COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Mercredi 16 novembre 2016
La séance est ouverte à neuf heures trente.
(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)
La Commission examine sur le rapport de M. Philippe Vigier la proposition de loi de M. Philippe Vigier visant à garantir un accès aux soins égal sur l'ensemble du territoire (n° 4119).
La proposition de loi de M. Philippe Vigier visant à garantir un accès aux soins égal sur l'ensemble du territoire sera débattue, dans le cadre de la niche du groupe Union des démocrates et indépendants, le jeudi 24 novembre.
Monsieur Vigier, je vous félicite pour votre constance, puisque vous aviez déjà présenté cette proposition de loi sous l'ancienne législature, puis dès le début de la nouvelle législature en 2012. Son objet fait débat dans tous les groupes, tout comme le conventionnement sélectif pour les médecins. Je souligne que, malgré la mise en place d'un nombre important de dispositifs d'incitation pour les médecins et l'accumulation des aides, certains territoires n'ont toujours pas de médecin. Et la disparition d'un médecin entraîne celle de toutes les professions travaillant sur prescription médicale, certains territoires se retrouvent donc sans aucun professionnel de santé.
Je pense, moi aussi, que l'incitation aura des limites. Notre pays ne pourra pas continuer à accorder des aides d'un tel niveau, sauf à créer des distorsions entre professionnels de santé – les autres sont beaucoup moins aidés. Les demandes, légitimes, des médecins de pouvoir vivre dans des territoires pourvus de services publics, de bonnes écoles, et où leur compagne ou compagnon de vie pourra exercer un emploi, sont aussi celles des autres professionnels de santé.
Madame la présidente, je vous remercie d'avoir rappelé ma constance sur le sujet. Comme tout parlementaire, je suis là, non pas pour inscrire mon nom sur une proposition de loi, mais pour essayer de régler les problèmes. Celui que je me propose de traiter est assez majeur pour s'être invité dans le PLFSS, pour 2017, à la faveur d'un amendement de Mme Annie Le Houerou, tendant à conditionner le conventionnement dans les zones « surdotées ». Le Conseil national de l'Ordre des médecins avait regretté cet amendement, adopté par la Commission puis rejeté par le Gouvernement. Pourtant, dans un Livre blanc « Pour l'avenir de la santé », publié en janvier dernier, il constatait que « la présence des médecins sur le territoire est très inégalement répartie » et que « les incitations conventionnelles mises en place par l'assurance maladie obligatoire n'ont pas été suffisantes pour réellement faire bouger les lignes ».
Paradoxalement, malgré la mise en place du numerus clausus en 1971, le nombre de médecins n'a jamais été aussi élevé en France. Toutefois, il faut le rapporter au nombre d'heures de médecine travaillées. Du fait de la nouvelle organisation de la vie, de la féminisation de la profession, les jeunes médecins ont de nouvelles aspirations et ne souhaitent plus travailler 60 à 90 heures par semaine, ce que l'on comprend.
L'Atlas de la démographie médicale en France fait apparaître des zones avec de grandes disparités et des zones de surdensité. Les territoires de la façade Atlantique connaissent généralement une densité importante. Rhône-Alpes également, mais sur une petite partie seulement ; l'Auvergne, en dehors des alentours de Clermont-Ferrand, est un désert médical. La région Centre, dont je suis issu, la Bourgogne, la Picardie souffrent d'une sous-densité médicale.
On peut vraiment parler de « fracture sanitaire ». À cet égard, l'UFC-Que Choisir a réalisé en juin 2016 une étude très intéressante sur l'accès aux soins sur la période 2012-2016. Il en ressort que l'accès aux médecins spécialistes, aux ophtalmologistes et aux gynécologues a diminué respectivement pour 38 %, 40 % et 59 % des Français. Force est bien d'admettre que nous sommes face à un problème majeur de fracture territoriale, lequel induit également un problème d'égalité entre les citoyens. Or le principe de protection de la santé est garanti à tous par le préambule de la Constitution de 1946.
Les barrières territoriales à l'accès aux soins sont toujours plus hautes, et les mesures financières et dispositifs d'incitation financés par l'État ne se sont pas montrés très efficaces. De l'exonération d'impôt sur le revenu au titre d'une installation dans les zones de redynamisation urbaine (ZRU) ou de revitalisation rurale (ZRR), ou au titre de la participation à la permanence des soins, à l'exonération de taxe professionnelle en ZRR, en passant par la garantie de revenu assurée aux praticiens territoriaux de médecine générale (PTMG) et la protection sociale améliorée aux praticiens territoriaux de médecine ambulatoire (PTMA), ces dispositifs sont pourtant très nombreux.
De leur côté, les collectivités territoriales ne sont pas restées sans rien faire : bourses, indemnités kilométriques, financement de logements, aides aux jeunes internes en fin de cursus, « kit installation » gratuit dans les communes de moins de 2 000 habitants. Si ces dispositifs ont apporté un début de réponse ici ou là, la fracture n'en a pas pour autant été réduite globalement. On voit même des jeunes médecins dont les études ont été financées par les collectivités territoriales en échange d'une installation dans les zones sous-dotées, préférer rembourser cette aide pour se soustraire à l'engagement qu'ils avaient signé – ils sont 42 % dans ma région.
La sécurité sociale aussi y est allée de ses dispositifs : majoration, depuis 2005, de 20 % des honoraires des médecins généralistes libéraux exerçant en groupe dans les zones déficitaires ; option démographie, en 2011, assortie d'incitations financières complémentaires ; plus récemment, contrats d'engagement de service public proposant une bourse en contrepartie de l'engagement d'installation en zone sous-dotée. Or, en liant ainsi une installation à une incitation financière, c'est à ceux qui ont le moins d'argent que l'on impose d'aller dans ces zones ! Selon que vous serez puissant ou misérable…
Des régulations, il y en a eu pour les chirurgiens-dentistes, les orthophonistes, les sages-femmes, les masseurs-kinésithérapeutes, les infirmières, sans qu'on invoque la sacro-sainte liberté d'installation. Pourquoi n'est-elle pas non plus mise en avant alors que, depuis 2010, un directeur d'ARS peut s'opposer à l'installation d'un biologiste dans un territoire où la concentration de professionnels est supérieure à 25 % de l'offre ? Pourquoi pas non plus pour les pharmaciens ?
Je veux remercier publiquement Mme la ministre Marisol Touraine de s'être montrée sensible à un problème que je lui avais soumis concernant les jeunes médecins qui, n'ayant pas présenté leur thèse, ne peuvent pas s'installer – ils ne le font, en général, que dans les deux ans qui suivent la fin de leur cursus. Leur permettre d'être associés dans des maisons de santé pluridisciplinaires pourrait être une vraie réponse, à la fois pour eux et pour la réussite d'un projet médical, puisque les professionnels de santé peuvent travailler, dans ces maisons, ensemble et en réseau, grâce au développement de la télémédecine.
Nombre de parlementaires se sont impliqués sur ce sujet. Dès 2007, le sénateur Jean-Marc Juilhard alertait ses collègues. En 2008, le député Marc Bernier, rapporteur de la mission d'information sur l'offre de soins présidée par notre collègue Christian Paul, affirmait que « la liberté d'installation des médecins n'est plus un tabou » et que l'insuffisante efficacité des seules incitations financières, rendait nécessaire « de se préparer à freiner les installations dans les zones excédentaires ». En 2011, Jean-Marc Ayrault déposait une proposition de loi, cosignée par Marisol Touraine, dont l'exposé des motifs insistait sur la nécessité de « revoir sans tabou le dogme de la liberté d'installation des praticiens médicaux ».
Moi-même, en janvier 2012, j'avais déposé une PPL qui a été battue par la majorité même à laquelle j'appartenais. En novembre 2012, je remettais l'ouvrage sur le métier en nourrissant quelque espoir : dans le vingtième de ses « 60 engagements pour la France », le candidat François Hollande ne promettait-il pas de « sécuriser l'accès aux soins de tous les Français » ? Le projet socialiste n'indiquait-il pas : « nous demanderons aux jeunes médecins libéraux d'exercer en début de carrière dans les zones qui manquent de praticiens » ?
En 2013, Hervé Maurey, sénateur de Normandie, expliquait dans un très bon rapport que le refus des médecins de s'installer comme autrefois tenaient à plusieurs facteurs : vieillissement de la population médicale, diminution du temps médical disponible, évolution des conditions de vie, accroissement des charges administratives des médecins, préférence marquée des nouvelles générations pour le salariat – que l'on peut comprendre –, augmentation des besoins de santé liés au vieillissement de la population. De fait, actuellement, neuf jeunes médecins sur dix font le choix du public ou du parapublic. Il faut avoir le courage d'admettre que la perte d'attractivité du secteur libéral est patente. Dès lors, quid de l'exercice libéral dans les cinq, dix, quinze ans à venir ? Quid de l'équilibre entre public et privé ? La seule médecine publique ne pourra pas prendre le relais.
À un moment ou à un autre, la régulation devra s'organiser. Il faut écouter les jeunes médecins – je les ai rencontrés hier et je les reverrai début janvier. Une demande récurrente des représentants syndicaux est la poursuite de la formation. Après leur internat, les médecins ne veulent pas se sentir lâchés dans la nature : ils souhaitent que les premières années de leur vie professionnelle soient le prolongement de leur formation. On peut le comprendre si l'on considère que l'âge moyen d'installation d'un médecin en médecine générale est de trente-huit ans, ce qui représente vingt années d'études après le bac !
Le texte qui vous est soumis aujourd'hui reprend une grande part de mes propositions de 2012. À l'époque, j'avais été heureux de constater que nous avions pu faire avancer le numérique, compte tenu des perspectives de développement de la télémédecine.
L'article 1er propose de renforcer les critères de démographie médicale dans la détermination du numerus clausus. En 1971, 8 500 jeunes passaient en deuxième année de médecine ; ce chiffre est tombé à 3 500 au début des années 1990, il est environ de 7 600 aujourd'hui. Or les besoins de santé liés au vieillissement de la population et au développement des pathologies chroniques, conjugués à la diminution du temps de travail et à la féminisation de la profession, ont abouti à une diminution des heures disponibles. C'est pourquoi je propose, non seulement d'augmenter le numerus clausus, mais de revenir à l'internat régional qui permet des fluidités entre régions. Le jeune n'est pas fixé pour toute sa formation dans une région, il peut passer plusieurs concours d'internat dans plusieurs régions, d'où une vraie notion de choix. Actuellement, le concours national d'internat classant est un faux choix et une fausse liberté : un jeune classé 2 500e du concours national n'obtiendra pas nécessairement la ville et la spécialité souhaitées. La vraie liberté, c'est de suivre sa formation là où on le désire.
L'article 3 prévoit la régionalisation de l'internat. Elle existait avant les années 2000 : peut-on dire qu'elle fonctionnait mal ? Le numerus clausus serait adapté aux régions par l'adéquation de l'outil de formation aux besoins. Certaines régions ne disposent pas de structures de formation suffisantes pour accueillir davantage d'internes. En augmentant simplement le numerus clausus sans cette adaptation, on risquerait d'avoir des postes d'internes de médecine générale non pourvus dans certaines régions – dans la région Centre-Val-de-Loire, par exemple, quarante postes d'internes de médecine générale n'ont pas été pourvus.
L'article 5 vise à permettre aux internes en médecine générale qui n'ont pas terminé leur thèse de pratiquer la médecine en qualité de collaborateur. Marisol Touraine semble vouloir aller dans ce sens, et je l'en remercie encore.
L'article 6 prévoit qu'à partir de 2020, les médecins souhaitant exercer à titre libéral à l'issue de leur formation seront tenus de s'installer pour une durée minimale de trois ans dans une zone déficitaire en offre de soins. Or, des zones sous-dotées, il y en a partout : en région Centre-Val-de-Loire, en dehors de Tours, tout est sous-doté ; dans le 20e arrondissement de Paris, le même problème se pose pour d'autres raisons ; pareil en Auvergne, excepté la tête d'épingle de Clermont-Ferrand ; du côté de Toulouse, Mme la présidente peut le dire mieux que moi, il existe des déserts médicaux à seulement quinze kilomètres alentours. Je pose une question : faire un quart d'heure de voiture pour se rendre à son travail situé à quinze kilomètres d'une métropole comme Toulouse, est-ce un obstacle majeur à une bonne qualité de vie, à l'accès aux structures éducatives pour la famille, au travail du conjoint ? Dans mon département, beaucoup de nos compatriotes passent quatre heures par jour en transport pour aller travailler en région Île-de-France. Le moment est venu, je pense, de s'interroger sur la notion de bassin de vie.
En conclusion, je fonde beaucoup d'espoir dans la télémédecine, mais elle ne résoudra pas tout. On pourra imaginer toutes les méthodes modernes de diagnostic, elles ne remplaceront jamais le contact direct, la relation singulière entre un médecin et son patient.
Comme nous avons déjà subi, vous, monsieur le rapporteur, moi-même et d'autres collègues, des insultes de la part d'une poignée de médecins sur les réseaux sociaux, attendons-nous à en recevoir de nouvelles incessamment. Une telle frénésie dépasse l'entendement ! Nous, parlementaires, de la majorité comme de l'opposition, avons obtenu la légitimité de nos concitoyens : notre devoir est de permettre l'accès pour tous aux droits, et la santé est un droit ! Faut-il rappeler que les citoyens solvabilisent leur système de soins en payant des cotisations sociales, la CSG, des cotisations à une complémentaire santé, voire un reste à charge ? Ils sont payeurs : nous leur devons ce droit à la santé.
Je crains fort, monsieur le rapporteur, que votre proposition de loi n'aboutisse pas aujourd'hui. Mais un jour ou l'autre, j'en suis persuadée, nos concitoyens dans les territoires réclameront leur droit à accéder un médecin de façon raisonnable, en kilomètres et en temps. Le jour où la population fera entendre fortement sa voix, les politiques et les syndicats de médecins seront dépassés.
J'ai longtemps partagé cette conviction de la nécessité de recourir à la coercition, mais, au fil des années, la pratique et les idées défendues par les plus jeunes m'ont fait revenir sur cette idée.
À mon tour, monsieur le rapporteur, je salue votre ténacité et votre fidélité à vos idées. Nous devons cependant avoir à l'esprit cette donnée incontournable que la santé s'appréhende sur le temps long et que de nombreux paramètres y participent : le nombre de médecins – à former ou en installation –, notre démographie bien portante mais aussi vieillissante, l'aménagement du territoire, l'attractivité des pôles urbains, le bouleversement des parcours professionnels au cours de la vie active, celle du médecin mais aussi celle de son conjoint ou de sa conjointe.
On ne peut pas se contenter de compter le nombre de professionnels pour le mettre en adéquation avec le nombre d'habitants. Cela requiert des études prospectives extrêmement compliquées. Par exemple, dans les endroits où le vieillissement de la population est très important, il faudra un nombre considérable de professionnels de santé pour les entourer ; dans d'autres endroits, où le territoire est plus large mais l'accessibilité plus facile et la population plus jeune, il faudra moins de professionnels de santé pour rendre un service à peu près équivalent.
Il faut de neuf à douze ans pour former un médecin, qui exercera le plus souvent en médecine libérale – et non en médecine salariée – après sept ou huit ans de remplacements multiples. La médecine dans notre pays s'est construite en deux pôles : l'un salarié, hospitalier ; l'autre de médecine libérale, que personne ici n'envisage de détruire. Ce qu'il faut considérer, c'est la courbe du numerus clausus qui, de 9 000 étudiants lors de sa création au début des années 1970, a connu une décroissance régulière dès les années 1980 et un creux considérable, à 3 500, dans les années 1990. Aujourd'hui, nous payons la tragique erreur de prospective des décideurs de l'époque.
À cela s'est ajoutée, dans les années 2000, l'incitation financière pour les médecins à prendre une retraite anticipée, le fameux MICA, qui reposait sur l'idée que la diminution de l'offre diminuerait la consommation. Mais l'effet mécanique attendu ne s'est pas produit, et l'on s'est privé de médecins qui ont décroché leur plaque à cinquante-sept ans.
Monsieur le rapporteur, je mettrai, en face de vos propositions, trois constats.
Premier constat : nous ne réformerons pas le cursus long des études médicales et l'installation des futurs médecins sans une concertation approfondie avec les intéressés. Tous ceux que j'ai pu rencontrer me l'ont dit clairement.
Vous parliez des professions qui ont accepté des contraintes conventionnellement. Cette méthode a été tentée avec les médecins en 2007, mais une grève dure des internes a conduit à renoncer à cette notion de convention, trop liée à celle de coercition. C'est le deuxième constat : nous ne construirons pas un système viable et solide sur la pratique des plus jeunes dans des endroits où ils ne veulent pas aller. Les y envoyer par la coercition, pourrait en conduire certains à se détourner de l'art médical.
Troisième constat : dans les pays où elle a été mise en place, la coercition n'a pas très bien marché.
