J'ai lu avec attention les quinze articles de cette proposition de loi qui tente d'apporter une réponse à la désertification médicale. Très vite, il apparaît qu'elle passe par des éléments de coercition, ce qui va à l'encontre de ce que nous pensons au groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste (RRDP). Pour cette raison, vous pouvez déjà considérer, cher collègue Philippe Vigier, que notre groupe ne sera pas favorable à votre proposition de loi.
De notre point de vue, la coercition, aujourd'hui, est dépassée. Nous parlons de la désertification médicale depuis des années. On a pu voir, lors de l'examen de la loi relative à la santé puis du projet de loi de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), que la ministre de la santé a bien compris que de telles mesures ne permettraient pas d'avancer sur ce sujet extrêmement complexe. Cela nous semble un combat d'arrière-garde.
Dans l'exposé des motifs de votre proposition de loi, vous arguez qu'aucune mesure d'ampleur n'a été prise pour lutter contre la désertification médicale. Je ne vais pas les reprendre une à une, mais beaucoup de mesures incitatives ont été décidées. Certes, il faut parfaire leur organisation, mais elles existent. Au passage, je salue l'action, dans nos territoires, des collectivités locales. Les mairies, les communautés de communes et les conseils départementaux mettent en oeuvre une incitation à l'installation, en faisant la promotion de nos territoires et de la qualité de vie que nous y avons. Leur action doit être entendue comme un complément aux instruments que nous envisageons.
L'on parle de manière parfois un peu vague de désertification médicale. Où s'observe-t-elle vraiment ? Il y a aussi bien des zones urbaines qui sont concernées. Dans mon département rural, le Lot, il n'y a jamais eu autant de médecins généralistes, grâce à une politique d'incitation et de promotion de notre département. Beaucoup de maîtres de stage accueillent des internes en stage pendant six mois. Vous proposez d'étendre cette période à un an. Pourquoi pas ? Il y faut du temps, mais cela porte ses fruits. Constatant cela, comme Gérard Sebaoun, j'ai évolué sur le sujet.
Nous avons loupé le coche il y a trente ans, n'ayant pas anticipé que le vieillissement de la population et le développement des maladies chroniques, mais aussi les progrès techniques et de la médication aussi rendraient plus souvent nécessaire de faire appel à un médecin aujourd'hui qu'alors. Il y avait une formation double, soit par l'internat, soit par les certificats d'études spécialisées (CES). Quand, sous la pression de l'Union européenne, l'on a supprimé les CES, l'on n'a pas augmenté pour autant les postes d'internes. Il aurait fallu, pour cela, que les doyens soient d'accord pour accepter de les former en plus grand nombre. La baisse du nombre de médecins formés est donc une responsabilité collective. Le numerus clausus a toutefois augmenté sensiblement ces dernières années. Il importera d'évaluer quels en seront les effets sur les installations.
Certains articles nous paraissent mériter que l'on s'y arrête, mais l'esprit général de la proposition de loi ne satisfait pas notre groupe. Les médecins suivent une formation longue, de neuf années s'ils sont généralistes, de treize ans si s'y ajoutent l'internat et le clinicat, comme c'est le cas pour les oncologues. Les étudiants en médecine ont rencontré au cours de cette période beaucoup de personnes qui ont influé sur leur cursus : patients, médecins, professeurs... Ils ont formé à leur contact un projet de vie. Au bout de ce parcours, nous ne pouvons pas les obliger à s'installer là où ils ne veulent pas aller. N'oublions pas qu'il s'agit d'un exercice libéral. Même en milieu rural, une patientèle met du temps à se constituer ; un patient ne donne pas immédiatement sa confiance à un médecin libéral, même dans des zones réputées être des déserts médicaux.
Bien des mesures incitatives pourraient être mises en place, par exemple pour soutenir les médecins généralistes qui acceptent d'être maîtres de stage. Je n'ai pas le temps de les énumérer toutes.
Je rappelle, pour finir, que les syndicats et les associations représentatives des étudiants en médecine, les internes de toutes les spécialités, les chefs de clinique ambulatoires et hospitaliers, les remplaçants et les jeunes installés avaient unanimement dénoncé l'amendement de Mme Annie Le Houerou, qui prévoyait un conventionnement sélectif. Ils avaient déposé un préavis de grève. Or cette proposition de loi est encore plus coercitive. Je me demande quelle serait leur réaction si elle venait à être votée.
Pour toutes ces raisons, notre groupe ne soutiendra pas la proposition de loi.