Intervention de François Brottes

Réunion du 16 novembre 2016 à 16h30
Commission des affaires économiques

François Brottes, président du directoire de Réseau de transport d'électricité, RTE :

Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, c'est bien volontiers que je me plie à cet exercice. Je concentrerai mon propos introductif sur l'hiver prochain, mais je répondrai éventuellement à d'autres questions, dès lors qu'elles relèvent de la compétence de RTE.

Je vais essayer d'être pédagogique, même si certains parmi vous connaissent parfaitement le sujet : il ne me paraît pas inutile de dessiner d'abord le cadre de notre action.

Le métier de RTE – entreprise publique qui détient le monopole du transport de l'électricité – est de garantir l'équilibre entre l'offre et la demande d'électricité à la seconde, en temps réel. Il faut qu'il y ait en permanence autant d'électrons qui rentrent sur le réseau que d'électrons qui sortent : sinon, c'est le black-out. C'est un peu un métier d'acrobate, reconnaissons-le ! Qui plus est, il faut aussi avoir conscience que RTE n'est pas en mesure de produire de l'électricité ; nous ne nous occupons que de son transport vers des consommateurs qui ne sont pas nos clients, mais qui sont les clients des fournisseurs d'énergie.

Pour réduire les incertitudes, nous avons recours à une méthode éprouvée : anticiper autant que possible. Plusieurs mois, plusieurs années à l'avance, RTE réalise un diagnostic sur la sécurité d'approvisionnement, à long, moyen et court termes, à l'échelle française comme à l'échelle européenne – je reviendrai sur les interconnexions.

De fait comme de droit, RTE est la vigie du système électrique ; le bilan prévisionnel, que j'envoie également à votre commission chaque année, étudie les risques courus par notre réseau, à l'aune d'un « critère de défaillance » fixé par les pouvoirs publics – notion un peu théorique, mais qui représente, en gros, le curseur du risque accepté par le pays. Ce risque correspond à une moyenne de trois heures d'arrêt possible de la fourniture d'électricité pour une année – ce qui nous fait, même si ce n'est pas ainsi qu'elle se répartit, trente secondes par jour. C'est en tout cas sur cette maille-là que nous nous calons.

Nous sommes dans une industrie du temps long – investir pour construire une centrale de production, quelle qu'elle soit, cela prend des années. Notre but est donc d'offrir une grande visibilité aux producteurs, aux investisseurs et aux opérateurs afin qu'ils puissent mobiliser leurs capacités pour couvrir les besoins futurs.

Le temps qui est laissé à tous les acteurs – producteurs, consommateurs, traders, fournisseurs – pour réaliser l'équilibre de l'offre et de la demande va de quelques mois à une heure avant le « temps réel », c'est-à-dire le moment où l'électricité doit être fournie. Ceux qui vendent de l'électricité doivent pouvoir annoncer et prouver qu'ils couvriront exactement les besoins en électricité de leurs clients : il n'est pas question de vendre de la poudre de perlimpinpin… Pour cela, certains ont leurs propres moyens de production ; d'autres passent des contrats de gré à gré, se servent de l'ARENH (accès régulé à l'électricité nucléaire historique), bien connue en ces murs, des marchés à terme, plusieurs mois à l'avance, des marchés spots, à J-1, et même depuis quelques semaines du marché dit « infrajournalier », une demi-heure avant la séquence en temps réel. Les acteurs jonglent entre toutes ces possibilités en fonction du rapport entre l'offre et la demande, mais aussi en fonction des prix : les coûts ne sont pas forcément les mêmes selon le type de marché. C'est tout un business…

RTE participe à l'élaboration des règles des mécanismes de marché à l'échelle française et à l'échelle européenne, et travaille en étroite collaboration avec les bourses d'échange – nous sommes actionnaire et membre fondateur de la bourse EPEX (European Power Exchange) – ainsi qu'avec les autres gestionnaires de réseau de transport (GRT) européens dans le cadre de l'ENTSO-E (European Network of Transmission System Operators for Electricity). Nous travaillons notamment sur les aspects techniques et sur la certification des offres… Nous sommes parvenus à une harmonisation des règles à l'échelle européenne.

Une heure avant le temps réel, les acteurs doivent disposer exactement de la quantité d'électricité nécessaire à l'approvisionnement de leurs clients. Sinon, ils seront pénalisés par la suite : c'est ce que j'appelle le syndrome de la promesse non tenue. Si l'obligation n'est pas respectée, on se fait taper sur les doigts.

Durant ce laps de temps d'une heure, et jusqu'à la seconde qui précède le temps réel, c'est RTE qui prend la main pour corriger les déséquilibres des fournisseurs, déséquilibres qui sont en principe résiduels.

En cas de déséquilibre, RTE dispose de différentes catégories de produits, que nous appelons les « réserves » : la réserve tertiaire peut être activée à la demi-heure ou au quart d'heure avant le temps réel ; la réserve secondaire une minute avant ; la réserve primaire une seconde avant. Cela montre à quel point l'exercice exige une vigilance de tous les instants.

Ces produits peuvent être consignés par les GRT, contre rémunération : des obligations sont imposées aux producteurs, et certaines de leurs installations sont placées en dessous de leur puissance maximale afin que nous puissions disposer d'un « ruban » disponible pour les réserves primaires et secondaires. Nous avons également la faculté d'organiser, à l'avance, des appels d'offres pour constituer une partie de la réserve tertiaire.

Ces réserves peuvent également être activées sans consignation préalable par une sorte d'appel aux bonnes volontés. Nous pouvons tout d'abord les utiliser sur la base des déclarations de disponibilité des producteurs : la loi oblige ceux-ci à déclarer leur production disponible au GRT, qui en rend compte sur la plateforme « Transparence » ; celle-ci nous indique ainsi, par exemple, quels sont les réacteurs en fonctionnement. Il ne s'agit pas d'une interprétation de RTE : c'est une information que nous produisons en nous fondant uniquement sur les déclarations de chaque producteur. Nous pouvons également agir grâce aux offres déposées par les opérateurs d'effacement ou les consommateurs, ou bien par des pays voisins.

RTE sélectionne les offres nécessaires pour répondre à la situation du moment, là aussi bien sûr contre rémunération.

En parallèle, à chacune de ces échéances, RTE gère la disponibilité de nos cinquante interconnexions, en lien avec les GRT frontaliers mais aussi, en amont, au sein du CORESO (COoRdination of Electricity System Operators), qui rassemble des informations jusqu'à la veille du temps réel sur les productions disponibles dans les pays voisins. Ces derniers savent ainsi ce qui sera disponible à partir de la France.

Si vous achetez de l'électricité à l'étranger, il faut payer l'électricité, mais aussi réserver la capacité de transit dans les « tuyaux » d'interconnexion. Sur le marché journalier, le prix de l'électricité achetée inclut le prix de la capacité de transit – en quelque sorte, le service est compris. Pour d'autres échéances, il faut passer par des mécanismes d'enchère pour réserver un droit de passage. C'est un peu complexe…

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