Intervention de Jean-Pierre Door

Réunion du 16 novembre 2016 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Door :

Cher Philippe Vigier, je retrouve bien là votre fidélité et votre ténacité. Vous vous associez à votre collègue sénateur de l'UDI, Hervé Maurey, qui a également rédigé un rapport sur l'accès aux soins dans les territoires. Chacun reconnaît que ce sujet est particulièrement sensible, mais je veux vous expliquer pourquoi toute proposition de limiter la liberté d'installation rencontrera toujours l'opposition d'une majorité.

D'abord, ici même, la ministre a confirmé fortement son refus de revenir sur le socle de la médecine libérale, lors de l'examen de la loi de modernisation de notre système de santé d'abord, puis du PLFSS pour 2017 il y a quelques jours. Tous les syndicats des jeunes médecins – ISNI, ISNAR-IMG, REAGJIR, SNJMG –, mais aussi l'Association nationale des étudiants en médecine, que vous avez reçue hier, ainsi que le Conseil national de l'Ordre des médecins et les syndicats de médecins seniors sont pour le maintien de la liberté d'installation. Tous les candidats à la primaire de la droite et du centre ont soutenu la liberté d'installation, soit dans leurs écrits, soit dans les congrès annuels des médecins libéraux et des étudiants auxquels ils ont participé. Notre groupe Les Républicains, dans sa large majorité, ne cesse de réaffirmer qu'une politique de santé publique doit se faire avec les professionnels de santé, et non contre eux. Nous avons toujours soutenu la préservation de la liberté d'installation, tout en proposant des mesures incitatives pour l'installation durable dans des zones en souffrance.

Si nous sommes d'accord sur la gravité du déséquilibre démographique, nous ne validons absolument pas la solution que vous proposez. Elle serait immédiatement contreproductive compte tenu de la réalité constatée : les médecins ne s'installent pas avant trente-cinq ans ; ils sont moins de 9 % à se diriger vers la médecine ambulatoire libérale, ce qui représente moins de 300 personnes par an sur tout le territoire, soit trois à quatre par département ; à trente-cinq ans en moyenne, les jeunes médecins n'iront pas où ils ne veulent pas aller. Certains pays européens tels l'Allemagne, l'Autriche et la Belgique, ont tenté ce que vous proposez ; le Québec, souvent mis en avant en matière médicale, aussi. Tous ont échoué. Dès lors que le déconventionnement se présentera comme l'alternative, beaucoup choisiront le secteur 3.

Le numerus clausus avait atteint un niveau très bas dans les années 1990-1995, ramené aux alentours de 3 500 par tous les gouvernements, de gauche comme de droite. Nous en payons les effets négatifs aujourd'hui. En outre, la médecine générale n'est plus du tout « sexy » depuis quelques années, en raison du poids des contraintes administratives, de la déconsidération de la profession, des obstacles multiples dans les territoires où les services publics ont disparu, de la faiblesse des tarifs depuis 2010-2011 – 23 euros, c'est moins que le prix du coiffeur de certaines personnalités politiques ! Tout cela a conduit des milliers d'étudiants à choisir une autre voie. Plus de 10 000 médecins exercent en mode d'exercice particulier (MEP), d'autres travaillent comme salariés dans l'industrie.

Il y a quelques mois, le groupe Les Républicains avait déposé une proposition de loi dont le contenu avait l'assentiment des étudiants en médecine, comme du Conseil national de l'Ordre des médecins. Elle prévoyait la déshopitalisation des études de médecine, pour que les jeunes aillent étudier hors de l'hôpital ; des épreuves classantes régionalisées ; un stage en médecine ambulatoire d'un an minimum ; le soutien aux retraités qui souhaiteraient reprendre une activité, éventuellement dans les territoires, mais sans les contraintes financières de l'assurance maladie ; le maintien des maisons de santé pluridisciplinaires, qui sont plus de 800 ; les contrats d'engagement de service public. Toutes ces mesures étaient incitatives, mais la proposition n'a pas été adoptée, ni au stade de la commission ni dans l'hémicycle. Peut-être l'avez-vous néanmoins approuvée, monsieur le rapporteur ?

Je note que vous n'avez pas abordé le tiers payant généralisé, qui est dénoncé par tous les professionnels de santé et qu'il faudrait absolument abolir.

Même si nous sommes en phase avec certains articles de votre proposition de loi, et avec le constat sous-jacent, nous n'acceptons pas cependant les solutions retenues, en particulier les contraintes qui restreignent la liberté d'installation. Pareille mesure n'a jamais facilité l'accès aux études médicales générales et libérales. Pour ce faire, il faut redonner une image attractive à la médecine générale ambulatoire. Ce n'est pas la contrainte, mais l'incitation qui peut être efficace.

Vous avez entendu hier les étudiants en médecine, qui ont déclaré être tout à fait favorables à un débat avec les élus locaux, régionaux et nationaux, pour que nous puissions éventuellement engager avec eux des mesures incitatives. Mettons les étudiants avec nous, non contre nous.

Monsieur le rapporteur, vous aurez compris que je voterai contre cette proposition de loi.

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