Que reste-t-il : l'incitation ? Vous avez rappelé les dispositifs mis en place par les différents gouvernements. Nous en connaissons les limites, mais je crois que c'est la seule voie. Je ne crois plus à la coercition.
Chacun d'entre nous connaît la réalité de son territoire, mais les chiffres doivent être regardés au niveau infraterritorial. Les chiffres régionaux ou départementaux ne veulent pas toujours dire grand-chose. La région qui va connaître la plus grande décroissance de médecins généralistes entre 2017 et 2025 est l'Île-de-France, perte de – 22 % de médecins actifs, contre 10 % à 15 % pour les autres régions. La région Centre, la vôtre, monsieur le rapporteur, est en deuxième position. Ces chiffres sont issus d'une réalité construite par d'autres. Quant à nous, nous sommes collectivement responsables de ce qui se passera demain.
Malgré toute la considération que j'ai pour vous, monsieur le rapporteur, je ne crois pas que vos propositions soient de nature à résoudre à court terme les problèmes des jeunes médecins. Ces derniers sont des partenaires actifs, ils ont mis des propositions sur la table. Quel Gouvernement sera susceptible de les entendre ? Nous le verrons bien.
Cher Philippe Vigier, je retrouve bien là votre fidélité et votre ténacité. Vous vous associez à votre collègue sénateur de l'UDI, Hervé Maurey, qui a également rédigé un rapport sur l'accès aux soins dans les territoires. Chacun reconnaît que ce sujet est particulièrement sensible, mais je veux vous expliquer pourquoi toute proposition de limiter la liberté d'installation rencontrera toujours l'opposition d'une majorité.
D'abord, ici même, la ministre a confirmé fortement son refus de revenir sur le socle de la médecine libérale, lors de l'examen de la loi de modernisation de notre système de santé d'abord, puis du PLFSS pour 2017 il y a quelques jours. Tous les syndicats des jeunes médecins – ISNI, ISNAR-IMG, REAGJIR, SNJMG –, mais aussi l'Association nationale des étudiants en médecine, que vous avez reçue hier, ainsi que le Conseil national de l'Ordre des médecins et les syndicats de médecins seniors sont pour le maintien de la liberté d'installation. Tous les candidats à la primaire de la droite et du centre ont soutenu la liberté d'installation, soit dans leurs écrits, soit dans les congrès annuels des médecins libéraux et des étudiants auxquels ils ont participé. Notre groupe Les Républicains, dans sa large majorité, ne cesse de réaffirmer qu'une politique de santé publique doit se faire avec les professionnels de santé, et non contre eux. Nous avons toujours soutenu la préservation de la liberté d'installation, tout en proposant des mesures incitatives pour l'installation durable dans des zones en souffrance.
Si nous sommes d'accord sur la gravité du déséquilibre démographique, nous ne validons absolument pas la solution que vous proposez. Elle serait immédiatement contreproductive compte tenu de la réalité constatée : les médecins ne s'installent pas avant trente-cinq ans ; ils sont moins de 9 % à se diriger vers la médecine ambulatoire libérale, ce qui représente moins de 300 personnes par an sur tout le territoire, soit trois à quatre par département ; à trente-cinq ans en moyenne, les jeunes médecins n'iront pas où ils ne veulent pas aller. Certains pays européens tels l'Allemagne, l'Autriche et la Belgique, ont tenté ce que vous proposez ; le Québec, souvent mis en avant en matière médicale, aussi. Tous ont échoué. Dès lors que le déconventionnement se présentera comme l'alternative, beaucoup choisiront le secteur 3.
Le numerus clausus avait atteint un niveau très bas dans les années 1990-1995, ramené aux alentours de 3 500 par tous les gouvernements, de gauche comme de droite. Nous en payons les effets négatifs aujourd'hui. En outre, la médecine générale n'est plus du tout « sexy » depuis quelques années, en raison du poids des contraintes administratives, de la déconsidération de la profession, des obstacles multiples dans les territoires où les services publics ont disparu, de la faiblesse des tarifs depuis 2010-2011 – 23 euros, c'est moins que le prix du coiffeur de certaines personnalités politiques ! Tout cela a conduit des milliers d'étudiants à choisir une autre voie. Plus de 10 000 médecins exercent en mode d'exercice particulier (MEP), d'autres travaillent comme salariés dans l'industrie.
Il y a quelques mois, le groupe Les Républicains avait déposé une proposition de loi dont le contenu avait l'assentiment des étudiants en médecine, comme du Conseil national de l'Ordre des médecins. Elle prévoyait la déshopitalisation des études de médecine, pour que les jeunes aillent étudier hors de l'hôpital ; des épreuves classantes régionalisées ; un stage en médecine ambulatoire d'un an minimum ; le soutien aux retraités qui souhaiteraient reprendre une activité, éventuellement dans les territoires, mais sans les contraintes financières de l'assurance maladie ; le maintien des maisons de santé pluridisciplinaires, qui sont plus de 800 ; les contrats d'engagement de service public. Toutes ces mesures étaient incitatives, mais la proposition n'a pas été adoptée, ni au stade de la commission ni dans l'hémicycle. Peut-être l'avez-vous néanmoins approuvée, monsieur le rapporteur ?
Je note que vous n'avez pas abordé le tiers payant généralisé, qui est dénoncé par tous les professionnels de santé et qu'il faudrait absolument abolir.
Même si nous sommes en phase avec certains articles de votre proposition de loi, et avec le constat sous-jacent, nous n'acceptons pas cependant les solutions retenues, en particulier les contraintes qui restreignent la liberté d'installation. Pareille mesure n'a jamais facilité l'accès aux études médicales générales et libérales. Pour ce faire, il faut redonner une image attractive à la médecine générale ambulatoire. Ce n'est pas la contrainte, mais l'incitation qui peut être efficace.
Vous avez entendu hier les étudiants en médecine, qui ont déclaré être tout à fait favorables à un débat avec les élus locaux, régionaux et nationaux, pour que nous puissions éventuellement engager avec eux des mesures incitatives. Mettons les étudiants avec nous, non contre nous.
Monsieur le rapporteur, vous aurez compris que je voterai contre cette proposition de loi.
Vous dites que tous les professionnels de santé sont contre le tiers payant. Parlez-en aux radiologues, aux biologistes et aux pharmaciens d'officine ! Il est faux de dire que tous les professionnels de santé sont contre.
Au nom du groupe UDI, je soutiendrai cette proposition de loi, non seulement parce qu'elle sera examinée en séance publique grâce à l'ordre du jour réservé à notre groupe, mais parce que j'ai moi-même alerté, en diverses occasions, le Gouvernement et mes collègues sur le problème de l'accès aux soins et sur les déserts médicaux qui s'amplifient dans nos territoires. Comme l'accès à l'emploi et d'autres obligations régaliennes de l'État, l'accès aux soins se trouve en difficulté. Il y a des mesures structurelles à prendre, car les solutions mises en oeuvre à ce jour se sont révélées largement insuffisantes.
Une étude d'UFC-Que choisir a montré que 5 % de la population en 2016, soit près de 3 millions de nos concitoyens, vivent dans des déserts médicaux. Même le Conseil national de l'Ordre a dressé un constat qui doit nous alerter, puisque il n'y a pas un département de France qui n'ait de difficulté à remplacer un médecin de campagne. Madame la présidente, je pense, comme vous, que ce sujet de société doit transcender les barrières partisanes.
Le Gouvernement a pris plusieurs mesures incitatives. Elles ont certes le mérite d'exister, mais elles ont vu leurs limites. Dévoilé en 2012, le Pacte territoire-santé incluait un stage obligatoire en médecine générale pour les étudiants et des contrats d'engagement de service public en contrepartie de leur installation en zone fragile. À l'époque, déjà, le groupe UDI avait alerté sur son insuffisance au regard de la fracture médicale grandissante dans notre pays. Cette proposition de loi va dans le sens d'une transformation de l'accès aux soins et de notre société.
Un autre problème de la désertification médicale est que les professionnels paramédicaux et pharmaceutiques sont tenus de s'installer dans des territoires où manquent pourtant des médecins, qui sont prescripteurs pour ces mêmes professionnels de santé. L'équilibre économique de ces professionnels, pris dans une situation d'entonnoir, risque d'en pâtir. Il importe donc de parvenir à une bonne répartition de l'ensemble des professions de santé sur le territoire. En ce sens, la proposition de Philippe Vigier est équilibrée, même s'il faudra travailler en parallèle sur la revalorisation de la profession médicale et sur son environnement, notamment parce que cette profession se féminise, ce qui modifie les conditions d'exercice. En tout cas, il faut prendre des mesures pour que la tendance à la désertification médicale s'inverse.
Nous entendons, nous aussi, les professionnels de médecine ; il faut convenir qu'ils ne vont pas dans notre sens. L'on ne fait pas le bien des gens malgré eux, mais au contraire avec eux. Aussi devons-nous continuer la discussion. Ce texte constitue la première étape d'un débat plus large sur l'avenir de notre système de santé.
Le groupe UDI considère qu'en s'attelant aux problèmes de structure et d'organisation des études, cette proposition de loi favorisera la mobilité des professionnels et permettra de lutter efficacement contre la désertification médicale. C'est pourquoi nous voterons pour cette proposition de loi.
J'ai lu avec attention les quinze articles de cette proposition de loi qui tente d'apporter une réponse à la désertification médicale. Très vite, il apparaît qu'elle passe par des éléments de coercition, ce qui va à l'encontre de ce que nous pensons au groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste (RRDP). Pour cette raison, vous pouvez déjà considérer, cher collègue Philippe Vigier, que notre groupe ne sera pas favorable à votre proposition de loi.
De notre point de vue, la coercition, aujourd'hui, est dépassée. Nous parlons de la désertification médicale depuis des années. On a pu voir, lors de l'examen de la loi relative à la santé puis du projet de loi de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), que la ministre de la santé a bien compris que de telles mesures ne permettraient pas d'avancer sur ce sujet extrêmement complexe. Cela nous semble un combat d'arrière-garde.
Dans l'exposé des motifs de votre proposition de loi, vous arguez qu'aucune mesure d'ampleur n'a été prise pour lutter contre la désertification médicale. Je ne vais pas les reprendre une à une, mais beaucoup de mesures incitatives ont été décidées. Certes, il faut parfaire leur organisation, mais elles existent. Au passage, je salue l'action, dans nos territoires, des collectivités locales. Les mairies, les communautés de communes et les conseils départementaux mettent en oeuvre une incitation à l'installation, en faisant la promotion de nos territoires et de la qualité de vie que nous y avons. Leur action doit être entendue comme un complément aux instruments que nous envisageons.
L'on parle de manière parfois un peu vague de désertification médicale. Où s'observe-t-elle vraiment ? Il y a aussi bien des zones urbaines qui sont concernées. Dans mon département rural, le Lot, il n'y a jamais eu autant de médecins généralistes, grâce à une politique d'incitation et de promotion de notre département. Beaucoup de maîtres de stage accueillent des internes en stage pendant six mois. Vous proposez d'étendre cette période à un an. Pourquoi pas ? Il y faut du temps, mais cela porte ses fruits. Constatant cela, comme Gérard Sebaoun, j'ai évolué sur le sujet.
Nous avons loupé le coche il y a trente ans, n'ayant pas anticipé que le vieillissement de la population et le développement des maladies chroniques, mais aussi les progrès techniques et de la médication aussi rendraient plus souvent nécessaire de faire appel à un médecin aujourd'hui qu'alors. Il y avait une formation double, soit par l'internat, soit par les certificats d'études spécialisées (CES). Quand, sous la pression de l'Union européenne, l'on a supprimé les CES, l'on n'a pas augmenté pour autant les postes d'internes. Il aurait fallu, pour cela, que les doyens soient d'accord pour accepter de les former en plus grand nombre. La baisse du nombre de médecins formés est donc une responsabilité collective. Le numerus clausus a toutefois augmenté sensiblement ces dernières années. Il importera d'évaluer quels en seront les effets sur les installations.
Certains articles nous paraissent mériter que l'on s'y arrête, mais l'esprit général de la proposition de loi ne satisfait pas notre groupe. Les médecins suivent une formation longue, de neuf années s'ils sont généralistes, de treize ans si s'y ajoutent l'internat et le clinicat, comme c'est le cas pour les oncologues. Les étudiants en médecine ont rencontré au cours de cette période beaucoup de personnes qui ont influé sur leur cursus : patients, médecins, professeurs... Ils ont formé à leur contact un projet de vie. Au bout de ce parcours, nous ne pouvons pas les obliger à s'installer là où ils ne veulent pas aller. N'oublions pas qu'il s'agit d'un exercice libéral. Même en milieu rural, une patientèle met du temps à se constituer ; un patient ne donne pas immédiatement sa confiance à un médecin libéral, même dans des zones réputées être des déserts médicaux.
Bien des mesures incitatives pourraient être mises en place, par exemple pour soutenir les médecins généralistes qui acceptent d'être maîtres de stage. Je n'ai pas le temps de les énumérer toutes.
Je rappelle, pour finir, que les syndicats et les associations représentatives des étudiants en médecine, les internes de toutes les spécialités, les chefs de clinique ambulatoires et hospitaliers, les remplaçants et les jeunes installés avaient unanimement dénoncé l'amendement de Mme Annie Le Houerou, qui prévoyait un conventionnement sélectif. Ils avaient déposé un préavis de grève. Or cette proposition de loi est encore plus coercitive. Je me demande quelle serait leur réaction si elle venait à être votée.
Pour toutes ces raisons, notre groupe ne soutiendra pas la proposition de loi.
La situation est de plus en plus difficile, le constat est partagé par tous. À vrai dire, il crève les yeux. Nous voyons le résultat de choix politiques catastrophiques. Malgré les alertes que nous avons lancées et les statistiques bien connues sur l'âge moyen des médecins en exercice, ces mêmes choix politiques ont continué, pour aboutir à la situation actuelle. Voyons les choses avec lucidité.
Je ne crois pas qu'il y ait lieu d'opposer les différentes régions. À Nanterre et à Suresnes, dans les Hauts-de-Seine, où je suis élue, il y a aussi une désertification médicale dans certains quartiers. J'entends beaucoup parler de la liberté d'installation et de la médecine libérale. Mais, dans certains quartiers difficiles et dans certaines conditions, l'installation de jeunes médecins ne serait pas la meilleure réponse. Un exercice plus collectif de la profession, dans des centres de santé ou des maisons médicales, serait peut-être plus adapté.
Il n'y a pas de recette unique, mais plutôt un faisceau de raisons qui expliquent la situation actuelle et qui justifient un faisceau de solutions. Les efforts déjà consentis ont fourni des résultats. Je regrette qu'il n'en soit pas fait davantage d'évaluation, de sorte que nous disposions d'arguments sérieux en faveur de l'une ou l'autre solution. En tout état de cause, il faut former davantage de médecins. Notre collègue Gérard Sebaoun a raison de souligner que c'est long. Les dispositions que nous prenons maintenant ne porteront leurs fruits que beaucoup plus tard, de même que nous payons aujourd'hui les mesures négatives prises dans le passé.
Je pense qu'il faut conserver les hôpitaux de proximité. Les médecins libéraux en ont impérativement besoin, de leurs plateaux techniques et des compétences qui peuvent venir en appui à leur pratique. Certaines régions sont désertifiées parce que l'on a trop fermé de lieux de santé de proximité. Nous devons prendre aussi des mesures pour aider les étudiants.
L'Ordre national des médecins a réalisé un travail remarquable, formulant des propositions. Les cinq premiers articles du texte que nous examinons contiennent ainsi des dispositions recommandées par l'Ordre, qui me semblent positives : prise en compte de l'offre territoriale de soins pour déterminer le numerus clausus ; stage de douze mois dans un cabinet après les trois premières années d'études ; internat plutôt régional que national, pour que des postes soient ouverts dans les régions qui en ont le plus besoin. Logiquement, en effet, les étudiants en médecine s'installent majoritairement là où ils ont fait leurs études, car c'est là qu'ils se sont faits des amis, qu'ils se sont formés et qu'ils ont constitué leurs réseaux de relations. Je suis favorable à l'idée d'un internat interrégional, qui permette d'ouvrir plus ou moins de postes selon les régions. Cela répond à l'obligation qui pèse sur nous de faire que tous nos concitoyens puissent être soignés. L'idée que les internes non thésés puissent exercer en tant que collaborateurs me paraît bonne. J'ai de même soutenu le statut de praticien territorial remplaçant promu par la ministre de la santé Mme Marisol Touraine.
S'agissant de la coercition, il faut que nous ayons du courage. Au moment de sauter, certains d'entre nous éprouvent quelques réticences… Ce type de mesures n'est certes agréable pour personne. En tant que législateurs, nous avons cependant la responsabilité de prendre des mesures et de veiller à ce que tout le monde soit soigné sur le territoire. Demander à de jeunes médecins de s'installer là où ils veulent, sauf dans les zones où il y a déjà trop de médecins, ne me paraît pas porter atteinte à la liberté d'installation. L'amendement de notre collègue Annie Le Houerou proposait un déconventionnement comme sanction. Est-ce vraiment une bonne idée ? J'assume, en tout cas, l'idée que les jeunes médecins ne choisissent leur lieu d'installation qu'hors des zones excédentaires.
