Monsieur le ministre de la justice, Jean Mercier a quatre-vingt-huit ans. Il est gravement malade, et cela fait cinq ans que ce vieil homme est traité comme un criminel pour avoir accompli un geste de compassion, un acte d’amour à l’égard de son épouse de quatre-vingt-trois ans, qui le suppliait d’abréger les souffrances insupportables d’une vie qui n’était plus qu’une survie. Alors oui, après cinquante-cinq ans de mariage, M. Mercier a accepté d’aider sa femme à décapsuler les médicaments nécessaires pour qu’elle s’éteigne dans l’apaisement.
Condamné en première instance pour non-assistance à personne en danger, Jean Mercier avait finalement été relaxé en appel, le 10 novembre dernier, au grand soulagement de ses proches. Or, nous avons appris avec stupeur, il y a quelques jours, que le ministère public, en l’occurrence le parquet général de Lyon, décidait de se pourvoir en cassation contre cette relaxe. Cela signifie que cet homme de près de quatre-vingt-dix ans, malade, usé et épuisé, va devoir subir à nouveau, pendant des mois, voire des années, cette infernale mécanique judiciaire, à moins que, pis encore, il ne quitte ce bas monde avant d’avoir été définitivement innocenté.
Cette affaire démontre, hélas, une nouvelle fois, que notre législation sur la fin de vie est totalement hypocrite et qu’elle ne règle rien, bien au contraire. Pour avoir épargné à sa femme de subir un acharnement médical, Jean Mercier subit aujourd’hui un acharnement judiciaire. C’est pour lui un double drame et une double peine. Monsieur le ministre, il y a la loi, mais aussi l’esprit de la loi. Celui-ci devrait conduire, par humanité, à laisser enfin ce vieil homme pouvoir finir sa vie en paix.