La situation est de plus en plus difficile, le constat est partagé par tous. À vrai dire, il crève les yeux. Nous voyons le résultat de choix politiques catastrophiques. Malgré les alertes que nous avons lancées et les statistiques bien connues sur l'âge moyen des médecins en exercice, ces mêmes choix politiques ont continué, pour aboutir à la situation actuelle. Voyons les choses avec lucidité.
Je ne crois pas qu'il y ait lieu d'opposer les différentes régions. À Nanterre et à Suresnes, dans les Hauts-de-Seine, où je suis élue, il y a aussi une désertification médicale dans certains quartiers. J'entends beaucoup parler de la liberté d'installation et de la médecine libérale. Mais, dans certains quartiers difficiles et dans certaines conditions, l'installation de jeunes médecins ne serait pas la meilleure réponse. Un exercice plus collectif de la profession, dans des centres de santé ou des maisons médicales, serait peut-être plus adapté.
Il n'y a pas de recette unique, mais plutôt un faisceau de raisons qui expliquent la situation actuelle et qui justifient un faisceau de solutions. Les efforts déjà consentis ont fourni des résultats. Je regrette qu'il n'en soit pas fait davantage d'évaluation, de sorte que nous disposions d'arguments sérieux en faveur de l'une ou l'autre solution. En tout état de cause, il faut former davantage de médecins. Notre collègue Gérard Sebaoun a raison de souligner que c'est long. Les dispositions que nous prenons maintenant ne porteront leurs fruits que beaucoup plus tard, de même que nous payons aujourd'hui les mesures négatives prises dans le passé.
Je pense qu'il faut conserver les hôpitaux de proximité. Les médecins libéraux en ont impérativement besoin, de leurs plateaux techniques et des compétences qui peuvent venir en appui à leur pratique. Certaines régions sont désertifiées parce que l'on a trop fermé de lieux de santé de proximité. Nous devons prendre aussi des mesures pour aider les étudiants.
L'Ordre national des médecins a réalisé un travail remarquable, formulant des propositions. Les cinq premiers articles du texte que nous examinons contiennent ainsi des dispositions recommandées par l'Ordre, qui me semblent positives : prise en compte de l'offre territoriale de soins pour déterminer le numerus clausus ; stage de douze mois dans un cabinet après les trois premières années d'études ; internat plutôt régional que national, pour que des postes soient ouverts dans les régions qui en ont le plus besoin. Logiquement, en effet, les étudiants en médecine s'installent majoritairement là où ils ont fait leurs études, car c'est là qu'ils se sont faits des amis, qu'ils se sont formés et qu'ils ont constitué leurs réseaux de relations. Je suis favorable à l'idée d'un internat interrégional, qui permette d'ouvrir plus ou moins de postes selon les régions. Cela répond à l'obligation qui pèse sur nous de faire que tous nos concitoyens puissent être soignés. L'idée que les internes non thésés puissent exercer en tant que collaborateurs me paraît bonne. J'ai de même soutenu le statut de praticien territorial remplaçant promu par la ministre de la santé Mme Marisol Touraine.
S'agissant de la coercition, il faut que nous ayons du courage. Au moment de sauter, certains d'entre nous éprouvent quelques réticences… Ce type de mesures n'est certes agréable pour personne. En tant que législateurs, nous avons cependant la responsabilité de prendre des mesures et de veiller à ce que tout le monde soit soigné sur le territoire. Demander à de jeunes médecins de s'installer là où ils veulent, sauf dans les zones où il y a déjà trop de médecins, ne me paraît pas porter atteinte à la liberté d'installation. L'amendement de notre collègue Annie Le Houerou proposait un déconventionnement comme sanction. Est-ce vraiment une bonne idée ? J'assume, en tout cas, l'idée que les jeunes médecins ne choisissent leur lieu d'installation qu'hors des zones excédentaires.
Parce qu'elle paye leurs études et qu'elle finance la sécurité sociale, la puissance publique est légitime à prendre des dispositions à leur endroit.