Parce qu'elle paye leurs études et qu'elle finance la sécurité sociale, la puissance publique est légitime à prendre des dispositions à leur endroit.
À l'occasion de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, il y a quelques jours, nous avons déjà eu l'occasion de peser le pour et le contre de ces mesures contre la désertification médicale.
La coercition ne marche pas. Elle peut seulement conduire à la diminution du nombre d'étudiants souhaitant se diriger vers la médecine. Au sein des étudiants en médecine eux-mêmes, de moins en moins choisissent l'orientation de la médecine générale. Notre collègue Jean-Pierre Door a fait état des propositions que notre groupe avait formulées pour remédier à ces problèmes. Elles furent refusées. Je regrette ce temps perdu.
Nous sommes attachés à la liberté d'installation. Contre la désertification médicale, des médecins ont déjà mis en place des maisons pluridisciplinaires de santé. Elles marchent bien, sans coûter un centime aux collectivités.
Je partage avec beaucoup de nos concitoyens le constat sur le phénomène de la désertification médicale auquel veut remédier notre collègue Philippe Vigier. Comme il l'écrit dans l'exposé des motifs, la question de l'accès aux soins sur l'ensemble du territoire n'a pas été réglée par la loi de modernisation de notre système de santé. Les inégalités territoriales tendent même à s'amplifier. Les incitations financières proposées n'ont pas suffi. Le refus systématique de créer un cadre réglementé pour l'installation n'a finalement jamais permis de l'expérimenter. Cette proposition de loi a au moins le mérite de s'attaquer à l'angoisse qui s'installe souvent dans nos secteurs ruraux et périurbains, comme dans les quartiers défavorisés, en proposant une approche différente.
Des articles de la proposition de loi, je ne reprendrai que deux exemples emblématiques. L'article 2 prévoit qu'au cours de la troisième année d'internat, tout étudiant en médecine doit exercer un stage pour une durée minimale de douze mois au sein d'une maison de santé pluridisciplinaire ou d'un établissement hospitalier dans les zones dans lesquelles est constaté un déficit en matière d'offre de soins. Ils iront constater la situation sur le terrain et je trouve que c'est une bonne idée.
L'article 6 prévoit, quant à lui, qu'à partir de 2020, tout médecin doit, à l'issue de sa formation, et pour une durée minimale de trois ans, s'installer dans un secteur géographique souffrant d'un nombre insuffisant de médecins pour répondre aux besoins de la population en termes d'accès aux soins. Je connais bien des secteurs ruraux où ils seront accueillis à bras ouverts.
Je suis un peu plus dubitatif sur l'article 4 et sur le renforcement du dispositif de cumul emploi-retraite, qui est aujourd'hui sans effet sur la répartition territoriale des médecins. Au contraire, il bénéficie prioritairement aux médecins installés en zone surdotée. Le renforcer dans les zones défavorisées, grâce à un abaissement des cotisations sociales, ne m'apparaît pas comme une bonne idée. Les médecins à la retraite qui habitent dans ces territoires seraient-ils simplement motivés par des gains supplémentaires ? Je n'en suis pas si sûr. J'espère même, pour la morale et pour l'éthique, ne pas me tromper.
Néanmoins, cette proposition de loi, envisagée dans sa globalité, me semble de nature à faire bouger les lignes. Je ne doute pas, d'ailleurs, qu'elle sera particulièrement attaquée par des lobbies en tout genre. Sans doute est-ce la raison pour laquelle j'ai une furieuse envie de la voter.
Tous les ans, nous reprenons le débat sur le sujet de l'installation des médecins. Nous en avons eu encore récemment l'occasion lorsque nous avons examiné l'amendement de notre collègue Annie Le Houerou, élue des Côtes-d'Armor. Certes, nous devons entendre les médecins et les étudiants en médecine, mais nous devons écouter aussi les citoyens et les élus locaux. Ils s'inquiètent de la désertification. Elle est réelle.
Notre responsabilité est de lutter contre les inégalités, de plus en plus criantes, de l'accès aux soins. Jusqu'à présent, les gouvernements, de droite comme de gauche, ont fait le pari de l'incitation. Des progrès ont été observés avec la création de maisons de santé pluriprofessionnelles, l'augmentation du numerus clausus, les contrats d'engagement de service public, le soutien aux remplacements et l'engagement des élus locaux. Pourtant, force est de constater que cela ne suffit pas, y compris dans les départements dotés de grandes universités. Ainsi, à Rennes, les étudiants en médecine ont bien du mal à s'installer ou même à simplement exercer loin de l'agglomération, ne serait-ce qu'à trente minutes. Ils pourraient, à tout le moins, habiter dans la ville où ils ont fait leurs études, mais accepter d'aller exercer à trente minutes, si les conditions le permettent.
Indubitablement, les stages obligatoires au cours de l'internat sont une vraie piste, à condition qu'ils soient d'une durée significative. La déshospitalisation des études de médecine est aussi une piste à explorer. Ce qui fait débat, c'est l'obligation prévue, à partir de 2020, pour tout médecin de s'installer, à l'issue de sa formation, et pour une durée minimum de trois ans, en zone sous-dotée, sous peine de pénalités financières. J'ai trois questions à ce sujet.
Monsieur le rapporteur, que répondez-vous à ceux qui militent pour que ces discussions aient lieu non au niveau national, mais au niveau régional, puisque les lignes bougent ? Vous êtes-vous interrogé sur les critères de définition des zones tendues et sous-tendues ? Les élus locaux pourraient contribuer à les déterminer. Quelle forme prendraient les pénalités financières prévues, en cas de non-respect des obligations nouvelles ? Notre collègue Annie Le Houerou proposait le déconventionnement.
Je complèterai l'intervention de notre collègue Gérard Sebaoun, par deux ou trois remarques tirées de mon expérience locale.
Je pense qu'il faut des outils de régulation. Ne voyons-nous pas des pôles médicaux se constituer autour des pharmacies ? Ces pôles médicaux sont, en général, faciles à mettre en place, puisque quatre ou cinq médecins généralistes peuvent trouver un intérêt à être à côté d'une pharmacie, en mutualisant leur secrétariat. J'en connais des exemples en zone urbaine sensible. Cela s'est fait grâce à des exonérations de charges sociales. Les moyens de régulation existent donc et ils peuvent être efficaces.
Originaire d'une région minière, je sais que la sécurité sociale minière a longtemps joué ce rôle. Ne négligeons pas les possibilités de renforcer la démographie de l'ensemble de la profession médicale.
Enfin, je connais l'exemple d'un patient qui cherchait, sur indication de son cardiologue, à obtenir un rendez-vous pour un scanner en Lorraine. Il n'était pas possible de trouver un horaire de rendez-vous avant un mois dans la région. À Paris, au deuxième coup de téléphone, un rendez-vous était possible pour le lendemain à 13 heures 30. Mais l'acte coûtait 350 euros et n'était remboursé qu'à hauteur de 70 euros. Je suis étonné que l'on puisse donner autant d'autorisations d'exploitation, alors que certains outils sont manifestement sous-employés. Parfois, l'on solliciterait presque les gens pour venir passer des examens.
Nous avons eu cette discussion lors du débat sur le PLFSS pour 2017. J'avais alors voté l'amendement présenté par Mme Annie Le Houerou et, ne m'alignant pas sur la position présentée comme étant celle de mon groupe politique, je voterai la proposition de loi de M. Philippe Vigier.
Après que tant de mesures incitatives sont restées sans effet, il est légitime de débattre de l'instauration de mesures plus coercitives. Il en irait autrement si l'on n'avait rien fait avant de chercher à contraindre. Mais qu'autant d'argent public national et local soit dépensé pour créer des maisons médicales qui restent vides faute que des médecins s'y installent est à la fois désastreux et insupportable. Qui plus est, la démographie de nombreuses régions est mise en péril par l'absence de personnel de santé, qui ruine les initiatives prises par les acteurs publics et privés alors même que les territoires ruraux ont un attrait réel. Il est donc impératif de traiter ce problème. Mais, pour le traiter au mieux, il faut aussi, par voie réglementaire, revoir les zonages. Pour l'instant, s'y trouvent amalgamées des zones à fortes densité médicale et des zones périphériques à très faible densité, si bien que des problèmes apparaissent souvent à l'intérieur des zones ainsi définies. J'ai en ce moment des discussions très serrées à ce sujet avec l'agence régionale de santé (ARS) dont dépend ma circonscription et avec la Caisse primaire d'assurance maladie. La révision des zonages devant avoir lieu en 2017, il faut revoir la manière dont ils sont dessinés et permettre aux élus de donner leur point de vue sur leur définition.
Je voterai cette proposition à laquelle je souscris sans réserve.
Je suis, comme notre rapporteur, député du Centre-Val de Loire, la région où la densité médicale est la plus faible, dans un département où la population augmente légèrement alors que le nombre de médecins diminue – et je ne parle pas des départements du Cher et de l'Indre, ce dernier accusant une baisse de la densité médicale de l'ordre de 15 %. Étant donné la pyramide des âges, les problèmes sont devant nous, car nombreux sont les médecins qui vont prendre leur retraite dans les années à venir. Autant dire qu'une proposition de ce type attire mon attention et m'incite à la réflexion.
La formation des médecins étant financée par les deniers publics, la demande de soins étant solvabilisée par des mécanismes de solidarité – la sécurité sociale principalement, et la mutualisation opérée par les complémentaires santé –, nous ne pouvons récuser le principe d'une liberté d'installation encadrée ; il faut en tenir compte dans la définition des modes d'installation. On constate aussi que, pour ce qui est de l'installation des médecins, le libéralisme ne fonctionne pas : il est avéré que la liberté totale d'installation a abouti à une mauvaise répartition spatiale.
Si l'on peut discuter sur le principe, la thérapeutique préconisée interroge au regard de son efficacité. À ce sujet, j'ai été attentif aux propos de MM. Door et Sebaoun. Il se pose un problème de méthode : le sujet doit être débattu, mais une loi en cette matière ne devrait être élaborée qu'après qu'une véritable négociation a été conduite et si elle a échoué. Cette négociation n'a pas eu lieu, ce qui est suffisant pour, malheureusement, ne pas adopter le texte en l'état. À cela s'ajoute que le périmètre retenu est trop étroit, le problème affectant à la fois la médecine libérale et l'hôpital.
Le marronnier refleurit donc, comme depuis vingt, sinon trente ans, et le sujet est grave. La désertification médicale, c'est tout autre chose que de devoir faire une heure de route pour aller consulter un médecin : c'est ne trouver qu'à très grand mal un médecin à consulter et, quand un rendez-vous a finalement pu être pris, parfois plusieurs jours plus tard, se trouver face à un médecin surmené par douze sinon quinze heures de travail quotidien et au bord du burnout. Telle est la réalité, et tel est le problème auquel nous devrons absolument apporter une solution. Lors de la discussion du PLFSS pour 2017, les opposants au dispositif de régulation de l'installation proposé par Mme Annie Le Houerou ont avancé des mesures de toutes sortes : il a été question de stages, de formation, d'ouverture du numerus clausus, de postes d'internat, de maisons médicales, de télémédecine… On trouve tout cela dans la présente proposition de loi, que je soutiendrai, car, même si elle est imparfaite, elle a le mérite de proposer un éventail de solutions sur lesquelles on peut enfin discuter, notamment avec ceux qui étaient opposés à l'amendement Le Houerou.
La féminisation de la profession est très souvent présentée comme l'une des causes de la désertification médicale. C'est une des données à prendre en considération, mais le problème est bien plus large. Il tient à ce que les comportements se modifient ; que les médecins, hommes ou femmes, veulent une vie familiale de qualité ; qu'ils refusent d'être corvéables à merci et de travailler douze ou quatorze heures par jour ; que les épouses ne sont plus des petites mains zélées et que les médecins doivent avoir un secrétariat. Ces données-là n'ont pas été intégrées dans les schémas imaginés pour permettre aux médecins de s'installer dans les zones rurales. Cela ne signifie pas que rien n'aurait été fait ; des évolutions ont eu lieu depuis quinze ans concernant le numerus clausus, les stages des médecins, les postes d'internat, les maisons médicales et la télémédecine. Les gouvernements de gauche et de droite ont agi, mais il manque précisément le dispositif proposé par Mme Le Houerou. Il est inacceptable de continuer à laisser des médecins s'installer là où l'on sait qu'il y en a déjà trop.
Je partage le constat dressé par le rapporteur et confirmé par mon collègue Gérard Sebaoun : alors que la Haute-Garonne est l'un des départements où la densité de médecins généralistes rapportée à la population est la meilleure, dans ma propre circonscription, qui part du centre de Toulouse pour aller jusqu'au Tarn, de plus en plus nombreuses sont les communes qui se trouvent sans médecin quand le généraliste en exercice prend sa retraite. De plus, on ne dit pas assez combien il est difficile pour les petits établissements de santé de recruter et de garder des médecins salariés ; dans certaines spécialités, le problème vaut même pour les CHU.
Le principe de réalité s'impose donc et il s'imposerait de la même manière pour les mesures contraignantes proposées aujourd'hui que pour les mesures incitatives – en admettant que l'on puisse en cueillir les fruits avant dix ans, étant donné la pyramide des âges des médecins qui exercent actuellement. De plus, il est gênant que cette proposition nous soit soumise en fin de législature et que l'on soutienne en même temps certains candidats aux primaires des groupes politiques qui se prononcent en faveur de la liberté d'installation.
Par ailleurs, au motif qu'ils n'ont pas passé leur thèse dans les délais requis, on est en train de démettre de leur fonction de soignants des médecins étrangers venus de pays extérieurs à l'Union européenne et qui travaillent sous la responsabilité de médecins français depuis des années. Ils sont plusieurs dizaines dans ce cas en France. Autant dire qu'il y a encore des mesures à prendre, mais je pense que la question relève du débat préalable à l'élection présidentielle.
M. Vigier ne présente pas cette proposition aujourd'hui pour la première fois : il l'a déjà fait en 2011 et en 2012. On ne saurait dire que c'est une nouveauté !
Le droit à la protection et à la santé est un principe constitutionnel et son exercice exige que l'on puisse accéder aux soins en tous lieux. Mais il faut aussi réaffirmer qu'une politique de santé publique ne se fait pas contre les professionnels de santé mais avec eux. La liberté d'installation est essentielle. Pour autant, il faut favoriser l'installation durable des médecins dans les zones en souffrance, en milieu rural comme en milieu urbain, car certains quartiers souffrent également d'être des déserts médicaux. La situation est grave et la précédente majorité avait défini une politique de lutte contre la désertification médicale qui s'est traduite par l'élargissement du numerus clausus, la loi portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, les contrats d'engagement de service public, les maisons de santé pluridisciplinaires. Parce qu'il faut aller plus loin, notre groupe a proposé la déshospitalisation des études médicales, l'effectivité des stages en ambulatoire pendant les études de médecine, la définition d'une formation initiale plus proche du terrain et permettant de renforcer l'attractivité d'une spécialité et des territoires en souffrance. Où en sont, d'ailleurs, les centres de santé universitaires prévus dans la loi Touraine ?
Obliger à l'installation dans les zones désertifiées, n'est-ce pas risquer de provoquer la fuite des internes vers d'autres modes d'exercice qui ne permettront pas d'assurer une présence médicale proche ? Le problème doit être envisagé dans le cadre de la politique générale d'aménagement du territoire ; or comment obliger de jeunes médecins à s'installer là où il n'y a ni services, ni écoles, ni activités ? Il faut avant tout privilégier l'engagement volontaire des professionnels de santé grâce à des aides et à un plan ambitieux de maisons de santé permettant qu'ils se regroupent. Au moment où se créent les groupements hospitaliers de territoire, ne devrions-nous pas aborder la question à l'échelle de chaque territoire et donc aller plus loin dans la territorialisation des activités d'urgence et des rôles respectifs ? Au cours de la discussion des crédits de la mission Santé du projet de loi de finances pour 2017, j'ai d'ailleurs interrogé la ministre sur la réorganisation territoriale de la prise en charge des urgences et dit la nécessité d'associer aux décisions les élus locaux, qui connaissent parfaitement la situation de leurs territoires respectifs.
Cette proposition nous conduit à poursuivre la discussion que nous avons eue sur l'amendement de Mme Le Houerou. Je suis toujours choquée que l'on traite en un seul bloc les spécialités et la médecine générale alors que, selon que l'on parle des unes ou de l'autre, les zones sous-tendues ou sur-tendues ne relèvent ni de la même définition ni des mêmes palliations.
