Intervention de Michel Herbillon

Réunion du 16 novembre 2016 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Herbillon, président de la mission d'information :

Merci, mes chers collègues, des appréciations que vous avez formulées, voire des louanges que vous nous avez adressées. Le rapporteur et moi-même y sommes très sensibles.

L'élection de Donald Trump étant assez récente, nous n'en avons pas encore mesuré les conséquences pour le marché de l'art. Au titre du suivi de notre mission, nous envisageons d'auditionner l'intéressé dans les jours prochains, et nous ne manquerons pas d'en rendre compte à la commission ! (Sourires.) Je peux simplement dire que les volontés protectionnistes de M. Trump ne me paraissent guère compatibles avec l'internationalisation du marché de l'art. Ainsi que vous l'avez relevé très justement, mes chers collègues, c'est un marché international où les questions de géopolitique sont évidemment très prégnantes.

Nous avons interrogé les responsables de Sotheby's et de Christie's, à Londres et à Paris, sur les conséquences du Brexit. On y réfléchit notamment chez Christie's, maison qui est la propriété de François Pinault et qui est très présente en France, mais encore plus au Royaume-Uni. Il se trouve que les ventes de grandes oeuvres qui atteignent des prix élevés ont toujours lieu soit à Londres, soit à New York, même s'il y a aussi des ventes importantes en France. Certains espèrent que les grandes ventes quitteront Londres pour d'autres capitales, par hypothèse Paris, mais, selon moi, ce n'est pas demain la veille, tant la place de Londres sur le marché de l'art est importante, singulièrement sur celui de l'art contemporain.

S'agissant des questions de fiscalité, abordées notamment par François de Mazières, nous devons vous faire part de l'audition particulièrement éclairante que nous avons faite des représentants du ministère des finances car, ainsi qu'on peut le lire dans le guide Michelin, non seulement cela « méritait un détour », mais cela « valait le voyage » ! Avec beaucoup de professionnalisme et de courtoisie, ils ont invariablement répondu non à chacune de nos propositions, que nous leur avons présentées avec certitude mais mesure. Lorsque nous avions le moindre espoir qu'ils commencent à esquisser un oui, ils nous indiquaient que le ministère de la culture – horresco referens ! – avait déjà formulé cette proposition après d'eux. Toutefois, ainsi que le président Patrick Bloche l'a très bien dit, nous n'allons pas lâcher : nous allons continuer inlassablement à faire un certain nombre de propositions dans ce domaine.

À la suite de vos remarques, j'insiste à nouveau sur un point : l'ensemble des professionnels que nous avons auditionnés, notamment les galeristes et les maisons de ventes, ont regretté l'absence d'identification et de lisibilité des arts plastiques et de l'art contemporain au sein du ministère de la culture, contrairement à ce qui prévalait auparavant, notamment depuis l'impulsion donnée par Jack Lang, et contrairement à ce qui se passe aujourd'hui pour le spectacle vivant. Actuellement, la responsabilité en matière d'arts plastiques et d'art contemporain relève de la DGCA.

Un point ressort de nos auditions, notamment de celle de François Pinault : l'excellence de notre législation sur les trésors nationaux, qui permet de conserver en France les grandes oeuvres de notre patrimoine. Il faut absolument garder ce dispositif, qui n'existe pas partout.

Ainsi que l'a très justement suggéré François de Mazières, le projet Médicis-Clichy-Montfermeil peut être un exemple de cluster d'art contemporain. Nous suivons avec beaucoup d'attention ce projet, qui peut être l'occasion de développer l'art contemporain.

