel s’applique un abattement de 87 % sur les bénéfices avant le calcul de l’impôt !
Nous avons eu tout à l’heure, à propos d’autres sujets, des discussions sur l’opportunité d’imposer l’ensemble des revenus, et il me semblait que nous étions d’accord, monsieur de Courson. Et là, vous avez une position totalement contraire. Je suis catégoriquement opposé à ces amendements, qui sont de même nature.
L’amendement no 246 n’est pas adopté.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 227 .
Sourires.
L’amendement no 227 est très simple et porte sur le champ du micro-BA. Nous avons exclu de celui-ci des activités de préparation et d’entraînement des équidés domestiques en vue de leur exploitation dans des activités autres que celles du spectacle. On ne voit pas très bien ce qui justifie cette exclusion, et cet amendement vise à réintégrer ces activités équestres, qui relèvent du régime agricole.
L’amendement no 214 pose le problème de la volatilité et du manque de visibilité des revenus agricoles. Il tend à améliorer la dotation pour aléas – DPA – en donnant aux agriculteurs une plus grande liberté d’appréciation. La DPA, je le rappelle, est une dotation qui vient en déduction du résultat, et qui est réintégrée dans le résultat lorsqu’elle est utilisée.
L’amendement no 215 , enfin, est une variante du précédent et vise à favoriser la constitution d’une auto-assurance, en allégeant les conditions de réintégration de la DPA.
L’amendement no 227 est partiellement satisfait, puisque les équidés ont déjà été réintégrés dans la première partie du projet de loi de finances, il y a trois semaines. S’agissant des biomasses, nous avons eu un débat sur le sujet et la commission a émis un avis défavorable.
Les amendements nos 214 et 215 , relatifs à la DPA, ont reçu un avis défavorable. Je rappelle par ailleurs que ces deux propositions ont été écartées par la mission d’information sur la fiscalité agricole, menée par notre commission.
S’agissant de l’amendement no 227 , je confirme, comme l’a dit la rapporteure générale, que c’est à l’article 7 quater que nous avons déjà réglé la question des activités de préparation et d’entraînement des équidés. Quant aux activités liées à la production d’énergie à partir de la biomasse, puisqu’elles sont industrielles et commerciales par nature, il n’y a pas lieu de les faire entrer dans ce régime.
Par vos amendements nos 214 et 215 , vous proposez par ailleurs d’assouplir la DPA et de ne plus définir la notion d’aléa climatique. C’est donner un caractère assez arbitraire à la mise en oeuvre de la DPA ; le Gouvernement y est défavorable.
L’amendement no 227 étant à moitié satisfait, je vous invite à le retirer. Quant aux amendements nos 214 et 215 , le Gouvernement y est défavorable.
L’amendement no 227 est retiré.
Je crains hélas que cet amendement ne subisse le même sort. Il concerne lui aussi la DPA, qui est un des moyens d’amortir la crise agricole, comme nous ne cessons de le dire. Nos agriculteurs sont confrontés à des incertitudes croissantes : des incertitudes climatiques, qui ont toujours existé, mais qui se sont accrues, et des incertitudes économiques. Or il faut utiliser la fiscalité pour amortir ces difficultés.
C’est ce que nous disons depuis un certain temps, et c’est ce que nous avons dit, madame la rapporteure générale, en commission des finances, avec notre collègue François André. Hélas, on ne nous écoute pas et on n’utilise pas suffisamment la fiscalité pour atténuer les difficultés économiques qui sont inhérentes au monde agricole. Je défends cet amendement, qui est comparable à d’autres amendements déposés par le passé, au nom de notre collègue Guillaume Larrivé, qui y tient beaucoup. Il faut, d’une manière ou d’une autre, que nous mobilisions non seulement l’assurance, mais aussi la fiscalité, pour amortir la crise agricole, car notre secteur agricole connaît aujourd’hui des difficultés considérables.
La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, qui pose en outre un problème rédactionnel. Vous permettez en effet une utilisation libre de la DPA au cours des exercices clos en 2017, alors que vous prévoyez l’entrée en vigueur de cette réforme en 2018. J’entends bien que ce point peut être corrigé, mais c’est problématique.
J’entends bien, monsieur Le Fur, qu’il y a une crise agricole. Le Gouvernement le sait et traite ce sujet, par un certain nombre de dispositifs. Je pense à l’année blanche, aux prêts de trésorerie, aux délais de paiement qui sont accordés, et aux dégrèvements systématiques de taxe foncière, y compris pour les prairies. C’est un sujet que je connais bien, car nous avons beaucoup travaillé, en lien avec le ministère de l’agriculture et de la forêt, mais aussi avec les organisations professionnelles et les banques, avec qui nous avons eu plusieurs réunions de travail sur ces dossiers.
Je n’ignore pas l’importance de la DPA et les difficultés que rencontre parfois sa mise en oeuvre. Mais nous avons majoré – je crois que c’était l’an dernier – le plafond des provisions pour aléas. Le Gouvernement n’est donc pas favorable à cet amendement qui propose, en outre, des niveaux de DPA très importants. On ne peut pas régler la crise agricole par ce biais. La crise est réelle, mais le Gouvernement a apporté des éléments de réponse très importants.
Je souhaitais intervenir, car j’ai interrogé le Gouvernement sur la question de la crise agricole, notamment sur les effets des aléas climatiques. Je comprends la volonté de nos collègues de droite, mais je considère que l’outil qu’ils proposent n’est pas le bon. Faut-il que la fiscalité remplace l’intervention directe ? Je ne le pense pas. Faut-il que la suppression de certaines dépenses fiscales remplace l’intervention publique ? Je ne le pense pas.
J’avais plaidé, pour ma part, en faveur d’un service plus mutualisé. En effet, certains agriculteurs n’ont pas de difficultés à contracter une assurance, tandis que d’autres ne peuvent pas le faire du tout. On aura beau augmenter le plafond de la DPA, cela ne changera rien pour les petits agriculteurs, qui n’assurent pas certaines de leurs terres, parce qu’ils ne le peuvent pas. Je crois sincèrement que l’outil n’est pas le bon, qu’il ne ferait que renforcer les inégalités dans le monde agricole.
Il ne s’agit pas d’une assurance, mon cher collègue, mais d’un dispositif fiscal. Heureusement que le Gouvernement a fait des choses pour lutter contre la crise agricole ! Mais le dispositif proposé vise à prévenir les crises à venir. L’idée est très simple : pendant les années de vaches grasses, les agriculteurs soumis au régime ordinaire paient un impôt conséquent ; mon amendement vise à les obliger à épargner, sous forme de défiscalisation, afin que cela puisse leur servir pendant les périodes de vaches maigres.
C’est la pratique agricole de toujours. La fiscalité doit encourager les agriculteurs à épargner pendant les bonnes années, afin qu’ils puissent avoir un recours pendant les mauvaises années. C’est du bon sens, finalement. L’objectif n’est pas simplement de réagir à la crise, mais de préparer et d’anticiper les crises de demain, parce qu’il en surviendra. L’incertitude climatique – vous l’avez très justement évoquée, mes chers collègues –, mais également l’incertitude sur les prix s’accroîtront, car les prix sont mondiaux ; on peut être pour ou contre mais c’est ainsi.
Il existe différents systèmes pour y répondre : les réponses immédiates, dont vous avez parlé, monsieur le secrétaire d’État, sont nécessaires, mais l’anticipation des crises, par le biais de mécanismes fiscaux, le sont tout autant. Je maintiens donc mon amendement, madame la présidente.
L’amendement no 482 n’est pas adopté.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 216 .
C’est une toute petite mesure. Pour l’heure, vous le savez, le taux d’actualisation des sommes éligibles à la DPA, lorsqu’elles sont réintégrées dans les revenus, est le taux d’intérêt de retard de 0,4 % par mois, c’est-à-dire 4,8 % par an, ce qui est astronomique au regard des taux du marché. Je propose simplement de remplacer ce taux par le taux légal.
Vous savez parfaitement, monsieur de Courson, que la mission d’information sur la fiscalité agricole, à laquelle vous avez participé, a expressément émis un avis défavorable sur cette proposition,…
…car elle craignait que les résultats ne soient réintégrés.
Je pense que nous allons respecter cette position très claire de la mission d’information : j’émets un avis défavorable sur votre amendement.
Devant la solidité des arguments de la rapporteure générale, le Gouvernement ne peut qu’être défavorable à cet amendement.
Madame la présidente, à l’issue de ce vote, je vous demanderai la parole pour évoquer la suite de l’organisation de nos travaux.
« Ah ! » sur divers bancs.
Il se trouve, madame la rapporteure générale, que je présidais cette mission d’information, dont le rapporteur était notre collègue André et qui, je crois, a bien travaillé. Elle n’a pas du tout abouti aux conclusions que vous évoquez.
Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
C’était peut-être la position du rapporteur, M. André, qui a signé le rapport, mais pas celle de la mission d’information.
Le taux actuel est sans commune mesure avec le taux du marché. Il est devenu plus dissuasif que par le passé, puisque les taux d’intérêt sont aujourd’hui très faibles, voire presque négatifs, nous dit-on.
Monsieur le président – je vous appelle ainsi puisque vous présidiez cette mission d’information –, je vais vous donner lecture d’un extrait du rapport d’information : « Le taux d’intérêt de retard est cependant toujours appliqué dans le cas des utilisations non conformes. Ce maintien se justifie par la volonté de ne pas favoriser une utilisation détournée de la déduction, qui, si elle ne fait plus l’objet d’une pénalité, reviendrait à rendre caduque la notion même de conditionnalité du dispositif. » C’est écrit noir sur blanc !