La proposition apparaît alors qu'une convention avec les médecins vient d'être signée il y a quelques semaines. Je trouve de mauvaise pratique de vouloir modifier des règles contractuelles à peine fixées.
Il est nécessaire de prendre en considération la manière dont les jeunes médecins – que, comme M. Philippe Vigier, j'ai reçus longuement au moment de la discussion du PLFSS et sans lesquels nous ne ferons rien – souhaitent exercer la profession. Je reprendrai donc mot pour mot ce qu'a dit Mme Poletti, pour aboutir à d'autres conclusions. Prenons en considération les desiderata des jeunes futurs médecins, qui pour beaucoup sont des femmes – lesquelles, en effet, ne sont plus seulement les petites mains de leurs grandioses époux. Nous ne pouvons introduire une dose de répartition territoriale « facilitée » des installations qu'en nous donnant les moyens de satisfaire les demandes de pratique des jeunes médecins. Comme M. Perrut, je pense qu'une coercition imposée brutalement et trop rapidement conduira de nombreux professionnels à fuir l'exercice libéral.
Nous partageons tous l'idée qu'il est de notre responsabilité de parlementaires de satisfaire l'accès aux soins de premier niveau, besoin essentiel. La situation actuelle est intenable, et il y a pire : au fil des décennies, nous avons laissé s'instaurer une rupture de l'égalité de traitement des citoyens en matière de santé. Les gouvernements successifs ont multiplié les dispositifs incitatifs ; le dernier étant une prime d'installation de 50 000 euros, nous avons atteint la limite de ce que peuvent supporter les deniers publics. Nous devons donc absolument définir un système de régulation comme il en a été institué, en liaison avec les ordres professionnels, pour les infirmières, les masseurs-kinésithérapeutes et les sages-femmes, sans que le principe de la liberté d'installation ait été brandi devant nous comme un chiffon rouge pour interdire toute négociation et toute mesure de régulation. Les médecins qui exercent dans les territoires frappés par la désertification médicale nous implorent de trouver des solutions, car, submergés de demandes, ils ne peuvent plus accepter de nouveaux patients et sont confrontés à des comportements agressifs. Il résulte de cette situation une autre conséquence tout aussi préjudiciable pour la santé : l'engorgement des services des urgences des hôpitaux, qui ne peuvent plus se consacrer à leur mission première.
Pour toutes ces raisons, je voterai d'autant plus volontiers en faveur de cette proposition de loi que j'avais déposé un amendement à la teneur semblable lors de la discussion du PLFSS pour 2017.
Pour avoir exercé pendant quatre décennies comme médecin généraliste en milieu rural, j'observe que certains parlent de médecine pendant que d'autres la pratiquent. Le système ne marche plus depuis quarante ans, depuis que l'on a considéré qu'il fallait faire des économies au détriment des professions médicales. Au départ, le médecin exerçait sans infirmières, kinésithérapeutes ni auxiliaires de vie. Maintenant qu'il est entouré d'un pool de professionnels divers, un excès d'offre est proposé au malade, qui en abuse parfois.
Il faut modifier radicalement le système au lieu de le rapiécer. Au lieu de rationaliser, on a rationné : on a resserré le numerus clausus et incité des générations de médecins à cesser leur activité à cinquante-cinq ans pour restreindre l'offre, en pensant que cela ferait baisser la demande de soins ! Il faut instituer un système centralisé autour du malade, avec un dossier personnalisé partagé avec l'ensemble des professionnels de santé, et réorganiser les métiers, la rémunération et l'intérêt qu'auront les professionnels de santé à aider le patient.
Je suis contre l'idée d'un droit à la santé. Maintenant, on a droit à tout ! En matière de santé, il convient d'abord de moins fumer et de moins boire. Il faudra développer la médecine préventive et modifier la médecine curative, car on ne peut demander à un médecin qui a reçu une formation hyper-performante d'exercer en un lieu isolé avec pour tous instruments un stéthoscope et un tensiomètre. Le système est à bout de souffle. Imaginez que, dans mon département, un service de pompiers volontaires a été condamné à verser 2 millions d'euros pour n'avoir pas donné « toutes les chances de réanimation » à un malade pendant son transport vers l'hôpital !
Nous – l'État – sommes tous responsables de cette situation. Il faut maintenant procéder à une réorganisation totale de notre dispositif de soins en l'articulant autour du patient, en médecine préventive comme en médecine curative, et en rassemblant tous les professionnels concernés, les médecins libéraux, les médecins hospitaliers et les associations de maintien à domicile et d'information sur la prévention en matière de santé.
La question qui nous occupe, d'une extrême gravité, a de nombreuses causes, déjà exposées. Étant donné la désertification des zones rurales et la disparition des activités, pourquoi seuls resteraient les médecins ? Le mal, aigu, résulte de quarante-cinq ans d'un numerus clausus décidé pour des raisons principalement économiques. L'effectif des médecins généralistes diminue depuis vingt-cinq ans ; surtout, près de 90 % des étudiants sont évincés à la fin de la première année commune aux études de santé (PACES), si bien qu'un quart des médecins inscrits aux conseils départementaux de l'Ordre ont été formés dans les universités étrangères. L'échec des décisions prises au cours des dernières décennies est donc patent.
Pour autant, la solution avancée aux articles 7 à 9 de la proposition de loi – un conventionnement sélectif – n'est pas la bonne. Je suis opposé à une disposition qui aurait un effet paradoxal et contre-productif, dissuadant les vocations et les installations, à commencer par les installations dans les zones sous-denses. Il faut augmenter le numerus clausus par région. Pourquoi ne pas créer un internat régional destiné à la médecine générale ? Cela remettrait en cause certains choix contestables. Une proposition a été faite qui pourrait être mise en oeuvre tout de suite avec un effet relativement rapide : augmenter de quelques centaines de places le nombre d'admissions à l'issue de la PACES, places conditionnées par l'exercice pendant quelques années en zones sous-denses. Ainsi les choses seraient claires dès le départ pour les étudiants. Un contrat serait signé, comprenant, si nécessaire, des avantages tarifaires. Concomitamment, des maisons médicales pluridisciplinaires et des cabinets secondaires seraient installés, et la télémédecine développée. C'est seulement dans cette direction, qui implique le volontariat, que l'on pourra trouver la solution.
Nous nous accordons sur le diagnostic, celui d'inégalités aux conséquences parfois dramatiques dans l'accès aux soins. Le texte qui nous est soumis formule des propositions dynamiques et incitatives intéressantes, qu'il s'agisse de formation, de stages, d'un numerus clausus éventuellement adapté en fonction des situation, de mesures fiscales ou d'organisation de maisons de santé. En revanche, les propositions figurant aux articles 6 à 11 et qui tendent à l'installation obligatoire, pendant les trois premières années d'exercice, dans des territoires sous-dotés ne correspondent pas à notre culture. On n'y parviendra pas sans l'assentiment des médecins, et l'on sait l'opposition de la profession à la coercition. Outre que nous sommes tous attachés au principe de la libre installation, comment s'organisera le turn-over des jeunes médecins ? Cette mobilité artificielle risque de créer de nouveaux déséquilibres, avec une surdotation des campagnes en jeunes médecins au détriment des villes, où, dans certains secteurs, les difficultés sont aussi fortes.
Je remercie tous les intervenants, dont le grand nombre dit la passion que suscite le sujet. Je n'escomptais pas, en présentant ce texte, qu'il serait adopté en bloc, mais prétendre qu'il faudrait tout prendre ou ne rien prendre, c'est refuser le débat. J'appelle donc chacun à la réflexion, et à prendre ses responsabilités.
Monsieur Sebaoun, vous considérez que la coercition ne fonctionne pas, mais ne faudrait-il pas changer de vocable ? L'internat national classant est bel et bien une forme de coercition, puisque la ville où l'on ira n'est pas celle que l'on a déterminée au préalable : elle est fonction de la place obtenue au terme du concours. Personne ne peut le nier. De plus, quand, dans le cadre de l'internat, les jeunes médecins sont envoyés six mois en formation à 180 kilomètres de chez eux, ils n'ont pas le choix, et ils ne disent rien. « Coercition » est donc un terme trop fort et nous devons, tous, prendre garde aux mots dont nous usons.
Vous avez jugé intéressantes certaines des mesures proposées. Vous avez noté qu'en proposant qu'à partir de 2020 tout médecin soit tenu, à l'issue de sa formation et pour trois ans au moins, de s'installer dans une région où la densité de médecin est insuffisante, je laisse à la réforme un peu de temps pour se faire. Vous avez bien voulu reconnaître que c'est avec la profession, et non contre elle, que je propose de conduire cette réforme. J'ai eu plusieurs échanges avec les internes, et je les reverrai parce que c'est avec eux qu'il faut faire évoluer le système en vigueur. Vous avez enfin souligné qu'à l'issue de leur formation initiale, les jeunes médecins font des remplacements pendant sept à huit ans ; ce sont autant d'années de nomadisme, mais personne ne dit mot de la manière dont s'organise leur famille pendant qu'ils exercent à 200 ou à 500 kilomètres. Pourtant, cela provoque des difficultés. Tout cela doit aussi être évoqué ! Pourquoi ce qui serait une contrainte quand on est installé en un lieu ne le serait pas pendant ces années de remplacements nomades ?
M. Door a exprimé sa position avec constance. Je lui rappelle qu'en 2012, le Conseil national de l'ordre des médecins a préconisé la mise en oeuvre « d'une régulation des conditions de premier exercice dans une période quinquennale éventuellement révisable, organisée au niveau régional, en partenariat avec les universités et les ARS ».
Dans son Livre blanc pour l'avenir de la santé, le CNOM recommande aussi de créer un numerus clausus régionalisé. Il a été fait référence au CNOM, et certains de ceux qui siègent ici ont eu des responsabilités ordinales importantes dans les départements ; je ne doute pas qu'ils suivront à la lettre les préconisations du CNOM, qui disait aussi qu'il serait bon de créer un « parcours post-DES de territoire » pour inciter à « l'exercice volontaire dans les territoires sous-médicalisés » – c'est ce que je propose. J'ai été frappé que les jeunes médecins ne s'installent qu'après huit à dix ans ; ma proposition rejoint donc leur souhait, puisqu'elle leur permet de s'installer tout en poursuivant leur formation grâce à la télémédecine. Enfin, j'ai entendu M. Door parler de liberté, mais je ne me souviens pas l'avoir entendu s'exprimer avec autant de force quand, en 2010, la liberté d'installation des biologistes a été mise par terre ; pourtant, la liberté ne se segmente pas.
Je remercie M. Vercamer pour ses propos, ceux que tient l'élu d'un département où la sous-densité médicale est particulièrement marquée. Pour m'avoir soutenu d'emblée, il sait parfaitement que mon objectif est que nous avancions collectivement, par étapes, puisque la somme de petites mesures nous permettra d'arriver à nos fins.
Mme Orliac a également insisté sur la coercition, notion sur laquelle je me suis déjà expliqué. J'insiste sur le fait que l'absence de barrières territoriales peut cacher des barrières financières. Seul M. Accoyer a eu le courage de rappeler que 25 % des installations nouvelles sont le fait de médecins formés à l'étranger. J'avais demandé, lors du débat sur le PLFSS, que les conseils de l'ordre valident les diplômes des médecins étrangers travaillant en France ; je me suis heurté à un refus. Il est anormal que les conseils de l'ordre soient d'une exigence totale pour les médecins exerçant en médecine libérale et ne fassent pas preuve de la même exigence pour les médecins hospitaliers. Ils sont plus de 30 000, de l'aveu même du président du CNOM, pour lesquels l'intégralité des diplômes n'a pu être validée comme assurant une parfaite efficience des soins. Il y a là une formidable hypocrisie qu'il faut soit assumer collectivement, soit dénoncer – je préfère la dénoncer.
Enfin, si l'on vous en croit, madame Orliac, il suffirait de faire la promotion de son territoire pour attirer des médecins ; cela me paraît quelque peu réducteur. À constater que la désertification médicale commence à 15 kilomètres de Toulouse, ville considérée, avec Bordeaux, comme celle où l'on a le plus envie de s'installer, on déduit qu'il ne suffit pas d'être l'ambassadeur de son territoire, ce que nous sommes tous. Beaucoup de collectivités ont mis sur la table des moyens considérables, et cela s'est soldé par des échecs. Mais j'ai constaté que vous étiez favorable à trois de mes propositions.
Je vous remercie, madame Fraysse, pour les mots que vous avez eus. C'est au législateur de prendre ses responsabilités, et ce n'est pas facile, mais l'approche que vous proposez me convient. Formé par les hôpitaux publics, je suis partisan d'un équilibre entre médecine libérale et médecine publique – d'ailleurs, vous-même avez salué le rôle de la médecine libérale. Vos propos, empreints d'une modération que je salue, montrent qu'il nous appartient d'avancer sur cette difficile question.
Denis Jacquat est revenu sur la notion de coercition, mais, comme l'a rappelé Mme la présidente, la médecine générale est également une spécialité. D'ailleurs, savez-vous que les jeunes internes souhaitent que la durée de formation des généralistes passe à dix ans ? Auparavant, un généraliste était formé en sept ans ; maintenant, c'est en neuf ans. Je comprends que les jeunes veuillent quatre ans d'internat de médecine générale. Cette volonté d'être mieux formés et de mieux prendre en charge leurs patients est tout à leur honneur – je pense moi-même que la formation doit être continue et s'inscrire dans le temps –, mais si la formation dure plus longtemps, alors l'installation aussi prendra encore plus de temps, et la fracture ne fera que s'aggraver.
Monsieur Noguès, globalement, nous sommes d'accord sur nombre des dispositions que je propose. Vous avez été choqué par le dispositif de cumul emploi-retraite ; vous voyez que je ne considère pas qu'une idée est bonne ou mauvaise selon qu'elle émane d'une travée ou d'une autre de l'hémicycle de l'Assemblée nationale. À Châteaudun, trois médecins ont soixante-neuf ans. Comment faire s'ils arrêtent d'exercer ? Je le dis avec gravité. Samedi dernier, dans un cabinet, nous avons frôlé la bagarre quand quatre personnes sont arrivées et qu'il n'y avait pas de médecin. Les gens veulent être pris en charge ! Je veux bien entendre tous les arguments, mais, à un moment, il faut regarder la situation en face, et ne pas faire dire à un mot le contraire de ce qu'il veut dire. Qu'on ne parle donc pas de vraie liberté d'installation avec l'examen national classant !
Isabelle Le Callennec me demandait comment réguler dans les zones sous-dotées et qui définit ces zones. Ce sont les agences régionales de santé qui le font. Dans ma région, auparavant, nous avions des statistiques de 2011 ou 2012, mais cela s'est un peu amélioré. Il faut travailler avec les élus locaux, parce qu'ils ont une vision de leur territoire. Pour ma part, je sais parfaitement quand les médecins qui exercent sur le territoire que je représente prendront leur retraite. La compilation et le traitement des statistiques à l'échelle d'une région, et d'autant plus maintenant qu'elles sont très grandes, entraîne du retard à l'allumage. Que l'on implique les élus, cela me va très bien. Quant à la sanction prévue pour les médecins qui s'installent dans les zones surdotées, elle n'est pas financière ; ils n'ont plus de conventionnement, ce qui reprend l'amendement Le Houerou.
M. Liebgott a également eu des propos courageux. À la suite d'un petit accident à l'Assemblée qui m'a valu un tendon déchiré, j'ai vu ce qu'il en coûtait d'être hors nomenclature. Quand on parle d'égalité devant les soins, cela me fait sourire l'espace d'un instant. J'ai également pu mesurer quelles complications pouvaient entraîner les délais d'attente pour un examen d'imagerie par résonance magnétique ou pour des échographies quand on n'a pas accès à des professionnels.
Merci, monsieur Viala, pour votre contribution. Beaucoup d'argent public – de l'État, de la sécurité sociale, des collectivités territoriales – a été mis sur la table, via de nombreux dispositifs incitatifs. Vous l'avez dit, comme Isabelle Le Callennec, les élus ont leur mot à dire ; c'est important. Nous sommes, d'une certaine manière, le réceptacle des difficultés rencontrées tant par les professionnels de santé que par la population. D'ailleurs, que disent nos concitoyens ? « Que font-ils ? Ont-ils conscience de ce drame qui s'aggrave ? » Et nous nous étonnons de poussées d'extrémisme et de populisme dans nos territoires aussi bien ruraux qu'urbains ! Jean-Pierre Door parlait de la primaire, mais je ne m'inscris pas dans cette perspective, ce n'est pas mon sujet. J'ai rappelé les engagements pris par François Hollande en 2012, dont nous savons ce qu'ils sont devenus. Je ne me place pas du tout sur un terrain politique, j'ai simplement rappelé, au détour d'une phrase, quelles propositions de loi les ministres actuels avaient signé, quels engagements avaient été pris. Nous devons tous faire oeuvre de modestie – c'est Roselyne Bachelot qui a contribué à égratigner la liberté d'installation, nous l'avons vu avec les biologistes.
