Intervention de François Brottes

Réunion du 16 novembre 2016 à 16h30
Commission des affaires économiques

François Brottes, président du directoire de Réseau de transport d'électricité, RTE :

Le volume des effacements s'élèvera cet hiver à 3 150 MW, dont 1 500 pour l'interruptibilité, activable en quelques secondes. Nous avons pour cela signé un accord avec vingt et un industriels : ces gros consommateurs acceptent que leur connexion soit interrompue au moment où le réseau est en situation critique. Ces procédures ont déjà été utilisées, notamment pendant les incendies survenus cet été dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA), et elles fonctionnent. C'est nouveau, et très important.

L'analyse de la situation française doit être replacée dans un contexte européen. Il existe un marché européen de l'électricité : il arrive que les prix soient plus intéressants ailleurs que chez nous, et les interconnexions permettent alors d'acheter ailleurs même s'il existe une production locale. Mais, cet hiver, c'est surtout le renforcement de la sécurité de notre approvisionnement que permet le réseau européen qui sera déterminant.

Notre capacité technique d'importation est de 12 200 MW, ce qui représente 30 % d'augmentation par rapport à l'an dernier, en raison de l'ouverture d'une importante liaison complémentaire avec l'Espagne, mais aussi parce qu'a été mise en place – sous l'impulsion notable de Mme Clotilde Levillain, membre du directoire de RTE – la méthode « flow-based », nouveau modèle de calcul et d'allocation des capacités d'échanges d'électricité disponibles aux interconnexions entre la France, le Benelux et l'Allemagne. Nous sommes fiers de ce procédé qui permet d'optimiser de façon très fine l'usage des interconnexions.

En moyenne, toutefois, la moyenne des mégawatts disponibles à l'importation se situera plutôt – comme l'an dernier – entre 7 000 et 9 000 MW, compte tenu des besoins des autres pays et des capacités de production disponibles : s'il fait froid chez nous, il fera froid ailleurs aussi, sans doute…

Dans le scénario météorologique d'un hiver « normal », c'est-à-dire dont les températures se situeraient dans les moyennes qui nous sont fournies par Météo France à partir des données des trente dernières années, compte tenu de la consommation prévue et des moyens de production disponibles, nous pensons que tout se passera bien : nos marges de manoeuvre sont suffisantes.

En cas de vague de froid importante, c'est-à-dire au cas où les températures descendraient en dessous de trois degrés sous la moyenne, ou extrême, avec des températures inférieures de dix degrés à la moyenne, nous devrions peut-être adopter des solutions exceptionnelles. Si nous établissons cette différence entre vagues de froid « importante » et « extrême », c'est parce que les capacités de production ne sont pas identiques à chaque moment. Ainsi, pour les trois premières semaines du mois de décembre, le risque de mobilisation de moyens exceptionnels apparaîtrait si la température descendait de trois degrés en dessous des normales de saisons – qui sont établies à six degrés.

Le premier de ces moyens exceptionnels, c'est la mobilisation citoyenne – ce n'est pas un vain mot. Nous lancerions des appels nationaux aux consommateurs afin qu'ils économisent l'énergie, en diminuant la température de leur logement, par exemple, et qu'ils reportent autant que possible leur consommation hors des heures de pointe. Les pouvoirs publics réfléchissent à des actions ; nous-mêmes lancerons, le 5 décembre prochain, un outil grand public sur l'application que nous avons appelée « éCO2mix » permettant de faire apparaître des alertes destinées aux consommateurs. Cela peut faire sourire, mais RTE a déjà lancé depuis plusieurs années le dispositif ÉcoWatt, en PACA et en Bretagne. Les élus, la presse et les radios locales se sont beaucoup impliqués pour sa réussite ; et dès que nous déclenchons EcoWatt, la consommation baisse de 1 % environ, grâce à nos 100000 volontaires. Les effets de l'acte citoyen utilisé à bon escient ne sont donc nullement marginaux. Le même outil sera bientôt disponible à l'échelle nationale.

Le deuxième moyen exceptionnel, c'est l'interruptibilité, que j'ai déjà citée. Nous ne l'utilisons bien sûr qu'en cas de menace significative, car la gêne peut être réelle, même si les vingt et un industriels aujourd'hui concernés ont donné leur accord. Ils sont rémunérés, puisqu'ils rendent un service à la collectivité – l'enveloppe est de 100 millions d'euros.

Le troisième moyen exceptionnel, c'est une baisse de la tension de 5 % sur les réseaux de distribution. Cette solution permet d'économiser jusqu'à 4 000 MW, soit quatre réacteurs nucléaires. Cela se traduit notamment par une légère baisse de l'intensité des lumières et par une performance légèrement moindre des plaques de cuisson…

Si nous manquons vraiment de chance, qu'il fait extrêmement froid et que la production est encore moindre qu'annoncé, la solution ultime serait de recourir à des délestages programmés tournants, par îlots. Nous épargnerions naturellement les pompiers, les hôpitaux, etc. Ces délestages peuvent durer jusqu'à deux heures. C'est le dernier recours, pour préserver à tout prix l'équilibre entre l'offre et la demande et éviter le black-out.

Vous le voyez, j'ai dressé une liste exhaustive des solutions dont nous disposons ; nous sommes très vigilants, mais loin d'être dépourvus de moyens d'agir.

Nous réactualiserons tout au long de l'hiver ce scénario, en fonction de l'évolution des informations dont nous disposons.

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