Je me suis contentée de lire le rapport de la mission d’information que vous avez présidée.
Si les montants épargnés dans le cadre de la DPA ne sont pas utilisés, on ne peut que s’en réjouir, car cela signifie qu’il n’y a pas eu d’aléas. Mais l’existence ou non d’un aléa est complètement indépendante de la volonté du chef d’entreprise ou de l’exploitant agricole.
Si les sommes placées sur le compte ne sont pas utilisées parce qu’aucun aléa n’est survenu après un certain nombre d’années, elles doivent être réintégrées. Ces situations sont indépendantes de la volonté des exploitants agricoles et le taux annuel de 4,8 % est prohibitif.
L’amendement no 216 n’est pas adopté.
Ce matin, nous avons commencé à débattre du prélèvement à la source et les amendements de suppression ont été repoussés par une majorité de députés. Toutefois, en raison de la présence de davantage de députés de l’opposition que de la majorité, il se trouve que l’adoption – je ne la conteste pas – d’un amendement de l’opposition a, de façon mécanique, conformément à la procédure parlementaire, interrompu nos travaux, en faisant tomber les autres amendements nécessaires au débat comme à la construction du dispositif de prélèvement à la source. Le Gouvernement souhaite néanmoins que l’Assemblée nationale se prononce une deuxième fois sur l’article 38, je l’ai annoncé ce matin : je vous ai informés que nous procéderions à une seconde délibération, à l’issue de l’examen et du vote en première délibération des articles non rattachés.
Pour permettre aux parlementaires de travailler et, le cas échéant, de déposer des sous-amendements à l’amendement que le Gouvernement présentera en seconde délibération, je tiens à vous dire que ce dernier vient d’être déposé au service de la séance. L’Assemblée nationale peut donc en prendre connaissance.
Cet amendement a été construit de la manière suivante : nous avons repris la rédaction initiale de l’article et l’avons modifiée par les seuls amendements que le Gouvernement souhaitait voir adopter par le Parlement et qu’il aurait de toute façon soumis à votre examen – notamment la modification du taux neutre, avec un nouveau tableau, je vous en ai déjà parlé.
Ce ne sont certes pas des conditions de travail idéales, mais la transmission en bonne et due forme de cet amendement donnera le temps aux députés qui le souhaitent de déposer des sous-amendements. Bien sûr, l’Assemblée nationale organisera ses travaux, en réunissant ou non la commission, pour préparer le débat.
Vous allez me demander quand interviendra cette seconde délibération : cela dépend bien sûr de la vitesse à laquelle nous avançons ; le règlement de l’Assemblée nationale prévoit qu’elle se tient à l’issue de la première délibération, mais je suis incapable de vous dire à quel moment cela interviendra. On peut légitimement penser que ce ne sera ni ce soir ni cette nuit, compte tenu du nombre d’amendements et d’articles restant à examiner, mais je tenais à vous tenir informés de notre démarche, afin que nous puissions discuter de cet amendement dans les meilleures conditions possibles, puisque les circonstances ont empêché que le débat ait lieu, pour des raisons purement procédurales.
Si j’ai bien compris, ce débat n’aura pas du tout lieu au Sénat puisque celui-ci a curieusement décidé de ne pas examiner le projet de loi de finances, ce qui sera une première quasi historique. C’est son choix et je le respecte mais il eût été dommage que nous ne puissions débattre d’une réforme souhaitée par les deux tiers des Français, selon toutes les études d’opinion, et qui concerne tous les Français, en particulier la grosse moitié d’entre eux qui paient l’impôt sur le revenu.
Voilà ce que je souhaitais vous dire, afin que chacun puisse prendre les dispositions nécessaires.
Une seconde délibération n’est jamais une bonne nouvelle pour les parlementaires, puisque, par définition, cela remet en cause une décision qu’ils ont prise de manière toute à fait claire et régulière. Cela dit, en l’espèce, une seconde délibération est souhaitable, puisqu’elle donne la possibilité aux députés de redéposer leurs amendements, sous forme de sous-amendements. J’ai cru comprendre que cela allait être le cas. Dès lors, quitte à procéder à une seconde délibération, autant qu’elle se déroule dans les conditions présentées par le secrétaire d’État.
J’ai cru comprendre, monsieur le secrétaire d’État, que, sur un sujet aussi important, il convenait de réunir à nouveau la commission des finances, et que le président Carrez – il est vrai que cela ne dépend pas de vous – envisageait de la convoquer demain matin à neuf heures. Sinon, il faudrait suspendre la séance…
Il m’a en effet dit tout à l’heure que cela suffirait, car l’article a déjà été examiné et beaucoup d’amendements ont été déposés. C’est à lui de le confirmer, puisque nous connaissons maintenant les intentions du Gouvernement, dont nous ne doutions d’ailleurs pas.
Le président Carrez n’étant pas présent à cet instant, la commission décidera souverainement de l’opportunité de se réunir, et à quelle heure.
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 753 et 884 rectifié .
La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement no 753 .
Je remercie Mme la rapporteure générale de me laisser défendre cet amendement, que j’ai déposé et qui a été adopté à la quasi-unanimité en commission. Il existe un crédit d’impôt qui permet aux agriculteurs de prendre des vacances en se faisant remplacer. C’est un dispositif très apprécié, qui date de l’époque où M. Raffarin était Premier ministre : il est utile pour l’agriculteur, qui peut prendre quelques libertés, comme pour son remplaçant, qui gagne ainsi un peu sa vie.
Malheureusement, au lieu de pérenniser ce dispositif, nous avons pris l’habitude de le voter chaque année. Je dépose donc mon amendement tous les ans. Il faut absolument que nous l’adoptions car le monde agricole ne comprendrait pas que ce qui existe depuis dix ans soit inutilement interrompu.
La parole est à M. Dominique Lefebvre, pour soutenir l’amendement no 884 rectifié .
Le Gouvernement est favorable à ces deux amendements identiques, l’amendement no 884 rectifié étant toutefois le mieux rédigé des deux ! Trêve de plaisanterie :…
…le Gouvernement est favorable à ces deux amendements identiques.
Les amendements identiques nos 753 et 884 rectifié , modifiés par la suppression du gage, sont adoptés.
Nous avons examiné en commission des finances, la semaine dernière, cet amendement, qui vise à taxer les bénéfices que les multinationales détournent de notre pays alors qu’elles les y ont réalisés.
Je dois tout d’abord saluer le travail que M. Sapin et vous-même, monsieur le secrétaire d’État, menez en ce sens depuis plusieurs années. Les lois que le Gouvernement a fait adopter dans ce domaine et les amendements que le Parlement y a apportés nous permettent aujourd’hui de disposer d’une des législations les plus complètes et les plus offensives d’Europe en matière d’évasion et d’optimisation fiscales.
Il reste encore toutefois, à mon sens, quelques trous dans la raquette. Cet amendement vise à les boucher et nullement à entrer en concurrence avec les dispositifs excellents que votre administration applique – et je tiens à lui rendre hommage. Mon objectif est en effet d’élargir l’assiette, de résoudre quelques problèmes, notamment ceux concernant les accords de commissionnaires, ou de redéfinir la notion d’établissement stable, afin de nous permettre collectivement d’être encore plus offensifs à l’encontre des multinationales rapatriant les bénéfices qu’elles effectuent en France. L’amendement vise par exemple des entreprises contre lesquelles, je le sais, vous avez lancé des contrôles fiscaux. À l’heure actuelle, une entreprise comme Airbnb, qui réalise 65 millions d’euros de chiffre d’affaires en France, ne verse dans notre pays que 68 000 euros d’impôts, le système qu’elle a mis en place lui permettant de rapatrier l’ensemble de ses bénéfices. Toutes ses factures sont d’ailleurs libellées au Luxembourg, aux Pays-Bas ou en Irlande. Il nous faut donc compléter et amplifier le dispositif ; tel est le sens de cet amendement.
Au cours des débats que j’ai eus avec vous, monsieur le secrétaire d’État, ou avec vos services, ainsi qu’en commission des finances, Mme la rapporteure générale, que je salue, a appelé mon attention sur le risque d’inconstitutionnalité que mon amendement comportait. J’ai eu le temps, entre la réunion de la commission des finances et le débat dans l’hémicycle, de recourir à l’expertise de Mme Rabault pour le récrire et effacer tout risque d’inconstitutionnalité, en supprimant la surtaxe de 5 points initialement prévue.
Un second problème demeure, sur lequel, monsieur le secrétaire d’État, nous n’avons pas la même vision des choses. Selon les arguments qui m’ont été opposés – je salue également la position de Dominique Lefebvre en commission des finances –, cet amendement pourrait soulever des problèmes liés aux conventions fiscales. Or, après l’avoir retravaillé depuis une semaine, je dois souligner que je ne partage pas ce point de vue. La question s’est aussi posée au Royaume-Uni, qui fut le premier pays européen à adopter une telle législation. Les conventions fiscales, mes chers collègues, ont pour objectif non pas de détourner les bénéfices réalisés dans un pays mais d’empêcher la double imposition. La position de l’OCDE – l’Organisation de coopération et de développement économiques – sur le sujet est très claire : les conventions fiscales ne s’appliquent pas en cas de détournement de la législation en vigueur. Si la question peut être légitimement posée, l’OCDE, je le répète, y a apporté une réponse claire : les conventions fiscales ne doivent pas servir à détourner les législations fiscales. Le présent amendement n’entre donc pas en contradiction avec les conventions fiscales puisqu’il ne porte pas sur l’objet de ces dernières ; telle est mon expertise, qui, je le pense, pourra être partagée par les parlementaires ici présents.