Monsieur Robiliard, c'est vous qui êtes allé le plus loin dans le sens d'un encadrement de l'installation. Vous avez insisté sur le manque de médecins dans nos hôpitaux publics. C'est une vraie difficulté, car nous sommes confrontés à de véritables mercenaires. Il y a 900 millions d'euros de dettes dans les hôpitaux ! Êtes-vous allés voir, chers collègues, dans les comptes d'exploitation des hôpitaux, combien coûtent ces mercenaires, qui décident de leur lieu d'exercice ? Cet été, l'hôpital de Bourges a failli fermer ses urgences, mais des situations analogues se rencontrent en de nombreux autres endroits.
Bérengère Poletti a bien fait de rappeler le rôle des femmes en médecine. Il faut accepter les évolutions. En 1981, quand nous étions internes, nous nous battions pour que les congés de maternité des internes soient indemnisés, car ils ne l'étaient pas.
Gérard Bapt, certes, le constat est partagé, mais la présidente a très bien répondu à cette critique adressée à ce qui serait une proposition de loi d'opportunité : en l'occurrence, c'est la troisième fois que je la présente.
Bernard Perrut a insisté sur les qualités qu'il trouvait à un internat régional, aux stages de douze mois, au fait que l'on sorte les internes des centres hospitalo-universitaires, ce à quoi la conférence des doyens est favorable. Il a aussi beaucoup parlé d'aménagement du territoire, mais cette proposition de loi y participe. Il est bien beau de parler d'aménagement du territoire, mais quels actes suivent les belles déclarations en faveur d'un rééquilibrage entre villes et campagnes ?
Merci à vous aussi, Madame Delaunay, qui connaissez merveilleusement ce domaine. J'entends bien votre propos, selon lequel il ne faut pas changer la donne sitôt une convention signée, mais vous m'accorderez que nous avons mis en place beaucoup de dispositifs. Il serait bon que nous disposions d'un bilan – je reprends là une idée exprimée par Mme Fraysse. J'ai, pour ma part, travaillé avec un excellent administrateur du service de la culture et des questions sociales ; il nous faut encore compiler des données, mais il serait bon que nous les examinions sans tabou. J'ai parlé des internes qui remboursent les aides qu'ils ont reçues pendant leur formation ; c'est un phénomène récurrent et qui semble s'aggraver. Il apparaît que l'incitation financière ne suffit pas et qu'il faut inventer quelque chose.
Merci aussi à Jean-Louis Costes, dans le propos de qui j'ai reconnu un élu rural engagé au service de son territoire en proie à de véritables difficultés. Jean-Louis Costes a souligné que des aides financières importantes ont été apportées, sans que cela se révèle toujours efficace. Il a dit que la situation était « intenable ». C'est un propos responsable, dont je le remercie.
M. Siré a évoqué la nécessité d'une réorganisation complète des systèmes de soins. Nous serons d'accord sur ce point. En l'occurrence, la réponse doit être structurelle, mais il est compliqué de réformer de fond en comble. Il est déjà compliqué de rassembler sur une proposition de loi telle que celle-ci !
Bernard Accoyer est le seul à l'avoir dit : 25 % des médecins qui exercent actuellement en France ont été formés à l'étranger. Des villes se font démarcher par des cabinets divers et variés, qui leur offrent de trouver un médecin contre 20 000 euros. Et quel est le résultat ? Sur les cinquante et un médecins que compte ma circonscription, sept sont étrangers. Je ne veux être désagréable avec personne, mais qualité de prescription et efficacité thérapeutique ne sont pas forcément au rendez-vous. Soyons fiers de la formation délivrée en France !
Enfin, merci à Rémi Delatte pour sa contribution. Je ne peux cependant pas le suivre dans son refus de réguler l'installation.
Un dernier mot avant l'examen des articles : je ne l'ai pas dit au début, sciemment, mais il y a un vrai problème de reconnaissance du rôle majeur que jouent les professionnels de santé, quels qu'ils soient. La meilleure preuve en est le tarif de la consultation, dont je ne sais depuis combien de temps il est fixé à 23 euros. Cette règle est contournée, vous le savez très bien ; des statistiques parfaitement pertinentes sont sorties récemment : cela coûte en fait 42 euros. Quant à la consultation à l'hôpital, qui, du coup, a augmenté, en raison du moindre nombre de médecins en villes, elle coûte 400 euros. Les finances publiques sont ainsi grevées parce que nous n'avons pas su organiser une médecine de qualité. Il y a, nous le savons très bien, des conventionnements spécifiques pour les généralistes qui reçoivent des enfants, des personnes âgées, mais il fallait avoir le courage de revaloriser la consultation. Nous devons tous balayer devant notre porte. Favorisons la reconnaissance, la revalorisation des carrières et faisons en sorte que notre très belle médecine, très menacée, suscite l'enthousiasme. Ce château de cartes, naguère exemplaire, s'écroulera-t-il ? Ou ferons-nous oeuvre de courage et de détermination ?
La commission en vient à l'examen des articles.
Article 1er : Fixation du numerus clausus des études médicales
La commission se saisit de l'amendement AS1 de M. Gérard Sebaoun.
Le groupe Socialiste, écologiste et républicain a souhaité déposer des amendements de suppression à chaque article de la proposition de loi de M. Vigier.
En l'occurrence, chacun a bien compris l'intérêt d'un relèvement progressif du numerus clausus au profit des zones sous-denses, mais ce relèvement est déjà à l'oeuvre. Nous avons rappelé les chiffres : d'environ 9 000 étudiants autorisés à poursuivre leurs études de médecine en deuxième année en 1971, nous sommes descendus à 3 500 en 1990, puis nous sommes à peu près revenus à l'étiage initial. La réalité, c'est que, selon les études de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES), nous ne retrouverons qu'à l'horizon 2030 l'équilibre auquel nous aspirons, en termes de présence des médecins sur nos territoires.
Le numerus clausus a été instauré pour limiter, encadrer le nombre de professionnels formés. La limite est la capacité de formation. Vous ne pouvez pas augmenter demain matin, de manière exponentielle, le nombre de places en deuxième année de médecine sans vous préoccuper de l'aval. Comment former ces jeunes admis qui en prennent pour dix ans ? Il faut que les filières en aient la capacité. Nous partageons votre volonté d'un relèvement ciblé, nous y sommes déjà. Nous ne pouvons aller plus loin sans nous poser la question de la formation, de la capacité de nos CHU à former l'ensemble des étudiants du premier cycle des études médicales.
Je suis défavorable à cet amendement de suppression.
Vous parlez de 2030, monsieur Sebaoun, mais il y a urgence et, en médecine, le mot « urgence » veut dire quelque chose ! En 2025, dans de nombreux territoires, le nombre de généralistes aura diminué de 25 % ! Je ne peux cautionner cette aggravation.
La commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'article 1er est supprimé.
Article 2 : Stage pratique dans les zones dans lesquelles est constaté un déficit en matière d'offre de soins
La commission examine l'amendement AS2 de M. Gérard Sebaoun.
Vous proposez notamment, monsieur le rapporteur, que l'ensemble des étudiants en médecine effectuent un stage dans des maisons médicalisées ou, entre autres, dans des services hospitaliers de proximité, mais la réforme du troisième cycle, qui entrera en application dès la prochaine rentrée, prévoit déjà, pour l'internat de médecine générale, qu'au moins la moitié des stages sera effectuée en ambulatoire. Voilà qui répond à votre souhait.
Aujourd'hui, il n'y a pas assez de maîtres de stage en zones sous-denses. Les praticiens ont la tête sous l'eau, alors qu'il faudrait des maîtres de stage aguerris, formés, capables de recevoir ces jeunes internes. Les praticiens ne cessent de courir pour essayer de pallier les difficultés engendrées par le manque de médecins sur leur territoire – ce sera vraiment un fil rouge de mes interventions. Il faut construire avec des professionnels convaincus de ce qu'on leur propose et chaque fois se préoccuper de l'accueil de ces étudiants. Il faut des conditions pédagogiques adéquates. On ne peut pas simplement les envoyer en zones sous-denses, ce n'est pas ainsi que l'on forme des gens aguerris et capables de rester sur ces territoires.
Naturellement, je m'oppose à cet amendement de suppression. Si ce que je demande est fait dans le cadre de la nouvelle réforme, pourquoi, cher collègue, ne pas adopter mon dispositif tout de suite ?
J'y vois seulement une volonté d'obstruction. Il est un peu dommage qu'on ne puisse demander à ces étudiants de sortir de leurs murs pendant un an en raison d'un nombre insuffisant de maîtres de stage, mais pourquoi donc ce nombre est-il insuffisant ? Il faut voir comme il est difficile de devenir maître de stage, et le problème va encore s'aggraver. Nombreuses seraient les formations que le numérique permettraient de suivre à distance. Quand on se trouve à 110 kilomètres de la faculté de médecine, à vingt heures, après avoir vu cinquante malades dans la journée, on ne repart pas à Tours, parce que le lendemain matin il faudra être au travail à sept heures et demie ! Il faut permettre une formation à distance.
Est-ce que des généralistes établis depuis vingt ou trente ans seraient capables de dispenser des formations ? J'ai la faiblesse de penser qu'ils ont quand même, après dix ans d'études, et dix, quinze ou vingt ans d'expérience, quelques qualités pour le faire. L'intérêt, surtout, c'est que ces jeunes internes découvriront une autre vision de la médecine – en exercice libéral ou non, en médecine générale ou dans d'autres spécialités.
Six mois, c'est trop court pour commencer à inscrire son parcours dans telle ou telle spécialité, à tel ou tel endroit. Au bout d'un an, la greffe prend. Il y a quarante ans, que faisaient les externes en médecine ? Ils étaient déjà envoyés dans les centres hospitaliers, dans les petites villes, c'est ainsi que la greffe prenait, et ils revenaient une fois qu'ils avaient leur diplôme. Les étudiants, les internes sont demandeurs. Je regrette que nous ne puissions pas aller au bout.
La commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'article 2 est supprimé, et l'amendement AS16 tombe.
En parlant des stages, nous pourrions aussi un jour nous pencher sur les auxiliaires médicaux. Nous sommes tous sollicités par les orthophonistes, les sages-femmes, absolument pas rémunérés pendant leurs études – on veille à ne surtout pas leur donner de stage de plus deux mois, cela contraindrait l'organisme d'accueil à les rémunérer. Ces jeunes vont au fin fond du monde rural, très loin de leur ville universitaire, pour trouver, très difficilement des stages. Les orthophonistes viennent de se manifester, via un syndicat étudiant, mais la situation est la même pour tous les jeunes auxiliaires médicaux. Nous les avons d'ailleurs un peu oubliés, même si Chaynesse Khirouni, rapporteure de la proposition de loi sur le développement et l'encadrement des stages et l'amélioration du statut des stagiaires en a parlé. Ce problème du financement des stages paramédicaux subsiste, d'autant que ce sont des stages absolument obligatoires, qui conditionnent l'obtention du diplôme.
Article 3 : Création d'un internat régional
La commission en vient à l'amendement AS3 de M. Gérard Sebaoun.
Le rapporteur souhaite revenir, somme toute, à une forme d'internat régional, comme certains d'entre nous l'ont connu, avec la possibilité de se porter candidat dans plusieurs villes où se trouve une faculté de médecine. Je n'ai pas le sentiment que la fin de cet internat régional ait produit les effets qu'il a décrits.
Par ailleurs, il a dit que l'examen national classant était très inégalitaire. Mais, monsieur le rapporteur, à moins de vouloir supprimer tout ce qui ressemble à un concours, entre le premier, le vingtième, le trois-millième et le six-millième reçu, il y aura toujours une distinction : c'est le drame des concours !
C'était une grande idée issue de Mai 68 que celle de supprimer les concours, mais nous en sommes progressivement revenus. Aujourd'hui, une forme de sélection bien conduite est légitime. Je ne sais si la sélection est bien conduite en médecine, peut-être serions-nous d'accord pour contester ce fait, mais revenir à un internat régional, plutôt que de réfléchir à ce que sont nos territoires, au plus près du terrain, au niveau infrarégional, ne me paraît pas la bonne solution ; je crois que c'est M. Viala qui l'a dit le mieux. Au dernier examen national classant, ce sont 86 postes qui étaient proposés en médecine générale ; c'est extrêmement peu. Là encore, nous sommes confrontés à la réalité des formations et de leurs capacités.
Le principe de l'internat régional, c'était qu'un certain nombre d'internes pouvaient être accueillis dans les services des CHU. Aujourd'hui, avec l'examen national classant, un certain nombre d'étudiants sont supposés trouver la possibilité d'exercer en fonction de leur rang de classement, même si cela ne correspond pas forcément à leur premier choix. Je ne suis pas certain que nous y gagnerions en adoptant cet article.
Sur ce point, nous ne sommes pas du tout du même avis, cher collègue. L'avantage d'un internat régional, c'est qu'il permet d'être au plus près des territoires – vous m'avez servi l'argument sur un plateau. Dans une région, quelles sont les besoins de l'année « n+1 », « n+2 », « n+3 » ?
Ensuite, 80 % des étudiants qui se forment dans une région s'y installent : c'est un fait. À partir de là, plus vous favorisez une réponse territoriale aux besoins territoriaux, plus vous encouragez, de façon assez simple et non autoritaire, l'installation dans la région – et je vous rappelle que je laisse ouverte la possibilité de dérogations. Cela correspond d'ailleurs aux préconisations du Conseil national de l'ordre.
Quant à l'examen national classant, pardonnez-moi, cher collègue, mais ce que vous dites n'est pas juste. Si vous voulez faire de la neurochirurgie et que vous n'êtes pas dans les 600 ou les 900 premiers, vous n'allez pas où vous voulez ! Certains étudiants, on l'a vu à Tours, préfèrent même redoubler et repasser le concours. S'ils peuvent passer le concours dans trois ou quatre régions, au moins pourront-ils vraiment choisir.
Je soutiens complètement le rapporteur sur la question de la proximité et de l'internat régional.
Je regrette que le traitement réservé à ce texte par la majorité, qui demande la suppression pure et simple de tous les articles les uns après les autres. Il en est pourtant, parmi ceux qui votent en faveur de ces amendements de suppression, qui ont récemment voté l'amendement de Mme Le Houerou dont nous parlions.
Avançons ensemble, chers collègues, sans balayer d'un revers de main les dispositions proposées.
Vous êtes trop au fait de ce sujet, monsieur le rapporteur, pour dire ce que vous avez dit sur l'internat régional. Il offrait effectivement la possibilité de se présenter dans trois régions, mais que se passait-il alors ? Êtes-vous certain que les gens du CHU de Saint-Étienne ou de Tours se présentaient à Saint-Étienne ou à Tours et y restaient ? Ce n'est pas mon souvenir. Il y avait des internats qui étaient « nobles », notamment celui de Paris, avec beaucoup de candidats. Les Parisiens y étaient les plus fréquemment admis, parce que les mieux préparés. L'étudiant parisien allait aussi se confronter aux concours d'Angers ou de Strasbourg, mais, par défaut, lorsqu'il n'était pas nommé à Paris du premier coup, il retentait sa chance l'année suivante. Après son troisième essai, il allait éventuellement à Strasbourg, voire s'y installait, mais si vous devenez urologue à Strasbourg, vous pouvez parfaitement vous installer à Châlons-en-Champagne ou à Marseille. Les étudiants en médecine sont attachés, pour des raisons familiales, personnelles, à la ville où ils sont formés, pas à celle où ils font leur internat ; les deux ne vont pas de pair, monsieur le rapporteur. Et ils veulent avoir le choix.
J'ai beaucoup évolué sur ce sujet, mais je ne suis pas du tout certain – je vous le dis très tranquillement, sans arrière-pensée, au-delà de la position de mon groupe, que je défends – que revenir à l'internat régional répondrait à votre souhait de voir plus de médecins s'installer dans nos zones sous-denses.
Prenons le cas de quelqu'un qui grandit à Saint-Étienne. Il entame son cursus à Saint-Étienne. Très bien. Nous en conviendrons, 80 % de ceux qui faisaient leurs études secondaires et leur cursus de médecine à Saint-Étienne y restaient. Imaginez qu'en sixième année, à la suite de l'examen national classant, ils partent à Clermont-Ferrand, à Besançon, ailleurs. Est-ce là une liberté absolue ? Non. Ceux qui se formaient dans une région et voulaient y rester pouvaient le faire ; avec l'examen national classant, ils sont bien plus nombreux à être déracinés.
La commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'article 3 est supprimé.
Article 4 : Abaissement des charges sociales pour les médecins exerçant au-delà de l'âge légal de la retraite dans les zones sous-dotées
La commission étudie l'amendement AS4 de M. Gérard Sebaoun.