Il nous est apparu, et nous le regrettons, que la France est dans une situation très différente de l'Allemagne dans le domaine de l'art contemporain. En Allemagne, il y a, d'une part, des collectionneurs intermédiaires qui achètent des oeuvres d'artistes allemands et, d'autre part, de très grands artistes – Georg Baselitz, Anselm Kiefer et Gerhard Richter, entre autres – qui ont une visibilité internationale, leurs oeuvres étant présentes à la fois dans les musées et dans les grandes collections mondiales. Nous peinons à citer des noms d'artistes français de ce niveau, à l'exception notable de Pierre Soulages. Il y a pourtant, en France, à la fois un réseau muséal, le réseau des FRAC, des galeries qui soutiennent les artistes contemporains et des collectionneurs. Nous avons le sentiment que nous disposons de tous les ingrédients pour faire un très bon cocktail dans le domaine de l'art contemporain, mais ce n'est pas ce qui se passe. Selon moi, il faudrait que tous les acteurs, y compris les galeries et les écoles d'art, conjuguent leurs efforts pour que la France passe au stade supérieur en matière de développement et de promotion de l'art contemporain.

Ainsi que François de Mazières l'a souligné, il faudrait notamment que les collectionneurs français achètent davantage d'oeuvres aux artistes français. C'est un cercle vicieux : dans la mesure où les artistes français n'ont guère de notoriété internationale et où leurs oeuvres ne sont pas assez présentes dans les musées, les expositions et les foires internationales, les collectionneurs français achètent moins leurs oeuvres que celles des artistes étrangers.

Il faudrait aussi davantage d'actions pour soutenir les artistes français, notamment les artistes émergents, même si le Palais de Tokyo et le Centre Pompidou font déjà beaucoup en la matière. Le Centre Pompidou expose désormais les oeuvres de tous les artistes nommés pour le prix Marcel Duchamp, et pas seulement celles du lauréat, ce qui était le cas jusqu'à récemment. S'agissant des foires, on sait qu'il est difficile pour les petites galeries et les artistes émergents d'avoir une place à la FIAC, ne serait-ce qu'en raison du coût du stand ; mais il y a, parallèlement à la FIAC, Paris Internationale, où des galeries plus petites et des artistes moins connus exposent. Il s'agit là d'une action tout à fait résolue dans le domaine de l'art contemporain. La directrice de la FIAC a elle-même souligné l'excellence de Paris Internationale.

Colette Langlade a dit très justement qu'il convenait d'accorder davantage d'attention aux collectionneurs intermédiaires ou plus modestes et d'encourager les jeunes talents. Nous avons formulé un certain nombre de propositions à ce sujet dans notre rapport. À l'issue des auditions que nous avons menées, nous restons tout de même assez optimistes, car le terreau et les ingrédients sont bien là. Simplement, il faut que tous les acteurs conjuguent leurs efforts pour franchir une nouvelle étape, ainsi que je viens de l'indiquer.

Toutes les galeries se posent la question du numérique, et les ventes en ligne se développent. Dans le même temps, rien ne remplace le contact direct avec l'oeuvre d'art, que ce soit pour les collectionneurs qui achètent ou pour tous ceux qui développent le goût de l'art en mouvement.

Dominique Nachury a relevé à juste titre que l'enjeu était non seulement culturel, mais aussi économique, compte tenu de la place du marché de l'art. En ce qui concerne les commissaires-priseurs, Drouot est en effet une marque connue à l'international. La difficulté est que, derrière cette marque générique, il y a, si je puis dire, toute une série d'artisans et d'entrepreneurs individuels qui sont extrêmement attachés à leur indépendance. Les tentatives, notamment celle de Pierre Bergé, de fédérer tous les acteurs derrière cette marque et de développer celle-ci à l'international ont échoué en raison de l'individualisme très fort des différents commissaires-priseurs.

Patrick Hetzel a souligné avec raison le problème de l'expertise d'État dans le domaine de l'art, ainsi que l'illustrent les récentes querelles à propos de l'authenticité du tableau du Caravage qu'il a cité, ou encore d'un tableau de Rembrandt et, depuis ce matin, de dessins de Van Gogh. Le rôle de l'expert est important. Selon moi, il convient de professionnaliser davantage encore le métier d'expert d'État et de fluidifier les rapports entre les experts, les collectionneurs et le monde des musées. Il faut notamment qu'il y ait davantage de contacts entre les conservateurs et les experts.

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