C’est la raison pour laquelle je vous soumets cet amendement, modifié par rapport à celui que la commission des finances a adopté. Il nous permettra d’élargir largement l’assiette et de rendre plus efficace le dispositif.
Je rappelle qu’il n’entre pas en contradiction avec la législation actuelle. Si tel était le cas, je serais prêt à le revoir dans le cadre de la navette, mais c’est toutes sensibilités confondues que le Parlement pourrait l’adopter, car il a reçu le soutien de M. de Courson et de M. Le Fur en commission des finances.
Il ferait faire un grand pas, un pas supplémentaire – je tiens de nouveau à saluer votre travail dans ce domaine, monsieur le secrétaire d’État – vers une lutte toujours plus efficace contre l’évasion et l’optimisation fiscales.
Je retire d’emblée le no 754, qui était l’amendement initial de M. Galut, adopté par la commission des finances.
L’amendement no 754 est retiré.
Sur le fond, l’amendement no 1085 vise à favoriser la lutte contre l’évasion fiscale agressive ou l’optimisation fiscale agressive. Je rappelle que tous les pays – dont le Royaume-Uni, qui a commencé depuis une douzaine d’années – tâtonnent pour appréhender un espace beaucoup plus large que l’espace national. C’est ainsi que le rapport d’information de Mme Berger et de M. Lellouche, qui, certes, n’est pas directement lié à l’objet de cet amendement, se penche sur l’extraterritorialité de la législation américaine. Sur cette question, les progrès se font donc par itération et aucun article de loi ou amendement ne saurait à lui seul constituer une réponse toute faite.
S’il ne résout pas tous les problèmes, l’amendement déposé par M. Galut permet d’effectuer un petit pas supplémentaire, en répondant à la question suivante : lorsqu’un apporteur d’affaires réalise en France, pour une société étrangère, un chiffre d’affaires qui est situé au plan comptable, et donc fiscal, à l’étranger, du bénéfice peut-il être transféré à l’étranger sans être jamais imposé ?
La commission a émis un avis favorable sur l’amendement no 1085 .
Il est essentiel, sur un tel sujet, que le Parlement dispose des informations les plus récentes à propos du fonctionnement de nos services. Je salue d’ailleurs la présence, ce soir, de la nouvelle cheffe du service du contrôle fiscal.
Vous l’avez souligné, monsieur le député, grâce aux décisions que le Parlement a prises, sur propositions du Gouvernement ou de manière spontanée, nous disposons d’un arsenal législatif très solide pour lutter contre l’optimisation fiscale agressive.
Parallèlement, j’y reviendrai probablement, des travaux sont menés au plan international, notamment avec l’OCDE, en vue d’adopter des standards et des conventions internationales types, permettant de conduire une politique cohérente en vue de mettre en oeuvre le principe, que chacun comprend ici, selon lequel l’impôt doit être justement payé là où les bénéfices sont réalisés.
Je me vois contraint de simplifier. Il existe deux grands types de moyens pour échapper à l’imposition des bénéfices réalisés en France. Le premier consiste à faire systématiquement facturer par des sociétés basées à l’étranger les contrats donnant lieu à du chiffre d’affaires, sous prétexte que ces entreprises n’auraient pas d’établissement stable en France, c’est-à-dire qu’elles n’y disposeraient pas de bâtiments, de personnel ou d’infrastructures. L’administration fiscale s’appuie sur les dispositions législatives déjà existantes pour redresser ces entreprises, une fois caractérisé leur établissement stable, à partir des traces de leur fonctionnement dans notre pays, donnant lieu à chiffre d’affaires.
L’administration fiscale le fait d’ailleurs si bien que je peux, sans trahir le secret fiscal, vous indiquer qu’en 2015, un contrôle opéré à ce titre a conduit à notifier à une grande entreprise, après caractérisation de son établissement stable en France, un redressement de 900 millions d’euros, pénalités comprises. En 2015 toujours, les différents articles législatifs relatifs à la territorialité de l’impôt nous ont permis de rétablir, au bénéfice de la France, 2 milliards d’euros d’assiette, qui ont été redressés, au titre de l’impôt sur les sociétés, avec un taux de pénalité variant de 40 à 80 %. D’ores et déjà, les multinationales GAFA – Google, Apple, Facebook et Amazon – se sont vu notifier 2,5 milliards d’euros de redressement, pénalités comprises de 40 à 80 %, là encore. Et ce n’est pas fini car les exercices 2013 à 2015 restent en cours de contrôle et l’on peut penser qu’ils donneront lieu à des redressements de même ampleur.
Ces redressements ne font l’objet, je tiens à le souligner, d’aucune négociation, contrairement à la politique menée dans des pays comme le Royaume-Uni ou l’Italie. L’administration procède à la simple application du droit. Celle-ci donne évidemment lieu à des contentieux, dans le cadre de procédures contradictoires, qui sont le droit commun en France : les contestations, qui portent parfois sur le principe du redressement, parfois sur son volume, ne vont pas sans prendre, dirai-je non sans ironie, un certain temps…
Les prix de transfert constituent la seconde échappatoire : des filiales de grands groupes, situées en France, se voient facturer par leur maison mère, basée dans des pays à fiscalité, disons, favorable, des droits qui correspondent ou pas – le plus souvent, pas vraiment – à des prestations fournies. Cela permet, sous prétexte de frais de conseil, de recherche ou de marketing dépourvus de réalité, de remonter les bénéfices réalisés en France, si bien que ces établissements situés dans notre pays, facilement repérables, ne dégagent aucun bénéfice, puisqu’ils se voient taxés par les contributions versées à leur maison mère, parfois via des sociétés écrans – je simplifie toujours.
L’administration fiscale, là encore, procède à des redressements : en 2015, 2,8 milliards d’assiette ont été rétablis à ce titre au profit de la France ; le plus gros redressement pour ce motif s’est élevé à 400 millions d’euro, pénalités comprises. Vous m’avez déjà entendu souligner que les cinq plus gros redressements effectués en 2015 ont produit 3,4 milliards d’euros en droits et pénalités.
Le message que je tiens à faire passer, au-delà de l’hémicycle lui-même, est le suivant : les outils dont l’administration dispose pour effectuer ses redressements s’appuient d’ores et déjà sur la caractérisation d’établissement stable et les prix de transfert, et ils permettent d’obtenir des résultats importants.
Existe-t-il encore des trous dans la raquette ? Oui. Mais votre amendement, monsieur Galut, répond-il au besoin de les boucher ?
J’ai envie de répondre non, monsieur le député.
Nos services ont procédé à un examen très fin de votre amendement, et nous estimons qu’il ne permettrait que très exceptionnellement de boucher des trous dans la raquette. Pourquoi ? Vous l’avez dit vous-même.
Je passe rapidement sur l’aspect constitutionnel : en supprimant les 5 % de majoration d’impôt sur les sociétés prévus dans la première version de votre amendement, ce qui permet d’appliquer les 40 ou 80 % de pénalités en cas de non-déclaration, vous avez levé cette difficulté constitutionnelle, juridique voire de cohérence.
Je reviens au coeur du sujet. Ce n’est pas facile à dire ni à entendre pour le grand public, mais les conventions internationales coiffent le droit français. Nous pouvons avoir l’impression de nous déposséder d’un certain nombre de nos prérogatives mais il s’agit d’un principe constitutionnel fondamental : notre Constitution nous fait obligation de respecter les conventions internationales, ainsi que le droit européen, d’ailleurs.
Doit-on continuer à fonctionner sur la base de ces conventions ? À l’évidence, non : le Gouvernement n’y est pas favorable. En revanche, nous souhaitons qu’entre États de bonne moralité, si j’ose dire – un maximum d’États dans le monde, a fortiori les États européens mais aussi les pays extérieurs à l’Union européenne –, des conventions internationales régissent de façon tout à fait coordonnée et moralement acceptable tous ces flux financiers, établissements stables et autres montages. Je n’aurai pas le temps de développer ce point – pardonnez-moi de prendre déjà beaucoup de temps, mais il s’agit d’un sujet essentiel.
L’OCDE contribue très largement à la construction de ce dispositif, puisque les travaux dits « BEPS » – base erosion and profit shifting, vous tous ici savez de quoi il s’agit – sont pratiquement achevés, qu’un certain nombre de pays ont déjà donné leur accord de principe à l’adoption des standards mis en place dans ce cadre, et que l’Union européenne a déjà exprimé à plusieurs reprises sa volonté d’aboutir à des accords allant dans le sens que nous souhaitons tous ici, je crois.
Grâce à la mobilisation de nos services, que je salue et remercie, du Parlement, qui a beaucoup travaillé, souvent de façon transpartisane – mais pas toujours, il faut quand même le noter –, et à l’action internationale menée par nos représentants à Bruxelles et ailleurs, le dispositif que nous avons mis en place est beaucoup plus performant qu’on ne le croit souvent.
Des exemples choquants sont souvent mis en avant ; vous en avez cité un, monsieur Galut, et il y en a d’autres qui heurtent le bon entendement, mais « work in progress » ! J’entends ou je lis parfois un certain nombre d’affirmations que le secret fiscal m’empêche de contredire publiquement, mais les informations dont je dispose me permettent de vous dire qu’elles sont parfois exagérées. On me dit qu’il se passe telle ou telle chose, mais je sais que des procédures sont lancées… Vous avez tous lu dans la presse que certaines grandes entreprises ont reçu la visite, courtoise mais ferme, d’équipes étoffées, constituées d’inspecteurs du fisc mais aussi de magistrats du parquet national financier. Cette information est de notoriété publique, mais d’autres perquisitions de ce type ne sont pas toujours connues du grand public ; les entreprises n’en font pas toujours la publicité mais je peux vous dire que ces procédures sont nombreuses, et je demande à mes services de me tenir régulièrement informé de leur avancement.