Aujourd'hui, le nombre de médecins qui continuent à cumuler emploi et retraite augmente très significativement – je crois que nous en sommes à peu près à 15 000, c'est considérable. Au nom de quoi quelqu'un qui, dans les conditions actuelles, cumule emploi et retraite serait-il demain exonéré de cotisations sociales ou bénéficierait d'allégements ? C'est un vieux débat, que nous avons déjà eu. Je ne peux pas cautionner cet article.
Ils sont près de 16 000 effectivement, et la Cour des comptes porte un jugement sévère sur cette situation, qui coûte de l'argent. Mais je pourrai aussi évoquer ce qu'elle dit sur la régulation de l'installation !
Au moins, une mesure courageuse avait été prise sous le quinquennat précédent, défendue par Xavier Bertrand. Heureusement que nous avons des médecins de soixante-dix ans qui continuent d'exercer ! Heureusement qu'il y en a quatre sur le territoire que je représente ! Et je vous rappelle que les ministres successifs, tant de gauche que de droite, les ont encouragés à cumuler. Remercions-les tous les jours de continuer à pratiquer la médecine. Sinon, nous ne ferions qu'aggraver la situation.
La commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'article 4 est supprimé.
Article 5 : Extension du statut de médecin collaborateur libéral aux internes de médecine générale
La commission en vient à l'amendement AS5 de M. Gérard Sebaoun.
Il s'agirait, par cet article, de permettre à des médecins qui n'ont pas encore soutenu leur thèse d'exercer, mais nous reconnaissons déjà la notion de remplaçant. Et, grâce aux dispositions du PLFSS pour 2017, un contrat de praticien territorial de remplacement pourra être proposé – vous vous en êtes félicité, monsieur le rapporteur. C'est effectivement une bonne initiative. En somme, ce que vous avez imaginé va être mis en oeuvre avec le praticien remplaçant.
Il me semble néanmoins que ces praticiens en appui des médecins sont toujours des praticiens en formation tant qu'ils n'ont pas leur diplôme. Avant la fin de son internat, il faut en effet avoir soutenu sa thèse.
Je ne vois pas quel progrès cet article permettrait par rapport aux dispositions proposées par Mme la ministre dans le cadre du PLFSS.
Je vois bien, cher collègue, que l'objectivité s'arrête lorsqu'un élu de l'opposition prend une initiative heureuse. Si la ministre en est là, c'est qu'à plusieurs reprises je l'ai rencontrée, que j'ai rencontré le président de la conférence des doyens, que j'ai rencontré les responsables des agences régionales de santé et que nous avons essayé, ensemble, de trouver une solution. J'ai d'ailleurs publiquement remercié la ministre de son écoute, et elle a évoqué la question dans son discours dans le cadre de la discussion générale du PLFSS pour l'année 2017.
Pourquoi donc ne pas donner force de loi à la proposition que je fais, plutôt que de nous en tenir à une circulaire ? Ce serait donner force de loi à quelque chose qui est aussi demandé par les internes : ils ne peuvent pas s'installer avant d'avoir soutenu leur thèse. Franchement, c'est un obstacle totalement artificiel. La thèse a son importance, mais je ne suis pas persuadé qu'elle fasse de vous un meilleur médecin du jour au lendemain ! Si vous rejetez ma proposition, cela signifie tout simplement que vous considérez que le Parlement n'a pas son mot à dire, même lorsqu'il ne fait que prendre de l'avance sur le Gouvernement et l'inciter à agir. Nous sommes certes coutumiers du fait, puisqu'hier après-midi nous avons débattu dans l'hémicycle sur un décret déjà signé par le Président de la République et le Premier ministre – le décret créant le fichier dit « TES », pour « titre électronique sécurisé » –, mais faisons oeuvre collective ! Revalorisons le problème, et si vous voulez mettre votre nom à côté du mien, cher Gérard Sebaoun, signons le texte ensemble ! Mon problème est que cela marche.
Je connais trois jeunes médecins dans ce cas. Nous avons mis ce dispositif en place, nous les avons installés tous les trois dans des maisons de santé pluridisciplinaires en réseau avec d'autres et nous avons partiellement réduit la désertification médicale sur un bout de territoire. Je suis persuadé que cette expérience peut être transposée ailleurs. Il est important que cela passe par le Parlement car cette question traverse tous les groupes, toutes les sensibilités, depuis des années.
La commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'article 5 est supprimé.
Article 6 : Obligation d'installation des nouveaux médecins dans les zones sous dotées
La commission examine l'amendement AS6 de M. Gérard Sebaoun.
Je ne reviendrai pas, pour parler de cet article, sur l'atteinte à la liberté d'installation. Je souhaite que chacun comprenne qu'un interne, après de nombreuses années de formation, souvent comme salarié à l'hôpital, a indéniablement rendu service à la société, sachant ce qu'est sa charge de travail. Le Gouvernement a pris des mesures pour encadrer cette charge de travail, et je crois que les internes lui en sont reconnaissants. Les internes sont la cheville ouvrière de l'hôpital. Ils sont faiblement rémunérés, malgré les nombreuses gardes auxquelles ils sont astreints. Et vous voudriez qu'à la suite de ce long cursus, de cette implication jour et nuit, ils donnent en plus, de façon coercitive, trois années supplémentaires ? Ils sont vent debout contre cette mesure.
Comment pouvez-vous imaginer qu'un jeune médecin soit motivé à s'installer pendant trois ans dans une zone sous-dense, après le cursus qui vient d'être évoqué ? On parle beaucoup du burn-out des médecins ; si nous les démotivons dès le départ, ce ne pourra que s'avérer néfaste.
Je rappelle que les internes sont rémunérés. En première année d'internat, ils perçoivent 16 605 euros de salaire brut annuel, en deuxième année 18 383 euros, ensuite 25 500 euros. Il ne faut pas laisser croire aux gens qui nous écoutent que l'État ne les rémunère pas ! Je ne connais aucun profil, à ce niveau d'études, qui soit autant rémunéré dans les facultés. En outre, les autres professionnels de santé, qui font aussi fonctionner les hôpitaux, sages-femmes en quatrième ou cinquième année, orthophonistes en quatrième ou cinquième année, rendent des services et ne sont pas rémunérés.
Il ne faut pas opposer les médecins aux autres professionnels. L'hôpital peut être heureux de disposer de personnes aussi motivées et qualifiées. Les internes sont en formation et apprennent, bien sûr, mais ils sont aussi la cheville ouvrière de l'hôpital, avec les autres professionnels de santé.
Nul ne peut dire que les internes ne sont pas la cheville ouvrière des hôpitaux ; ils l'ont été, le sont et le seront. Mme la présidente a raison de rappeler qu'ils sont rémunérés, même s'ils ne le sont pas très bien, pour ce qu'ils font. À « Normale Sup », les étudiants sont payés près de 20 000 euros par an pendant quatre ans et doivent ensuite travailler dix années dans le secteur public. Le système est le même à Polytechnique. Une infirmière formée dans un CHU gratuitement doit de trois à cinq ans à l'État, en fonction des conventions passées.
Les zones sous-dotées, entendons-nous bien, c'est partout ! Sauf les pointes d'épingle que nous avons évoquées. Le choix est donc en réalité très large. En outre, les internes y gagneront très bien leur vie, une clientèle abondante leur est assurée. De même, une étude a été publiée sur le loyer des locaux dans les maisons de santé pluridisciplinaires : vous verrez qu'un jour les artisans et d'autres nous demanderont les mêmes facilités que pour les médecins aujourd'hui. Ce sont les collectivités qui payent les maisons de santé pluridisciplinaires.
Je peux comprendre que les internes trouvent que cela représente une contrainte, et je ne suis pas arc-bouté sur cette solution, mais la puissance publique finance déjà, à raison de 1 500 euros par mois, pendant trois ans, les études de certains internes en contrepartie d'une installation en zone sous-dotée ; cela existe à l'heure actuelle. Or vous ne dites rien là-dessus. Je vous parle d'égalité des chances : il y a des gens qui ne peuvent pas payer pour de telles études. Vous pratiquez une discrimination entre les uns et les autres.
Du reste, la mesure ne s'appliquerait qu'en 2020, ce qui nous laisserait du temps afin de voir s'il n'y a pas des dispositifs plus incitatifs permettant de conclure un véritable pacte avec les médecins.
Des indemnités sont également versées aux internes : une majoration de 1 004,61 euros pour ceux qui ne sont ni logés ni nourris, de 334,32 euros pour ceux qui sont nourris mais non logés, de 670,29 euros pour ceux qui logés mais non nourris – majorations qui s'ajoutent à la rémunération que j'ai indiquée. Ce sont des gens qui rendent des services, certes, mais qui sont toujours en formation.
Quand les étudiants s'inscrivent en première année de médecine, ils connaissent la règle. On ne peut pas décider un changement aussi fondamental en cours d'exercice. La règle doit être connue dès le départ.
La commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'article 6 est supprimé.
Article 7 : Autorisation d'installation pour l'exercice de la profession de médecin
La commission examine l'amendement AS7 de M. Gérard Sebaoun.
Il existe une vraie différence entre les professions qui ont conventionné et donc accepté une régulation, infirmières, masseurs-kinésithérapeutes, chirurgiens-dentistes, sages-femmes et les médecins.
Je prends un exemple pour m'inscrire en faux contre l'amendement de Mme Le Houerou. Paris manque cruellement de médecins généralistes et regorge de spécialistes, dont les trois quarts exercent en secteur deux. Le fait d'empêcher, demain, un urologue de s'installer à Paris ne l'empêchera pas de se déconventionner, ce qui aura pour conséquence la présence d'un urologue supplémentaire à Paris, déconventionné, avec, pour le patient, des honoraires à payer en totalité, sauf à avoir souscrit une mutuelle qui les couvrirait. C'est entrer dans un cycle infernal. En soumettant le conventionnement à une autorisation administrative de l'agence régionale de santé (ARS) pour l'ensemble des professions de santé, je ne crois pas que vous répondiez au problème central de la désertification médicale. Là encore, les jeunes professionnels, médecins mais aussi infirmiers et masseurs-kinésithérapeutes notamment, n'y sont pas favorables.
J'ai cité tout à l'heure les écrits du Président de la République, je n'y reviens pas. Il faut une bonne régulation. Chez moi, je ne me pose même plus la question de savoir si les spécialistes sont conventionnés ou déconventionnés : il n'y a plus de spécialistes. Il faut attendre neuf mois pour obtenir un rendez-vous chez le dermatologue, un an pour un rendez-vous chez l'ophtalmologue… Des patients se rendent à Paris et vous imaginez le coût que cela représente.
En Normandie, des écoles d'infirmières ont été ouvertes à tout-va, et on est aujourd'hui obligé de fermer les écoles car 40 % des infirmières formées se retrouvent au chômage, faute de régulation.
S'il est permis de poser sa plaque de médecin selon son désir, ce n'est pas le cas des centres d'imagerie par résonance magnétique (IRM), que l'on ne trouve pas dans toutes les villes. Pourquoi cette approche à géométrie variable ? Ce n'est pas normal. Certains actes de gastroentérologie ne peuvent être réalisés dans un cabinet et doivent être pratiqués en milieu hospitalier, il faut donc que des anesthésistes soient disponibles. Tous ces exemples montrent qu'une régulation est nécessaire pour éviter la désorganisation.
Je n'ai pas dit que je ne souhaitais pas de régulation. Dans le cadre conventionnel, des accords ont été conclus avec toutes les professions sauf les médecins. Si nous voulons changer cela, je suis convaincu que cela doit passer non par la loi, mais par la convention, comme pour toutes les autres professions de santé. La régulation ne s'applique pas aux médecins aujourd'hui car nous n'avons pas encore trouvé le mode de fonctionnement qui permette qu'elle soit acceptée par toutes les parties.
Comme je l'ai dit, j'estime que la régulation est légitime et qu'elle est de notre responsabilité ; je n'y reviens pas. Je partage les remarques du rapporteur sur la liberté d'installation. Attention, toutefois, à l'excès de pouvoir laissé aux ARS ; j'ai connu dans ma circonscription des expériences extrêmement préoccupantes. Je regrette que le groupe socialiste repousse l'ensemble des articles de cette proposition de loi, qui auraient mérité une attitude plus nuancée et plus constructive. Ce rejet en bloc me déçoit.
Cette proposition de loi et l'amendement de Mme Le Houerou confirment que les dispositions incitatives à l'installation des médecins sur le territoire n'ont répondu que partiellement au problème de la désertification médicale. Je comprends l'impatience des malades, des élus, des médecins confrontés dans leurs territoires à l'absence de réponse efficace. Même les maisons de santé connaissent leurs limites. Des médecins, travaillant près de cent heures par semaine, sont au bord du burn-out et ne trouvent personne pour les remplacer. Ils se retrouvent piégés car, par conscience professionnelle, engagement, militantisme, ils absorbent la demande, prennent en charge les malades au-delà de leurs limites, et leur vie personnelle et familiale s'en trouve mise à mal.
Je suis sensible à trois arguments. S'il est nécessaire de négocier un accord-cadre avec les médecins, je considère qu'ils ne peuvent plus poser comme postulat de base la non-régulation. Je pense en outre qu'il faut intégrer la problématique des zones sous-tendues à l'offre globale de soins et ne pas la limiter aux médecins généralistes. Enfin, je suis sensible à l'argument de Mme Fraysse sur la nécessité d'évaluer les dispositifs existants.
Si aucune réponse efficace n'est apportée pour répondre à la problématique des zones sous-tendues, c'est au législateur de prendre ses responsabilités, même si nous n'avons pas de certitudes en la matière mais seulement la conviction qu'il y a urgence.
La commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'article 7 est supprimé.
La présidente Catherine Lemorton observe que les articles 8 à 11 proposent de décliner par professions le même dispositif que celui qui vient d'être supprimé.
Article 8 : Autorisation d'installation pour l'exercice de la profession de chirurgien-dentiste
Contre l'avis du rapporteur, la commission adopte l'amendement AS8 de M. Gérard Sebaoun.
En conséquence, l'article 8 est supprimé.
Article 9 : Autorisation d'installation pour l'exercice de la profession de sage-femme
Contre l'avis du rapporteur, la commission adopte l'amendement AS9 de M. Gérard Sebaoun.
En conséquence, l'article 9 est supprimé.
Article 10 : Autorisation d'installation pour l'exercice de la profession d'infirmier
Contre l'avis du rapporteur, la commission adopte l'amendement AS10 de M. Gérard Sebaoun.
En conséquence, l'article 10 est supprimé.
Article 11 : Autorisation d'installation pour l'exercice de la profession de masseur-kinésithérapeute
Contre l'avis du rapporteur, la commission adopte l'amendement AS11 de M. Gérard Sebaoun.
En conséquence, l'article 11 est supprimé.
Article 12 : Développement de la télémédecine
La commission examine l'amendement AS12 de M. Gérard Sebaoun.
Il s'agit d'un article visant à développer la télémédecine. Nous avons déjà progressé sur cette question avec les deux derniers PLFSS. En particulier, des expérimentations couronnées de succès ont été étendues dans le dernier texte. Les acteurs du champ sont réticents à une extension brutale et non contrôlée. En l'occurrence, l'article n'est qu'incitatif et n'apporte rien à l'existant. C'est pourquoi nous demandons sa suppression.
Vous souhaitez supprimer même cet article ! La télémédecine est une avancée formidable et la représentation nationale s'honorerait de montrer qu'elle a son développement à coeur. On ne peut pas parler d'aménagement du territoire, de fibre optique, de résorption de la fracture numérique sans considérer en même temps que le numérique doit être au service de l'amélioration de la prise en charge des patients. On voit que le travail collaboratif, scandé sur les estrades, trouve ses limites dans la pratique, dès qu'il s'agit d'une proposition de loi.
La télémédecine est en effet un outil très utile, mais voilà ce que vous écrivez : « Les établissements de santé, les cabinets médicaux, les maisons de santé et les pôles de santé s'engagent à développer en France la mise en place de la télémédecine telle que définie par le présent article. » Est-ce que cela change quoi que ce soit ? Les expériences de télémédecine, à l'initiative de professionnels, se développent et doivent être encadrées. La télémédecine ne remplace pas le contact avec le médecin ou le professionnel de santé. Je partage le voeu exprimé par l'article, mais il n'apporte rien.
Je pense que la télémédecine permettra de réelles avancées dans la prise en charge des patients, ne serait-ce que par l'échange d'images et de radiologies. Le contenu des métiers est aussi quelque chose qu'il faudrait prendre en compte. Dans le dernier PLFSS, nous avons par exemple permis aux pharmaciens de vacciner.
Au sein du groupe d'étude « Santé numérique », nous avons beaucoup travaillé pour essayer d'accélérer le développement de la télémédecine : téléconsultation, téléexpertise, mais aussi téléobservance. Notamment dans les zones qui manquent de spécialistes, il est capital de la développer au plus vite. La télémédecine se passe déjà bien entre établissements de santé. La difficulté est entre cabinets médicaux libéraux car il se pose des problèmes de responsabilité, de partage d'honoraires, de sécurité des échanges par des messageries sécurisées qui n'existent pas encore. Quant à cet article, pure expression d'un voeu, c'est du verbiage législatif et il n'a pas sa place dans un texte de loi.
J'appartiens au département de France qui a la plus faible densité médicale : une centaine de médecins généralistes pour 100 000 habitants. Nous avons donc pris conscience du sujet il y a longtemps. Nous avons engagé 140 millions d'euros sur le numérique, avec un objectif de 80 % de la population couverte par la fibre optique à domicile à la fin de 2016. Nous l'avons fait car nous connaissions l'impuissance du législateur, et c'était le seul moyen d'éviter que la fracture médicale s'aggrave au fil du temps.
L'ARS donne 50 000 euros aux maisons de santé pluridisciplinaires qui acceptent de se mettre en réseau avec d'autres. Je viens d'en mettre quatre en réseau. « Fibrer » une maison de santé coûte 200 000 euros, pour vingt professionnels. C'est très cher. Nous allons aussi établir une liaison avec le CHU de Tours : les images de neurologie pourront passer de l'IRM au généraliste et être transférées à Tours. C'est une avancée considérable. Il n'y a pas de médecins, laissez-nous au moins l'imagerie !
La commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'article 12 est supprimé.
Article 13 : Compétences du directeur général de l'agence régionale de la santé (ARS)
Contre l'avis du rapporteur, la commission adopte l'amendement AS13 de M. Gérard Sebaoun.
En conséquence, l'article 13 est supprimé.
Article 14 : Évaluation du dispositif de régulation de l'accès aux soins sur l'ensemble du territoire
La commission examine l'amendement AS14 de M. Gérard Sebaoun.
Cet article prévoit une évaluation de l'application de la loi en moins de deux ans, et j'imagine mal que ce soit possible. Comme Mme Fraysse, je pense que nous devrions évaluer les incitations existantes, dont nous n'avons pas une vision très claire.
Francis Vercamer rappelle fréquemment, et à juste titre, son attachement à l'évaluation des politiques publiques. Quand on fait quelque chose de bien, il est bon de le savoir, tout autant que lorsqu'on s'est trompé.
Vous prétendez qu'il est impossible d'évaluer en moins de deux ans la mise en oeuvre de la présente proposition de loi. Ne dites pas à un grand groupe industriel que vous avez besoin de deux ou trois ans pour réaliser l'audit d'une de ses entreprises pour savoir ce qu'il faut faire !
Par ailleurs, nous avons beaucoup de moyens d'investigation à notre disposition, beaucoup d'observatoires divers et variés, et beaucoup de structures qui fonctionnent et qui pourraient collecter utilement les éléments afin de procéder à une évaluation à partir d'éléments complémentaires. Il faut accepter l'évaluation de cette proposition de loi qui, je le répète, ne représente qu'un pas pour réduire cette fracture, car n'oubliez pas, mes chers collègues, que ce sujet nous revient en boomerang partout sur le territoire, et que c'est notre responsabilité de législateur qui est engagée.
La commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'article 14 est supprimé.
Article 15 : Gage financier
Contre l'avis du rapporteur, la commission adopte l'amendement AS15 de M. Gérard Sebaoun.
En conséquence, l'article 15 est supprimé.
L'ensemble des articles de la proposition de loi ayant été supprimés, il n'y a pas lieu de mettre celle-ci aux voix.
En conséquence, aux termes de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique aura lieu sur le texte initial de cette proposition de loi.
Je vous rappelle que cette discussion aura lieu le jeudi 24 novembre 2016.
Puis la Commission examine, sur le rapport de M. Jean-Louis Touraine le projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, ratifiant l'ordonnance n° 2016-966 du 15 juillet 2016 portant simplification de procédures mises en oeuvre par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et comportant diverses dispositions relatives aux produits de santé (n° 4178).
Le texte que nous examinons comporte, après sa première lecture au Sénat, cinq articles. Le projet de loi initial n'en comprenait que trois, mais le Gouvernement a fait adopter par la Haute Assemblée deux articles supplémentaires. En définitive, nous nous trouvons devant un texte portant diverses dispositions d'ordre sanitaire. Ayons tout de même à l'esprit qu'il s'agit de l'un des derniers vecteurs législatifs permettant de porter quelques dispositions en la matière, avant le terme de la session parlementaire en 2017.
La motivation principale de ce projet est la transposition, à l'article 3, d'une directive européenne relative à la qualité et la sécurité des tissus et des cellules importés, en provenance de pays tiers. Cette transposition devait être effectuée au 29 octobre 2016 ; malheureusement, le délai est arrivé à son terme avant que l'Assemblée nationale n'ait eu l'occasion d'examiner le texte. En pratique, la France encourt désormais des sanctions financières pour défaut de transposition si un retard est pris au-delà du petit délai de quelques semaines accordé par l'Europe – jusqu'au 11 décembre 2016.
Les dispositions portées par cet article n'en sont pas moins importantes, et nécessitent un examen attentif et minutieux, à défaut duquel la transposition risquerait d'être bâclée.
Il s'agit de s'assurer que les mêmes normes de sécurité et de qualité qui s'appliquent dans la circulation et l'utilisation de tissus et de cellules d'origine humaine régissent l'importation de ces produits en provenance de pays tiers à l'Union européenne. Sont notamment définis les établissements ayant la capacité d'importer, les modalités d'autorisation et d'inspection, y compris des établissements tiers. Ce sont des sujets qui nécessitent une analyse approfondie, et l'on ne peut que regretter la précipitation dans laquelle le Parlement est amené à travailler.
Le projet prévoit aussi d'autres dispositions.
L'article 1er procède à la ratification de l'ordonnance n° 2016-966 du 15 juillet 2016 portant simplification de procédures mises en oeuvre par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Cette ordonnance s'inscrit dans le cadre de l'habilitation prévue par l'article 166 de la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier dernier. Elle comporte diverses dispositions d'ordre technique et porte simplification de procédures. Ce faisant, elle tend à clarifier l'exercice des missions de l'ANSM.
L'article 2 s'inscrit dans le prolongement des mesures de lutte contre les ruptures d'approvisionnement en médicaments prévues par la même loi de modernisation de notre système de santé. Il prévoit à cette fin la mise en place d'une expérimentation, d'une durée de trois ans, visant à obliger les grossistes-répartiteurs à déclarer les quantités de médicaments acquis au prix réglementé et non consommés en France. Cette obligation porte uniquement sur certains médicaments figurant sur une liste fixée par arrêté. La déclaration doit être adressée à un tiers de confiance, dont la désignation est renvoyée à un décret en Conseil d'État. Le dispositif doit faire l'objet d'un rapport d'évaluation dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de ce décret. Plusieurs amendements ont été déposés à cet article. Nous aurons donc l'occasion de revenir sur les modalités de mise en place de cette expérimentation.
Le texte a enfin été complété par le Sénat, à l'initiative du Gouvernement, par les articles 4 et 5 qui n'appellent pas de remarques de fond. À la suite du rapport remis par Mme Sandrine Hurel sur la politique vaccinale, l'article 4 procède au transfert de la compétence vaccinale, et en particulier du comité technique des vaccinations, du Haut Conseil de la santé publique vers la Haute Autorité de santé. L'article 5 proroge d'un an le délai d'habilitation donné au Gouvernement pour prendre des mesures par ordonnance, prévu à l'article 225 de la loi de modernisation de notre système de santé. Cet article touche à des questions purement techniques et de coordination.
En conclusion, j'aimerais revenir sur les conditions relativement peu satisfaisantes d'examen du texte. Cet examen se télescope avec le calendrier particulièrement contraint des discussions budgétaires qui mobilisent tant les parlementaires que les services du ministère de la santé. Le travail du législateur, qui consiste autant à saisir la subtilité des modifications apportées que leur solidité juridique, en est rendu plus difficile. Je souligne également que le temps imparti n'a pas permis d'organiser un programme d'auditions. Il en résulte donc une relative frustration.
L'amélioration du score de transposition des directives est un objectif que nous partageons, mais il serait bon de l'atteindre en respectant l'indispensable travail parlementaire, et surtout le désir légitime d'amélioration substantielle des textes, afin que ceux-ci n'aient pas besoin demain d'un nouveau toilettage.
Le groupe socialiste, écologiste et républicain a été heurté par la précipitation avec laquelle on demande au Parlement de travailler sur un sujet important, de surcroît sous la menace de voir l'Union européenne imposer à la France des pénalités dès le mois de décembre si nous ne parvenons pas à un texte commun avec le Sénat, lequel a ajouté deux nouveaux articles.
Je ne reviendrai pas sur l'article 1er.
L'article 3 est très important puisqu'il transpose une directive européenne relative aux procédures de vérification de la qualité et de la sécurité de tissus importés et aussi peu anodins que la peau, la cornée, les os, le sang ou les cellules hématopoïétiques. On voit fleurir dans certains pays, notamment Israël, la Suisse, les États-Unis, le Japon, des cliniques totalement illégales qui exportent des produits dont la sécurité sanitaire n'est nullement assurée. Il s'agit d'un sujet de santé publique important. Aussi la France a-t-elle raison de se protéger contre ce genre de pratique.
Les articles 4 et 5 sont issus des travaux du Sénat. L'article 4 prévoit de transférer la compétence vaccinale à la Haute Autorité de santé. Celle-ci pourra ainsi élaborer une nouvelle réflexion sur la politique vaccinale en France, tant le sujet évolue à mesure que de nouvelles maladies apparaissent et que d'autres disparaissent. Les politiques vaccinales, qui font parfois l'objet de polémiques, y gagneront en sécurité. L'article 5 prolonge d'un an la durée de l'habilitation donnée au Gouvernement par l'article 225 de la loi de modernisation de notre système de santé.
Enfin, l'article 2, qui fait suite à la loi de modernisation de notre système de santé, permet de lutter contre les très regrettables ruptures d'approvisionnement en médicaments. Qui n'a pas en mémoire ces vaccins obligatoires pour les enfants qui n'ont plus été disponibles pendant neuf ou dix mois alors qu'il est impératif de respecter les dates de vaccination ? C'est donc un sujet qui concerne la vie quotidienne de nos concitoyens.
Aujourd'hui, les grossistes-répartiteurs et les laboratoires ont le droit d'exporter. Mais cette liberté d'exportation, garantie par les règles européennes, ne peut être effective que s'il n'y a pas de rupture de stocks. Ce que vient d'expliquer Jean-Louis Touraine me semble plutôt satisfaisant. Dans la mesure où le tiers de confiance est soumis à une totale confidentialité, les informations fournies par les différentes parties projetant d'exporter pourront être objectives et non erronées. Les propositions du rapporteur peuvent nous rassurer sur le caractère de confidentialité de ces informations, et nous sommes d'autant plus rassurés qu'il s'agit d'une expérimentation portant sur trois ans. Nous devrions donc pouvoir aboutir à un texte satisfaisant sur ce sujet.
En conclusion, nous sommes favorables à ce projet de loi.
L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé est reconnue en France et à l'échelle internationale. L'inspection, le contrôle en laboratoire, l'évaluation et la surveillance font de cette agence plus qu'une simple structure technico-réglementaire.
Du fait de l'importance de ses missions, les députés du groupe UDI sont attachés au bon fonctionnement de cet établissement. Aussi avons-nous accueilli avec inquiétude les informations faisant état d'une crise majeure en juin 2016. Ébranlée par le scandale du Mediator, puis, plus récemment, par les essais cliniques conduits par le laboratoire Biotrial, l'Agence a traversé une crise de gouvernance que nous espérons derrière elle. Avant l'été, de nombreux postes étaient vacants, laissant craindre une absence de visibilité de la politique du médicament en France, tant en termes de sécurité que de contrôle des médicaments disponibles.
Le présent projet de loi a pour ambition de simplifier le fonctionnement de l'ANSM, en supprimant certaines procédures administratives et d'autres devenues obsolètes. Désormais, certaines publications seront directement renvoyées à la décision du directeur de l'Agence et non plus à un arrêté du ministre chargé de la santé.
Nous constatons que l'ordonnance ratifiée par l'article 1er consacre un état de fait en matière de processus décisionnel, puisque le ministre prend rarement des positions différentes de celles adoptées par l'ANSM dans ses propositions ou avis sur des questions techniques relatives aux produits de santé. Pour autant, au regard des enjeux en termes de sécurité sanitaire, il convient d'être particulièrement vigilant sur le degré de responsabilité qui pèsera sur le directeur général de l'ANSM, celui-ci ne tenant sa légitimité que de sa nomination par le Gouvernement.
Les députés du groupe UDI émettent de plus fortes réserves sur l'article 2 qui impose, à titre expérimental, aux grossistes-répartiteurs de déclarer auprès d'un tiers de confiance leurs volumes d'exportations de médicaments. Ces exportations, légales et protégées par le droit de la concurrence, sont critiquées et tenues pour responsables de ruptures d'approvisionnement sur le territoire national. Or les grossistes-répartiteurs ne sont pas les seuls responsables de ces ruptures ; les autres acteurs de la chaîne du médicament, depuis la production jusqu'à la distribution, sont également concernés.
Si nous soutenons l'objectif d'améliorer le suivi des ventes de médicaments à l'exportation pour remédier aux difficultés d'approvisionnement, nous estimons, en revanche, que le législateur n'a pas à jouer les arbitres entre les laboratoires et les grossistes-répartiteurs. Son rôle est plutôt de garantir la transparence entre production, distribution et répartition.
En ce qui concerne l'article 3, nous souscrivons à la volonté, inhérente à la directive transposée, de sécuriser l'importation de tissus et cellules d'origine humaine, dans une optique de sécurité sanitaire renforcée et de contrôle de la qualité des pratiques d'importation.
Nous sommes favorables à l'article 4. Faisant suite à plusieurs rapports parlementaires, il regroupe au sein d'une même instance la structure d'expertise qui fait les recommandations vaccinales et celle qui évalue le service médical rendu des médicaments et des vaccins et son amélioration. C'est pourquoi nous soutiendrons le rattachement du comité technique des vaccinations à la Haute Autorité de santé.
À l'exception des réserves que nous émettons sur l'article 2, nous sommes favorables à ce projet de loi.
La Commission en vient à l'examen des articles du projet de loi.
Article 1er : Ratification de l'ordonnance n° 2016-966 du 15 juillet 2016 portant simplification de procédures mises en oeuvre par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé
La Commission adopte l'article 1er sans modification.
Article 2 : Obligation déclarative des grossistes-répartiteurs
La Commission est saisie de l'amendement AS1 de la présidente Catherine Lemorton.
Le Gouvernement nous demande d'adopter le présent projet de loi conforme, donc très rapidement, pour ne pas exposer la France à des sanctions financières pour défaut de transposition. Je peux l'entendre, car l'état financier de notre pays ne lui permet certainement pas d'acquitter de telles sommes. Pourquoi, alors, avoir introduit l'article 2 qui n'était pas du tout obligatoire ? Le Gouvernement s'est, en quelque sorte, « piégé » tout seul.
Sur le fond, il faut régler le problème des ruptures d'approvisionnement sur notre territoire, potentiellement dû à deux acteurs : les grossistes-répartiteurs, qui ont le droit d'exporter une fois qu'ils ont rempli leur mission de service public, et les industries pharmaceutiques qui ont le droit d'exporter, ce dont on ne peut que se féliciter.
Depuis des années, ces deux acteurs se renvoient sans cesse la responsabilité des ruptures de stocks. Du coup, le législateur et les autorités n'y voient pas bien clair. Cet article pourrait, en effet, régler le problème de la visibilité. Toutefois, il ne faut pas uniquement cibler les répartiteurs pharmaceutiques, car connaître la part de leurs exportations intéresse beaucoup les industriels du médicament, sans doute pour contingenter davantage encore leurs livraisons auprès de ces entreprises.
Si je demande la suppression de l'article 2, c'est que rien ne me va, ni sur la forme ni sur le fond. Avec des garanties qu'une autre rédaction sera proposée, je pourrais réviser ma position, quitte à présenter des sous-amendements.
Vos remarques me paraissent pertinentes, mais je trouverais dommage de supprimer purement et simplement l'article 2, car il apporte certains éléments utiles. J'en proposerai plutôt une autre rédaction. Cela dit, on aurait pu effectivement dissocier cet article de ceux relatifs à la transposition européenne.
La question des grossistes-répartiteurs a été abordée lors de la discussion du projet de loi de modernisation de notre système de santé. Ils sont régulièrement accusés d'être à l'origine des ruptures de stock de médicaments, en raison du droit qu'ils ont, sous réserve d'avoir accompli leurs obligations de service public, d'exporter des médicaments. Toute la question est de savoir s'il y a ou non des abus en matière d'exportations, au détriment de l'alimentation du marché intérieur. En l'absence d'informations sur le volume de ces exportations, il n'est pas possible de savoir si les ruptures sont effectivement imputables aux uns ou aux autres. D'autres maillons de la chaîne de fabrication, de production ou du transfert des médicaments peuvent être également responsables.