Je vous le dis très simplement : ce qui me gêne, c’est que nous n’avancions pas au même rythme que notre société, car tout cela prend du temps. Nous vivons dans des États de droit. En outre, les procédures sont souvent internationales, nécessitant la réunion de deux pays avec l’entreprise concernée, dans le cadre d’instances appelées « commissions amiables » – c’est d’ailleurs un mot qu’il faudrait bannir de notre vocabulaire. On me parlait récemment d’une commission amiable entre la France, le Luxembourg et une entreprise – je ne vous dirai pas de quelle affaire il s’agit –, qui s’est réunie il y a quinze jours et, faute d’être parvenue à trouver un accord, ne se réunira de nouveau qu’en juin 2017. Ce n’est pas acceptable, ce n’est pas normal ! Lorsque nous aurons adopté des standards normaux, coordonnés, sur la base des propositions de l’OCDE, nous pourrons gagner énormément de temps.
Vous avez sans doute lu aujourd’hui dans la presse les derniers développements de l’affaire des Panama papers.
Nous ne pouvons pas communiquer tous les jours sur ces sujets mais il faut bien que nous montrions de temps en temps au grand public, et bien sûr aussi au Parlement, que nos équipes travaillent d’arrache-pied. Et leur action produit des résultats : l’année dernière, les redressements se sont élevés à 21,5 milliards d’euros, contre environ 14 ou 15 milliards en 2012 et les années précédentes.
Quel est donc l’avis du Gouvernement sur votre amendement, monsieur Galut ? Le Gouvernement est un peu gêné car il est obligé de souligner l’obstacle que peut constituer l’application des conventions internationales. J’ai entendu que vous n’étiez pas d’accord sur ce point ; votre lecture juridique est tout à fait respectable mais nous ne la partageons pas.
Le Gouvernement estime en outre que cet amendement n’apporte pas grand-chose, ou de façon très exceptionnelle – on me dit qu’il serait utile dans environ 2 % des cas, compte tenu des conventions internationales en vigueur. Pour être honnête, cet amendement n’est pas pour autant nuisible, dans la mesure où il n’empêche pas le bon déroulement des procédures prévues par les conventions.
Aussi, le Gouvernement comprend l’esprit de cet amendement et admet que ses auteurs l’ont déposé dans un état d’esprit constructif, mais il souhaiterait qu’il soit retiré, afin que nous continuions à travailler sur cette question, ce qui ne sera pas non plus forcément facile, compte tenu des discussions actuellement conduites au niveau européen. S’il était adopté, il n’empêcherait pas, je le répète, la poursuite des procédures en cours, mais le Gouvernement se réserverait le droit de le retravailler au cours de la navette, ou dans le cadre d’un autre texte qui serait discuté ultérieurement – vous me direz que le Gouvernement a toujours ce droit, mais je préfère vous prévenir. Encore une fois, je préférerais que cet amendement soit retiré.
Pardonnez la longueur de mon explication, madame la présidente, mais cela me paraissait indispensable, sur un sujet aussi sensible, dont je sais qu’il intéresse tous nos concitoyens.
Monsieur le secrétaire d’État, beaucoup de députés vont intervenir après vous…
Dans ce cas, je me tairai.
Ce n’est pas ce que je veux dire ! Ces interventions appelleront peut-être de votre part des commentaires supplémentaires.
Pour l’instant, j’ai compris que cet amendement permettrait de régler 2 % des cas de non-déclaration.
Monsieur le secrétaire d’État, votre longue explication reflète bien la mobilisation sans précédent de nous tous dans cet hémicycle, du Gouvernement, de vous-même et de vos services, à Bercy, en faveur de cette grande cause.
Finalement, la seule chose qui compte, ce sont les résultats. Vous avez évoqué les 2,8 milliards d’euros de redressements sur l’optimisation fiscale des entreprises, auxquels nous pourrions ajouter les 2 à 2,5 milliards d’euros que nous récupérons chaque année dans le cadre de la lutte contre l’évasion fiscale des particuliers, grâce à la loi de 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière. Même si c’est plus difficile, il faudrait sans doute comptabiliser aussi les sommes qui, grâce à la dissuasion, entrent naturellement dans les caisses de l’État au titre de l’impôt sur le revenu et de l’impôt sur les sociétés – cela dit, nulle explosion de ces recettes fiscales n’a été observée ces dernières années, et, pour les évaluer, encore faudrait-il que le périmètre soit constant. Au total, nous récupérons peut-être 4, 5 ou 6 milliards d’euros.
Cette action déterminée et inlassable que nous menons pour récupérer 5 ou 6 milliards d’euros, il ne faut jamais oublier de la mettre au regard de la réalité de l’évasion et de l’optimisation fiscales, qui sont plutôt de l’ordre de 30 ou 50 milliards d’euros. Ainsi, par notre travail sans précédent, nous avons peut-être récupéré 10 ou 15 % de l’optimisation fiscale. Cela signifie que nous devons en faire trois ou quatre fois plus. L’effet de cet amendement sera peut-être limité, comme vous avez tenté de nous l’expliquer, monsieur le secrétaire d’État, mais nous ne devons renoncer à rien et utiliser tous les leviers à notre disposition.
Pour conclure, au début de ce quinquennat et lors du précédent, les impôts sur les ménages et les sociétés, qui ne peuvent pas échapper à la taxation, ont augmenté. Ce n’était pas une simple tentation : le déficit budgétaire ne nous a pas laissé le choix. Cet accroissement de la pression fiscale, qui fut particulièrement fort au cours de la législature précédente nous essayons aujourd’hui de l’atténuer : depuis deux ans, nous voulons réduire les impôts, et nous commençons à y parvenir.
Ce matin, à l’occasion de l’examen de l’article 38, nous avons parlé de réforme fiscale. La vraie réforme fiscale ne consiste pas à augmenter des taux mais à restaurer l’assiette : il faut, tout simplement, que les personnes redevables de l’impôt paient l’impôt. C’est ce que nous sommes en train de faire, grâce à des mesures qui vous placent en première ligne. Le présent amendement confirme notre volonté commune.
Je veux d’abord souligner à mon tour notre volonté de voter cet amendement, fût-il symbolique. Si j’ai bien compris M. le secrétaire d’État, qui va sans doute nous en dire plus, cet amendement n’a pas beaucoup de portée, mais il a au moins l’avantage de montrer la volonté de la représentation nationale, comme nous l’avons déjà fait à plusieurs reprises. Je vois Pierre-Alain Muet, qui a été rapporteur d’une mission d’information sur les mesures BEPS.
Nous travaillons donc sur ce sujet depuis longtemps mais, comme disait l’autre, un petit pas vaut mieux que mille programmes.
J’entends bien que le Gouvernement a avancé, et j’entends bien aussi que nous ne progressons pas assez vite et que cela renvoie une mauvaise image.
Monsieur le secrétaire d’État, mes questions sont très simples.
Premièrement, Apple a procédé à des détournements d’impôts scandaleux en s’efforçant de faire imposer ses bénéfices en Irlande. La Commission européenne a condamné ce pays à une amende de 13 milliards d’euros, et peut-être se retournera-t-il contre Apple. Le mécanisme mis en place par Apple pourrait-il aujourd’hui être contrecarré par l’amendement que nous allons voter ?
Deuxième question, quand allons-nous avancer sur la question des schémas d’optimisation ? Je sais que cette demande a été exprimée dans les rapports de plusieurs missions d’information et commissions d’enquête, notamment sénatoriales.
Ma troisième question vous fera peut-être un petit peu moins plaisir : elle concerne le « verrou de Bercy ». À un moment, il faut aller au bout des questions et des difficultés : la suppression de ce dispositif est vraiment nécessaire pour s’attaquer à la fraude, à l’évasion et à l’optimisation fiscale agressive.
Je voterai évidemment cet amendement car je pense qu’il envoie un signal. En même temps, le fait que vous soyez si dubitatif quant à sa portée me laisse quelque peu circonspect…
Je n’ai pas les compétences me permettant d’évaluer cet amendement long de quatre pages, mais je fais confiance à ceux qui l’ont rédigé.
Sur de tels sujets, il faut toujours se demander s’il est opportun de prendre des initiatives nationales, alors qu’une coopération internationale se met en place et que nos initiatives pourraient être en contradiction avec nos engagements internationaux et européens, comme l’a expliqué très clairement le secrétaire d’État.
Dans l’économie numérique, mondialisée, très facilement délocalisable, il n’y a pas que les GAFA, il y a aussi d’autres entreprises, notamment des start-up. Je ne voudrais pas que des initiatives nationales envoient des signaux négatifs ou empêchent ceux qui le souhaitent de s’implanter dans notre pays.
Encore une fois, je me montre toujours réservé devant des initiatives nationales susceptibles de contrarier une coopération internationale et européenne qui progresse.
Monsieur le secrétaire d’État, je dois avouer qu’en dépit de mon attention aiguë, à la fin de cette journée de travail, j’ai été un peu perdue par vos propos. Auriez-vous l’amabilité de répondre à trois questions très simples concernant l’amendement de M. Galut ?
Premièrement, imaginons une entreprise, par exemple numérique, reconnue en tant qu’établissement stable en France – c’est le cas, sauf erreur de ma part, de Google –, mais qui fait signer ses contrats de publicité en Irlande. L’amendement de M. Galut permettrait-il ou non de rapatrier en France le chiffre d’affaires ainsi dégagé ? Le droit français en vigueur le permet-il ou non ?
Deuxièmement, j’ai également été un peu perdue lorsque vous avez fait référence aux conventions internationales bilatérales. Sauf erreur de ma part, le débat que nous avons depuis quatre ans sur la lutte contre l’optimisation fiscale se heurte à la liberté de circulation des capitaux dans l’Union européenne.
Il n’existe pas aujourd’hui de possibilité d’obliger au rapatriement de chiffres d’affaires dans notre pays, quelle que soit la nature de l’établissement, non pas faute de parvenir à caractériser des établissements stables, mais en raison de la liberté de circulation des capitaux dans l’Union européenne. Je crois comprendre que l’amendement de M. Galut vise à limiter cette logique. Mais nous savons tous ici qu’une décision de la Cour de justice de l’Union européenne ne nous donne malheureusement pas raison, du moins pour l’instant. Faisiez-vous référence à cela, monsieur le secrétaire d’État ?
Troisièmement, vous évoquez les conventions bilatérales fiscales, qui poseraient un problème constitutionnel. Mais, monsieur le secrétaire d’État, vous savez comme moi que, depuis 1989, le Conseil constitutionnel reconnaît l’objectif de lutte contre l’optimisation fiscale agressive comme un principe constitutionnel, et que, à ce titre, elle l’emporte sur les traités internationaux.
Sur ces trois questions, je voudrais connaître votre avis et votre analyse.
S’agissant des poursuites engagées par Mme Margrethe Vestager contre la société Apple en Irlande, nous avons cru comprendre que le ministre Sapin ne souhaitait pas réclamer des compensations pour la France, lesquelles sont pourtant dues. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?
À ce stade, je veux noter que les points d’accord sont nombreux ; je vais les résumer. D’abord, la lutte contre la fraude fiscale est une nécessité absolue. Ensuite, tout le monde ici a reconnu que jamais autant n’avait été fait en la matière que par ce gouvernement et cette majorité. Beaucoup a été fait, donc, mais beaucoup reste à faire, tout le monde le dit également. De plus, nous sommes tous d’accord pour dire qu’il n’y aura pas de véritable progrès dans la lutte contre la fraude fiscale sans coopération internationale renforcée. La coopération internationale n’est pas une contrainte, elle ne s’impose pas à nous, mais c’est un levier absolument nécessaire, sans lequel nous ne pouvons pas lutter efficacement. Nous pouvons toujours agir chez nous, mais si nous sommes seuls à le faire, les choses ne changeront pas ailleurs et nous n’y gagnerons rien, bien au contraire. Enfin, nous sommes d’accord sur la question posée par M. Galut dans son amendement.
Toutefois, comme je l’ai rappelé en commission des finances, sur ces dispositifs, trois questions se posent : leur constitutionnalité, leur conformité au droit européen et leur portée.
S’agissant de la constitutionnalité, comme Yann Galut nous avait entendus, il a retiré de l’amendement initial ce qui constituait l’un des problèmes – pas forcément le seul, mais nous verrons bien comment le Conseil constitutionnel l’interprétera.
Pour ma part, je n’ai pas entendu parler d’incompatibilité par rapport au droit européen.
Reste la question de la portée de l’amendement. Je veux que les choses soient claires. Pourquoi est-elle supérieure aux disposition législative ? Parce qu’il s’agit d’un traité, qui ne nous a pas été imposé mais a été négocié avec des tiers. Or il se trouve, notamment au sein de l’Union européenne, que nous fonctionnons avec des conventions fiscales avec tous les pays.
Pour que cet amendement ait un effet, faudrait-il réviser les 127 conventions fiscales actuelles, ce qui supposerait d’obtenir l’accord de chacun de nos partenaires ? Je pense que nous serons fixés avant la deuxième lecture ou après la décision du Conseil constitutionnel.
On dit parfois : « Cela ne fait pas de bien mais cela ne fait pas de mal. » En l’occurrence, il convient d’être certain non seulement que cela ne fera pas de mal mais surtout que cela fera du bien dans la lutte contre la fraude fiscale. Pour l’instant, j’en doute.
Comme le secrétaire d’État, pour éviter les faux procès, déjà entendus ici, dans lesquels nous serions accusés par certains d’être moins allants que d’autres contre la fraude fiscale, je ne vois pas d’objection à l’adoption de cet amendement, mais j’émets les plus extrêmes réserves quant à sa portée réelle.
Nous avons un débat de qualité et je voudrais rebondir sur les propos intéressants de nos collègues Dominique Lefebvre et Karine Berger, ainsi que sur les longs développements du secrétaire d’État. Ce que j’en ai retenu, en gros, c’est que nous étions d’accord sur l’idée mais que des interrogations demeuraient quant à leur portée et qu’il était peut-être nécessaire d’améliorer, d’affiner le dispositif.
Je trouve plus facile, surtout si l’auteur de l’amendement en est d’accord, d’affiner, dans le cadre d’une deuxième lecture, le dispositif d’un amendement qui a été adopté, que de revenir sur un dispositif ni débattu ni un peu amélioré en première lecture.
La question, je ne la pose pas tant au secrétaire d’État – car je ne l’ai pas entendu dire qu’il était en désaccord sur le principe, même si, contrairement à M. Lefebvre, je ne l’ai pas entendu approuver l’amendement – qu’à l’auteur de celui-ci, dont je suis l’un des cosignataires. Je souhaiterais que nous prenions ensemble une sorte d’engagement moral : dès lors qu’il a été question d’un réexamen dans le cadre de la deuxième lecture, l’auteur de l’amendement accepterait-il, une fois l’amendement voté, que le travail se poursuive, de manière à aboutir à un dispositif donnant toutes les assurances et les sécurités nécessaires à ceux qui se posent un certain nombre de questions ?
Je n’allongerai pas les débats car beaucoup de choses ont été dites. Un tel amendement permettrait tout de même de lutter contre la fraude fiscale, combat que nous menons tous. En tout état de cause, nous ne pouvons pas fermer les yeux sur les pratiques de détournement de profits. Dans la mesure où M. le secrétaire d’État a indiqué qu’un travail serait possible dans le cadre de la navette parlementaire si l’amendement était adopté, adoptons-le donc et engageons ce travail ! En tout cas, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste le votera.
Pour ma part, je profiterai de ce débat pour adresser quelques questions à M. le secrétaire d’État, qui a fait un exposé exhaustif sur l’action du Gouvernement.
Dans le projet BEPS, au moins deux sujets, importants pour pouvoir redresser des entreprises comme celles qui ont été citées, avancent. Premièrement, l’OCDE a fait évoluer la notion d’établissement stable afin d’aboutir à un concept pouvant s’appliquer au niveau international. Deuxièmement, le secrétaire d’État a parfaitement raison de dire que les conventions fiscales s’imposent à tous les pays, mais l’OCDE suit un principe de révision automatique de toutes ces conventions fiscales – s’il fallait les réviser une à une, un siècle serait peut-être nécessaire. Sur ce sujet, l’OCDE a donc avancé. Le secrétaire d’État pourrait-il nous dire comment cela se traduit-il chez nous ?
Pour lutter réellement contre l’optimisation fiscale, il faut porter le débat à l’échelle européenne.
Fort heureusement, l’Europe a changé sur ce sujet. Il suffirait de se mettre d’accord sur une assiette commune – vieux débat –…
…et de consolider l’impôt sur les sociétés pour éliminer toutes les subtilités auxquelles les entreprises multinationales recourent en vue d’exploiter les défauts des systèmes nationaux et ainsi d’échapper à l’impôt.
La consolidation, telle qu’elle est en vigueur entre les différents États américains, permettrait aussi de répartir les recettes, actuellement accumulées par certains pays – l’Irlande parfois, le Luxembourg d’autres fois. En deux ans, l’Europe a beaucoup changé au moins dans son discours. J’aimerais savoir où en sont toutes ces réflexions.
J’entends bien les divers arguments développés et je suis prêt, vous vous en doutez, à continuer à travailler, avec vous tous, pour aller de l’avant.
Je vous entends bien, monsieur le secrétaire d’État, et je salue vos services, ainsi que l’action du parquet national financier, que nous avons créé pour lutter avec efficacité contre l’évasion et la fraude fiscales. Mais être obligé de recourir, à l’encontre des GAFA et des autres multinationales, à des redressements quasi systématiques et à des saisines pénales, démontre à l’évidence que notre législation est incomplète, car elle n’empêche pas ces entreprises d’agir. On observe au demeurant que des entreprises récentes agissent à leur tour, malgré les redressements dont ont fait l’objet de grandes entreprises depuis 2012, 2013 ou 2014 – vous nous en avez parlé.
C’est la preuve qu’il manque un signal politique. Notre amendement ne résoudrait pas tous les problèmes mais contribuerait à envoyer aux grandes entreprises ce signal politique de vigilance et d’action.
Je suis d’accord avec Pierre-Alain Muet, que je veux saluer, parce qu’avec d’autres, il a été, avant 2012 et après, l’un des moteurs de ce combat. Je tiens du reste à dire que notre Parlement est en pointe, en Europe, sur cette question. Si nous votons l’amendement no 1085 , nous continuerons à avancer et aussi à peser au niveau européen afin qu’une législation européenne active et vigilante puisse être mise en place…
Je maintiens l’amendement, qui me paraît fondamental, mais je suis ouvert – je l’ai dit à Michel Sapin tout à l’heure – afin que nous puissions, avec l’ensemble des services et de la représentation nationale, l’améliorer au cours de la navette.