L'expérimentation proposée à l'article 2 n'a pas vocation à faire porter la responsabilité des ruptures de stocks par les grossistes-répartiteurs. Elle doit seulement permettre de connaître précisément les volumes exportés par ceux-ci : si l'on se rend compte que les médicaments en rupture ne correspondent pas aux médicaments qu'ils exportent, ils seront, au contraire, dédouanés.
L'article 2 contient donc des dispositions utiles. Il ne désigne pas qui, du grossiste ou de l'industriel, est responsable, mais permet de mieux savoir ce qui se passe et d'encadrer sans stigmatisation la pratique des uns et des autres, pour que les patients français puissent disposer des traitements nécessaires sans qu'il y ait de rupture d'approvisionnement.
J'insiste sur le fait que les informations déclarées par les grossistes-répartiteurs seront confidentielles. L'intention est bien que seul le tiers de confiance ait connaissance des données transmises par ceux-ci, pour en tirer des conclusions sur l'éventuel lien entre exportations et ruptures de stock de médicaments donnés.
Je rappelle enfin qu'il s'agit d'une expérimentation, ce que j'entends préciser plus clairement dans mon amendement suivant. Si le dispositif ne fonctionne pas, il ne sera pas pérennisé. Il serait dommage de ne pas utiliser tous les outils à notre disposition pour tenter d'endiguer les ruptures d'approvisionnement de médicaments. Je suis donc défavorable à la suppression de l'article 2, mais pas à une réécriture.
Au bénéfice de ces garanties, je retire l'amendement. Vous en semblez contrarié, monsieur Bapt…
Je voulais voter votre amendement ! On aurait pu faire autrement : le dépôt d'une proposition de loi avant la fin de la législature aurait tout aussi bien évité le retard dû à la navette et le risque de pénalités. Après tout, il ne s'agit que d'une expérimentation.
La réponse du rapporteur me paraît satisfaisante. C'est pourquoi j'approuve le retrait de cet amendement.
Monsieur Bapt, si l'article 2 était supprimé, il y aurait de toute façon non-conformité entre le texte du Sénat et celui de l'Assemblée. Cela ne change strictement rien au problème du délai.
L'amendement est retiré.
La Commission examine l'amendement AS12 rectifié du rapporteur, qui fait l'objet des sous-amendements AS20, AS19 et AS18 de la présidente Catherine Lemorton.
Le premier objectif de l'amendement AS12 est d'introduire une modification de forme de l'article 2, revenant sur l'inscription d'une expérimentation dans le code de la santé publique. Cela n'est ni habituel ni souhaitable, car une expérimentation a, par définition, un caractère provisoire. Son inscription dans un code risque de pérenniser les dispositions au-delà de la durée de l'expérimentation. L'amendement tend donc à créer une expérimentation ad hoc, non codifiée.
Le second objectif est de préciser que les informations transmises au tiers de confiance seront confidentielles, c'est-à-dire qu'elles ne seront pas communiquées aux acteurs du médicament. Cela paraît aller de soi, mais l'étude d'impact laisse persister un doute sur cette question. Il importe donc d'être plus formel dans le texte de loi. L'amendement précise qu'un décret en Conseil d'État devra définir les modalités de cette confidentialité et les sanctions à prévoir en cas de rupture de confidentialité. Cela pourra redonner confiance aux grossistes-répartiteurs sur l'exercice réel de la confidentialité.
A priori, sur des marchés tendus, comme ceux des vaccins, les grossistes-répartiteurs n'exportent pas.
Le sous-amendement AS20 vise à inclure parmi les déclarants à un tiers de confiance les titulaires d'autorisation de mise sur le marché, les entreprises pharmaceutiques exploitant des médicaments et les distributeurs en gros à l'exportation, c'est-à-dire toutes les entités qui peuvent potentiellement exporter. Cela nous permettra d'y voir un peu plus clair.
Sur le principe, je suis favorable à ce que les mêmes conditions encadrent et contrôlent les différents acteurs de la chaîne du médicament. Toutefois, grossistes-répartiteurs et laboratoires répondent à des contraintes totalement différentes. Les grossistes-répartiteurs peuvent, soit revendre aux officines les médicaments acquis auprès des laboratoires, soit les exporter, à condition d'avoir rempli auparavant leurs obligations de service public. En ayant connaissance des volumes exportés par les grossistes, on pourra facilement voir si les médicaments exportés sont les mêmes qui sont en rupture dans les pharmacies, et, partant, conclure s'il y a ou non un problème de respect des obligations de service public.
Du côté des laboratoires pharmaceutiques, la situation est plus complexe. La rupture peut provenir soit d'une fabrication insuffisante, soit d'exportations trop importantes, soit de l'application aux grossistes-répartiteurs de quotas de médicaments insuffisants pour alimenter le marché intérieur. Si un laboratoire n'exporte pas tel médicament, cela ne signifie pas pour autant qu'il en a produit suffisamment ou qu'il n'a pas imposé de quotas aux grossistes, se rendant ainsi directement responsable de la rupture. Obliger les laboratoires à déclarer les volumes de médicaments qu'ils exportent serait donc, au mieux superflu, au pire contre-productif, car cela pourrait conduire à rejeter la responsabilité de la rupture sur les grossistes-répartiteurs.
J'imagine que ce n'est pas ce que souhaite Mme la présidente. J'émets donc un avis défavorable au sous-amendement AS20, pour que la disposition ne provoque pas un effet opposé à celui recherché.
Vous allez vraiment me faire regretter de ne pas avoir maintenu mon amendement de suppression ! Il me semblait que nous pouvions être d'accord sur des sous-amendements de ce type. Visiblement, ce n'est pas le cas. Nous allons entrer en confrontation, et j'irai jusqu'au bout.
Les grossistes-répartiteurs ne sont pas les seuls à livrer les pharmaciens ; les laboratoires pharmaceutiques le font aussi, via les short liners notamment, qui leur achètent des médicaments en gros. Si tout le monde n'est pas dans le bloc, nous n'aurons pas une bonne visibilité, contrairement à ce que vous affirmez. Et l'on fragilisera des entreprises de proximité qui remplissent une mission de service public. Ce n'est certainement pas un laboratoire pharmaceutique qui viendra livrer une pharmacie de garde à Noël !
Monsieur le rapporteur, vos explications et votre réaction me surprennent quelque peu. Je maintiens mon sous-amendement AS20.
Madame la présidente, nous partageons le même objectif. La question est de savoir comment l'atteindre.
Je le répète, l'encadrement des industriels ne permettra pas de recueillir les mêmes informations que celui des grossistes-répartiteurs qui, lui, permettra d'agir. Si l'on observe un défaut de la part d'un laboratoire pharmaceutique, il ne sera pas aisé de distinguer s'il relève d'une fabrication insuffisante, d'exportations directes trop élevées ou de quotas de médicaments non respectés vis-à-vis des grossistes-répartiteurs. C'est un autre dispositif qu'il faut mettre en place pour les laboratoires industriels. J'ai toujours appelé de mes voeux davantage de partenariat entre les pouvoirs publics et ces derniers, de façon à connaître, tout au long de la chaîne, les possibilités quantitatives et qualitatives qu'avaient ces laboratoires pour répondre aux besoins du pays.
Je veux bien m'en remettre à la sagesse de la Commission sur le sous-amendement AS20, mais je crains qu'il ne permette pas d'atteindre l'objectif recherché, qui est d'avoir un même niveau d'encadrement pour les industriels et les grossistes-répartiteurs.
Est-ce à dire que, parce que le monde de l'industrie est opaque, on ne fait rien du tout ? Il me semble qu'un industriel est capable de dire à un État, quel qu'il soit, qu'il connaît une rupture de fabrication sur tel médicament. La demande mondiale augmentant, on sait que cela arrive et on ne peut pas lui en vouloir. En outre, si l'on arrive à calculer des balances commerciales extérieures dans des domaines particuliers et pour des entreprises particulières, c'est bien que les entreprises sont capables de dire combien elles vendent de produits à l'exportation.
Monsieur le rapporteur, aucun de vos arguments ne me séduit ni ne suscite mon engouement.
Dieu sait que je ne défends pas les laboratoires – ni les religions ! Il me semble que l'encadrement des laboratoires pharmaceutiques, dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres, devrait être beaucoup plus intense, et mériterait une réflexion qui dépasse le sujet d'aujourd'hui. À l'instar du rapporteur, je propose de ne pas adopter le sous-amendement de Mme la présidente, et d'engager une réflexion globale sur l'encadrement des laboratoires pharmaceutiques, notamment de leurs exportations. La discussion que nous avons eue hier sur la Dépakine montre combien une telle réflexion est nécessaire.
S'il fallait un autre exemple pour vous convaincre, je citerais la vague anti-vaccination qui touche notre pays. Aujourd'hui, les jeunes parents pensent que le vaccin contre la diphtérie, le tétanos et la polio (DTP) a été absent du marché parce que les laboratoires voulaient imposer le vaccin hexavalent, c'est-à-dire à six souches, plus cher. Si l'on pouvait leur faire savoir que c'est une question de marché mondial, ils seraient rassurés. Ne pas adopter mon sous-amendement, c'est continuer à entretenir le flou et à alimenter les fantasmes et le phénomène, parfois sectaire, anti-vaccination. Je refuse d'en être responsable.
Je ne partage pas votre avis. Les autorités de santé devraient plutôt engager une vraie réflexion pour déterminer les vaccinations qu'il serait intelligent de rendre obligatoires sur le territoire français, en fonction des maladies émergentes et de celles qui ont disparu, et par comparaison avec ce qui est fait à l'étranger. Cela rassurerait plus les gens que de vacciner les nourrissons avec des vaccins non obligatoires.
La Commission adopte le sous-amendement.
Le sous-amendement AS19 vise à qualifier l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé comme le tiers de confiance. Il a été question de confier cette responsabilité à la Chambre de commerce et d'industrie de Paris ou à la Caisse des dépôts et consignations ; on perçoit mal leur rôle en matière sanitaire et ce serait une solution d'autant moins adaptée que l'ANSM est déjà chargée de la lutte contre les ruptures d'approvisionnement.
Il me paraît difficile d'inscrire cette disposition dans la loi sans que la question ait été discutée avec l'ANSM et sans que l'on sache, de ce fait, si l'Agence est en mesure d'absorber la charge de travail supplémentaire induite. L'ANSM fera-t-elle volontiers ce qui lui est imposé ? Selon moi, cette précision relève du domaine réglementaire. J'ai la quasi-certitude que le décret d'application désignera l'ANSM comme le tiers de confiance. Ainsi les choses seront-elles faites dans le bon ordre, au lieu que nous inscrivions immédiatement dans la loi une précision qu'il serait très difficile de modifier s'il apparaissait que l'ANSM ne fait pas ce que l'on attend d'elle. En résumé, je partage l'opinion que le tiers de confiance désigné devrait être l'ANSM, mais je suis favorable à ce que, respectant la procédure habituelle, on s'en remette au décret.
Puis-je faire observer que l'ANSM, étant sous la tutelle de l'État, doit accomplir les missions dont celui-ci a la charge ? Encore une fois, je suis surprise de votre réponse, monsieur le rapporteur.
Je pense, comme le rapporteur, difficile d'inscrire dans la loi une disposition qui n'a pas été soumise à concertation, car si un problème se pose, toute modification sera compliquée. Mais, sur le fond, nous sommes tous d'accord pour considérer que la responsabilité dont il est question doit incomber à l'ANSM et non à un organisme privé.
L'ANSM étant une agence d'État, il n'y a pas lieu de négocier avec elle. C'est elle qui a fixé la liste des médicaments critiques, et c'est elle aussi qui est chargée de la lutte contre les ruptures d'approvisionnement. Imaginer pouvoir confier la responsabilité du traitement de ces données à la Chambre de commerce et d'industrie de Paris ou à la Caisse des dépôts et consignations dépasse l'entendement, et le sous-amendement a au moins le mérite d'éliminer ces possibilités incongrues. Pour siéger au conseil d'administration de l'ANSM, je puis vous dire la réponse qui sera faite au législateur : « Il nous faut quelques moyens supplémentaires, car nous devrons en particulier adapter nos systèmes d'information ».
Il va sans dire que l'État est en droit d'imposer toute mission qu'il juge utile à une agence placée sous sa tutelle.
Hormis les deux propositions farfelues dénoncées par Mme la présidente, deux possibilités ont été évoquées : que la tâche soit confiée à l'ANSM ou au Comité économique des produits de santé (CEPS). À mon sens, il serait préférable de poursuivre la discussion pour préciser les choses et déterminer quelles contraintes implique cette mission nouvelle et quelles pénalités seront appliquées si la confidentialité des données transmises n'est pas respectée. Je continue de penser qu'il est quelque peu prématuré de choisir l'organisme désigné comme tiers de confiance avant qu'une indispensable discussion ait eu lieu, qui permettra au Gouvernement de faire un choix éclairé.
Les exploitants – potentiellement, quelque 23 000 officines – sont déjà tenus de signaler à l'ANSM les ruptures d'approvisionnement. Lorsque, au cours du débat sur la loi du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, mon collègue Gérard Bapt et moi-même avons porté un amendement tendant à la révision quinquennale des autorisations de mise sur le marché, le ministre de l'époque, M. Xavier Bertrand, l'a accepté sans sourciller ; il entraînait pourtant une tout autre charge de travail que celle dont il est question aujourd'hui.
Imaginons que la gouvernance de l'ANSM pose des problèmes notables, ce qui s'est déjà produit. Est-il judicieux qu'en pareil cas, nous nous trouvions pieds et poings liés, empêchés de confier cette tâche au CEPS ? Mieux vaudrait ne pas se menotter en inscrivant dans la loi une disposition d'ordre réglementaire.
Cet argument me paraît assez fort. Puisque nous sommes tous d'accord pour considérer que cette responsabilité doit incomber à un organisme public, ne nous ligotons pas. La position du rapporteur est dictée par la prudence, non par la malice. J'y suis favorable.
Il est extrêmement compliqué pour les non-initiés de suivre ce débat. J'ai du mal à comprendre que l'on en arrive à des votes importants sans pouvoir mesurer exactement ce qui est en jeu. Je resterai donc, mais je ne voterai pas. Pourquoi tout ce travail n'a-t-il pas été fait en amont ?
Je pensais que cela avait été fait. Je constate, comme vous, que ce n'est pas le cas. Ma colère s'exprimera à l'extérieur de notre enceinte.
La Commission rejette le sous-amendement AS19.
Le rejet de ce sous-amendement conduirait à corriger la rédaction du sous-amendement AS18 qui visait à ce que l'accès aux données communiquées par les grossistes-répartiteurs et l'exploitation des données recueillies soient réservés à l'ANSM. Il conviendrait de dire qu'accès et exploitation seront réservés à l'organisme désigné par décret du Conseil d'État.
Le sous-amendement est en partie satisfait par l'amendement AS12 puisque l'objectif de confidentialité des données transmises au tiers de confiance est assuré. Mais le sous-amendement confie également à l'organisme considéré la possibilité de faire ce qu'il veut de ces données pour remplir ses missions – y compris des missions sans rapport avec l'objectif de lutte contre les ruptures d'approvisionnement, par exemple en matière d'importation ou de conditionnement. Il serait dangereux que les données transmises par les grossistes-répartiteurs soient utilisées à d'autres fins que celles prévues dans le cadre de l'expérimentation. Il faut s'en tenir à cela, et ne pas donner de pouvoir supplémentaire à l'organisme qui sera désigné.
La référence à l'ANSM ayant été supprimée, le sous-amendement devrait être entièrement réécrit. Je le retire.
Le sous-amendement AS18 est retiré.
La Commission adopte l'amendement AS12 modifié.
L'article 2 est ainsi rédigé.
En conséquence, les amendements AS4, AS3 et AS2 de la présidente Catherine Lemorton tombent.
Article 3 : Transposition de la directive UE2015566 de la Commission du 8 avril 2015 relative à la mise en oeuvre de la directive 200423CE en ce qui concerne les procédures de vérification des normes de qualité et de sécurité des tissus et des cellules importés équivalentes à celles de la directive 200423CE
La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS21 à AS28 et AS30 à AS35, et l'amendement de coordination AS29, tous du rapporteur.
Puis elle adopte l'article 3 modifié.
Article 4 [nouveau] : Transfert des compétences du comité technique des vaccinations à la Haute autorité de santé
La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS13 à AS17 du rapporteur.
Puis elle adopte l'article 4 modifié.
Article 5 : Prolongation de la durée de l'habilitation donnée au Gouvernement par l'article 225 de la loi de modernisation de notre système de santé
La Commission adopte l'article 5 sans modification.
Enfin, elle adopte l'ensemble du projet de loi modifié.
La séance est levée à treize heures quinze.