Je vais essayer de répondre le plus précisément possible aux nombreuses questions qui ont été posées – elles ont leur utilité et je les comprends –, non sans vous avoir fait observer au préalable, à la lumière de ce que m’en disent les services, qu’il faut avoir conscience que nous sommes en train de changer de monde en matière de contrôle fiscal, pardonnez-moi de vous le dire ainsi. Je ne dis pas que le monde dans lequel on entre sera parfait et idéal mais, il y a quatre ou cinq ans, nos services n’auraient même pas imaginé les outils dont ils disposent aujourd’hui.
Un exemple : l’obligation, que vous avez votée, de transmettre les données comptables sous forme dématérialisée dans des fichiers exploitables fait gagner des semaines et des mois à nos agents ; ils peuvent désormais procéder à des contrôles sur de la matière qui représentait auparavant des mètres cubes de papier et peut aujourd’hui être traitée en quelques heures.
Et ce sont eux qui le disent, pas moi.
J’entends trop souvent affirmer qu’il faudrait recruter plus d’agents pour gagner en efficacité. Lors d’un entretien de courtoisie avec le prédécesseur de Maïté Gabet, ici présente, à l’occasion de son départ en retraite, je lui ai demandé s’il pensait nécessaire d’augmenter les personnels. Il m’a répondu que, bien sûr, il n’allait pas refuser du monde, mais qu’il avait surtout besoin de former ou de recruter d’autres types de collaborateurs, capables de traiter des données numériques nombreuses, de manier des systèmes informatiques nouveaux. Ce n’est pas tant le nombre des agents qui compte, même si cela peut toujours aider, que la nature de leur métier, qui a fondamentalement changé et nous oblige à nous adapter.
La fin du secret bancaire pour les particuliers a modifié complètement notre vision de la situation. Même les banquiers suisses conseillent aujourd’hui à leurs clients de prendre contact avec le STDR – le service de traitement des déclarations rectificatives – car ils ne pourront plus y échapper.
Tirons profit, dans un premier temps, des résultats de nos travaux collectifs !
Monsieur Alauzet, vous évoquez l’évaluation de la fraude – 10, 20, 50, 100 milliards par an. Il faut être précis. J’ai lu des ouvrages, consulté des études à ce sujet. Il en ressort que, par définition, cette évaluation est extrêmement difficile et qu’il faut être prudent avec les chiffres que l’on avance, je vous l’ai déjà dit et je le maintiens.
Monsieur Sansu, madame Berger, s’agissant d’Apple, Michel Sapin dit vrai : nous n’avons aucune raison de demander une part des 13 milliards d’euros qu’Apple a été condamné à verser à l’État irlandais par la Commission européenne. Je vous ai expliqué pourquoi tout à l’heure. Nous pouvons, de notre côté, contester les flux générés par les activités de cette société en France, qui ont permis de constituer l’assiette fiscale ; je ne peux vous dire si nous le ferons, mais vous devez vous en douter. Les commissaires européens ont jugé qu’Apple avait été trop faiblement imposé…
…et considéré qu’il s’agissait d’une aide d’État à rembourser. Pour notre part, ce que nous contestons, c’est le flux qui a été déclaré. Je suis désolé, mais ceux qui prétendent que ce serait démission ou maladresse de notre part de ne pas le réclamer, se trompent.
Je n’ai pas dit cela. J’ai seulement demandé si l’amendement empêcherait de telles pratiques.
Je vous l’accorde, monsieur Sansu, je ne pensais pas à vous.
Un autre point est gênant dans l’amendement. Je lis, au II. 2 b), que le dispositif ne s’appliquerait pas si « la personne morale est établie ou constituée dans un État membre de l’Union européenne, sauf si la domiciliation ou l’établissement hors de France a pour objectif exclusif d’éluder ou d’atténuer l’impôt qui serait dû en France ». Vous excluez donc de votre amendement les cas où la société mère est établie dans un État de l’Union européenne…
Je répète : « sauf si la domiciliation ou l’établissement hors de France a pour objectif exclusif d’éluder ou d’atténuer l’impôt qui serait dû en France ». J’insiste sur l’adjectif « exclusif ». Vous connaissez la difficulté à appliquer la notion d’exclusivité.
Nous avons déjà eu ce débat dix fois et le Conseil constitutionnel a tranché. Je me contente d’une mise en garde : votre amendement peut présenter une certaine ambiguïté.
Aujourd’hui, rien ne nous empêche de redresser les prix de transferts qui ont été pratiqués par Apple. Votre amendement ne l’interdit pas mais pourrait créer une ambiguïté, le dispositif ne s’appliquant pas si la société mère est établie dans un État de l’Union. Je vous donne mon avis mais nous pourrons en discuter tranquillement tout à l’heure, à la buvette.
Sourires.
Madame Berger, vous m’interrogez sur l’affaire Google. Pouvons-nous redresser fiscalement Google pour le rôle de commissionnaires, d’agents d’affaire, joué par ses représentants en France ? Oui, sans ambiguïté : nous pouvons le faire.
Sur la base du redressement des prix de transfert et la caractérisation d’établissement stable, nous pouvons le faire. Une nouvelle fois, je ne peux pas vous en dire si nous le faisons ou pas, mais vous devez vous en douter, puisque cette affaire a été traitée dans un certain nombre d’articles de presse. Donc oui, nous pouvons le faire.
Et cet amendement nous permettrait-il d’être plus efficaces ? La réponse est non : il ne modifierait en rien cette possibilité offerte par notre administration.
Pour ce qui est de la constitutionnalité et de la hiérarchie des normes juridiques, vous avez raison, c’est clair, la lutte contre la fraude est un objectif dont la valeur constitutionnelle est reconnue, mais l’article 55 de la Constitution dispose que les traités internationaux ont une autorité supérieure à la loi française, et nous nous sommes déjà servis de cette disposition. Des règles européennes nous ont déjà permis de contourner un obstacle d’ordre constitutionnel ; je n’ai pas d’exemple précis en tête, mais il nous arrive de nous fonder sur des directives pour mettre en oeuvre des principes que nous ne pourrions appliquer si nous nous en tenions à la Constitution française. J’en reviens à votre question : en vertu de l’article 55 de la Constitution, les traités internationaux, systématiquement soumis à la ratification du Parlement, ont une autorité supérieure à celle des lois françaises.
Concernant le plan BEPS, j’ai déjà répondu partiellement à la question sur les commissionnaires et les agents d’affaire. Ce sont les articles 12 à 15 – en particulier l’article 12 – du traité multilatéral, actuellement en discussion, qui permettront de consolider le traitement des agents qualifiés de « commissionnaires », pour éviter que des facturations à l’étranger, pour des activités de représentants de l’entreprise agissant en France, n’échappent à la fiscalisation.
Monsieur Muet, nous sommes bien évidemment favorables à la révision automatique des conventions ; c’est d’ailleurs le but des travaux conduits au niveau de l’OCDE et de l’Union européenne. Les commissaires se sont exprimés. Là aussi, nous souhaiterions parfois que les choses aillent plus vite ; des échéances ont été annoncées mais elles ne sont pas toujours tenues. Je dirai avec humilité que le ministre Michel Sapin, davantage que votre serviteur, traite de ces questions au niveau de la Commission européenne, mais les affaires sont gérées. Nous demandons à parvenir à une révision systématique des conventions. Cela prendra probablement encore un peu de temps, mais peut-être le ministre pourra-t-il vous fournir d’autres précisions, à l’occasion d’une question au Gouvernement, par exemple.
Je n’ai pas abordé la question du « verrou de Bercy », monsieur Sansu. Je suis prêt à le faire mais l’heure avance et je crains qu’en soulevant cette question, nous nous lancions dans un long débat supplémentaire. Peut-être devrions-nous le réserver pour un autre moment de nos travaux, qui ne manqueront pas de se prolonger.
Comme je l’ai dit, je préférerais que cet amendement soit retiré.
L’amendement no 1085 est adopté.
Des distributeurs de produits bénéficient d’avantages injustifiés ou excessifs, pas forcément financiers, je le rappelle. On n’est plus dans une logique de prix de transfert mais dans une logique d’avantage de transfert. Vous savez tous combien les délais de paiement, les avantages accordés, les promotions peuvent avoir des effets très importants, dans un secteur de la vie économique où les marges sont proches de zéro.
Cet amendement, cosigné par Mme Le Loch, tend à fiscaliser ces avantages. Il est le fruit d’années d’observation, en ma qualité de président de la Commission d’examen des pratiques commerciales, fonction à laquelle Annick Le Loch m’a succédé.
En commission, où nous avons porté cet amendement, Mme la rapporteure générale a soulevé un argument juridique pertinent, qui a donné lieu, je crois, au sous-amendement qu’elle s’apprête à nous présenter.
Vous pouvez considérer que l’amendement no 870 est défendu, madame la présidente.
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir le sous-amendement no 1184 et donner l’avis de la commission sur les deux amendements.
Avant de défendre mon sous-amendement, je formulerai en effet de petits commentaires à propos de l’amendement no 869 , effectivement très utile. Il arrive que de grands distributeurs internationaux, comme Tesco, Carrefour ou Leclerc, se regroupent et demandent à leurs fournisseurs, comme Coca-Cola ou Danone, de leur rétrocéder un pourcentage du chiffre d’affaires, sur la base de prestations ou de contreparties. Ces regroupements se font à l’échelle internationale et je ne sais pas trop où les sommes d’argent se retrouvent ; surtout, les contrepartie sont parfois inexistantes. L’amendement de M. Hammadi tend donc à éviter que des sommes trop importantes ne soient demandées.
Mon sous-amendement – nous avons débattu de ce point en commission des finances – vise à ajouter une clause de sauvegarde afin de renforcer la solidité du dispositif juridique, notamment au regard du droit européen et des exigences découlant des principes de libre circulation et de liberté d’établissement.
Sous réserve de l’adoption de ce sous-amendement, j’émets un avis favorable sur l’amendement no 869 . Et j’invite M. Hammadi à retirer l’amendement no 870 .
Je retire l’amendement no 870 . Je remercie pour son utile contribution la rapporteure générale mais je me demande tout de même si l’article 209 B du code général des impôts et l’arrêt Cadbury Schweppes de la Cour de justice de l’Union européenne prennent en compte la notion de sincérité. Nous en avions tenu compte en commission, en retenant le critère de « redevances excessives et sans contrepartie ».
J’accepte évidemment que mon amendement soit sous-amendé, tout en espérant que sa portée ne s’en trouve pas limitée – nous aurons l’occasion d’y revenir – et je remercie encore la rapporteure générale.
L’amendement no 870 est retiré.
Je ne comprends pas bien cet amendement. Le dispositif prévu à l’article 209 B du code général des impôts, que vous venez de mentionner, monsieur Hammadi, permet déjà de traiter le sujet en imposant les revenus d’une entité étrangère en France, dès lors qu’elle est détenue par une entité française et établie dans un État proposant une fiscalité réduite. Je pense donc que le problème est résolu et je ne vois pas ce que l’amendement apporte de nouveau. Le Gouvernement souhaite donc son retrait. À défaut, l’avis serait défavorable car, je le répète, le problème est déjà traité par l’article 209 B.
Non, non, monsieur le secrétaire d’État ! Ici, nous ne parlons pas de revenus. L’article 209 B s’applique à des entreprises qui, par le biais de filiales ou d’entités dans lesquelles elles ont des intérêts, entretiennent des liens entre elles, y compris financiers – qu’il s’agisse de mandataires, de présence au capital, etc. L’objet de l’amendement est plus vaste : il vise les avantages, apparemment non financiers, consentis sur certains produits entre le fournisseur et le distributeur, le premier étant domicilié à l’étranger ; ce cas n’est pas couvert par l’article existant. Ces avantages, je le répète, ne sont pas présentés comme des revenus à proprement parler. Surtout, comme nous l’avons vu en commission, il peut s’agir de relations ni capitalistiques ni directes, mais entraînant une dépendance économique : par exemple, le sous-traitant d’un fournisseur se verra indiquer qu’il dépend de tel distributeur, on lui demandera tel avantage, lequel avantage permet de réaliser un bénéfice en France mais est facturé à l’étranger. L’article que vous citez ne s’applique pas à ce cas de figure.
Le secrétaire d’État n’a pas tort. Cela étant, peut-on régler le problème dans le cadre du droit existant ou faut-il un texte particulier ? L’avantage de l’amendement, c’est qu’il dénonce une pratique totalement contraire à toutes les règles de bon fonctionnement du marché. Mais voici la vraie question : s’agissant des grandes enseignes évoquées tout à l’heure, être-vous en mesure, monsieur le secrétaire d’État, de ramener dans l’assiette de l’impôt applicable aux revenus des groupes ces remises reversées à l’étranger en contournant le droit ?
Dans l’état actuel du droit, disposez-vous des moyens de redresser l’assiette de l’impôt sur les sociétés acquitté par ces entreprises ? Gagneriez-vous en cas de contentieux ?
Au pire, l’amendement est inutile ; il ne peut pas faire de mal, il ne peut que vous aider.
On ne peut pas traiter le sujet comme cela, sur un coin de table !
Pourriez-vous préciser l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement avant que je ne le mette aux voix, monsieur le secrétaire d’État ?
Je souhaite d’abord m’expliquer sur mes hésitations. Soit la question est traitée par l’article 209 B – vous me dites que non, monsieur Hammadi, j’estime pour ma part que c’est plutôt oui –, soit elle est traitée par l’article 57 sur les prix de transfert.
Mais si ! Il s’agit précisément, comme vous le décrivez, « des commissions non justifiées ou des redevances excessives ou sans contrepartie » : c’est exactement la formulation que vous adoptez. Je ne vois donc pas l’intérêt de votre amendement. S’agissant du sous-amendement, je m’en remets, ma foi, à la sagesse de l’Assemblée, mais je maintiens mon avis défavorable sur l’amendement. Je pense d’ailleurs que procéder ainsi n’est pas une bonne manière de légiférer. Mais peut-être avons-nous, de notre côté, insuffisamment étudié cet amendement. Quoi qu’il en soit, à ce stade, j’y suis défavorable.
Le sous-amendement no 1184 n’est pas adopté.
L’amendement no 869 n’est pas adopté.
Ces amendements concernant l’industrie du jeu vidéo, deuxième industrie culturelle en France, juste après le livre. Ils visent à améliorer le crédit d’impôt en faveur de la création de jeux vidéo, en augmentant son taux et son plafond pour le premier et en relevant le plafond applicable à la sous-traitance pour le second. Je vous donnerai trois bonnes raisons de voter ces amendements.
La première est d’ordre économique. L’industrie du jeu vidéo est confrontée à des évolutions majeures, notamment l’arrivée de la réalité virtuelle. Dans un environnement fortement mondialisé, nous souffrons, par rapport aux pays nord-américains et au Royaume-Uni, d’un déficit de compétitivité de l’ordre de 20 à 30 %. face à la révolution technologique, nos entreprises ont besoin de réaliser des investissements en matière de développement. Un coup de pouce sur le crédit d’impôt permettrait de passer ce cap tout en gardant notre excellence.
La deuxième bonne raison de voter ces amendements est qu’ils nous donnent l’occasion de reconnaître et valoriser une industrie culturelle qui fait vivre beaucoup de très jeunes talents en France – la moyenne d’âge dans ce secteur se situe aux alentours de trente ans –, formés dans de très grandes écoles françaises et qui font rayonner l’excellence de notre création à travers le monde. Si notre industrie devait décliner, si des entreprises devaient se délocaliser, c’est aussi notre système de formation de ces créateurs et de ces talents qui disparaîtrait. Or il est actuellement un des meilleurs au monde.
La troisième bonne raison est que ce dispositif s’inscrit dans la grande tradition française du soutien à la création. C’est toujours en invoquant l’exception culturelle que nous avons développé des dispositifs de soutien et d’accompagnement en faveur de la création, des créateurs et de la diffusion à travers le monde. Nous avons souvent accompagné, par des mesures fiscales, l’adaptation au numérique du cinéma, du livre, de la presse. Aujourd’hui, la plus jeune de nos industrie culturelles est confrontée à cette évolution technologique. Il me semble donc opportun de lui donner ce coup de pouce pour réussir à négocier le virage.
Le relèvement du taux de 20 à 30 % représente, à l’horizon 2018, un coût supplémentaire d’environ 7 millions d’euros,…
…ce qui portera le coût du crédit d’impôt à 25 millions d’euros, montant que je vous invite à comparer aux 476 millions d’euros consacrés à l’ensemble des industries culturelles.
La commission les a examinés la semaine dernière et les a rejetés, pour les motifs que je vais rappeler. Les bénéficiaires de ce crédit sont au nombre de vingt, pour un montant de 17 millions d’euros en 2017 ; avec votre premier amendement, mon cher collègue, nous passerions à 25 millions. Le dispositif actuel est réservé aux jeux dont le coût de développement est supérieur à 100 000 euros, le taux s’établit à 20 % et le crédit d’impôt est plafonné à 3 millions d’euros par entreprise, un montant déjà élevé. La commission a considéré que l’augmentation proposée n’était pas de nature à répondre aux difficultés pointées, d’autant que vingt entreprises sont déjà bénéficiaires d’un soutien représentant une enveloppe déjà assez conséquente.
En 2015, ce crédit d’impôt a coûté, si j’ose dire, 6 millions d’euros ; en 2016, 10 millions ; en 2017, ce sera 17 millions.
Bref, c’est une multiplication par trois.
Pour reprendre les propos que l’un d’entre vous a tenus tout à l’heure, on peut aussi agir et se développer en France sans bénéficier d’un crédit d’impôt. Le taux est de 20 %, vous voulez passer à 30 %. Le plafond est fixé à 3 millions d’euros, vous voulez passer à 6 millions. Nous avons d’autres exemples, je le dis avec un peu d’amertume, de telles évolutions : on commence par un petit bout, on élargit, on supprime les plafonds, on rajoute des cas ; je pourrais vous citer bien des exemples mais vous les connaissez déjà.
C’est pourquoi le Gouvernement n’est pas favorable à ces amendements. Nous avons eu des débats et des échanges à ce sujet, y compris avec le ministère de la culture, qui ne juge pas cette question prioritaire.
Nous connaissons les acteurs du secteur : ils sont très concentrés, c’est le moins qu’on puisse dire ; Mme la rapporteure générale a parlé d’une vingtaine d’entreprises, mais je crois qu’une seule d’entre elles bénéficie de l’essentiel des montants du crédit d’impôt.
En tout cas, elle démarche beaucoup, madame la rapporteure générale…
Je vous donne la parole, monsieur Hammadi, mais je vous prie d’être bref.
Que le secteur soit très concentré et qu’une entreprise soit particulièrement concernée, ce n’est en rien un souci. D’ailleurs, l’entreprise se trouve dans ma circonscription.
« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Faut-il n’aborder la question qu’à travers de ce seul prisme ? Je vois passer ici un certain nombre d’exonérations, de crédits d’impôt, de baisses de charges en faveur d’autres secteurs, par exemple de l’agriculture.
Je soutiens ces mesures, même s’il n’y a pas d’agriculteurs dans ma circonscription, parce que les arguments sont pertinents. N’oublions pas que nous sommes les députés de la nation !
Dans le débat sur le CICE – le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi –, l’accent a souvent été mis sur la nécessité de flécher, de cibler la mesure.
En l’occurrence, elle est bien ciblée !
Or les entreprises dont nous parlons ne bénéficient pas forcément du CICE parce que les salaires y sont supérieurs au plafond fixé.
Par ailleurs, j’aimerais que l’on rapporte les montants considérés aux grandes masses dans lesquels ils s’inscrivent. L’aide à la presse – et c’est une bonne chose – représente 165 millions d’euros ; l’industrie culturelle hors jeux vidéo, 311 millions. Et, pour un secteur qui annonce la création de 1 000 à 3 000 emplois dans l’année à venir, qui « cartonne » dans le monde entier, qui embauche et forme,…
…on nous explique que c’est une dérive.
Si l’on veut cibler les mesures, être stratège et pousser les secteurs qui marchent, les mesures que nous proposons me semblent pertinentes, d’autant que ces entreprises, elles, ne bénéficient pas du CICE.
Et le crédit d’impôt recherche, elles en bénéficient à hauteur de quels montants ?
J’accorde la parole à M. Patrick Bloche, en lui demandant également d’être bref.
J’ai participé au débat que M. le secrétaire d’État vient d’évoquer. Si nous sommes amenés à reparler du crédit d’impôt en faveur du jeu vidéo, c’est parce qu’il marche.
Le jeu vidéo est une industrie culturelle qui est une fierté française. Je remercie Jean-Marie Beffara de son initiative, et j’ai d’ailleurs cosigné ses amendements.
S’il propose de faire passer le taux de 20 à 30 % et le plafond de 3 millions à 6 millions d’euros, c’est tout simplement, je le répète, parce que ce crédit d’impôt marche.
Ça, pour marcher, il marche !
Nous disposons d’une étude du CNC, le Centre national de la cinématographie, qui montre qu’il se traduit par des retombées positives pour le budget de l’État. Nous nous inscrivons donc dans un cercle vertueux : le crédit d’impôt apporte un soutien à cette industrie pour lui permettre de rester compétitive et pour éviter qu’elle ne parte ailleurs ; en retour, le budget de l’État bénéficie de retombées positives dépassant la dépense fiscale que représente le dispositif sur une année budgétaire.
Je connais bien les préventions mais je voudrais dire à M. le secrétaire d’État que c’est toujours le même débat : dans le domaine de l’industrie des effets spéciaux numériques, voulons-nous créer des champions nationaux ? Répondre à ce défi par un crédit d’impôt n’est aucunement un cadeau parce que ces amendements n’entraîneront pas le moindre effet d’aubaine ; ils permettront simplement de créer des champions nationaux dans des industries fortement localisables, qui amènent des recettes fiscales et sociales d’un très bon niveau, largement supérieures au coût du crédit d’impôt – sans compter le nombre de journées d’emploi créés dans ce secteur.
En l’occurrence, il s’agit, pour notre pays, grâce au crédit d’impôt international, de devenir – ou pas – un leader dans le secteur des industries créatrices d’effets spéciaux numériques. En abaissant le seuil, les productions, aujourd’hui réalisées en grande majorité aux États-Unis, au Canada, au Royaume-Uni et en Nouvelle-Zélande, pourront l’être en France, parce que nous avons des entreprises – Buf, Mac Guff ou Mikros – capables de le faire, ainsi qu’un certain nombre d’écoles, à Montpellier, Lyon, Paris et Valenciennes, formant à ces métiers.
Grâce au crédit d’impôt proposé, la France peut devenir, dans ce secteur, ce qu’elle est déjà dans celui du cinéma – grâce au crédit d’impôt international, plus de 120 productions ont été réalisées en France depuis 2009, uniquement grâce à une décision prise ici même.
Je serai bref, madame la présidente, pour ce rappel au règlement que je formule dans un esprit tout à fait consensuel.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez indiqué tout à l’heure que vous alliez nous communiquer les éléments de la seconde délibération ; or, à cette heure, ils ne sont toujours pas disponibles pour les députés. Comprenez que cela nous pose un problème, parce que nous devons travailler à la rédaction d’un certain nombre de sous-amendements. Nous voulons bien travailler et faire travailler nos collaborateurs toute la nuit…
Cher collègue, il existe un délai minimal de traitement. Le secrétaire d’État a eu l’amabilité d’annoncer qu’il y aurait une seconde délibération,…
…en précisant que l’amendement du Gouvernement serait porté à la connaissance des députés. Mais il faut laisser un certain délai aux services de l’Assemblée, que vous connaissez bien, cher collègue.
Il nous faut aussi un peu de temps, madame la présidente, pour préparer les sous-amendements.
Tout le monde est d’accord, à commencer par le Gouvernement qui, en annonçant tout à l’heure les conditions de dépôt des sous-amendements, avait bien l’intention de permettre à la représentation nationale de travailler.
Nous en revenons à l’amendement no 860 .
Quel est l’avis de la commission ?
La commission n’a pas examiné cet amendement mais, comme vous le savez, le principal travail du rapporteur général est de faire des additions et parfois aussi d’effectuer une petite révision historique.
Surtout des additions, monsieur de Courson !
En 2012, le plafond du crédit d’impôt international a été porté de 4 millions à 10 millions d’euros, puis, en loi de finances initiale pour 2014, de 10 millions à 20 millions. En loi de finances rectificative pour 2014, c’est le taux qui est passé de 20 à 30 %. Enfin le plafond a été porté à 30 millions d’euros.
Nous sommes donc passés, en quelques années, de 4 à 30 millions d’euros.
Vous proposez, par cet amendement, de diviser par quatre le montant minimum de dépenses constatées en France – c’est bien ce dont nous parlons car il est important que le crédit d’impôt, c’est-à-dire l’argent du contribuable français, soutienne les productions réalisées en France.
Je me permets de le rappeler une nouvelle fois, puisque vous parlez d’emplois, monsieur Le Roux : en divisant par quatre le montant minimum de dépenses constatées en France, les emplois assurés ne seront pas tous situés en France, certains seront assurés à l’étranger.
Dernier point, je voudrais rappeler, comme tout à l’heure s’agissant des impatriés, que, en tenant compte de toutes les dispositions adoptées en première partie du projet de loi de finances, les dépenses fiscales relatives au crédit d’impôt international passeraient, en 2017, de 164 millions d’euros à 303 millions d’euros.
Cette augmentation me paraît suffisamment significative pour justifier un avis défavorable.
Ce crédit d’impôt a d’abord concerné les films d’art et d’essai, d’abord les petits budgets, puis les budgets moyens…
…puis les gros budget, d’abord les films réalisés en France, puis ceux réalisés à l’étranger. Nous avons prévu le même dispositif pour le spectacle vivant,…
…les disquaires,…
...les DJ, en effet.
Sourires.
Je pense que des activités peuvent se développer, dans ce pays, sans forcément bénéficier de crédits d’impôt.
Certes ; si ma mémoire est bonne, il s’agit d’un taux réduit de TVA, ce qui revient au même.
Les chiffres qui viennent d’être évoqués sont patents. De façon quelque peu désabusée, le Gouvernement, encore une fois, est défavorable à cet amendement.
Pour garantir l’honnêteté de notre débat, les additions ne doivent pas aller dans un seul sens. Depuis 2009, on estime à 800 millions d’euros la somme des budgets des films qui auraient dû être tournés à l’étranger mais l’ont été en France grâce au crédit d’impôt. C’est une ressource supplémentaire pour notre pays et ce sont des journées d’emploi.
Je veux bien que l’on s’appuie sur les documents budgétaires, mais pourquoi ne jamais citer, par exemple, les études du CNC et de l’inspection générale des finances, qui montrent que, pour 1 euro de crédit d’impôt international dépensé dans le secteur du cinéma, ce sont 7 euros de dépenses supplémentaires engagées dans notre pays et presque 3 euros de recettes fiscales et sociales ?
Il faut aussi dire ces choses-là pour que les additions ne soient pas à sens unique.
Murmures.
Je fais totalement miens les chiffres avancés par M. Le Roux, avec qui nous en avons déjà débattu à plusieurs reprises. Le crédit d’impôt en faveur du cinéma est la démonstration éclatante qu’un tel dispositif peut avoir des retombées positives.
Je voudrais citer un chiffre historique, celui du baromètre de la FICAM, la Fédération des industries du cinéma, de l’audiovisuel et du multimédia,…
…cité par News Tank Digital pas plus tard qu’aujourd’hui : le taux de délocalisation des longs métrages de fiction d’initiative française, qui était de 37 % en 2015, est tombé, tenez-vous bien, à 19 % en 2016, grâce à ce que nous avons voté l’année dernière !
Mesurez l’impact de la relocalisation d’un tournage en France : c’est évidemment de l’emploi pour les industries techniques du cinéma, mais ce sont aussi des retombées locales – je conclus, madame la présidente –, sur les lieux de tournage, pour l’activité commerciale, le tourisme, l’hôtellerie, la restauration. On ne mesure pas assez les effets bénéfiques des tournages pour l’emploi et la croissance. C’est du PIB en plus. Voilà pourquoi il faut voter cet amendement.
L’amendement no 860 est adopté.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2017 : suite de l’examen des articles non rattachés.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures dix.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly