La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Je suis heureux de souhaiter en votre nom à tous la bienvenue à M. Giorgos Lillikas, président du groupe d’amitié Chypre-France de la Chambre des représentants de la République de Chypre.
Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.
L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
Nous commençons par une question du groupe les Républicains.
Monsieur le Premier ministre, je m’exprime au nom des femmes, qui se battent partout dans le monde pour leur liberté, trop souvent pour leur vie, et pour leurs droits. La gravité de cette question interdit, me semble-t-il, toute polémique.
De Kaboul à Raqqa, elles résistent avec courage à l’extrémisme et, en Turquie, à la régression de leurs droits, au moment même où un projet de loi autorisant l’auteur d’un viol à échapper à la justice en épousant sa victime est à l’étude.
La France doit réaffirmer partout dans le monde son attachement au respect des droits fondamentaux des femmes. C’est notre responsabilité, singulièrement dans les pays affectés par les conflits et les crises.
Pour cela, nous avons un devoir : être exemplaires dans la mise en oeuvre concrète de nos lois sur l’égalité. Ce n’est pas le cas. Le chômage massif enraciné dans notre pays prive trop de femmes de l’autonomie professionnelle qui est la clé de leur liberté. La précarité en France a un visage, celui d’une femme, et nous ne pouvons pas parler au reste du monde si nous n’obtenons pas de progrès réels sur ce terrain.
Les statistiques disponibles ne montrent pas l’affaiblissement des conditions de vie des femmes, notamment des familles monoparentales. Au nom de mon groupe, je vous demande, monsieur le Premier ministre, de réfléchir à la constitution d’une mission d’évaluation sur les indicateurs qui sont aujourd’hui insuffisamment précis ou fiables pour la connaissance de ce sujet particulièrement grave.
En second lieu, mesurer la précarisation de la situation des femmes que nous signalent toutes les associations, que je salue ici, n’a de sens que si des solutions puissantes et adaptées sont adoptées. Je pense en particulier à une véritable offensive en matière professionnelle.
Il n’est pas normal que, sur des sujets aussi innovants que le numérique, par exemple, qui va changer le monde, les femmes…
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Je vous remercie, madame Ameline.
La parole est à Mme la ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes.
Madame la députée, je suis heureuse de vous entendre évoquer le respect des droits fondamentaux des femmes dans le monde. C’est d’ailleurs dans cet esprit que j’ai demandé l’année dernière à l’ONU la dépénalisation de l’IVG sur toute la planète, car le droit à l’avortement fait bien partie des droits fondamentaux des femmes.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain, du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Vous nous demandez un bilan de la politique que nous menons en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes. Ce bilan, nous le faisons tous les jours. Je vais vous en donner deux éléments. Le premier, ce sont les moyens, le second, la volonté politique.
Les moyens, nous les avons donnés. Le budget des droits des femmes a augmenté de 50 % au cours de ce quinquennat, augmentation inédite dans l’histoire de la Ve République.
La volonté politique, nous l’avons, dans tous les domaines. Pour l’égalité professionnelle, alors que de nombreuses entreprises échappaient auparavant à leur obligation de faire des plans d’égalité, aujourd’hui, grâce à un habile dosage entre avertissements et sanctions, 70 % des entreprises de plus de 1 000 salariés et 30 % des entreprises de plus de 50 salariés ont de tels plans.
Regardons aussi par exemple la parité en politique. Quand nous sommes arrivés en 2012, il y avait 11 % de femmes conseillères départementales. Il y en a aujourd’hui 50 %, grâce à la loi sur le binôme aux élections départementales, qui n’a pas été votée par la totalité de cet hémicycle.
Enfin, en ce qui concerne les violences faites aux femmes, je présenterai demain un nouveau plan. Je peux d’ores et déjà vous signaler que nous avons créé 1 600 places d’hébergement pour les femmes victimes de violences et que 300 000 professionnels ont été formés.
Enfin, l’égalité, les droits des femmes, ce ne sont pas simplement des intentions, ce sont des actes. La semaine prochaine, vous aurez à examiner une proposition de loi tendant à étendre le délit d’entrave à l’information sur l’IVG. J’espère qu’ensemble, nous y serons favorables.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à M. Pascal Popelin, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le ministre de l’intérieur, dans la nuit de samedi à dimanche, une opération antiterroriste conduite par la direction générale de la sécurité intérieure – DGSI –, sous l’autorité de la justice, a permis l’interpellation, à Marseille et à Strasbourg, de sept individus de nationalités française, marocaine et afghane.
Il s’agissait, après un travail d’enquête de plus de huit mois, de prévenir une action terroriste envisagée sur notre sol, de longue date semble-t-il. L’enquête, placée sous l’autorité du procureur de la République de Paris, permettra de définir les rôles des personnes interpellées et d’établir si le projet d’attentat ainsi déjoué participait d’un processus d’attaque coordonnée, destiné à frapper simultanément plusieurs cibles sur notre territoire, notamment en lien avec une première série d’interpellations intervenues en juin dernier.
Ce nouvel épisode du combat mené contre le terrorisme confirme malheureusement le degré élevé de la menace. Il atteste de l’action exemplaire, de l’efficacité de nos services et de nos forces de sécurité, dont je veux à nouveau saluer la mobilisation et l’engagement.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et sur quelques bancs du groupe Les Républicains.
Depuis le début de cette année, 418 interpellations d’individus en lien avec des réseaux terroristes ont été réalisées, dont 43 depuis le début du mois de novembre.
Même s’il faut redire que le risque zéro ne sera jamais atteint, ces résultats démontrent la pertinence des choix du Gouvernement et de notre majorité, qu’il s’agisse de l’adaptation de notre arsenal législatif, de l’augmentation des moyens budgétaires dédiés à la sécurité en effectifs et en équipements, de la réorganisation du dispositif d’échange d’informations entre les services, du rétablissement des contrôles à nos frontières ou du renforcement de la coopération européenne.
Je vous remercie, monsieur le ministre, d’indiquer à la représentation nationale les suites que le Gouvernement entend donner aux actions de lutte contre le terrorisme.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le député, je veux d’abord confirmer ce que le Président de la République et le Premier ministre ont eu l’occasion de dire à plusieurs reprises au cours des dernières semaines : nous sommes face à un niveau de menace extrêmement élevé, qui se traduit par la volonté de groupes de terroristes islamistes radicaux de frapper notre pays. Cela justifie une mobilisation sans trêve ni pause de l’ensemble des services de renseignements et de sécurité intérieure.
Dans la nuit de samedi à dimanche, une opération extrêmement importante a eu lieu. Elle était destinée à mettre hors d’état de nuire un commando, que nous suivions depuis plusieurs mois et dont nous cherchions l’identité de l’ensemble des membres, qui avait pour objectif de commettre un attentat de grande ampleur en France. Cette opération a été méticuleusement préparée par la direction générale de la sécurité intérieure, sous l’autorité des autorités judiciaires, notamment du procureur antiterroriste. Elle a abouti à l’arrestation de sept individus.
Si ce type d’arrestation peut avoir lieu – il y en a eu 418, comme vous l’avez rappelé, depuis le début de l’année, et 43 depuis le début du mois de novembre –, c’est parce que les services de renseignement mènent une action très intense et parce que nous avons considérablement rehaussé leurs moyens : création de 2 000 emplois ; mise en place d’un plan de lutte antiterroriste de 233 millions d’euros destiné à leur permettre d’avoir les moyens de leur action, en moyens numériques et en véhicules ; engagement d’actions européennes très fortes comme le Passenger name record – PNR – ou la mise en place de l’interconnexion des fichiers ; enfin, renforcement des relations entre les services de manière à ce qu’ils communiquent mieux, grâce à la création notamment de l’état-major opérationnel de prévention du terrorisme – l’EMOPT – et de la DGSI. C’est toute cette action qui permet de mettre hors d’état de nuire des réseaux terroristes dangereux.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à M. Olivier Falorni, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le ministre de la justice, Jean Mercier a quatre-vingt-huit ans. Il est gravement malade, et cela fait cinq ans que ce vieil homme est traité comme un criminel pour avoir accompli un geste de compassion, un acte d’amour à l’égard de son épouse de quatre-vingt-trois ans, qui le suppliait d’abréger les souffrances insupportables d’une vie qui n’était plus qu’une survie. Alors oui, après cinquante-cinq ans de mariage, M. Mercier a accepté d’aider sa femme à décapsuler les médicaments nécessaires pour qu’elle s’éteigne dans l’apaisement.
Condamné en première instance pour non-assistance à personne en danger, Jean Mercier avait finalement été relaxé en appel, le 10 novembre dernier, au grand soulagement de ses proches. Or, nous avons appris avec stupeur, il y a quelques jours, que le ministère public, en l’occurrence le parquet général de Lyon, décidait de se pourvoir en cassation contre cette relaxe. Cela signifie que cet homme de près de quatre-vingt-dix ans, malade, usé et épuisé, va devoir subir à nouveau, pendant des mois, voire des années, cette infernale mécanique judiciaire, à moins que, pis encore, il ne quitte ce bas monde avant d’avoir été définitivement innocenté.
Cette affaire démontre, hélas, une nouvelle fois, que notre législation sur la fin de vie est totalement hypocrite et qu’elle ne règle rien, bien au contraire. Pour avoir épargné à sa femme de subir un acharnement médical, Jean Mercier subit aujourd’hui un acharnement judiciaire. C’est pour lui un double drame et une double peine. Monsieur le ministre, il y a la loi, mais aussi l’esprit de la loi. Celui-ci devrait conduire, par humanité, à laisser enfin ce vieil homme pouvoir finir sa vie en paix.
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, du groupe socialiste, écologiste et républicain, du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants, et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le député, il y a la loi et il y a l’esprit de la loi. S’agissant de l’esprit de la loi, chacun d’entre nous peut avoir une opinion personnelle sur cette douloureuse affaire. S’agissant de la loi, l’Assemblée nationale, le Sénat ont voté, en 2013, un texte qui interdit au garde des sceaux de donner des instructions individuelles sur les affaires.
Exclamations sur quelques bancs du groupe Les Républicains.
C’est dorénavant l’article 30 du code de procédure pénale. Il va donc de soi que le parquet général de la cour d’appel de Lyon ne m’a pas informé de sa décision de former appel.
Les faits sont simples, et vous les avez très justement répétés. Le tribunal correctionnel s’est prononcé sur le chef de non-assistance à personne en danger. La cour d’appel de Lyon a estimé que ce n’était pas ce chef d’accusation qui devait être retenu, mais celui de meurtre ou de complicité de meurtre. Il y a donc une divergence entre les deux juridictions. Vous savez comme moi que, depuis sa création en 1804, la Cour de cassation n’est pas une troisième juridiction.
La chambre criminelle de la Cour de cassation va se prononcer sur la qualification des faits et vérifier que les procédures se sont déroulées dans le strict respect de la légalité. Cela peut être frustrant pour ceux qui, comme vous, mènent un combat pour le droit de mourir dans la dignité, mais ce ne sera pas le propos de la chambre criminelle de la Cour de cassation, qui ne se prononcera que sur la qualification de droit.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le Premier ministre, nous allons voter sur le projet de budget pour l’année 2017, le dernier de cette législature. Naturellement, l’heure est au bilan ; il est sans équivoque.
Alors que les conditions de vie se sont dégradées, la politique inconditionnelle de soutien aux entreprises a occasionné un transfert inédit de fiscalité. Ainsi, pour financer la baisse des prélèvements des entreprises de 30 milliards d’euros, les ménages auront payé deux fois l’addition. Ils auront vu leur fiscalité augmenter, notamment les plus modestes, pénalisés par les hausses de TVA. Ils auront également assisté au recul des services publics – une réalité durement vécue sur nos territoires. À l’évidence, les résultats ne sont pas au rendez-vous. Vous persistez pourtant dans cette voie sans issue en augmentant le CICE – crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – et en diminuant l’impôt sur les sociétés.
Monsieur le Premier ministre, soyons clairs : si nos concitoyens font preuve d’un tel rejet à l’égard de votre politique, c’est tout simplement parce que celle-ci est à l’opposé des engagements pris en 2012, ce qui suscite désarroi et colère. Certes, ce budget marque des efforts pour assurer la sécurité de nos concitoyens. Ces efforts sont nécessaires et nous les soutenons, en responsabilité. Mais votre politique a ouvert les digues : voyant ses plates-bandes libérales piétinées, la droite se complaît à faire de la surenchère pour pouvoir se démarquer. Avec 100 milliards d’économies, 500 000 fonctionnaires en moins, la suppression de l’impôt sur la fortune et la hausse de la TVA, c’est le gros lot pour ceux qui ont déjà tant.
Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Pour autant, monsieur le Premier ministre, la politique du moins pire ne saurait nous rassembler car elle ne porte ni espérance ni ambition. Vous l’aurez compris : nous voterons contre ce projet de budget.
Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le président, vous avez, au fond, répondu vous-même à votre propre question. Vous l’avez très bien dit : la droite et la gauche, ce n’est pas la même chose, et le projet de budget que votre assemblée s’apprête à adopter – je veux saluer ici l’engagement de Michel Sapin et Christian Eckert, qui l’ont présenté – le démontre. La majorité a fait le choix du sérieux, du respect de ses engagements, le choix de la souveraineté financière, celui de ne pas laisser nos enfants dans une situation intenable.
Sur ce point, nous pouvons être en désaccord. Je le regrette, mais nous l’avons toujours assumé. Je regrette d’ailleurs que vous ne souligniez pas une différence essentielle avec les propositions de la droite dans le débat qui s’engage pour l’avenir du pays.
Comme vous l’avez, d’une certaine manière, esquissé, ce budget repose sur des priorités. Oui, devant les Français, nous assumons des dépenses et des postes supplémentaires, pour la sécurité, vous l’avez dit, pour la jeunesse et l’éducation et pour l’emploi. Nous assumons notre volonté de construire un système de protection sociale toujours plus solidaire. Ce budget nous permet de poursuivre les réformes engagées.
En matière de fiscalité, je vous rappelle que nous baissons une nouvelle fois l’impôt sur le revenu des classes moyennes et des ménages aux revenus modestes. Il s’agit, je le rappelle aussi, de la quatrième baisse consécutive. Il est vrai que nous assumons également notre soutien à la compétitivité de nos entreprises, notamment des PME, car ce sont elles qui créent de la richesse et donc de l’emploi. Ce n’est pas dit suffisamment, mais nous accompagnons aussi le secteur associatif, qui occupe une place majeure dans notre économie et qui joue un rôle essentiel dans le lien social. Enfin, et je sais que ce point fait l’objet de beaucoup de débats, nous mettons en oeuvre une réforme structurelle attendue par les Français : le prélèvement à la source.
Quant à l’opposition – mais vous l’avez fort bien souligné, monsieur le président – elle propose de 100 à 150 milliards d’euros d’économies et la suppression de 300 000 à 500 000 postes dans la fonction publique.
Cela veut dire moins d’infirmières, moins d’agents publics, moins de policiers et moins d’enseignants. Elle propose également la suppression de l’impôt sur la fortune – une manière de montrer le sens de justice sociale qui l’anime !
Monsieur le président Chassaigne, le danger est là. Ou plutôt, rappelons-le : le premier danger pour la France et pour notre démocratie, qui devrait tous nous rassembler, c’est la montée en puissance, ailleurs aussi mais d’abord en France, du populisme et de l’extrême-droite.
C’est le choix de la droite – et je respecte le processus des primaires. Mais au moins les choses seront-elles claires dans quelques jours : c’est un projet dur pour le pays, et comme l’a rappelé Laurence Rossignol, c’est aussi un projet réactionnaire dans bien des domaines de société.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Le moment des responsabilités viendra. Plus que jamais, c’est le rassemblement des républicains et de la gauche qui s’imposera.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le président, je voudrais d’abord rebondir sur la réponse de Mme Rossignol, ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes, pour rappeler la position du groupe Les Républicains. Nous n’avons jamais remis en cause le droit des femmes à l’avortement.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
Cela a encore été rappelé ce matin, publiquement et fortement, par François Fillon.
Applaudissements et « Bravo ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le Premier ministre, dans le cadre d’entretiens réguliers organisés avec le Président de la République, deux journalistes ont eu accès et ont diffusé des documents classés « secret défense », relatifs à la préparation de frappes françaises en Syrie et à l’autorisation de l’élimination physique de quatre djihadistes. Ces faits, qui portent incontestablement atteinte à la sûreté de l’État et aux intérêts supérieurs de la nation, tombent sous le coup de la violation du secret défense, punie de sept ans d’emprisonnement.
Nous avons appris, hier, que sur saisine de notre collègue Éric Ciotti, le procureur de la République de Paris a ordonné l’ouverture d’une enquête préliminaire. Dont acte.
Cependant, monsieur le Premier ministre, parallèlement à la procédure judiciaire se pose la question de la responsabilité politique, car on sait que le chef de l’État bénéficiera de l’immunité présidentielle face à la justice ordinaire. C’est pourquoi, demain, le bureau de notre assemblée doit examiner la recevabilité d’une proposition de résolution initiée par notre collègue Pierre Lellouche, visant la destitution de François Hollande sur le fondement de l’article 68 de la Constitution.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Alors ma question est simple et solennelle : est-ce que, monsieur le Premier ministre, votre majorité politique acceptera d’examiner ce manquement du chef de l’État à ses devoirs, manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat et qui justifierait, selon nous, une saisine de la Haute Cour ?
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le président de l’Assemblée nationale, mesdames et messieurs les députés, monsieur Fenech, je veux être très clair.
Dans la période complexe que nous traversons, à la fois à l’échelle internationale, notamment au Levant et au Sahel, et sur le plan intérieur où, comme vient de le rappeler le ministre de l’intérieur, nous faisons face à une menace lourde et persistante, ma conviction profonde, c’est que les Français attendent de leurs responsables politiques une certaine hauteur de vue
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains
et un plus grand respect des institutions qui sont le fondement de notre République.
Le Président de la République est le chef de l’État, élu par les Français au suffrage universel,…
…et cela que vous le vouliez ou non. C’est ma conception de ce que sont les institutions et je n’admets pas que l’on se prête une nouvelle fois, ici, dans vos rangs, à la mise en cause délibérée et systématique du chef de l’État, de sa personne, et donc des institutions.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain. – Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Je sais bien que vous êtes en pleine primaire ; elle a d’ailleurs donné plutôt une belle idée de la responsabilité politique. Mais, monsieur Fenech, cela ne justifie pas tout !
Le Président de la République a toujours pris ses responsabilités pour combattre la menace terroriste à travers les opérations militaires menées par la France, en Irak et en Syrie ou dans la bande sahélo-saharienne, en particulier dans le Nord Mali. Les interventions menées par nos forces armées répondent à une ligne politique et stratégique claire, qui n’a pas varié depuis 2012.
Il s’agit d’éradiquer la menace terroriste, de protéger les populations locales et les Français, ici comme à l’extérieur, et de défendre les valeurs de la France.
Alors, monsieur Fenech, si vous voulez un débat sur la politique étrangère…,
…sur nos alliances, par exemple sur la relation avec la Russie…
…sur le rôle de notre pays en Europe, en Syrie ou en Irak, nous y sommes prêts.
Voilà le débat que demandent les Français, plutôt que de vous voir remettre en cause, une nouvelle fois, nos institutions.
« Non ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.
En tant que chef du Gouvernement, mon rôle est de défendre les institutions et une certaine idée de la France.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à M. Franck Reynier, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le Premier ministre, depuis 2012, les prélèvements obligatoires ont augmenté de plus de 100 milliards d’euros, les dépenses publiques ont augmenté de plus de 90 milliards d’euros, la dette s’est aggravée de plus de 325 milliards d’euros, et le déficit n’est pas repassé sous la barre des 3 %.
Décidément, tout au long de ce quinquennat, vous aurez dégradé la situation de notre pays. Vous avez mis les moteurs de la croissance à l’arrêt : la France est désormais bien loin derrière nos partenaires européens qui, pour la plupart, créent de l’emploi et de la croissance.
Pire, votre politique aura provoqué de nombreuses défaillances d’entreprises et porté le chômage à un niveau jamais atteint. Vous avez asphyxié les familles en augmentant leurs impôts. Le pouvoir d’achat des retraités a chuté. Vous demandez à nos territoires et à nos communes des efforts qui affectent la qualité du service rendu et qui pèsent sur leurs finances, alors que le Gouvernement a été incapable de réaliser un effort semblable au niveau de l’État.
Monsieur le Premier ministre, le budget sur lequel l’Assemblée nationale se prononcera tout à l’heure n’est pas à la hauteur des défis auxquels la France doit faire face. Au contraire, il ne fera qu’aggraver la crise dans laquelle est plongé notre pays.
Monsieur le Premier ministre, êtes-vous conscient de cette situation qui confirme plus que jamais la nécessité d’une alternance ?
Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur Franck Reynié, le débat budgétaire est toujours un débat sérieux.
C’est pourquoi nous aurions aimé qu’il fût mené par un ministre sérieux !
Dans le cadre de ce débat, naturellement, des positions différentes peuvent s’affronter. Ce ne sont donc pas les critiques que vous avez formulées qui me gênent. Je vous le dirai sans vouloir vous agresser, ni vous insulter,…
…mais ce qui me gêne dans votre question, c’est le tissu de contrevérités que comprend votre question.
C’est une contrevérité de dire que le déficit a explosé. Si vous voulez savoir exactement quand les déficits ont explosé, examinez la période 2007-2012. Depuis 2012, les déficits sont à la baisse.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Ceux qui sont parvenus à maîtriser l’augmentation de la dette, à la stabiliser, c’est ce gouvernement et cette majorité, certainement pas le gouvernement précédent. La moindre des honnêtetés, lorsque l’on veut comparer les chiffres – en particulier quand on appelle à l’alternance, ce qui est parfaitement légitime de votre part –, c’est de regarder où en était la France en 2012. Elle était alors « en état de faillite », pour reprendre l’expression employée à l’époque par l’un des candidats à la primaire d’aujourd’hui.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Sortie de cet état de faillite, la France reprend progressivement – peut-être lentement, mais sûrement – des couleurs, de la vigueur, de la croissance. Elle crée à nouveau des emplois, ce qui permet – enfin ! – de faire diminuer progressivement le chômage. Voilà la réalité !
Vous avez abordé le projet de loi de finances de façon simpliste. Examinons ce qu’il contient : êtes-vous contre l’augmentation des crédits consacrés à la sécurité ? Si oui, dites-le ! Êtes-vous contre l’augmentation des crédits destinés à l’éducation ? Peut-être l’êtes-vous, mais alors il faut le dire ! Êtes-vous contre la baisse des impôts que nous avons proposée et qui sera votée dans quelques instants ? Si oui, dites-le !
C’est budget sincère, un budget de progrès, qui remet la France sur les rails de la croissance et de la justice.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain. – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse, pour le groupe Les Républicains.
Madame la ministre du logement et de l’habitat durable, après la funeste loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi ALUR, de Mme Duflot, qui a brisé la confiance dans tous les milieux de l’immobilier et de l’habitat, vous nous présentez cet après-midi, en deuxième lecture, un volet du projet de loi « Égalité et citoyenneté » également funeste, puisque empreint de la même idéologique bureaucratique, planificatrice et dirigiste.
Le Président de la République François Hollande s’était engagé à construire 500 000 logements neufs par an.
Les statistiques de 2014 et 2015 font apparaître une moyenne de 340 000 logements. Je vous rappelle que du temps où M. Borloo et M. Chirac, puis M. Fillon et M. Sarkozy, ont assuré le financement de ce programme, nous avions atteint le chiffre de 460 000 logements. M. Hollande a réussi à inverser la courbe, mais pas dans le bon sens !
Nous avions triplé le financement du logement social, quadruplé l’accession à la propriété, et doublé le financement du logement très social : nous en sommes loin aujourd’hui parce que vous êtes toujours dans cette logique coercitive et dirigiste.
Vous voulez à présent réformer la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain, dite loi SRU. La politique du peuplement, telle que vous la concevez, vise à imposer aux maires un certain nombre de choses, puisque le préfet pourra prendre le relais des maires qui la refuseraient. Tout devrait être fondé au contraire sur la diversité du territoire, sur la confiance, le contrat avec les maires, qui parfois n’ont même pas les compétences en matière d’urbanisme ni les terrains nécessaires pour construire les logements que vous leur demandez.
En outre, vous faites abstraction du logement locatif privé, alors que les plus pauvres de notre pays y sont logés. Ma question est simple : allez-vous changer de logiciel ? Fonderez-vous votre politique sur la confiance, comme le propose François Fillon dans son programme cohérent et courageux ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le député, si votre bilan en matière de logement avait été aussi bon, nous n’aurions pas eu autant à faire depuis 2012 !
Vous voulez des chiffres ? J’ai déjà eu l’occasion de vous les donner la semaine dernière, mais c’est avec plaisir que je vous les donnerai à nouveau cet après-midi : 435 000 autorisations ont été données au cours des douze derniers mois.
Ce ne sont pas les autorisations qui comptent, ce sont les constructions réelles !
En outre, 367 000 chantiers ont été lancés et 140 000 logements sociaux ont été autorisés sur 2016. Ce sont les meilleurs chiffres depuis sept ans, monsieur Daubresse !
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Et nous allons continuer. La loi SRU dont vous parlez est entrée en vigueur il y a seize ans. Est-il normal qu’au bout de seize ans, certains maires refusent encore d’appliquer cette loi et mènent leur campagne électorale sur ce thème ?
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Est-il normal, alors qu’il y a 2 millions de demandeurs de logements sociaux, que des maires leur ferment les portes de leur territoire, car ils ne veulent pas accueillir les 65 % des Français qui ont droit au logement social ?
Est-ce que 65 % des Français ont vraiment besoin d’un logement social, voilà la question !
Je ne crois pas – le Gouvernement ne croit pas – que ce soit normal. Oui, nous allons lutter contre les ghettos ! Nous imposerons, au moyen du projet de loi « Égalité et citoyenneté », de la mixité sociale. Nous voulons rééquilibrer les territoires, et nous y travaillons avec beaucoup d’élus qui nous soutiennent dans ce domaine.
La loi du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public a permis aux préfets d’autoriser les permis de construire à la place des maires qui ne voulaient pas construire. Nous le faisons aujourd’hui : plusieurs milliers de logements sociaux sont construits grâce à ce dispositif. Nous continuerons de le faire, car il n’est pas normal que certains territoires se mettent en dehors de l’égalité territoriale et du combat de la mixité sociale.
Voilà notre engagement. Nous continuerons à oeuvrer dans ce sens, monsieur Daubresse, forts des très bons résultats que nous avons aujourd’hui.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à M. Yves Blein, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.
Ma question s’adresse M. le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports.
L’Assemblée nationale a adopté vendredi un amendement d’origine parlementaire, soutenu par le Gouvernement, créant le crédit d’impôt de taxe sur les salaires. Cette mesure vient opportunément conforter l’ensemble du secteur non lucratif – associations, fondations, mutuelles du livre III – qui jouent aujourd’hui un rôle déterminant dans l’économie française.
Dans ce secteur de l’économie sociale fort d’un million huit cent mille salariés, plus de cent soixante mille employeurs vont bénéficier d’un allégement de charges de 600 millions d’euros ; s’ajoutant aux 300 millions déjà adoptés en 2013 et aux 100 millions résultant de l’usage du CICE par les organismes fiscalisés, c’est en tout 1 milliard d’aides qui vont désormais renforcer l’emploi dans le secteur non lucratif de notre économie. Établissements de soins, de retraite, services d’aide à domicile, activités éducatives et d’insertion, centres culturels et socio-culturels, activités sportives, d’enseignement, de solidarité, de garde des enfants… Ce sont demain des milliers d’employeurs, acteurs essentiels de la vie locale, qui vont pouvoir consolider les emplois dans leurs établissements et affronter à armes égales les situations de concurrence auxquelles ils sont régulièrement confrontés.
Cette mesure s’inscrit dans le soutien continu que ce gouvernement apporte à l’économie sociale, engagé par la loi éponyme de juillet 2014, puis poursuivi par de multiples mesures qui trouveront leur traduction dans la loi « Égalité et citoyenneté » qui va être à nouveau examinée par notre assemblée dans quelques minutes. Congé d’engagement, reconnaissance de l’intérêt général, encouragement à toute forme de participation à la vie de la nation : avec cet ensemble de mesures et le crédit d’impôt mis en oeuvre au 1er janvier prochain, le modèle de l’économie non lucrative se renforce, et avec lui les emplois nombreux qu’il génère.
Pouvez-vous nous dire, Monsieur le ministre, quelle analyse cet ensemble de mesures vous inspire ?
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à M. le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports.
Monsieur le député, je partage évidemment votre vision du rôle du monde associatif : il est essentiel dans notre pays, avec seize millions de bénévoles pour plus d’un million d’associations. Je ne doute pas que les Français forment ainsi un peuple engagé et solidaire. Vous avez raison de rappeler qu’il y a un million huit cent mille salariés dans le secteur associatif, celui de l’économie sociale et solidaire, soit 10 % de la population salariée de notre pays. On l’oublie souvent, et son importance a été justement rappelée par le Premier ministre il y a quelques instants ici même.
C’est donc pour encore mieux encourager cette vitalité associative que le Gouvernement a soutenu, via votre amendement, la création de ce crédit d’impôt de 4 % de la masse salariale appliquée à la taxe sur les salaires pour l’ensemble du secteur associatif non lucratif. Je me félicite que cette décision ait été prise à l’unanimité de votre assemblée.
Cela vient compléter d’autres dispositifs que vous avez rappelés, et je précise que cette mesure profitera aussi au secteur mutualiste et aux fondations, qui créent de l’emploi et bénéficieront pleinement de cette incitation fiscale. Cette mesure n’est pas isolée : je rappellerai la Charte d’engagements réciproques, la mise en oeuvre des mesures de simplification ou encore la création d’un compte d’engagement citoyen. Et, dans le cadre du projet de loi « Égalité et citoyenneté » que vous venez d’évoquer, j’espère que nous allons créer un congé d’engagement pour tous les salariés qui oeuvrent aujourd’hui dans le secteur bénévole.
Nous avons donc manifestement avancé. Le Gouvernement n’en tire aucune gloire.
Mais cela témoigne de la vision d’une société qui privilégie le lien social par rapport aux facteurs de désunion. Nous comptons sur les corps intermédiaires pour former un vrai projet de société. Voilà peut-être encore une différence entre la droite et la gauche dans ce pays.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à M. Jean-Claude Bouchet, pour le groupe Les Républicains.
Monsieur le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt,…
…permettez-moi d’appeler votre attention sur l’urgence qu’il y a à répondre à l’exaspération des agriculteurs et des éleveurs français. En effet, nombre d’entre eux se sont rassemblés aujourd’hui partout en France, notamment devant votre ministère, afin de vous faire part de leur colère face aux retards accumulés de l’Agence de services et de paiement – ASP – concernant les aides européennes qui doivent leur être versées.
Monsieur le ministre, je vous parlerai ici plus particulièrement des éleveurs de mon département, le Vaucluse, et plus largement de ceux de ma région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, qui subissent les contraintes de la prédation du loup et ont engagé des frais importants pour se prémunir contre ce fléau. Très récemment, j’ai une nouvelle fois été alerté par la fédération départementale ovine du Vaucluse sur les retards de paiement des aides européennes relevant des mesures « loups » au titre des années 2015 et 2016.
Jugez-en : pour l’année 2015, 800 dossiers sont encore en attente d’être soldés, et pour 2016, aucun dossier, je dis bien aucun, n’a été instruit pour paiement ! Ainsi, non contents d’être exposés à des attaques de plus en plus nombreuses de leurs troupeaux, les éleveurs sont de surcroît privés des moyens de s’en défendre et se retrouvent face à des trésoreries d’exploitation exsangues.
« C’est vrai ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
Cette situation inacceptable est le fait de l’inconséquence de l’Agence de services et de paiement, placée sous votre tutelle.
Cela fait des mois et des mois que les élus locaux, régionaux et nationaux font part de l’incurie de cette agence…
…et de son dysfonctionnement. Cette situation n’a que trop duré. Elle est intenable, insupportable, inadmissible. Il est grand temps que, sous votre autorité, cette agence fonctionne normalement, pour un règlement rapide des dossiers de ces éleveurs !
Monsieur le ministre quand ferez-vous en sorte que cette situation soit débloquée, pour la survie des agriculteurs ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et quelques bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
Monsieur le député, vous avez évoqué plusieurs sujets, en particulier pour votre département. S’agissant de l’Agence de services et de paiement, je tiens à rappeler que si nous avons des retards, c’est parce qu’il y a eu des rattrapages à effectuer sur des aides précédentes.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Calmez-vous, monsieur Jacob, je n’ai pas dit que c’était votre faute !
Mais c’est la réalité : on rattrape, on a été obligés de refaire de nombreuses photos concernant tout le parcellaire français. Il est vrai qu’on a donc pris du retard.
Exclamations persistantes.
Pour ce qui est des primes ovines, je rappelle que ces aides couplées ont été maintenues – je me rappelle parfaitement les débats sur la réforme de la politique agricole commune. Elles seront versées en décembre 2016.
Je ne l’ai pas dit à chaque fois, monsieur Le Fur. Nous faisons face, avec l’ASP, à l’ensemble des dispositions nouvelles à mettre en oeuvre, cumulées au retard pris en raison de l’apurement européen. J’ai reçu ce matin les organisations professionnelles, FNSEA et jeunes agriculteurs, afin de recaler l’ensemble des dispositions. La question est simple : comment verser aussi rapidement que possible et les soldes de 2015 – cela a déjà été fait pour près de 99 %, soit 6,4 milliards d’euros ; et les ATR pour 2016 – apports de trésorerie remboursables – à hauteur de 6,1 milliards ; et une grande part de l’indemnité compensatoire de handicap naturel – ICHN – pour un montant de 839 millions d’euros ? Il restera à finaliser les paiements de 4 800 dossiers au titre de l’ICHN d’ici la fin de l’année.
Par conséquent, monsieur le député, soyez convaincu qu’avec mon ministère, l’ensemble des services concernés et l’ASP, nous faisons tout pour répondre au besoin primordial des agriculteurs, c’est-à-dire que ces aides leur soient versées.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à Mme Gisèle Biémouret, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, vendredi dernier, vous avez effectué un point d’étape sur la mise en oeuvre de différents dispositifs de soutien en faveur des agriculteurs. Vous avez pu ainsi rappeler l’ensemble des moyens déployés afin non seulement de soutenir l’élevage, de conforter l’accompagnement social, mais aussi de revenir sur l’état d’avancement des paiements de la politique agricole commune – PAC.
« Allô, allô ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.
Ces propos apportent des éléments de réponse clairs aux inquiétudes exprimées par les agriculteurs de tous les secteurs, dans un contexte particulièrement difficile.
Ils viennent conforter votre investissement, monsieur le ministre, qui a permis par exemple de mobiliser 50 millions d’euros supplémentaires pour couvrir les besoins des mesures agroenvironnementales et de soutien à l’agriculture biologique dont la demande a dépassé les objectifs, comme dans le cas du département du Gers et de la région Occitanie.
Vous venez aussi de recevoir ce matin plusieurs représentants des organisations professionnelles majoritaires, afin de revenir sur le cas particulier du paiement des dossiers PAC. Selon eux, le calendrier des paiements annoncé ne serait pas respecté et des dossiers ne sont pas encore réglés.
À ce stade, qu’en est-il exactement du traitement de ces dossiers pour l’année passée et celle à venir ? Pouvez-vous indiquer vos intentions sur des mesures susceptibles de résoudre les cas spécifiques évoqués par les syndicats ou sur tout dispositif permettant d’alléger les problèmes de trésorerie qui subsistent pour certains agriculteurs ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
Madame la députée, vous avez évoqué un sujet qui participe plutôt du second pilier, le Fonds européen agricole pour le développement rural – FEADER. La négociation de la politique agricole commune a permis de doubler le budget du FEADER, de manière globale, à l’échelle de la France.
Ce point, qui est souvent oublié, a permis de mettre en oeuvre des stratégies, s’agissant notamment des mesures agroenvironnementales et de l’agriculture biologique. Comme vous l’avez rappelé, madame la députée, le nombre des conversions à l’agriculture biologique a largement dépassé l’objectif de doublement des surfaces, car la crise conduit les agriculteurs à rechercher des alternatives.
J’ai en effet reçu ce matin les professionnels de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles – FNSEA – et les jeunes agriculteurs, pour faire le point sur l’ensemble des aides.
S’agissant des mesures agroenvironnementales et de l’agriculture biologique, je leur ai annoncé, comme je l’annonce à l’Assemblée nationale, qu’après l’avance de mai 2016, une avance complète sera versée en mars 2017, afin de régler l’ensemble des demandes de subvention en agriculture biologique, lesquelles sont très nombreuses.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Je le comprends : l’agriculture biologique est en train de connaître un développement très important.
Pour ce qui concerne la gestion des marchés, je rappelle que la mesure de maîtrise de la production laitière – j’ai enfin obtenu le retrait de plus de 1 million de tonnes de poudre de lait à l’échelle européenne – commence à porter ses fruits, et les prix du lait commencent à remonter.
Une réunion sera organisée en décembre avec Michel Sapin, afin que les relations commerciales entre les acteurs de la grande distribution, les industriels et les producteurs se déroulent dans les meilleures conditions, pour anticiper une hausse du prix du lait, qui sera la meilleure des réponses pour les éleveurs, notamment les éleveurs laitiers de France.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, après le temps des engagements vient le temps des reniements. Et après le temps des reniements vient le temps du châtiment !
« Du ralliement ! » sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
J’ignore quelle ampleur prendra le châtiment électoral qui vous attend, monsieur le ministre, surtout quand je vois le peu de Français qui approuvent l’action du chef de l’État, hormis quelques rares stars privilégiées. En attendant, j’aimerais vous interroger sur une promesse que le candidat Hollande avait faite et que le président Hollande a reniée – une de plus !
Cette promesse concerne la retraite des agriculteurs. En 2012, vous vous êtes engagé par écrit à revaloriser les pensions agricoles, en faisant appel « à la solidarité nationale afin d’améliorer le niveau des pensions servies ». Jusque-là, tout va bien.
Le problème, c’est qu’à force de distribuer des cadeaux aux uns et aux autres, à force de jouer les VRP du rasé gratis, vous et vos collègues finissez par faire appel, non plus à la solidarité nationale, mais aux agriculteurs eux-mêmes, qui voient alors exploser leurs cotisations et leurs impôts sur les revenus du capital. Vous proposez ainsi d’augmenter les cotisations retraite des actifs agricoles de 66 %.
Alors que 30 % des agriculteurs vivent aujourd’hui avec 350 euros par mois, le fardeau fiscal que vous faites peser sur le monde agricole n’est clairement pas supportable !
« Très bien ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.
J’ajoute enfin, monsieur le ministre, que, selon les chiffres de la Mutualité sociale agricole, vos promesses non financées entraîneront l’épuisement des réserves des caisses de retraite complémentaire. Autrement dit, votre gouvernement réussit le tour de force de faire trinquer les actifs comme les retraités, tout en portant gravement atteinte à la pérennité du système de retraite des agriculteurs.
Monsieur le ministre, vous allez recevoir les acteurs du dossier dans quelques jours. Ma question est simple : qui va payer le prix de votre inconséquence ? Qui va payer le prix de votre démagogie ? Les agriculteurs actifs ? Les retraités ? Les contribuables dans leur ensemble ? Il nous faut des réponses.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
Monsieur le député, d’abord je ne vois pas ce que vient faire le châtiment là-dedans ? La question des retraites est suffisamment sérieuse pour que l’on rappelle à tous, en particulier aux agriculteurs et aux députés de ce côté de l’hémicycle, que les mesures engagées en 2001 sous le gouvernement de Lionel Jospin – la revalorisation des retraites agricoles à 75 % du SMIC – ont été stoppées pendant dix ans.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
C’est ce gouvernement qui a repris ce travail pour augmenter à nouveau les retraites agricoles, dont tous les petits retraités agricoles dénonçaient depuis longtemps le montant.
Mêmes mouvements.
Nous avons mis en oeuvre la revalorisation à 75 % du SMIC des petites retraites agricoles. Il vous est peut-être difficile de le dire, mesdames, messieurs les députés de l’opposition, mais c’est la réalité.
Quant à la retraite complémentaire obligatoire – RCO – et à la revalorisation des retraites, en particulier pour les femmes dans l’agriculture, depuis trois ans ce sont près de 1 milliard d’euros qui ont permis d’augmenter le pouvoir d’achat des retraites agricoles pour les femmes ayant travaillé dans les exploitations agricoles.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Il est bon, de temps en temps, de le rappeler et de le saluer.
Enfin, monsieur le député, vous avez évoqué ce que serait le châtiment. Trois sujets figuraient dans l’accord que nous avions passé : un financement sur le fonds de roulement de la MSA, lequel a été utilisé ; une augmentation à 1,3 % du taux de cotisations sociales pour financer les retraites ; une remise à plat des exonérations de cotisations, grâce à des optimisations de l’utilisation du foncier. Sur ce dernier point, nous avons malheureusement constaté des recettes bien inférieures à ce que nous avions anticipé du fait d’une optimisation continue.
Le 30 novembre, nous aurons donc, avec l’ensemble des acteurs, une discussion pour revaloriser les retraites.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à M. Thierry Benoit, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le ministre de l’agriculture, j’ai été très attentif à la réponse que vous avez faite à Jean-Claude Bouchet. Je voudrais revenir sur la question du versement des aides de la PAC – politique agricole commune – car il s’agit d’un sujet majeur pour nos agriculteurs et plus particulièrement pour nos éleveurs. Je sais bien, monsieur le ministre, que vous êtes mobilisé sur le sujet, mais je voudrais quand même vous interpeller.
La PAC, c’est d’abord un contrat entre les agriculteurs et les institutions publiques. Ce contrat est fondé sur la réciprocité et sur la confiance. Pour les mesures agro-environnementales et les indemnités compensatoires de handicap naturel, les cahiers des charges sont très exigeants : de nombreuses exigences sont posées avant que les agriculteurs puissent bénéficier de ces mesures. Les agriculteurs consentent d’énormes efforts pour ce qui est de la mise en oeuvre des programmes sur le terrain, pour ce qui est des démarches administratives, et aussi pour ce qui est des délais. Il n’est donc pas normal que l’on ait pris tant de retard dans le versement de certaines aides.
Je comprends les raisons invoquées, concernant l’Agence de services et de paiement et le fameux logiciel. Toutefois, puisque les régions sont autorité de gestion, je me suis permis d’écrire au président de la région de Bretagne. Je n’ai pas eu encore de réponse : j’ai eu un échange laconique avec un élu de la région, mais pas de réponse concrète.
Sourires.
Monsieur le ministre, il y a urgence absolue pour nos éleveurs. Le pronostic vital est engagé. Pouvez-vous nous garantir qu’à la fin 2016 auront été soldés les versements non seulement pour 2015, mais aussi pour 2016 ?
Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
Monsieur le député, je sais que vous connaissez ces sujets parfaitement, puisque nous avons eu souvent l’occasion d’en discuter ici, à l’Assemblée nationale. Je répète que des avances ont d’ores et déjà été versées. Il y a eu un ATR pour les aides pour 2015, à hauteur de 6,9 milliards d’euros. Il y a eu des avances sur l’ensemble des aides du premier pilier, à hauteur de 6,1 milliards d’euros. S’agissant des indemnités compensatoires de handicap naturel, nous en sommes à 839 millions d’euros, soit 85 % du montant total. À la fin de l’année – c’est un engagement très clair que je prends devant vous – nous aurons soldé la totalité des paiements restants.
D’autre part, vous avez, avec les régions, évoqué le deuxième pilier de la PAC, en particulier ce qui concerne les mesures agro-environnementales et celles en faveur de l’agriculture biologique. Je l’ai dit tout à l’heure : dans ce domaine, nous avons augmenté le budget de près de 50 millions d’euros, car il y a une demande très forte ; en même temps, nous avons acté le fait que ces versements prendront, là encore pour ne pas perdre de temps, la forme d’une avance, qui sera versée au mois de mars 2017. Je rappelle que les aides agro-environnementales et les aides à l’agriculture biologique sont toujours versées en avril ou au printemps de l’année qui suit l’année de référence : nous serons donc dans les temps.
Cependant, je perçois tout à fait qu’il y a des retards, qui concernent notamment les dossiers que l’on a évoqués ce matin, en particulier s’agissant de ce que l’on appelle les changements parcellaires. Nous avons convenu avec les professionnels de délivrer des attestations et, avec les directions départementales des territoires, d’engager des actions directes et des actions bilatérales afin de garantir les montants et de donner des quittances à tous les agriculteurs pour qu’ils sachent quelles sont les aides qu’ils toucheront d’ici à la fin de l’année ou au début de l’année prochaine.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour le groupe Les Républicains.
Monsieur le Premier ministre, dans quelques instants, le dernier projet de loi de finances de cette législature sera soumis au vote. Ma question porte sur le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu.
En premier lieu, sur la forme, votre majorité est particulièrement mal à l’aise sur ce sujet. Preuve en est le défaut de mobilisation de vos députés, ce qui n’a pas permis l’adoption de votre article 38 jeudi matin.
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Cette péripétie est révélatrice de la très grande fragilité de votre gouvernement – et de votre majorité, qui vous suit vraiment du bout des lèvres – et ce alors même que vous avez su, à plusieurs reprises, trouver le soutien des députés de l’opposition pour soutenir les mesures responsables que vous proposiez contre votre propre majorité.
En second lieu, sur le fond, ce texte aura des conséquences pour les contribuables, qui vont être confrontés d’abord à une complexité extrême, avec la mise à mal de la familialisation et de la conjugalisation de l’impôt sur le revenu, et ensuite à un manque de confidentialité des informations personnelles, notamment pour les salariés. Pour les entreprises, ce sera une charge accrue de travail et un coût pour adapter les logiciels comptables, alors que la déclaration sociale nominative ne fonctionne toujours pas partout. En outre, l’année de transition sera pleine d’incertitudes pour le secteur du bâtiment, puisque les propriétaires ne pourront pas déduire en 2017 les coûts des travaux de leurs revenus fonciers, ce qui les incitera à reporter ces travaux. Ce sont tout de même 400 millions d’euros qui sont en jeu !
Dans ces conditions, monsieur le Premier ministre, pourquoi vous obstinez-vous, encore et toujours, à vouloir mettre en place le prélèvement à la source ? Si cette réforme est, comme l’ont dit le ministre de l’économie et le secrétaire d’État au budget, « une belle réforme, une grande réforme faisant honneur à ce quinquennat »,…
Sincèrement, monsieur le Premier ministre, trouvez-vous loyal, digne et moralement acceptable d’engager cette réforme en fin de mandat, alors que vous savez très bien que sa mise en oeuvre incombera à ceux qui vous succéderont en juin 2017 ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics.
Madame Louwagie, je voudrais rendre hommage à l’une de vos collègues : Mme Schmid, qui, hormis le président de la commission des finances Gilles Carrez, était la seule, sur les bancs de la droite, à être présente vendredi !
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.– Vives exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
La seule ! Si cette réforme était aussi dangereuse, aussi mauvaise que vous le dites, comment se fait-il que les députés de l’opposition n’avaient qu’un seul représentant ? C’est une honte pour l’exercice de la démocratie !
Mêmes mouvements.
Alors, merci à Mme Schmid !
Sur le fond, cette réforme ne remet rien en cause…
Les exclamations se poursuivent.
Calmez-vous ! Je sais que vous avez des sujets d’excitation en ce moment, mais ça va bien se passer…
Sur le fond, donc, cette réforme mettra la France au même standard que les autres pays : nous étions l’un des derniers à ne pas pratiquer le prélèvement à la source.
Il n’y a, madame Louwagie, nulle remise en cause de la familialisation de l’impôt, nulle remise en cause de la progressivité de l’impôt.
Cette réforme historique, qui, enfin, va être adoptée par le Parlement, bien d’autres avaient rêvé de la faire. Alors, madame la députée, sur ce sujet comme sur d’autres – de société, notamment – l’opposition va-t-elle se décider un jour à entrer dans la modernité ?
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.– Rires et exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.
Ma question s’adresse à Mme Pascale Boistard, secrétaire d’État chargée des personnes âgées et de l’autonomie. En France, plus de 8 millions de personnes sont aujourd’hui considérées comme des proches aidants. Il s’agit de toutes celles et ceux qui, de manière bénévole, viennent en aide à une personne de leur entourage en situation de dépendance.
Ces aidants – qui sont majoritairement des aidantes – effectuent quotidiennement des tâches très différentes : soins, accompagnement dans la vie sociale, démarches administratives ou soutien psychologique. Ces proches, véritables héros du quotidien, sont avant tout des parents, des conjoints ou des enfants qui accompagnent un membre de leur famille en perte d’autonomie.
Ce soutien de chaque jour n’en reste pas moins très lourd, et n’est pas sans conséquence sur la vie personnelle et sur l’état de santé des proches aidants. La grande majorité d’entre eux cumulent en effet ce statut avec une activité professionnelle et, a fortiori, une vie de famille. Ils ont été trop longtemps ignorés par la loi de la République, et c’est la gauche au pouvoir qui, avec le vote de la loi pour l’adaptation de la société au vieillissement, est venue combler ce vide en créant le statut de proche aidant.
Aujourd’hui, notre majorité va plus loin avec l’ouverture d’un « droit au répit » pour les aidants, prouvant ainsi, s’il en est encore besoin, que la gauche accompagne la société dans ses évolutions. Cette mesure, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2017, est très attendue par ces milliers de femmes et d’hommes qui souhaitent des solutions concrètes pour concilier aux mieux leur vie personnelle et leur activité d’aidant.
Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous en dire plus sur cette mesure et sur ses modalités concrètes d’application ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des personnes âgées et de l’autonomie.
Vous l’avez dit, madame la députée, plus de 8 millions de personnes, en France, soutiennent et accompagnent au quotidien un proche en perte d’autonomie. Derrière ce chiffre, ce sont des conjoints, des enfants, des amis ou des parents qui voient leur vie bouleversée et peuvent se retrouver seuls face à la perte d’autonomie de leurs proches.
Ces aidants ont aussi droit à notre solidarité : c’est le sens de la loi d’adaptation de la société au vieillissement. Ce rôle si essentiel de proche aidant est donc désormais reconnu par la loi, et des droits qui y sont liés sont mis en oeuvre grâce au décret publié samedi dernier.
La mesure relative au congé du proche aidant entrera en vigueur le 1er janvier 2017 ; elle permettra aux proches de consacrer du temps à l’aide d’une personne tout en poursuivant leur activité professionnelle. Ce décret élargit les bénéficiaires du dispositif aux aidants n’ayant aucun lien de parenté avec la personne aidée, ainsi qu’aux aidants de personnes accueillies en établissement. Il ouvre aussi la possibilité, pour le salarié, de transformer ce congé en période d’activité à temps partiel et de fractionner son utilisation.
Cette nouvelle mesure complète les actions mises en oeuvre par le Gouvernement, notamment le droit au répit, auquel vous avez fait référence, et la revalorisation de l’allocation personnalisée d’autonomie. Avec la loi d’adaptation de la société au vieillissement, ce sont 78 millions d’euros par an qui sont mobilisés pour les proches aidants.
Comme vous pouvez le constater, ce gouvernement fait face, en ayant pour boussole le respect et le bien-être des personnes ; avec la majorité, il a fait le choix d’une politique de justice et de protection sociale, si essentielle à nos concitoyens, en leur octroyant de nouveaux droits sociaux. C’est tout l’honneur de ce gouvernement de gauche.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à M. Arnaud Leroy, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.
Madame la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, l’année 2016 aura été marquée par l’engagement de la France à faire aboutir l’accord de Paris, arraché en décembre dernier lors de la COP21. Ce fut un succès, cet accord étant entré en vigueur le 4 novembre dernier. C’est ici, pour moi, l’occasion de saluer votre bilan en tant que présidente de la COP qui a pris fin avec la COP22 organisée à Marrakech, et de saluer aussi ceux de vos services qui, je pense, ont été à l’honneur.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain..
Nous avons donné une belle image de notre pays, une image progressiste, bien éloignée du « déclinisme » et de certains « bashings » que l’on nous rabâche à longueur d’antenne…
La COP22 s’est terminée samedi dernier à Marrakech, avec à la clé beaucoup d’engagements et de suivi. Nous y étions présents, avec la présidente Danielle Auroi et quelques députés de tous bords, même s’il est inquiétant de constater, je veux le souligner, l’absence de débat sur le climat dans une certaine primaire.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
Certes, celle-ci n’est pas terminée, et j’espère que l’on dédiera au moins quelques secondes à cette question vitale pour l’avenir de la planète, de l’humanité et de nos enfants, afin d’avancer sur le sujet, au-delà de nos différences partisanes.
Oui, les climato-sceptiques sont de retour, et pas nécessairement de l’autre côté de l’Atlantique. Pourriez-vous nous éclairer, madame la ministre, sur les engagements qui ont été pris, sur l’accélération du calendrier, notamment à Marrakech, et sur la place des fonds d’adaptation ? Comme vous le savez, une grande partie de la réussite des négociations sur le climat repose sur la question du financement.
Quid de la place de l’océan ? La France s’est battue, et je vous en remercie, pour que celui-ci soit un point clé des négociations. Pourriez-vous nous éclairer sur les challenges qui restent à relever ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à Mme la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat.
Merci pour votre question, monsieur le député. La conférence de Marrakech s’est en effet déroulée dans de bonnes conditions. Les autorités marocaines ont réussi un exploit car, la France le sait d’expérience, une telle organisation est très difficile. Ces autorités, comme celles du monde entier, ont remercié la France pour cette réussite exceptionnelle, sur un plan tant diplomatique qu’écologique. L’accord de Paris – puisqu’il gardera à jamais ce nom – repose en effet sur la mobilisation de notre pays.
Au 1er septembre, seulement 2 % des émissions étaient couvertes par les ratifications ; aujourd’hui, ce taux est monté à 77 %, ce qui signifie que 112 pays ont ratifié l’accord de Paris. Les résultats des élections américaines ont renouvelé la solidarité internationale, et les regards se sont à nouveau tournés vers la France, pour qu’elle continue d’assumer ce rôle moteur dans l’application de l’accord.
Il est bien entendu impossible, dans un laps de temps aussi court, de balayer l’ensemble des sujets, mais vous les avez fort bien évoqués. J’ai signé, au nom de la France, les documents relatifs à plusieurs grandes coalitions, sur les énergies renouvelables en Afrique, sur la géothermie, sur l’énergie solaire, sur l’innovation et, bien évidemment, sur l’océan puisque cette question fait désormais partie de l’accord de Paris et sera encore abordée lors de la COP consacrée à la biodiversité. Un accord a également été conclu sur le système CREWS – Climate risk and early warning systems –, relatif à la prévention des catastrophes naturelles – notamment dans les petites îles –, et différentes conventions sont intervenues, par exemple sur le bâtiment – avec Emmanuel Cosse – et l’agriculture – avec Stéphane Le Foll.
Au bout du compte, la France continuera d’assumer ce rôle moteur, ce leadership, y compris au sein de l’Union européenne, puisque nous y sommes à l’avant-garde et avons des responsabilités à ce titre. La France est ainsi le seul pays à avoir publié sa stratégie sur le bas carbone. Nous poursuivrons ce travail pour nous assurer de l’application de l’accord de Paris.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt.
Dans les explications de vote, la parole est à M. Joël Giraud, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le président, monsieur le ministre de l’économie et des finances, monsieur le secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics, madame la rapporteure générale, chers collègues, nous nous nous apprêtons à voter en première lecture l’ensemble du projet de loi de finances pour 2017.
Comme je l’ai indiqué lors du vote de la première partie le mois dernier, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste constate avec satisfaction la fidélité du Gouvernement à ses engagements envers les ménages, les entreprises et les collectivités, et même, allais-je dire, envers Bruxelles.
La seconde partie de ce projet de loi de finances a, comme la première, permis aux députés de faire progresser ce projet de loi.
Tout d’abord, nous sommes favorables, comme la grande majorité des contribuables, à la mise en oeuvre du prélèvement à la source, d’abord parce qu’il fait partie du choc de simplification. En effet, non seulement il allégera considérablement la charge administrative pesant sur le fisc et sur les ménages, mais il renforcera aussi l’efficacité de notre politique fiscale et atténuera les incertitudes qui minent notre économie.
Si je ne devais retenir qu’un argument en sa défaveur, je dirais que le paiement sur rôle est aussi source d’inefficacité de notre politique et particulièrement pour nous, députés. En effet, lorsque nous faisons adopter une mesure en loi de finances, il faut patienter une année et demie avant que le contribuable puisse en bénéficier : c’est considérable ! Tel ne sera donc plus le cas.
Il faut, toutefois, rester lucide quant aux réelles difficultés de mise en oeuvre de la réforme : je pense notamment à l’augmentation de la charge administrative des entreprises ainsi qu’à la modification des rapports entre celles-ci et les salariés. Nous devons apporter des garanties à ce sujet.
Concernant les amendements, nous relevons plus particulièrement le vote – enfin ! – du crédit d’impôt action solidaire, que nous appelions de nos voeux depuis la mise en place du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE. En effet, avec de nombreux collègues de la majorité, nous n’avons eu de cesse depuis trois ans de regretter et de combattre – au moyen d’amendements, de rapports et de prises de position – l’absence de ciblage et de contreparties de ce dispositif qui a conduit à décaler dans le temps ses effets sur l’économie réelle.
Notre président Roger-Gérard Schwartzenberg a, à maintes reprises, soutenu la nécessité d’observer plus en détail les contreparties et l’utilisation du CICE par les plus grandes entreprises car, hélas, le contenu des rapports de France Stratégie à ce sujet demeure globalement insuffisant.
Le crédit d’impôt dont nous avons obtenu le vote jeudi soir représente une véritable bouffée d’oxygène pour le secteur médico-social, associatif et mutualiste, qui, depuis la mise en place du CICE, souffrait de distorsions de concurrence.
Désormais, les établissements de santé, ceux oeuvrant dans le champ de la protection des mineurs, comme les centres de réadaptation, les centre d’accueil de demandeurs d’asile – CADA –, les établissements d’accueil pour personnes handicapées et les services d’aide à domicile vont bénéficier d’un crédit de taxe sur les salaires au taux de 4 %. C’est une véritable victoire d’équité et je salue, à ce titre, l’engagement sans faille de ma collègue Jeanine Dubié.
Pour conclure sur le CICE, nous regrettons toutefois que la surmajoration que nous avions proposée dans les territoires d’outremer, par la voix de notre collègue Ary Chalus – qui de fait, maîtrise particulièrement le sujet – n’ait pas été votée, alors même qu’elle était prônée par le rapporteur spécial de la commission des finances.
En outre, s’agissant des territoires ultramarins, nous nous félicitons de l’annulation de la dette de Saint-Pierre-et-Miquelon vis-à-vis de l’agence de l’eau Seine-Normandie, annulation défendue par notre collègue Stéphane Claireaux, et qui représente pour ce territoire une avancée financière considérable.
Par ailleurs, je souhaite que le débat que j’ai ouvert l’année dernière dans le prolongement de la réforme de la dotation globale de fonctionnement – DGF –, sur la répartition finale de la dotation de solidarité rurale – DSR –, porte ses fruits. En effet, l’équilibre actuel entre les communes touristiques et les bourgs-centres, qui assument les services publics, n’est pas satisfaisant du fait de la prise en compte exclusive de la population au sens de la DGF. Cette situation conduit conduit des villages de 150 habitants permanents à devenir le bourg-centre au sens de la DGF au détriment des vrais bourgs-centres qui comptent, eux, entre 2 000 ou de 3 000 habitants.
Je prends à ce titre note de l’engagement du Gouvernement à trouver une solution en nouvelle lecture.
Nous regrettons par ailleurs que la simplification que nous avions proposée – et qui avait été votée par la commission des finances – concernant le système différencié et récemment mis en place de collecte de la taxe de séjour appliquée aux plates-formes et de la taxe additionnelle acquittée par les logeurs, n’ait pas, à la demande du Gouvernement, abouti en séance publique. Nous y reviendrons donc lors du collectif budgétaire de fin d’année.
Autre regret : le rejet par le Gouvernement de mon amendement visant à exclure les indemnités compensatoires de handicap naturel du bénéfice agricole. Ces indemnités concernent à la fois les zones défavorisées simples et les zones de montagne. Or le nouveau régime imposé par la loi de finances initiale pour 2015 inclut de facto ces indemnités dans le bénéfice imposable, alors qu’elles ne sont imposées dans aucun autre pays d’Europe !
Cela étant, l’avis défavorable du Gouvernement s’est fondé sur le fait qu’au plan national toutes les organisations agricoles ont négocié, en échange de la fiscalisation de l’ICHN, le maintien d’un taux d’abattement global de 87 % de l’assiette pour tous les agriculteurs. Cela revient à dire qu’entre la solidarité avec les zones défavorisées et une fiscalité avantageuse pour tous, y compris pour les grandes exploitations, les syndicats agricoles ont fait leur choix au niveau national. Dans les zones défavorisées, on appréciera ! Mais était-il nécessaire qu’un Gouvernement de gauche fasse le même choix, qui revient à donner plus aux céréaliers et moins aux zones défavorisées ? Je vous pose la question.
Je vous la pose d’autant plus que cette mesure s’ajoute à une révision drastique du zonage des zones défavorisées qui va mettre nombre de zones intermédiaires dans de grandes difficultés.
Enfin, je clos le chapitre de nos regrets en évoquant le rejet de notre amendement visant à augmenter la taxe sur les sodas sucrés et édulcorés, lesquels continuent de bénéficier, sans justification, du taux réduit de TVA : renflouer les caisses de la Sécurité sociale à coût nul ou quasi-nul pour les consommateurs nous paraissait judicieux. Cet amendement de recettes se justifiait d’autant plus qu’il aurait également permis de supprimer la taxe sur la farine, réclamée de longue date par notre collègue Jacques Krabal.
Si nous attendons donc à la fois la nouvelle lecture et le collectif budgétaire pour trouver des solutions à ces problèmes, nous voterons pour ce projet de loi de finances pour 2017.
Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à M. Gaby Charroux, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Gaby, laisse-parler ton coeur !
Sourires.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, nous voici au terme de l’examen de ce projet de loi de finances pour 2017, dernier budget du quinquennat. Le temps est donc venu de prendre du recul pour faire le bilan de la politique budgétaire menée depuis 2012.
Soyons francs : ce quinquennat aura été celui d’un transfert inédit de fiscalité. En effet, le choix exclusif d’une politique de l’offre, fait dès 2012 et amplifié en 2014, aura conduit à diminuer de plus de 30 milliards d’euros les prélèvements sur les entreprises et à augmenter de 20 milliards d’euros environ les prélèvements sur les ménages.
Avec la hausse du taux de CICE et la baisse programmée du taux de l’impôt sur les sociétés, adoptées dans ce budget, ce choix est, malheureusement, conforté. Dès lors, messieurs les ministres, que va-t-il rester de notre impôt sur les sociétés dont le rendement sera deux fois moindre que celui de la moyenne des pays de l’OCDE ?
Autre question : ce transfert massif – et douloureux –des prélèvements des entreprises vers les ménages, qui s’accompagne d’une TVA désormais en surpoids, a-t-il été bénéfique pour l’emploi et la cohésion sociale ? Malheureusement non ! En quatre ans et demi, le chômage comme la précarité n’auront cessé de croître. L’erreur manifeste aura été de croire et de faire croire que la compétitivité des entreprises dépendait exclusivement du prix du travail, je dis bien de son prix car le travail n’est pas un coût !
Or c’est par l’investissement, l’innovation et la formation que notre pays doit se singulariser. C’est par un mode de développement fondé sur la transition écologique, la réussite éducative ainsi qu’un véritable accompagnement dans l’emploi tout au long de la vie que nous parviendrons à proposer un chemin d’espérance et d’optimisme à nos concitoyens.
Ce chemin est, pour le moment, coupé par une fracture territoriale, silencieuse et pourtant si douloureuse, qui s’aggrave : la métropolisation a contribué à accroître les inégalités sociales et le sentiment d’abandon. La baisse des investissements publics, en particulier à l’échelon local, qui a subi une baisse drastique et indifférenciée de ses moyens, a été lourde de conséquences pour nos territoires.
Bien sûr, nous avons salué certains efforts nécessaires, en matière de police, de gendarmerie et de justice, pour assurer la sécurité de nos concitoyens. Nous avons également soutenu le rattrapage concernant l’éducation nationale, même si un effort supplémentaire reste nécessaire.
Ce soutien, nous l’avons apporté en responsabilité, ce dont nous nous félicitons, compte tenu de ce que d’aucuns promettent ! Contrainte de faire de la surenchère pour pouvoir se démarquer politiquement, la droite annonce, selon les goûts, entre 80 et 110 milliards d’euros de diminution de dépenses publiques, ce qui aurait des conséquences dramatiques sur notre capacité à répondre aux défis du temps présent.
C’est une ineptie au moment où toutes les grandes institutions prônent un desserrement des politiques d’austérité qui font tant de mal aux plus fragiles.
Mais si nous en sommes là, messieurs les ministres, si nos concitoyens font preuve d’un tel rejet à l’égard de la politique menée depuis 2012, c’est tout simplement parce que le chemin choisi n’a pas été à la hauteur de leurs attentes et de vos engagements.
En refusant de toucher à une ligne du Traité européen sur la stabilité, la coordination et la gouvernance – TSCG – et donc en refusant de porter le fer contre l’orthodoxie européenne qui fait des 3 % de déficit l’horizon indépassable, notre pays s’est mis dans l’impasse.
En ne portant pas une véritable réforme fiscale posant la progressivité et la justice comme valeurs cardinales, modulant les prélèvements des entreprises en fonction de l’utilisation des bénéfices et décourageant la rente, le Gouvernement est resté dans le couloir de l’ordolibéralisme ambiant.
Le prélèvement à la source n’est en aucun cas une réforme fiscale. Source de complexité, qualifié par certains d’usine à gaz, il présente des risques importants en matière de confidentialité et d’efficacité du recouvrement en associant un tiers à la collecte, en l’occurrence l’entreprise, dont ce n’est pourtant pas le rôle.
Pis, le prélèvement à la source pourrait être pour la droite le cheval de Troie d’une flat tax, un impôt proportionnel qui toucherait uniformément les plus riches et les plus pauvres, ce qui constituerait un désastre social.
Dans sa philosophie, ce budget ne diffère pas des précédents. Au terme de cette législature, il signe la déception de ne pas avoir ouvert un autre chemin : celui d’une création et d’une répartition plus égalitaires des richesses, celui du progrès et de l’ambition, celui de l’innovation et de l’espoir.
C’est pour avoir oublié sa volonté de battre en brèche une finance internationale toute-puissante, c’est pour avoir pris le parti de la doxa libérale que le Gouvernement, entraînant toute la gauche, a perdu une grande partie du peuple. L’urgence est telle que la résignation comme la satisfaction seraient une faute. Nous voterons contre ce projet de budget.
Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
La parole est à M. Dominique Lefebvre, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, chers collègues, je veux saluer une nouvelle fois la qualité de nos débats budgétaires, qui tient pour beaucoup, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, à votre implication et à votre respect du Parlement. Je me félicite de l’esprit de responsabilité et du dialogue constructif entre le Gouvernement et la majorité qui ont prévalu pendant ces débats.
Que retenir de cette discussion, au terme de 181 heures de débats en commission des finances, en commissions élargies et dans l’hémicycle ? Le premier enseignement, c’est que la droite refuse le débat, à l’Assemblée nationale comme au Sénat. Nous l’avons constaté ici vendredi lors de l’examen de l’une des grandes mesures de ce projet de loi de finances, une mesure de modernisation et de simplification qui améliorera considérablement la vie de nos concitoyens, celle du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu. La droite était tout simplement absente. le refus du débat, nous l’avons constaté également au Sénat où la droite, majoritaire mais divisée, s’est montrée incapable de se mettre d’accord sur un projet de loi de finances alternatif et, sous de mauvais prétextes, a préféré écourter les débats, au mépris de la démocratie parlementaire.
Est-ce de la lâcheté ? Est-ce de l’hypocrisie ? À chacun de juger. À l’arrivée, le constat est simple. La droite n’a pas voulu assumer dans le débat budgétaire la réalité de ses propositions : les baisses d’impôts non financées pour les plus riches, les coupes franches dans les dépenses publiques et les suppressions d’emplois publics qu’elle prépare, et pas davantage la dérive des déficits publics qu’annonce son programme présidentiel. Mais n’en doutons pas, mes chers collègues, si elle arrive au pouvoir au printemps 2017, la droite mettra en oeuvre le programme d’injustice sociale et fiscale, de démantèlement des services publics et de remise en cause de la protection sociale qu’elle nous annonce – ce programme plébiscité dimanche dernier par les électeurs de la droite conservatrice et libérale lors de sa primaire.
Interruptions sur les bancs du groupe Les Républicains.
Le deuxième enseignement de ces débats, c’est que la cohérence et la stabilité de notre majorité parlementaire sont réaffirmées et renforcées. Contrairement à ce qui a été dit avant le vote de la première partie du projet de loi de finances, le Gouvernement n’a pas perdu sa majorité parlementaire. Ainsi que le vote sur la première partie l’a montré, et comme le vote sur l’ensemble du projet de loi le confirmera, le Gouvernement et la majorité sortent confortés de ce débat budgétaire.
Nous avons avancé ensemble. Et s’il nous est arrivé – c’est heureux – d’avoir des débats, ceux-ci portaient moins sur les objectifs que sur les moyens. Certains commentateurs s’en sont étonnés, mais est-il anormal qu’1 milliard d’euros, sur 300 milliards de dépenses, soient déplacés au cours de l’examen parlementaire ? Ce qui compte, c’est que nous soyons rassemblés sur un texte et sur des objectifs clairs.
Car le troisième enseignement de ce débat, c’est que la cohérence de notre action, encore amplifiée, et des combats que nous menons depuis 2012 se trouve renforcée. Nous menons trois combats de front, avec détermination et constance, depuis quatre ans, conformément à nos engagements de 2012. Ces combats sont indissociables pour le redressement du pays : assainissement des comptes publics, réformes pour la croissance et l’emploi, renforcement de la justice fiscale et sociale.
Oui, nous redressons les finances publiques ! Au début de la discussion budgétaire, la droite nous a fait un procès en insincérité budgétaire, ce qui lui a servi de prétexte pour refuser le débat.
Il a été balayé, je dis bien balayé, par la Commission européenne dans son avis sur ce projet de budget.
Oui, nous ramènerons le déficit public à 3,3 % en 2016 et il sera inférieur à 3 % en 2017 ! L’engagement que j’avais pris au nom du groupe socialiste, écologiste et républicain de respecter l’objectif de solde budgétaire est donc bien tenu.
Oui, nous finançons nos priorités politiques, avec plus de 7 milliards d’euros de dépenses nouvelles ! Trois milliards d’euros pour l’école et l’enseignement supérieur : qui, à part François Fillon, dira que c’est inutile ? Deux milliards d’euros pour la sécurité et la défense : qui, à part François Fillon, viendra nous reprocher d’en faire trop sur ce point ? Et deux milliards d’euros pour l’emploi : qui, à part François Fillon et la droite, nous dira que c’est beaucoup trop ?
Oui, nous baissons dans le même temps les prélèvements obligatoires en direction des entreprises et des ménages. Car, oui, nous confortons la reprise et la compétitivité de nos entreprises, en tenant les engagements du Pacte de responsabilité tout en les réorientant vers les TPE et PME : baisse de l’impôt sur les sociétés à 15 % pour les PME dès 2017 et à 28 % pour toutes les entreprises en 2020 ; augmentation du taux du CICE à 7 % ; et surtout, création du crédit d’impôt de taxe sur les salaires, de 4 % de la masse salariale, une mesure attendue qui soutiendra l’activité et l’emploi de milliers d’associations.
Oui, nous poursuivons la politique de justice fiscale mise en oeuvre pendant ce quinquennat et nous baissons de 20 % l’impôt sur le revenu de cinq millions de ménages, ce qui soutiendra le pouvoir d’achat et la consommation. De la même manière, nous transformons la réduction d’impôt en faveur des services à la personne en crédit d’impôt, ce qui bénéficiera à des centaines de milliers de foyers modestes, notamment de retraités. Je n’oublie pas non plus la mesure de baisse de la CSG, qui bénéficiera à 500 000 retraités.
Et bien sûr, nous mettons en oeuvre la grande réforme fiscale de ce projet de loi de finances qu’est le prélèvement à la source. C’est bien là toute la différence entre une droite conservatrice et ultralibérale – une droite punitive, qui nous promet l’austérité, le démantèlement des services publics et de la protection sociale – et une gauche de gouvernement responsable, une gauche de gouvernement qui réforme encore et toujours, qui redresse la France, restaure la compétitivité de nos entreprises…
…et recrée de l’emploi, comme l’INSEE le montre, avec 55 000 créations nettes sur le troisième trimestre – du jamais vu depuis dix ans ! –, une gauche de gouvernement qui conforte notre République sociale, protège les Français et prépare l’avenir.
Mes chers collègues, c’est donc avec fierté et avec le sentiment du devoir accompli et la volonté de poursuivre encore longtemps l’oeuvre de redressement dans la justice que le groupe socialiste, écologiste et républicain votera ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Sur l’ensemble du projet de loi, je suis saisi d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Hervé Mariton, pour le groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, chers collègues, le groupe Les Républicains votera contre ce projet de loi de finances.
Hélas, ce budget confirme les échecs successifs, tout au long du mandat, de la majorité et du Gouvernement. Échec budgétaire, d’abord : sur la durée du mandat, les prélèvements obligatoires ont augmenté pour les ménages de plus de 10 % – 53 milliards d’euros –, écrasant les classes moyennes, et pour les entreprises, de 5 % – plus de 20 milliards d’euros. Avec l’augmentation des dépenses publiques – 7 milliards d’euros supplémentaires en 2017 –, la France reste championne en Europe puisque ces dépenses représentent près de 57 % de la richesse nationale contre moins de 44 % en Allemagne.
Évoquant l’évolution des déficits, notre collègue Dominique Lefebvre nous assure que l’engagement qu’il a pris a été tenu. Pourtant, le Président de la République et la majorité s’étaient engagés en 2012 à ce que le déficit se situe sous la barre des 3 % en 2013 – ce n’est toujours pas le cas en 2016 ! On nous annonce un déficit de 2,7 % en 2017. Les analyses du Haut conseil des finances publiques, celles de la Commission européenne et les nôtres, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues de la majorité, montrent que cet objectif est totalement irréaliste, inatteignable. Les évaluations montrent qu’il faut s’attendre à un demi-point de plus, ce qui, dans la situation budgétaire actuelle, est lourd à porter. Un demi-point de plus, cela ne signifie pas cinq points de déficit par rapport au PIB. Il faudra, y compris à droite, que nous en soyons conscients et que nous soyons très attentifs à ne pas laisser déraper la dépense publique.
Par ailleurs, la dette, qui représente plus de 98 % du PIB, augmente encore, alors même que des tensions sur les taux d’intérêt commencent à se manifester. Mesurez-vous le risque que vous faites prendre à notre pays ?
Échec économique, ensuite : la majorité avait pris l’engagement de faire de la réduction du chômage une priorité. Elle ne l’a pas tenu : le taux de chômage est deux fois plus élevé qu’en Allemagne.
Hélas, le budget pour 2017 confirme – et même aggrave – ces échecs. Économistes, Cour des comptes, Haut conseil des finances publiques, Commission européenne, tous le disent : l’hypothèse de croissance pour 2016 n’est pas crédible. Vous-même, au fond, le reconnaissez en la revoyant à la baisse. Seulement, vous ne faites pas preuve de la lucidité minimale pour 2017.
Les dépenses vont déraper, puisque la masse salariale doit augmenter de 4 %. Or la France n’en a pas les moyens ! En augmentant le CICE, avec un report des dépenses sur 2018, vous faites de la cavalerie. Il appartiendra à un budget ultérieur d’assumer le poids – plus de 7 milliards d’euros – de vos promesses. Vous provoquez un risque d’instabilité, en remettant en cause le régime fiscal des actions gratuites, quelques mois seulement après l’avoir adopté, en élargissant l’assiette et en alourdissant le taux de la taxe sur les transactions financières, au moment même où, dans le contexte du Brexit, la France doit se montrer compétitive.
Enfin, vous faites courir un péril au contribuable avec l’introduction de la retenue à la source. Entendez, messieurs les membres du Gouvernement, collègues de la majorité, que nous reviendrons sur cette mauvaise réforme !
Le mandat qui se termine aura tout de même eu quelques mérites. Il nous aura rappelé qu’il faut être vigilant, attentif, constant et cohérent pour contenir l’augmentation des impôts et des dépenses. Et si nous n’avons pas toujours été parfaits, vous avez été, hélas, bien pires ! Demain, il nous faudra être meilleurs.
Le mandat a été l’occasion d’une démonstration in vivo du précepte « trop d’impôt tue l’impôt ». C’est le paradoxe des socialistes, hélas, que d’avoir accompli, sur le dos des contribuables, cette démonstration. À un moment, la matière fiscale se rebelle, et l’impôt n’est plus au rendez-vous. Il faudra que nous en tenions compte. Vous avez confirmé les méfaits de l’ISF, il faudra que nous soyons constants et cohérents. Un large accord se forme aujourd’hui en faveur de sa suppression.
Vous avez provoqué, dès le début du mandat, la révolte des contribuables. Vous l’avez subie à votre détriment. Mais le mouvement des Pigeons constitue aussi un message adressé à l’ensemble de la représentation nationale.
Dans le passé, nous n’avons pas toujours été parfaitement cohérents sur la question de la retenue à la source. Mais vous avez forcé le débat, à un moment curieux, et aujourd’hui, la droite sait qu’elle n’en veut pas. Plus exactement, nous savons que seule une réforme fiscale, cohérente, audacieuse, ambitieuse pourrait justifier une évolution de cette nature.
Or elle n’est pas au rendez-vous.
Vous avez démontré les méfaits de l’instabilité. Nous devrons apporter cette conciliation nécessaire, cette réponse aux deux injonctions que sont la réforme et la stabilité. C’est l’enjeu d’une loi d’orientation – qui ne serait pas révisée en permanence.
La sagesse nous dit que de bonnes finances exigent une bonne politique. Nécessairement, une mauvaise politique entraîne de mauvaises finances. C’est hélas ce que vous nous avez fait subir. Alors oui, c’est d’une autre politique que la France a besoin !
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, le projet de loi de finances pour 2017 – le dernier du quinquennat – est l’occasion de faire le bilan de la politique menée depuis cinq ans en matière de finances publiques et de répondre à quatre questions.
Première question : le poids des prélèvements obligatoires a-t-il été réduit ?
« Non ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.
La réponse est non. Pis, vous avez fait du Brel : « t’as voulu voir la baisse et on a vu la hausse ». Et ça continue ! Sur la durée du quinquennat, les prélèvements obligatoires auront augmenté de 103 milliards d’euros, passant de 915 milliards en 2012 à 1 018 milliards en 2017.
Vives exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
D’après les informations fournies par Mme la rapporteure générale, les prélèvements obligatoires sur les ménages ont augmenté de 83 milliards d’euros en cinq ans, et ceux sur les entreprises, de 20 milliards.
Mêmes mouvements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Écoutez donc M. de Courson !
« Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain – « Non ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.
La réponse est non. Les dépenses publiques continuent d’augmenter et, tel Diogène, on cherche, en vain, les 50 milliards d’économies que vous aviez annoncés.
En cinq ans, les dépenses publiques ont augmenté de 94 milliards. En tenant compte des crédits d’impôt, elles sont passées de 1 186 milliards en 2012 à 1 280 milliards en 2017.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Pour l’année 2015, la Cour des comptes n’a trouvé, même en comptant très large, que 12 milliards d’économies, et si des efforts ont été réalisés, ils restent très inférieurs à l’objectif affiché dans le programme de stabilité, établi, je le rappelle, à 18 milliards.
Pour 2016, la Cour des comptes souligne l’importance des risques qui pèsent sur la réalisation de la trajectoire de dépenses et de solde, alors même que cette trajectoire ne suffirait pas à restaurer la situation des finances publiques à l’horizon 2020. Il nous paraît donc inimaginable, alors que le Gouvernement n’a jamais tenu ses objectifs d’économies depuis 2015, qu’il puisse soudainement y parvenir en 2017. C’est d’ailleurs la dernière position du Haut conseil des finances publiques du 14 novembre 2016, qui maintient son appréciation du 24 septembre 2016 selon laquelle « il considère comme incertain le retour en 2017 du déficit nominal sous le seuil de trois points du produit intérieur brut ».
D’ailleurs, quelle est en 2017 la hausse prévisionnelle de la masse salariale de l’État ? Un peu plus de 4 %, mes chers collègues.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Bravo ! Comment pouvez-vous, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, demander aux collectivités territoriales de faire des efforts quand la masse salariale de l’État augmente d’un peu plus de 4 % !
Troisième question : les objectifs de réduction des déficits publics ont-ils été atteints ?
« Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain – « Non ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.
La réponse est non ! Les objectifs présidentiels n’ont pas été tenus. Souvenez-vous, chers collègues de la majorité, de l’engagement no 9 du candidat François Hollande : « Le déficit sera ramené à 3 % en 2013 et l’équilibre sera atteint en 2017 ».
L’objectif de 3 %, loin d’avoir été atteint en 2013, ne le sera toujours pas en 2017. Le Haut conseil des finances publiques estime improbables les prévisions pour 2017 et considère même comme incertain le retour en 2017 du déficit nominal sous le seuil de 3 % du PIB.
En effet, en tenant compte des surestimations de recettes, des économies qui ne seront pas réalisées, des anticipations en 2017 des recettes 2018, et des bombes budgétaires laissées par le Gouvernement à la prochaine majorité, on arrive à un total de l’ordre de 18 milliards, soit un écart de 0,8 % de produit intérieur brut, ce qui signifie que le déficit pour 2017 n’est pas de 2,7 %, mais se situerait entre 3 et 3,5 %.
Cela grimpe à chaque fois !
La Commission européenne elle-même a, d’ores et déjà, réévalué le déficit public français de 2,7 à 2,9 % du produit intérieur brut.
Quatrième et dernière question, rassurez-vous : le poids de la dette publique va-t-il se stabiliser ?
« Non ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.
La réponse est non. Vous avez, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, réussi à porter la dette publique française à 100 % du produit intérieur brut !
Rappelons que le candidat François Hollande avait promis que la dette serait ramenée de 88,7 % du produit intérieur brut en 2012 à 80,2 % en 2017. Avez-vous bien entendu, mes chers collègues ? 80,2 % ! Soit une baisse de 8,5 points de produit intérieur brut. Or, sur cette période, elle a augmenté officiellement de 6,4 points, se montant à 96,1 % pour 2017. L’écart entre les promesses du candidat François Hollande et la réalité s’élève donc à 330 milliards !
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
En outre, ce montant de 330 milliards d’euros est sous-évalué, grâce au dispositif des primes d’émission, mécanisme qui permet de faire croire que la dette n’augmente plus, en reportant son poids sur les exercices futurs. En effet, d’après le rapport de Mme la rapporteure générale, le montant cumulé des primes d’émission de 2012 à 2017 s’élèverait à environ 91 milliards d’euros, ce qui représente un peu plus de 4 points du produit intérieur brut !
Vives exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Or, si l’on ajoute ces 4 points à 96,1 %, nous arrivons à 100,1 % du produit intérieur brut !
Autrement dit, la dette publique dépassera les 100 % du produit intérieur brut, y compris les primes d’émission, fin 2017.
Exclamations persistantes sur les mêmes bancs.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, le groupe de l’Union des démocrates et indépendants va vous décorer de la médaille de l’ordre des 100 % ! Bravo !
« Bravo ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.
Mes chers collègues, pour ces quatre raisons, vous ne vous étonnerez pas que le groupe de l’Union des démocrates et indépendants vote contre ce projet de loi de finances.
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains.
Chers collègues, je vois, à votre humeur, que vous avez passé un week-end qui vous a détendus.
Sourires.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 552 Nombre de suffrages exprimés: 530 Majorité absolue: 266 Pour l’adoption: 287 contre: 243 (Le projet de loi est adopté.)
La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à dix-sept heures, sous la présidence de M. David Habib.
L’ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi, modifié par le Sénat, relatif à l’égalité et à la citoyenneté (nos 4141, 4191 rectifié).
La parole est à M. le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports.
Monsieur le président, madame la présidente de la commission spéciale, monsieur le rapporteur général de la commission spéciale, mesdames et monsieur les rapporteurs thématiques de la commission spéciale, permettez-moi tout d’abord de vous présenter les excuses de ma collègue Emmanuelle Cosse, ministre chargée du logement, qui défend en ce moment même son budget en commission au Sénat et qui nous rejoindra dès que possible.
Nous examinons aujourd’hui, en nouvelle lecture, le projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté. Je dis bien « en nouvelle lecture », car la commission mixte paritaire n’a pas pu trouver un accord. Je vous dois cette confidence : finalement, cet échec me rassure.
Il me rassure car le Sénat s’était attelé à vider ce projet de loi d’une bonne partie de sa substance. Mon propos n’est toutefois pas sans nuance : la Haute assemblée a parfois fait oeuvre très utile et quarante et un articles sont d’ores et déjà adoptés conformes. Mais elle avait supprimé trop de dispositions essentielles pour qu’un compromis soit possible, qu’il s’agisse des titres Ier et III, que je défendrai devant vous, ou du titre II, que Mme Cosse vous présentera.
Lorsque le Sénat a fait des propositions, et, disons-le sans esprit polémique, elles furent rares, elles n’étaient pas acceptables. Je pense, en particulier à la création d’un contrat d’appoint jeunes, sorte de sous-contrat de travail réservé aux moins de vingt-six ans. Je pense aussi aux bouleversements apportés à la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, qui remettaient en cause l’exercice même de la liberté d’expression.
En séance, au Sénat, je m’étais engagé à revenir sur ces dispositions. On ne bouleverse pas ainsi un texte aussi fondamental, aussi subtil, aussi équilibré que la loi de 1881. On doit se concerter, discuter, échanger, confronter les points de vue. Il fallait voir des juristes, évidemment, des avocats, des magistrats, mais aussi des journalistes, les grands acteurs de l’internet, les éditeurs, les réseaux sociaux. Cela n’avait pas été suffisamment fait, suscitant des craintes légitimes. Je me félicite donc de l’adoption d’amendements de suppression de cette partie du texte adopté au Sénat dès le stade de l’examen en commission spéciale.
Votre commission spéciale, avec l’appui du Gouvernement, a bien travaillé. Elle a rétabli les articles que le Sénat avait supprimés – je pense en particulier à la création du congé d’engagement, évoquée tout à l’heure par M. Blein lors des questions au Gouvernement, aux dispositifs d’alerte en cas de détournement des missions du service civique, à la réforme du régime d’ouverture des écoles privées hors contrat,…
…aux droits nouveaux, signes de confiance, donnés aux jeunes… De même, nous avons réintroduit dans le texte le droit d’interpellation des conseils citoyens, les articles visant à garantir l’égal accès de tous aux cantines scolaires, qui avaient fait l’objet de nombreux débats ici même, la proposition de Dominique Raimbourg relative aux personnes n’ayant pas de résidence fixe, et j’en passe. Bref, nous avons rétabli l’esprit du texte tel qu’il était issu de votre assemblée.
La majorité sénatoriale a parfois vu de l’idéologie, pour reprendre son terme, là où il y avait en réalité du progrès, du progrès social. On en viendrait presque à croire que certains considèrent le progrès comme une idéologie à combattre ! Le Gouvernement s’opposera donc à toute remise en cause en séance ici même.
J’en viens maintenant aux sujets qui restent en discussion. Ils ne sont pas nombreux. Le Gouvernement vous proposera de rétablir plusieurs dispositions supprimées par le Sénat qui n’ont pas été réintroduites en commission, comme la ratification de l’ordonnance de simplification de la vie des associations ou encore l’amendement sur l’inclusion économique et sociale dans les quartiers. Nous vous proposerons également de renforcer certaines dispositions adoptées en première lecture.
En nouvelle lecture, il nous appartient aussi de nous assurer que les dispositions qui demeurent en discussion soient cohérentes avec celles de textes qui ont pu être discutés parallèlement à ce projet de loi mais qui sont désormais définitivement adoptés. Je pense en particulier à la proposition de loi de Patrick Bloche ou au texte relatif à la justice du XXIe siècle. Le Gouvernement vous proposera donc de ne pas modifier l’action de groupe dans l’entreprise, dont la promulgation remonte à quelques heures seulement. De même, nous ne pourrons consentir à l’instauration de quotas de diffusion d’oeuvres musicales en langue régionale alors même que ces débats ont eu lieu, il y a quelques semaines, dans le cadre de l’examen de la proposition de loi du président Bloche.
Je ne serai pas plus long, monsieur le président. Je veux terminer en soulignant combien l’examen parlementaire de ce texte aura permis de le consolider, de le renforcer. À l’issue de la première lecture et des travaux de votre commission, la réserve civique a ainsi été affinée, nous nous donnons les moyens de réussir la montée en charge du service civique, nous encourageons encore plus l’engagement bénévole en le reconnaissant, nous ouvrons le financement du permis de conduire au compte personnel de formation. Nous avançons aussi en matière de lutte contre les discriminations puisque notre arsenal pénal sortira renforcé. Nous disposerons de plus d’outils pour diversifier les recrutements dans la fonction publique. Nous mettons fin aux discriminations en droit contre les gens du voyage. Nous interdisons dans la loi les discriminations dans l’accès à la restauration scolaire.
Sur tous ces sujets extrêmement importants, le texte changera la vie de nos concitoyens. Le projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté est présenté parfois par certains membres de l’opposition ici même ou de la majorité sénatoriale comme un texte « vide-grenier », un texte « fourre-tout », un « cabinet de curiosités ».
Deux cent quarante-six articles, est-ce encore ce qu’on appelle une loi ?
Si les « curiosités » sont celles que je viens d’évoquer, c’est bien un texte de progrès que nous discutons et je m’en félicite. Il sera vecteur de changements dans la vie concrète de nos concitoyens, et c’est avec cet objectif que Mme Emmanuelle Cosse et moi-même serons au banc des ministres pour le défendre.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à M. Razzy Hammadi, rapporteur général de la commission spéciale.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission spéciale, mesdames et monsieur les rapporteurs thématiques, mes chers collègues, le 6 juillet dernier, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture le projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté, signe de l’engagement du Gouvernement et de la majorité en faveur de l’égalité réelle et confirmation de sa constante priorité depuis le début de ce quinquennat : la jeunesse.
Le 18 octobre, le Sénat adoptait un texte profondément remanié, traduisant une philosophie générale assez éloignée – c’est un euphémisme ! – de celle retenue par l’Assemblée nationale, pour ne pas dire diamétralement opposée, anticipant le débat qui se tiendra dans la société française dans les semaines et les mois qui viendront. Car il y a bien deux conceptions du vivre ensemble, deux conceptions de la solidarité, deux conceptions de l’engagement, parfois même deux conceptions de la laïcité – j’y reviendrai –, celle de la gauche et celle de la droite.
L’Assemblée nationale a considérablement enrichi le texte. Le projet de loi initial comportait 41 articles ; le texte issu de l’Assemblée en première lecture en comptait 217. Au sortir du Sénat, 163 articles restaient en discussion : le Sénat a en effet adopté 54 articles conformes et en a supprimé 82, remettant ainsi en cause de nombreuses avancées réalisées par l’Assemblée tout en proposant des modifications importantes de certains dispositifs centraux et en introduisant de nouveaux articles qui ne pouvaient malheureusement pas recueillir l’assentiment de notre majorité.
Permettez-moi d’en donner quelques exemples. Je suis impatient de savoir si les candidats – quels qu’ils soient – issus des rangs de la droite reprendront ces mesures dans le prochain débat présidentiel. Ce serait à mon sens périlleux !
Au titre Ier, par exemple, relatif à l’émancipation des jeunes, à la citoyenneté et à la participation, le Sénat a introduit un article 19 nonies qui n’est rien d’autre que la réintroduction du CPE, le contrat première embauche, sous une appellation bien plus indigne encore, puisque l’on parle d’« emplois d’appoint jeunes ». Comment valoriser le travail et considérer qu’un emploi se définit par son caractère « d’appoint » ou non ? Les jeunes ont droit à un vrai travail, à une vraie formation !
Ils sont 25 % à être au chômage aujourd’hui, mais cela n’a pas l’air de vous préoccuper !
Ce ne sont pas que des mots, ce sont aussi des mesures et une action. Le chômage des jeunes est désormais en baisse constante : il diminue depuis trente-six mois consécutifs, ce qui n’était pas arrivé depuis huit ans, ne vous en déplaise, madame Le Callennec !
Le Sénat est également revenu sur les règles présidant à l’ouverture des établissements privés d’enseignement scolaire hors contrat.
C’est très surprenant, car une mesure allant dans le même sens figurait dans une proposition de loi de M. Ciotti que vous aviez cosignée, madame Le Callennec. Ce texte, adopté à l’Assemblée nationale, visait à substituer au régime déclaratif actuel un régime d’autorisation préalable.
Nous avons fait des propositions qui, elles, ne remettent pas en cause la liberté d’enseignement.
Disons les choses simplement : certaines écoles qui se créent aujourd’hui ne respectent pas la loi et sont parfois à la limite de l’organisation sectaire. En l’état actuel du droit, il est prévu une déclaration a posteriori. Eh bien nous, nous disons non et nous changeons la loi pour que la déclaration ait lieu avant. C’est ce à quoi vous vous êtes opposés, comme vous vous y étiez d’ailleurs déjà opposés en première lecture à l’Assemblée.
S’agissant du titre II, qui traite de la mixité sociale et de l’égalité des chances dans l’habitat, les Français vont comprendre ce à quoi ils peuvent s’attendre.
En effet, le Sénat a clairement remis en cause la place des intercommunalités dans les stratégies d’attribution des logements. Il a refusé l’attribution de quotas de logements sociaux en dehors des quartiers prioritaires, alors qu’il s’agit là d’une des politiques les plus innovantes pour casser les ghettos et le communautarisme – c’est lorsque les gens qui vivent ensemble ont tous la même couleur et sont issus des mêmes catégories sociales que se crée le communautarisme. Pour casser cette politique, vous vous êtes opposés à notre texte, qui prévoyait que 25 % des logements sociaux hors quartiers prioritaires aillent aux plus pauvres afin de ne pas ajouter de la pauvreté à la pauvreté, de la ghettoïsation à de la ghettoïsation.
Vous avez, enfin, voulu revenir sur l’obligation imposée par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain, dite loi SRU, de réaliser 25 % de logements sociaux dans les communes urbaines…
Ce sont les bailleurs sociaux qui construisent dans les zones rurales !
Vous aurez la parole plus tard, madame Le Callennec ! Soyez patiente et nous vous écouterons avec la même quiétude. Vous avez voulu revenir sur cette obligation en instaurant une contractualisation territorialisée, soumise au bon vouloir des uns et des autres.
En bref, logement social à la carte, obligation de construire à la carte : il est clair que vous ne voulez pas mélanger les pauvres avec les autres. Pas d’obligation de construction, donc pas de mixité sociale.
Enfin, dans le titre III « Pour l’égalité réelle », le Sénat a voté plusieurs modifications de la loi du 29 juillet 1881 – il fallait le faire ! – suscitant ainsi un énorme tollé auprès des défenseurs de la presse libre et indépendante et de tous ceux qui ont défendu ce texte fondamental de la République et du pacte républicain qu’est la loi de 1881 qui régit le droit de la presse. Les modifications introduite par le Sénat conduisaient à menacer sérieusement la liberté d’expression en facilitant considérablement la poursuite des infractions dans ce domaine. Je peux comprendre que certains aient du mal à accepter ce qui est écrit dans la presse et qu’ils souhaitent, lorsque cela ne leur plaît pas, remettre en cause la presse elle-même, mais c’est ainsi : nous vivons dans un pays libre où la presse écrit des choses qui peuvent déplaire aux politiques, et c’est tant mieux.
Sur ce point en particulier, les divergences de vue entre les deux chambres ont été entérinées par la commission mixte paritaire. C’est donc fort logiquement que celle-ci a échoué. Réunie le 25 octobre, elle n’a pu que constater le désaccord entre les deux chambres, appelant dès le 7 novembre à une nouvelle lecture.
Je vais maintenant évoquer rapidement quelques-uns des éléments sur lesquels notre commission spéciale a souhaité revenir.
Au titre premier, je ne m’étendrai pas sur le sujet crucial des contrats « d’emplois d’appoint jeunes », sortes de CPE nouvelle formule, sur lesquels la commission spéciale a bien entendu rétabli le texte de l’Assemblée.
J’en viens à l’article 8 du projet de loi, relatif au congé d’engagement associatif. Quelle belle conquête ! Car l’une des leçons que nous avons reçues à la suite des terribles attentats qui ont frappé notre pays est la volonté des Françaises et des Français de s’engager dans la vie associative, la vie sportive, la vie citoyenne. Nous avons voulu reconnaître à tous un droit qui existait pour certains. Chaque Français pourra prendre une semaine dans sa vie de travail pour s’engager, auprès des enfants, pour la laïcité ou dans le sport. Et nous avons, à l’Assemblée nationale, fait en sorte que la rémunération de cette semaine, qui n’est pas un congé payé à proprement parler, puisse être négociée – pourquoi pas ? – au sein de l’entreprise. Quelle belle conquête pour l’année 2016 !
En ce qui concerne les mineurs, nous sommes, fort heureusement, revenus sur les suppressions caricaturales du Sénat. Nous avons ainsi réintroduit l’article 15 qui permet aux mineurs d’être directeurs de publication. Quel conservatisme, même sur un tel sujet ! Cela en devient consternant !
Nous avons également réintroduit l’article 15 ter relatif à la pré-majorité associative. Oui, les mineurs doivent bénéficier, comme les autres, de toutes les libertés fondamentales, à commencer par la liberté d’expression et le droit d’association.
Je trouve paradoxal que certains veulent envoyer les mineurs en prison et sont les mêmes à ne pas leur reconnaître le droit d’animer un journal dans leur collège.
Au titre II – je salue Philippe Bies, rapporteur thématique pour ce titre – la commission spéciale a, bien sûr, rétabli l’important article 20 du projet de loi qui réforme la politique d’attribution des logements sociaux et accroît la mixité sociale.
Nous sommes également revenus, à l’article 29, sur l’importante remise en cause de l’article 55 de la loi SRU qu’avaient initiée nos collègues sénateurs. En bref, demain, la droite au pouvoir, ce sera la fin de la loi SRU !
Vous l’assumez et j’aime ça.
La commission a également rétabli l’article 26 en simplifiant le cadre de la rénovation de la politique des loyers dans le parc social.
Je me réjouis également de ce que la commission spéciale ait rétabli l’article 28 septies qui permet à des associations ne possédant pas d’agrément de mettre en oeuvre une action de groupe dans le domaine du logement social.
S’agissant toujours du titre II, je rappelle que la commission spéciale a souhaité assouplir les conditions de publicité de certaines informations du registre des syndicats de copropriétaires. Philippe Bies reviendra sur ce point de façon exhaustive.
Enfin, dans le titre III – je salue Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique sur ce titre – je me réjouis du retour au texte de notre assemblée concernant la suppression du statut spécial des gens du voyage. Je rappelle que le terme « gens du voyage » est derrière nous et que nous parlerons désormais de « citoyens itinérants », ce qu’ils demandent depuis trente ans.
Sourires.
Je salue les belles conquêtes de ce texte en faveur des citoyens itinérants – obligations en matière d’aires d’accueil, fin du livret de circulation.
Le retour au texte de l’Assemblée nationale, c’est aussi pour tous les enfants de France, ne vous en déplaise, le droit absolu, à l’école primaire, d’être inscrit à la cantine que le texte consacre à l’article 47. Je salue le président Roger-Gérard Schwartzenberg, ici présent, qui est le père de cette mesure, et l’en remercie. À cet égard, nous réaffirmons très fermement qu’aucune contingence matérielle ou financière ne peut justifier que l’on refuse de nourrir des enfants.
Fier de porter ce texte à vos côtés, je suis certain que cette nouvelle lecture permettra non seulement de l’améliorer mais d’en retrouver l’esprit, celui d’un texte de conquête, de progrès et de justice au service du vivre ensemble.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
La parole est à Mme Valérie Corre, rapporteure thématique de la commission spéciale.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente et monsieur le rapporteur générale de la commission spéciale, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui, en nouvelle lecture, le projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté.
Sans revenir sur les raisons qui ont conduit à l’échec de la commission mixte paritaire, je souhaite faire état des travaux de notre commission qui ont principalement consisté à rétablir, dans le titre Ier, un certain nombre d’articles supprimés par le Sénat.
On voit la différence d’approche. À l’inverse du Sénat, l’Assemblée, elle, prend des mesures pour favoriser et reconnaître l’engagement de tous.
En particulier, la commission spéciale a rétabli l’article 8 du projet de loi, relatif au congé d’engagement, dont le rapporteur général vient de dire quelques mots. Nous estimons en effet, en tout cas sur les bancs de la gauche, qu’il est aujourd’hui nécessaire de répondre à cette demande récurrente et légitime du monde associatif. C’est un véritable coup de pouce qui sera ainsi donné à la vie associative de notre pays, en permettant plus facilement aux salariés et aux fonctionnaires d’exercer des responsabilités au sein d’associations d’intérêt général.
Nous avons également rétabli l’article 8 ter qui assouplit les conditions de rémunération des dirigeants des associations de jeunes, estimant cette mesure nécessaire au dynamisme de la vie associative des jeunes majeurs.
Nous avons aussi réintégré au projet de loi plusieurs dispositions relatives aux mineurs qui permettent à ceux-ci d’exercer, dans un cadre aménagé et clairement défini, les droits fondamentaux que sont la liberté d’expression et le droit d’association.
La commission spéciale a ainsi rétabli l’article 15, relatif à la direction de publication par des mineurs de plus de seize ans.
Elle a également adopté une nouvelle version de l’article 15 ter, relatif à la pré-majorité associative, qui devrait répondre aux inquiétudes exprimées, à juste titre, par certains de nos collègues lors de la première lecture. Le dispositif est désormais mieux encadré : il distingue la situation des mineurs de moins de seize ans de celle des plus de seize ans et répond aux carences de l’actuel article 2 bis de la loi de 1901, dans le silence duquel se logeaient beaucoup de malentendus...
Sur ces deux sujets, je regrette toutefois que la majorité sénatoriale n’ait pas pris la peine, dans la logique constructive qui est la nôtre, de proposer des dispositions alternatives. Mais ne rien proposer est aussi une solution – qui traduit votre peu d’ambition pour les jeunes et l’exercice de leurs droits fondamentaux.
S’agissant de l’accès aux soins, la commission spéciale a rétabli l’article 17 bis qui permet aux jeunes de bénéficier d’un droit personnel à la couverture maladie universelle complémentaire dès le début de leur prise d’indépendance.
La commission spéciale a également pris l’initiative, en cohérence avec les dispositions favorables à la jeunesse qui figurent dans ce projet de loi, de supprimer le funeste article 19 nonies introduit par le Sénat, cet article assurant, selon les sénateurs, la création d’un nouveau contrat de travail limité à quinze heures par semaine à destination de la jeunesse. Là où nous créons de nouveaux droits et plus de sécurité, le Sénat, lui, tente d’introduire de la précarité. À chacun son style de propositions pour les jeunes !
Au-delà de la jeunesse et de la vie associative, l’éducation a également constitué un sujet de désaccord majeur, frontal même, avec le Sénat.
En ce qui concerne l’instruction à domicile, la commission spéciale a rétabli l’article 14 bis tel qu’il a été adopté en première lecture à l’Assemblée nationale. Je le dis ici et nous aurons l’occasion d’y revenir, il ne s’agit en aucun cas d’interdire l’instruction à domicile mais de renforcer le contrôle des services de l’État sur cette instruction. La rédaction de l’article L. 131-10 du code de l’éducation, qui autorise l’éducation à domicile, devait être clarifiée afin d’éviter les contentieux et le recours à des manoeuvres dilatoires de la part de certains parents. Dois-je rappeler que ce contrôle s’exerce avant tout dans l’intérêt de l’enfant ? J’émettrai donc, je le dis sereinement, un avis défavorable aux nombreux amendements de suppression ou qui proposent une nouvelle rédaction de cet article.
S’agissant toujours de l’éducation, je ne reviendrai pas ici sur l’article 14 decies du projet de loi sur lequel nous aurons, je crois, tout le loisir de revenir au vu du nombre d’amendements déposés par l’opposition.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
La parole est à M. Philippe Bies, rapporteur thématique de la commission spéciale pour le titre II.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission spéciale, monsieur le rapporteur général et mesdames les rapporteures thématiques de la commission spéciale, mes chers collègues, je l’ai dit en première lecture, ce texte me paraît cohérent et dans la continuité de ce que nous avons engagé collectivement depuis 2012.
Je ne reviendrai pas sur tous les résultats déjà obtenus grâce aux mesures prises depuis le début de ce quinquennat. Les Français commencent à en apprécier les effets, comme l’a rappelé tout à l’heure Mme la ministre du logement dans sa réponse à une question au Gouvernement. Je pense à ceux qui bénéficient de l’encadrement des loyers, à Paris et bientôt, sans doute, à Lille, et de la division par deux des frais d’agence, à ceux qui profiteront demain de la nouvelle génération de projets de rénovation urbaine dans leur quartier, sans oublier d’autres mesures de relance comme le prêt à taux zéro ou les aides sans précédent accordées aux propriétaires les plus modestes pour financer la rénovation énergétique de leur logement.
Les chiffres de la construction de logements repartent à la hausse. Quant à l’objectif de construction de 150 000 logements sociaux par an – la catégorie de logements la plus particulièrement concernée par ce texte – il est en passe d’être atteint puisque près de 140 000 logements sociaux devraient être construits en 2016.
Mais malgré ces premiers résultats probants, il faut regarder la réalité en face : la ségrégation, sociale et territoriale, caractérise encore trop notre pays.
Le principal objectif du titre II de ce projet de loi est bien de briser cette spirale de la ségrégation sociale à travers plusieurs mesures relativement simples comme la réservation de 25 % des logements sociaux aux demandeurs les plus pauvres dans les quartiers dits « attractifs », la possibilité donnée aux bailleurs sociaux de moduler les niveaux de loyer au sein d’un même immeuble afin de favoriser la mixité sociale, la clarification nécessaire des critères de priorité dans le logement social, enfin le renforcement de la loi SRU pour instaurer davantage de solidarité entre tous les territoires.
Le texte que nous avions adopté en première lecture avait d’ailleurs été complété et enrichi lors de son examen, en commission spéciale puis en séance, avec le renforcement des sanctions à l’égard des communes dites carencées, l’intégration d’un chapitre sur la démocratie locative ou encore le renforcement du caractère intercommunal de la politique du logement.
Sans surprise, comme l’a évoqué le rapporteur général de la commission spéciale, le Sénat, par pur dogmatisme, me semble-t-il, s’est appliqué à déconstruire méthodiquement l’ensemble des mesures de progrès contenues dans le texte adopté par l’Assemblée nationale en première lecture : suppression du taux de 25 % de mixité sociale dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, suppression des dispositions plaçant la politique d’attribution à l’échelon intercommunal, suppression des dispositions de renforcement de la loi SRU, altération importante du dispositif « gens du voyage », et j’en passe...
Il appartenait bien sûr à notre majorité de rétablir ces mesures. C’est ce que nous avons fait en commission spéciale en adoptant soixante-dix-neuf amendements du Gouvernement et des rapporteurs. La droite avait choisi de ne pas déposer d’amendements en commission spéciale, non parce qu’elle était trop occupée par ailleurs mais parce qu’elle était satisfaite de ce texte très conservateur. Elle revient évidemment en séance avec des amendements qui ont vocation à rétablir le texte du Sénat. Il n’y a là aucune surprise, Mme Le Callennec ayant très clairement indiqué en commission mixte paritaire que le texte adopté au Sénat était proche de celui que la droite envisagerait de mettre en place si un jour elle devait, ce que nous ne souhaitons naturellement pas, revenir au pouvoir.
L’enjeu de ce nouvel examen en séance est donc de confirmer les modifications que nous avons effectuées en commission, d’améliorer encore le texte en procédant à certains ajustements et d’éviter bien entendu tout recul, en rejetant les amendements portés par la droite.
Le texte complète la politique que nous menons depuis 2012. Il a vocation à renforcer le rôle des intercommunalités. À cet égard, il va dans le sens de la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles et de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République. Enfin, il vise à punir plus sévèrement ceux qui refusent encore et toujours de construire du logement social et de mettre en oeuvre la solidarité nationale.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
La parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique de la commission spéciale pour le titre III.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission spéciale, madame et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté, que nous avons adopté en première lecture au début de l’été, nous revient en nouvelle lecture à la suite de l’absence d’accord de la commission mixte paritaire.
Pour le titre III, dont je me suis plus particulièrement occupée, le texte qui nous est revenu du Sénat appelle trois sortes de commentaires.
En premier lieu, sur certains articles, le Sénat a opéré un travail utile d’amélioration du projet de loi, souvent en coopération avec le Gouvernement. C’est notamment le cas pour les dispositions relatives à la fonction publique. Nous n’aurons pas de difficulté à faire nôtres ces rédactions, et à fermer ainsi les articles concernés pour la suite de la navette.
En deuxième lieu, le Sénat a pu s’opposer frontalement à certaines dispositions que nous proposions. Ce n’était pas toujours à tort, reconnaissons-le. Nous vous inviterons donc à maintenir certaines suppressions votées par les sénateurs. D’autres mesures témoignent en revanche d’une opposition politique stricte, qui relève de l’exercice de 1a démocratie, et qu’il revient à l’Assemblée nationale de trancher en faisant usage des prérogatives que lui confère la Constitution.
Je pense notamment – mais la liste n’est pas exhaustive – à l’intégration de la proposition de loi Schwartzenberg, dont je salue l’auteur, ici présent, sur l’accès de tous les enfants aux cantines scolaires sans qu’il soit possible de les discriminer en fonction de la situation sociale de leurs parents. Je pense également à la disposition issue de la proposition de loi Raimbourg relative à l’alignement sur le droit commun du statut civil des citoyens itinérants rappelé par le rapporteur général de la commission spéciale, ou encore à notre volonté de réprimer les discriminations qui protègent l’omerta autour des pratiques liées au bizutage, ou de favoriser l’accès à un stage pour les enfants ne disposant pas d’un réseau social qui leur permette de s’insérer dans la société.
En troisième et dernier lieu, le Sénat a choisi d’utiliser ce projet de loi pour adopter des mesures sans grand lien avec son contenu initial. Je ne lui jetterais pas la pierre si celles-ci étaient de nature technique, ponctuelle et consensuelle. Mais tel n’a pas été le cas, vous l’aurez deviné, pour les profondes modifications apportées à l’article 37, transformé en instrument de réforme générale du droit de la presse et d’encadrement de la liberté d’expression, alors qu’il visait uniquement les provocations racistes et autres appels à la haine. Le Sénat a ainsi légiféré de façon univoque, sans concertation. Sans surprise, cette méthode à la hussarde a provoqué une levée de boucliers dans la presse.
Comme l’ont indiqué nos débats de commission, la loi de 1881 sur la liberté de la presse est un totem : plus qu’à toutes les autres, il ne faut y toucher que d’une main tremblante. Nous avons intégralement rétabli le texte de l’Assemblée nationale sans même discuter des modifications apportées. Comme disait notre illustre prédécesseur Léon Gambetta, il y a des formes qui emportent le fond.
Je n’aurai pas assez de cinq minutes pour mentionner les soixante et un articles que j’ai la responsabilité de rapporter. Nous pourrons les discuter en profondeur, un à un, lors les débats. Mais je ferai une exception pour le dispositif adopté à notre initiative sur les oubliés de Madagascar, afin d’appeler l’attention sur ces personnes ballottées, à leur corps défendant, par les événements, au moment de la décolonisation, il y a un demi-siècle. Le Gouvernement, le ministre de l’intérieur, s’étaient engagés, en juillet dernier, à étudier la situation et à lui apporter des solutions satisfaisantes dans le cadre du droit commun. J’ai plaisir à indiquer à l’Assemblée nationale que cette promesse a été tenue. Monsieur le ministre, puisque vous représentez sur ce banc l’ensemble du Gouvernement, je tenais, en préambule à notre discussion sur ce projet de loi, à vous exprimer mes plus sincères remerciements.
Je remercie également la présidente de la commission spéciale, le rapporteur général et mes deux collègues, rapporteurs thématiques, avec lesquels j’ai eu grand plaisir à travailler, sans oublier les deux responsables du texte pour notre groupe, M. Blein et Mme Linkenheld.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La commission spéciale, sous la présidence d’Annick Lepetit, a effectué un travail important, de sorte que nous aurons moins d’une centaine d’amendements à examiner. Je ne forme pas le rêve fou d’un consensus général, mais je constate que beaucoup d’articles ne font l’objet d’aucun amendement. Notre discussion pourra donc se concentrer sur les points essentiels afin de parvenir, je l’espère, à une rédaction du titre III que tous pourront soutenir.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
La parole est à Mme Annick Lepetit, présidente de la commission spéciale.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, souvent présenté comme le dernier grand texte de cette mandature, le projet de loi pour l’égalité et la citoyenneté restera comme l’exemple d’un travail parlementaire abouti. Alors qu’il ne comptait que quarante et un articles à sa sortie du Conseil des ministres, on n’en dénombre aujourd’hui pas moins de 265.
Le texte que nous avons adopté en première lecture nous est cependant revenu profondément modifié du Sénat. Si soixante articles ont été adoptés conformes, soixante-quinze autres ont tout simplement été supprimés. Beaucoup des 130 articles restant en débat ont vu leur portée amoindrie. Quant aux quarante nouveaux articles imaginés par les sénateurs, ils recèlent plusieurs idées inacceptables pour notre majorité. Je pense notamment à cet « emploi d’appoint jeunes » qui rappelle le funeste CPE et démontre que, pour la droite, un jeune ne peut toujours être considéré comme un travailleur à part entière. Dans ces conditions, l’échec de la commission mixte paritaire n’a surpris personne.
La commission spéciale s’est attachée à rétablir ce qui devait l’être. Voici donc un texte beaucoup plus conforme à l’idée que nous nous faisons de l’égalité, de la citoyenneté, de la mixité sociale, du vivre ensemble, bref de la manière dont nous, parlementaires de gauche, souhaitons bâtir notre société. Je pense que la grande majorité de nos concitoyens est en accord avec cette vision.
Alors que nous avions passé plus de quarante heures en commission pour la première lecture, il ne nous en a fallu que huit la deuxième fois. Mais, au regard des quelque 650 amendements déposés en séance, je constate que beaucoup de députés s’étaient réservés pour le débat dans l’hémicycle.
À travers les modifications apportées par la majorité du Sénat et des amendements dont nous allons débattre, l’objectif affiché de la droite est de transformer ce texte en potion amère : une cuillerée de conservatisme sociétal et une grosse louche de libéralisme économique.
Rien de nouveau en somme ; rien de constructif non plus.
Votre rejet du logement social par exemple, chers collègues de l’opposition, est si édifiant qu’il vire à la caricature. Alors que les lois votées depuis 2012 commencent à porter leurs fruits, alors que nous luttons contre une crise du logement qui a explosé sous les dix ans de gouvernement de droite, alors que plus de 2 millions de personnes attendent un logement social, vous revenez sur la loi SRU ! Vous revenez sur l’obligation faite aux villes d’atteindre 25 % de logements sociaux !
Si ce type de mesure était réellement mis en oeuvre, la construction de logements chuterait, ce qui aggraverait la crise au lieu de la résoudre.
Toutes les mesures contraignantes que nous avons adoptées pour pousser les élus locaux à construire des logements sociaux vous dérangent. Votre programme, c’est tout simplement le désarmement de l’État face aux maires hors-la-loi. Dur avec les faibles, mais faible face à ses amis puissants, voilà ce qu’est la droite.
On retrouve votre vision conservatrice de la société dans tout le texte. Vous refusez par exemple que l’on élargisse aux associations de lutte contre les discriminations la possibilité de poursuivre en justice des personnes pour apologie ou négationnisme. Vous refusez la lutte contre les discriminations pour l’accès des élèves aux stages. Vous refusez la reconnaissance du testing comme mode de preuve dans le cadre de la procédure civile. C’est à croire que nos mesures vous gênent plus que les discriminations qu’elles combattent ! Pourtant en faisant du racisme, de l’homophobie et du sexisme des circonstances aggravantes pour les crimes et délits, nous renforçons la citoyenneté.
Heureusement pour la France, la droite réactionnaire et libérale n’est pas au pouvoir. C’est encore la majorité socialiste qui écrit la loi. Nous avons réintroduit en commission spéciale toutes les avancées que la majorité sénatoriale avait supprimées.
Nous avons remis en place les articles qui permettent plus de mixité sociale. Notre objectif ? Casser la logique de ghetto en arrêtant de concentrer les personnes aux faibles revenus dans les quartiers défavorisés.
Nous remettons ce progrès social indéniable qu’est le congé d’engagement pour les responsables du monde associatif, parce qu’il correspond à notre vision de la société. Celle-ci ne se réduit pas à une somme d’individus uniquement régis par des liens économiques. Les mouvements collectifs existent, les associations sont le coeur battant de notre société. Le bénévolat, l’engagement, le don de soi aux autres sont des comportements vertueux pour lesquels nous devons avoir du respect, et surtout que nous devons encourager.
Nous rétablissons dans la loi que l’inscription à la cantine des écoles primaires est un droit pour tous les enfants scolarisés, quelle que soit leur situation ou celle de leur famille.
Nous avons compris vos allusions. Laissez la présidente de la commission spéciale s’exprimer. Elle seule a la parole.
Il n’est pas acceptable que des mairies utilisent des biais détournés pour, dans la pratique, refuser l’accès de la cantine à des enfants en raison des faibles revenus de leurs parents.
Voilà ce que nous faisons concrètement et ce sur quoi la droite nous combat quotidiennement. Sur ces sujets, il y a un vrai clivage. Débattons-en. Je ne doute pas que la discussion ne mette en lumière nos différences de fond.
Face au conservatisme que je juge anachronique, nous choisissons résolument le progrès social.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe Les Républicains une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à M. Sylvain Berrios.
Monsieur le Président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est présenté aujourd’hui revient devant notre Assemblée après l’échec de la commission mixte paritaire. Dans sa colonne vertébrale, il présente les mêmes faiblesses que le texte proposé en première lecture : composite, pour ne pas dire désordonné, il poursuit des objectifs strictement politiques visant d’abord à rassembler une gauche passablement désunie.
La navette avec le Sénat, qui avait permis d’enrichir sensiblement le texte, notamment le titre II, en faisant entendre la voix des communes, a été balayée d’un revers de main et l’on en revient pratiquement au texte initial. Voilà qui illustre l’échec d’une méthode, l’inutilité d’un projet de loi qui n’offre aucune solution pragmatique ou efficace, et la manière dont vous concevez la collaboration avec les chambres.
S’agissant d’un texte en faveur duquel le Gouvernement avait demandé un examen selon la procédure accélérée, nous revoilà quasiment à la case départ plus de dix-huit mois après. Que de temps perdu !
L’urgence que vous invoquiez il y a plus de dix-huit mois se perçoit dans les modalités d’examen – la cohérence, dites-vous – de ce texte : on commence par étudier l’article 3, avant d’examiner l’article 1er, puis l’article 2, le tout entrecoupé d’un débat consacré à la santé.
Cette cohérence me semble bien désordonnée !
Nous l’avons déjà dit, le groupe Les Républicains souscrit à l’objectif affiché d’apporter des réponses aux fractures immenses, profondes de notre société, révélées dans la douleur par les atrocités commises sur notre sol depuis janvier 2015. Comment, dans ces conditions, ne pas souscrire à l’ambition de renforcer l’égalité entre nos concitoyens et d’oeuvrer à un exercice plus incarné de la citoyenneté ? Encore faut-il créer l’adhésion autour du projet. L’occasion était belle, mais c’est, une nouvelle fois, une occasion perdue.
La lutte contre les discriminations, qui guide la rédaction de l’article 1er, comporte des avancées dont certaines, prises individuellement, peuvent être intéressantes. Il en va ainsi, par exemple – nous l’avions déjà dit en première lecture – des dispositions sur le service civique. Mais y a-t-il là matière à apporter un début de réponse aux attentes immenses et aux failles durables de notre contrat social ? Nous en doutons. Ce qui a conduit nos voisins anglais à se replier sur leurs frontières nous guette depuis longtemps, sans que rien n’ait été fait pour tenter d’apporter, avec lucidité et pragmatisme, des réponses de fond aux tensions qui fracturent notre modèle républicain. Le calendrier et le cadre préélectoral ne créent pas les conditions de l’unité, comme en témoignent les milliers d’amendements déposés par les seuls députés socialistes sur ce texte, mais aussi le grand bond en arrière après la lecture, pourtant très constructive, du Sénat.
Nous examinons à nouveau ce projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté, qui pèche largement – pardonnez-moi, mes chers collègues – par angélisme. Il n’est question que de « faire vivre les valeurs de la République », ce qui est en soi une bonne chose, mais ne saurait suffire à rassembler nos concitoyens, qui n’adhèrent plus, depuis longtemps, à des formules incantatoires. Comment convaincre nos compatriotes quand vous nous présentez un inventaire à la Prévert, dont nous avons perdu le fil d’Ariane au cours de la navette parlementaire ? Nous sommes perdus dans les méandres d’un labyrinthe législatif au nom pompeux de loi « Égalité et citoyenneté »…
…qui traite, tout à tour, et de façon indistincte, du fonctionnement des centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires – les CROUS –, de la fréquence des ventes au déballage, des gens du voyage, de la cantine, de la liberté de la presse, des oubliés de Madagascar, ou encore du bénévolat. Et pourquoi avoir réintroduit un régime d’autorisation des écoles privées hors contrat par ordonnance…
…alors que le Sénat proposait un dispositif de contrôle largement suffisant et beaucoup plus souple, que Mme Le Callennec, j’en suis sûr, défendra tout à l’heure ? S’agit-il ici d’égalité ou de dogmatisme ?
Votre projet de loi est non seulement, dans son essence même, insuffisant, mais il est surtout inquiétant, en ce qu’il crée les conditions de la désunion et de la désorganisation, comme en témoignent les dispositions relatives au logement social.
La loi comporte déjà, en la matière, un arsenal très contraignant : les demandeurs de logements sont soumis à des procédures complexes et à des démarches souvent très longues. Avec le titre II, on renonce à simplifier le secteur du logement. Pire, on modifie et on élargit les critères de priorité, on crée de nouveaux quotas et on augmente le nombre d’intervenants, pour encore plus de complexité et des procédures encore plus longues. Plus préoccupant, plus grave, plus fondamental, la loi continue d’ériger les maires en ennemis, au lieu d’en faire des partenaires pour la réussite d’une politique nationale du logement social. De ce point de vue, l’examen au Sénat aurait dû permettre d’enrichir le texte s’agissant de ces dispositions, sur lesquelles les maires sont en première ligne. D’ailleurs, qui d’autre que le Sénat aurait pu enrichir des dispositions touchant à la libre administration des communes et aux collectivités territoriales ? À titre d’exemple, lorsque le Sénat est revenu sur le taux de 25 % fixé pour l’attribution des logements aux demandeurs les plus pauvres, en dehors des quartiers de la politique de la ville, la voix des maires s’était fait entendre pour permettre au préfet et aux acteurs locaux d’adapter ensemble le taux en fonction de la situation locale. Vous avez refusé et êtes revenus dessus. Le Sénat avait réintroduit une mesure de bon sens visant à prendre en compte le lien avec la commune lors de l’attribution des logements sociaux, ce qui permettait de conserver une cohérence, par exemple pour la scolarisation des enfants. Vous vous y êtes opposé et êtes revenus dessus.
Le Sénat prévoyait la possibilité de délégation par le préfet de son contingent de logement aux maires : vous êtes revenus dessus.
Le Sénat avait enfin insisté sur la nécessité que la voix du maire soit prépondérante dans les commissions d’attribution. Là encore, vous êtes revenus dessus. Ce faisant, c’est de toute l’expérience des maires dont vous avez choisi de vous priver, pour mieux réaffirmer avec dogmatisme des principes qui n’ont jamais fait la preuve, par le passé, de leur efficacité, et qui ne la feront pas plus demain.
Même chose pour les modalités d’application de la loi SRU : le Sénat proposait, avec bon sens et lucidité, que l’obligation de construction de logements sociaux repose sur un contrat d’objectifs et de moyens entre l’État et la commune, afin d’adapter les obligations de construction de logements sociaux à la situation de la commune. Vous avez rejeté cette grande avancée. La Haute assemblée envisageait également de ne pas soumettre les communes d’Île-de-France de 1 500 à 3 500 habitants à l’obligation de construction de 25 % de logements sociaux ; cela relève de l’évidence, mais vous avez refusé.
Quant à l’élargissement du périmètre des logements considérés comme sociaux, vous avez estimé que des dispositifs tels que le logement étudiant ou le logement en accession sociale à la propriété, dont les maires savent qu’ils s’inscrivent bien dans le cadre d’une politique de logement social, ne pouvaient pas en relever. Il y a une forme d’inconscience à prétendre progresser sur la question du logement social sans y associer les principaux acteurs, alors qu’il conviendrait au contraire de s’astreindre à un travail de dentelle, permettant de dégager, localement, des solutions, avec tous les partenaires concernés.
Le Sénat avait fait ce travail, mais vous avez estimé que vous pouviez vous en affranchir. Et que dire des communes carencées ? La contradiction crève les yeux : vous imposez la réduction autoritaire des moyens financiers des communes dites carencées, c’est-à-dire n’ayant pas atteint le quota de 25 % de logement social fixé par la loi SRU…
…alors que vous exigez que ces mêmes communes rattrapent leur retard en matière de logement social. Pourquoi ?
S’agit-il d’améliorer l’offre de logement social ? Certainement pas. Il s’agit, plus prosaïquement, de remplir les caisses de l’État. Même constat s’agissant de l’article 31 bis, réintroduit par la majorité contre l’avis du Gouvernement, en vertu duquel les communes carencées au titre de la loi SRU ne sont plus éligibles à la dotation de solidarité urbaine, quel que soit leur taux de logements sociaux.
Plutôt que de contribuer à l’amélioration des conditions de vie dans les communes urbaines confrontées à une insuffisance de ressources et supportant des charges élevées, votre majorité entend les priver encore plus de financements.
Une commune bénéficiant de la DSU accueille, par définition, des publics fragiles et, à ce titre, nécessite de l’attention. Il y aurait donc, selon vous, des Français en difficulté que l’on aiderait plus ou moins selon leur lieu de résidence. Si l’on suit votre raisonnement, l’objectif de mixité sociale que vous prétendez défendre en imposant une politique de peuplement arbitraire aux communes, conduirait à ce que les publics les plus fragiles, désignés pour peupler les communes carencées, soient moins aidés et accompagnés que s’ils demeuraient dans leur commune d’origine. De même, les personnes qui vivent dans une commune dite carencée et qui auraient droit, par exemple, à un logement social en prêt locatif social – PLS – devront quitter cette commune pour pouvoir y prétendre, puisque vous interdisez ce type de conventionnement dans les communes ayant moins de 25 % de logements sociaux. Dans le même esprit, où est la logique de priorité lorsque vous continuez à prétendre que 65 % de la population française peut bénéficier d’un logement social ? Ne devrait-on pas plutôt s’intéresser aux 10 à 12 % des Français qui ne peuvent pas accéder au logement sans l’aide de la puissance publique ?
La politique du logement dans notre pays mobilise plus de 45 milliards d’euros par an, soit plus de 2,2 % du PIB – record d’Europe pour ce secteur. Cela pourrait être un record honorable si, d’aventure, il y avait des résultats. Or, vos choix politiques et idéologiques, depuis la première loi dite « Gayssot », sont injustes et inefficaces : 70 % de la population est éligible au logement social, mais seulement 25 % des ménages les plus modestes en bénéficient.
Il faut avoir conscience qu’à Saint-Maur-des-Fossés – ville citée tout à l’heure par M. Laurent, dont je suis maire et qui est dite « carencée » –, 50 % des habitants sont éligibles au logement social ; il s’y trouve un quartier prioritaire au sens de votre politique de la ville. Ce n’est donc pas un ghetto de riches, comme vous aimez le décrire, monsieur Laurent !
Connaissant bien le Val-de-Marne, vous devriez connaître la situation de cette commune !
L’effort d’une ville en faveur du logement ne trouve pas sa source dans la contrainte mais dans le partenariat.
Le fait est que, dans une ville comme Saint-Maur-des-Fossés, nous avançons grâce à un partenariat, et non pas par la contrainte. Nous agissons grâce à la signature d’un contrat de mixité sociale.
En continuant de vouloir construire en zones urbaines tendues, vous créez une difficulté supplémentaire. La loi ne vise pas la politique du logement social en général. Elle ne poursuit pas un objectif d’intérêt général. Votre loi entend se concentrer sur quelques exemples de communes clouées au pilori médiatique pour tenter de prouver que le Gouvernement a agi et pour vous rassembler sur leur dos. En réalité, seule une poignée – une infime minorité– de communes ont décidé de ne pas faire de logement social.
Faites-le ! Que l’on songe seulement aux crèches, aux écoles, aux équipements sportifs qui doivent accompagner la création de logements ! C’est tout à fait essentiel, surtout si l’on souhaite conserver une harmonie et un urbanisme respectable et respecté par l’ensemble des habitants. Comment voulez-vous faire face à ces dépenses si, en même temps, là où vous voulez construire du logement, vous privez les villes des financements nécessaires, précisément, pour construire les équipements et les logements ? Où est votre cohérence ? Plus profondément, vous interrogez-vous sur les conditions dans lesquelles s’inscrivent les programmes de logements sociaux, comme le font les maires au quotidien ?
Sur le terrain, nous sommes nombreux à observer qu’il est plus efficace de développer des programmes de logements sociaux à taille humaine, progressivement, pour tenir compte à la fois des besoins des demandeurs de logements, mais aussi pour respecter l’urbanisme choisi par les habitants et un cadre de vie équilibré. C’est dans cet esprit que la mixité pourra réellement s’exprimer et trouver toute sa force. C’est un chemin qui, je crois, mérite d’être exploré. L’expérience montre qu’en matière de logement social, il vaut mieux prévoir des aménagements mixtes, et anticiper la nécessité éventuelle d’accompagner les publics fragiles qui y vivent, plutôt que de créer des poches de détresse sociale qui risquent de renforcer les phénomènes d’exclusion des banlieues tout-béton.
Plus préoccupant, le texte entend apporter un contre-pouvoir aux maires en élargissant les prérogatives des établissements publics de coopération intercommunale – les EPCI – et les pouvoirs du préfet, par substitution. Quel bénéfice espère-t-on obtenir en éloignant le demandeur de logement de la commune ? Plutôt que de contraindre, il faut libérer la construction de logements. Depuis quatre ans, ce gouvernement s’érige tantôt en censeur, tantôt en procureur pour niveler par le bas, opposer les acteurs et recycler les vieilles recettes. Dans ces conditions, il n’est guère étonnant que l’on s’inscrive, avec ce texte, dans un affichage caricatural en matière d’égalité.
Quant au titre III, le groupe Les Républicains souscrit au renforcement des conseils citoyens, aux actions envisagées pour l’amélioration de la maîtrise de la langue française – encore que, l’on lorsqu’on voit ce que fait Najat Vallaud-Belkacem, on pourrait s’interroger…
…ou à la valorisation des apprentis. Il appuie naturellement les dispositions visant à l’amélioration de l’égalité entre les hommes et les femmes, même si vous n’offrez aucun début de solution à la question centrale de l’égalité salariale ; on reste très loin des attentes des Français. Il est regrettable de devoir exprimer une position qui se limite à donner des bons et des mauvais points…
…à des mesures prises isolément, sans philosophie d’ensemble.
Mes chers collègues, ce projet de loi oppose, une fois de plus, tous les acteurs. Dans quelques mois, l’alternance forte que nous appelons de nos voeux…
…permettra de remettre l’ouvrage sur le métier. Pour toutes ces raisons, je vous demande d’adopter cette motion de rejet préalable, en conservant à l’esprit notre volonté de porter, dans quelques mois, un véritable projet d’avenir, qui soit, cette fois, porteur d’espérance pour nos compatriotes.
Monsieur Berrios, monsieur le député-maire de Saint-Maur-des-Fossés…
…permettez-moi tout d’abord de faire une petite rectification : ce texte n’est pas en discussion depuis dix-huit mois. Il a été présenté pour la première fois en avril 2016. Il me semble donc que nous avons avancé rapidement, ce dont je me félicite, compte tenu de l’intérêt de ce texte.
Vous évoquez l’enrichissement apporté par le Sénat ; je parlerai d’un enrichissement à la tronçonneuse ! Il en est ainsi, notamment, du titre II, qui a été complètement vidé de son sens pour promouvoir la conception du logement social que vous avez exposée et que, naturellement, je ne partage pas. Je reviendrai sur cette question qu’Emmanuelle Cosse, qui, je le rappelle, ne peut être parmi nous ce soir – elle défend son budget en commission au Sénat – et vous prie de bien vouloir l’en excuser, exposerait bien mieux que moi.
Cela étant dit, monsieur le député Berrios, comment pouvez-vous proposer une motion de censure…
Une motion de rejet préalable, monsieur le ministre ! La motion de censure, c’est si vous faites appel à l’article 49, alinéa 3 de la Constitution, ce qui n’est apparemment pas d’actualité !
… une motion de rejet préalable, pardonnez-moi.
En réalité, par cette motion de rejet, vous voulez censurer des principes fondamentaux que nous souhaitons pour notre part défendre ici, devant cette assemblée. Cette motion porte sur un projet de loi dans lequel il est question d’engagement citoyen, de réserve civique, de lutte contre les discriminations, de renforcement de l’égalité, ce que vous avez vous-même concédé au sujet d’une partie du titre III, et je vous en félicite.
Manifestement, le point sensible – et vous en conveniez dans votre propre réflexion sur le logement –, ce sont les politiques d’aménagement et de logement. Que vous le vouliez ou non, monsieur Berrios, notre pays souffre encore de la ségrégation opérée sur nos territoires, ce que certains qualifient d’apartheid. Il est vrai que des maires refusent obstinément depuis plus de quinze ans d’appliquer la loi.
La question n’est pas de savoir combien ils sont ; ce qui importe, c’est le principe évoqué.
Et je vous félicite d’avoir signé une convention de mixité sociale dans votre commune. Cela montre que nous sommes capables d’adapter la loi au cas par cas, en fonction des contraintes.
Cependant, il faut aller plus loin, car il n’est pas acceptable qu’une grande partie de nos concitoyens ne trouvent pas de logement social aujourd’hui.
S’agissant du titre II, il exprime une volonté d’introduire davantage de mixité sociale dans l’habitat. Vous me parlez de désunion ; je vous parle d’action, nous vous parlons d’action. Vous parlez de bannir les maires ; ce que nous voulons simplement, c’est que ces derniers respectent l’écharpe que leurs concitoyens leur ont confiée. Or, et je ne doute pas que vous en conviendrez avec moi, le premier devoir d’un maire, c’est de respecter la loi.
Depuis quinze ans que le texte est entré en vigueur, il n’est pas encore totalement appliqué, et ce, malgré toutes les évolutions introduites, notamment celles qui ont permis d’étaler la construction dans le temps. Une fois encore, monsieur Berrios, si l’ensemble des communes carencées et déficitaires répondaient à leurs obligations d’ici à 2025, comme le prévoient les textes, ce sont 750 000 logements qui pourraient être construits, et ce chiffre ne tient pas compte des logements que les communes ayant déjà atteint progressivement le pourcentage requis pourraient elles-mêmes construire.
750 000 logements sociaux : voilà le nombre de logements dont une toute petite minorité de maires, comme vous dites, empêche la construction.
Et pour ma part, je pense à ces Français et à ces Françaises qui se trouvent aujourd’hui en situation de relégation sociale parce le nombre de logements sociaux est insuffisant par rapport aux besoins. Reconnaissez avec moi que la démographie évolue, que le mode de vie a changé, que la population française augmente et qu’il faut donc plus de logements, en particulier de logements sociaux. Cette diversité qui caractérise le champ social est aussi ce qui en fait la richesse.
Monsieur le député Berrios, nous voulons des actes. Vous défendez des principes que je qualifierai de dogmatiques, un dogmatisme que vous ne voulez peut-être pas accepter en tant que tel, mais que je vous prête, puisque vous avez évoqué ce mot.
Aujourd’hui, nous avançons, nous progressons. Je ne sais qui vous avez soutenu lors du récent débat qui a animé votre camp politique.
« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain
Nous, nous savons !
À moins d’un événement extraordinaire, il est fort probable que dimanche prochain nous sachions lequel des deux candidats aux primaires sortira vainqueur.
En cet instant, je pense en particulier à votre collègue M. Fillon. J’ai regardé de près ce que propose celui qui sera peut-être demain votre candidat à l’élection présidentielle. Permettez-moi de vous le dire : l’élection primaire n’est pas l’élection présidentielle.
Reste encore une étape à passer : le contact avec les Français, dont il faut emporter la conviction. En tous les cas, pour M. Fillon, il faut abroger la loi ALUR,…
…alors que les habitants de Paris, en particulier, bénéficient grandement aujourd’hui du plafonnement des loyers inscrit dans ce texte.
Et j’entends M. Fillon s’exprimer aussi sur la loi SRU, puisqu’il veut exclure 30 % des gens qui ont aujourd’hui potentiellement accès au logement social en baissant drastiquement les plafonds de ressources.
Si c’est cela votre programme, nous le combattrons avec force, avec vigueur.
Et vous aurez compris que j’appelle avec la même force et la même vigueur au rejet de votre motion.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Nous en venons aux explications de vote sur la motion.
La parole est à M. Yves Blein, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.
J’aimerais simplement réagir à la motion de rejet préalable de M. Berrios. Je consacrerai les deux minutes dont je dispose au civisme et à l’engagement, questions auxquelles il a consacré bien peu de temps, comme si d’une certaine façon ces sujets-là…
… ne l’intéressaient pas, comme le dit à juste titre Mme Linkenheld.
Vous avez affirmé que ce texte était un puzzle.
Je n’ai pas dit « puzzle », j’ai dit « fourre-tout » ! C’est un bric-à-brac !
Vous avez raison. La République est en effet partout ; et l’engagement, le sentiment civique se nichent partout. Pour y travailler, il importe donc d’aborder une multitude de sujets. Parce qu’il s’intéresse à l’engagement civique, au développement de l’esprit républicain, ce texte a ainsi par nature la vocation à aborder une multitude de sujets.
En développant votre thèse, vous avez regretté que ce texte ne se penche pas comme il aurait dû le faire sur le sentiment national que l’on voit émerger en Europe et qui s’est traduit notamment par le vote du Brexit en Grande-Bretagne. La politique que vous interpellez ici est néanmoins faite d’une multitude d’enjeux, et les sentiments nationaux ne sont pas simplement un problème d’expression civique. Ils sont aussi la résultante d’une situation économique, d’une situation internationale, d’une multitude de sujets. D’ailleurs, à cet égard, je ne vois pas comment – sauf à composer un puzzle absolument indigeste, ce que vous semblez vouloir condamner – on pourrait aborder dans un seul texte de loi ce qui fut l’objet du travail d’une législature complète.
Ce que nous traitons ici est un sujet de société. Dans ce quinquennat ont été abordés des sujets économiques, des sujets sociaux. Le sujet d’aujourd’hui est sociétal : il porte sur l’engagement, le civisme, le logement…
… mais je n’y reviendrai pas, car votre intervention a tout dit sur ce dernier sujet.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour le groupe Les Républicains.
Notre collègue Sylvain Berrios a rappelé que nous pouvons tout à fait partager les intentions de ce projet de loi,…
… à savoir promouvoir l’égalité et la citoyenneté. Qui serait contre ? La question est cependant de savoir comment mettre en oeuvre cet objectif.
Le texte comporte de bonnes mesures. Certains articles ont d’ailleurs été votés conformes au Sénat.
En revanche, de notre point de vue, il comporte un trop grand nombre d’articles auxquels nous nous opposons fermement, et nous allons avoir l’occasion d’y revenir au cours du débat. C’est la raison pour laquelle nous voterons la motion de rejet préalable, puis nous prononcerons probablement majoritairement contre ce projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté.
La motion de rejet préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.
Dans la discussion générale, la parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg.
Monsieur le président, monsieur le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, madame la présidente de la commission spéciale, monsieur le rapporteur général de la commission spéciale, monsieur et mesdames les rapporteurs thématiques, nous approuvons bien sûr ce projet de loi, qui vise à renforcer l’égalité, et en particulier son article 47, issu d’une proposition de loi du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Le 21 janvier 2015, j’avais en effet déposé une proposition de loi visant à garantir le droit d’accès à la restauration scolaire. Celle-ci avait été adoptée par l’Assemblée nationale le 12 mars 2015. En effet, plusieurs communes se fondent sur des critères irréguliers pour rejeter la demande d’inscription de certains élèves à la cantine des écoles primaires ; âge de l’enfant, lieu de résidence, exercice ou non d’une activité professionnelle par les parents. L’an passé, 400 cas de ce type ont été signalés au Défenseur des droits.
Souvent, ce refus d’accès concerne des élèves dont l’un des parents au moins est au chômage. Cela revient à discriminer, voire à stigmatiser des familles déjà en difficulté en ajoutant de l’exclusion à l’exclusion. Généralement, les communes qui n’accueillent pas les enfants de chômeurs soutiennent que ceux-ci pourraient s’occuper à domicile chaque midi de leurs enfants. Pourtant, rechercher un emploi nécessite du temps. Les chômeurs ont en outre une obligation de disponibilité dans cette recherche, obligation qui conditionne leur inscription ou leur maintien sur les fichiers de Pôle emploi.
Certes, la restauration scolaire n’est pas une compétence obligatoire pour les communes, mais quand ces dernières en ont décidé la création, il s’agit alors d’un service public, soumis comme tel au principe d’égalité des usagers devant le service public. La jurisprudence administrative est constante à cet égard. Ainsi, en 1993, le tribunal administratif de Versailles a rejeté « une discrimination entre les enfants suivant que leurs parents ont un emploi salarié ou non ». Le Conseil d’État a fait de même dans ses arrêts du 23 octobre 2009 et du 14 octobre 2011.
Il importait donc de légiférer, d’inscrire explicitement dans la loi ces principes posés par le juge, pour assurer très nettement leur caractère obligatoire. De la sorte, des familles, souvent démunies, n’auraient plus à former des recours contentieux, souvent coûteux et complexes, pour faire reconnaître leurs droits. Notre proposition de loi établissait donc un véritable droit d’accès à la restauration scolaire sans distinction arbitraire entre les élèves. En particulier, on ne peut laisser des enfants de chômeurs à la porte des cantines scolaires et à l’écart de leurs camarades de classe. Cette discrimination ne peut être admise, surtout quand la France compte 3 500 000 chômeurs.
De plus, dans notre pays, qui est pourtant la cinquième puissance économique mondiale, 8 800 000 personnes vivent sous le seuil de pauvreté, dont 2 700 000 enfants, soit un enfant sur cinq, et même un sur deux en zone urbaine sensible. Le taux de pauvreté des enfants en France n’a cessé de croître ces dernières années : 16 % en 2005, 17,7 % en 2009, 19,6 % en 2010. Pour ces enfants pauvres, le seul vrai repas de la journée est le repas à la cantine scolaire, du moins quand ils y sont admis. Agir pour l’enfance pauvre est un impératif éthique pour notre société.
La proposition de loi votée par l’Assemblée nationale en mars 2015 n’a toutefois pas été adoptée par le Sénat. Nous avons donc pris une nouvelle initiative, avec l’appui du rapporteur général de la commission spéciale, que je remercie, dans le cadre de ce projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté en déposant un amendement créant un article 47 qui a été adopté par l’Assemblée nationale en juillet 2016 dont la rédaction reprend celle de la proposition de loi votée par celle-ci en mars 2015. Cet article 47 dispose en son deuxième alinéa : « L’inscription à la cantine des écoles primaires, lorsque ce service existe, est un droit pour tous les enfants scolarisés. Il ne peut être établi aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille. » Pourtant, le 14 octobre dernier, le Sénat, examinant à son tour le projet de loi, a de nouveau réagi négativement et supprimé l’article 47.
Pour cette nouvelle lecture par l’Assemblée nationale, j’ai donc déposé à nouveau le même amendement que l’été dernier afin de rétablir cet article 47. Il a été adopté à l’unanimité le 8 novembre dernier par la commission spéciale, que je remercie vivement, ainsi que son rapporteur général. Je remercie de la même façon le ministre pour les propos qu’il a tenus un peu plus tôt dans cet hémicycle et au Sénat.
Mes chers collègues, le degré de civilisation d’une société se mesure à la protection qu’elle accorde à ses membres les plus vulnérables. Parmi ceux-ci, il y a, en première ligne, les enfants, en particulier les jeunes enfants des écoles primaires, âgés de 6 à 10 ans. Jean Zay, ministre radical de l’éducation nationale et des beaux-arts…
…disait que la pire des injustices était celle qui était commise envers des enfants. Avec cet article, il s’agit de faire reculer l’injustice. Avec cette disposition, il s’agit de faire progresser l’égalité, la fraternité, c’est-à-dire les valeurs fondamentales de notre nation. Ce moment est donc important pour notre assemblée, car ce qui est en jeu ici, aujourd’hui, c’est de créer un nouveau droit, un droit qui s’ajoutera à la liste de ceux qui sont reconnus par les lois de la République.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission spéciale, monsieur le rapporteur général de la commission spéciale, monsieur et mesdames les rapporteurs thématiques, chers collègues, nous entamons l’examen en nouvelle lecture du projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté. Porteur de nobles objectifs, ce texte se veut une réponse aux attentes de nos concitoyens en matière de démocratie, de mixité sociale et d’égalité. Malgré une accumulation de mesures en ce sens, dont il est parfois difficile de mesurer la portée, ce projet de loi manque d’ambition et déçoit par la faiblesse des moyens financiers alloués à sa mise en oeuvre. En dépit de certaines améliorations issues du débat parlementaire, notre appréciation sur ce texte demeure en demi-teinte.
En premier lieu, ce projet de loi était l’occasion d’une grande réforme répondant aux aspirations de notre jeunesse. Si la volonté de revaloriser l’engagement citoyen est bien en son coeur, ni la consécration de la réserve civique ni la généralisation du service civique ne peuvent constituer les seules réponses aux préoccupations des jeunes sur leur avenir. Ce qu’ils souhaitent, c’est d’abord accéder plus facilement à un emploi stable, à une formation, au logement, à la culture ou encore aux soins. Sur tous ces enjeux, le texte qui nous est soumis reste largement silencieux.
Pour notre part, nous proposons depuis longtemps la mise en place d’une allocation d’études et d’autonomie permettant à chaque jeune de s’intégrer pleinement dans notre société, qu’il soit en formation ou sans emploi. Cela étant, nous sommes satisfaits des mesures visant à développer l’engagement associatif. La création d’un statut de l’étudiant bénévole et d’un congé d’engagement pour les salariés ainsi que l’extension du droit d’association aux jeunes mineurs vont dans le bon sens. De même, nous nous félicitons du renforcement de la place des jeunes dans les instances politiques territoriales, qu’il s’agisse des conseils économiques, sociaux et environnementaux au niveau régional ou des conseils de jeunes au niveau intercommunal.
Toutefois, les réserves que nous avons formulées en première lecture sur le premier volet du texte demeurent. Notre inquiétude porte principalement sur la généralisation du service civique par l’élargissement des structures d’accueil et la pratique de l’intermédiation. Le dispositif, qui reste insuffisamment encadré à nos yeux, ne doit pas devenir une nouvelle trappe de précarité pour les jeunes, qui souhaitent au contraire qu’on facilite leur insertion durable sur le marché du travail. J’insiste beaucoup sur ce point. Pour ces raisons, nous continuerons de proposer des amendements visant à encadrer ce dispositif afin de limiter les abus potentiels consistant à préférer l’embauche en mission de service civique en lieu et place de vrais emplois.
La priorité donnée au développement du service civique se fait au détriment de la politique d’éducation populaire. Il suffit, pour s’en convaincre, d’examiner les crédits alloués au service civique dans le projet de budget 2017 : ils représentent à eux seuls 53 % des moyens de la mission « Sport et jeunesse » ! Notre inquiétude porte également sur le transfert aux régions des compétences de coordination des politiques de la jeunesse. À nos yeux, cette évolution porte un coup fatal à la spécificité française consistant à mener une politique de la jeunesse centralisée, garantissant l’égalité républicaine sur nos territoires. Cette appréciation est sans doute assez largement partagée ici.
Le volet du texte relatif au logement porte l’ambition de favoriser la mixité sociale et de lutter contre les phénomènes de ségrégation sociale et territoriale. Nous partageons évidemment ces objectifs. La crise du logement, que rien ne vient démentir, l’impose. Si la situation s’améliore en matière de construction, le contexte reste terriblement tendu. Près de 900 000 personnes sont privées de domicile personnel et leur nombre a doublé de 2001 à 2012. 141 500 personnes sont sans domicile fixe et 3,5 millions mal logées. Celles qui vivent dans des conditions difficiles dues à un manque de confort ou au surpeuplement seraient au nombre de 2,9 millions.
Entre 2006 et 2013, le nombre de personnes contraintes de loger chez des tiers a augmenté de 20 % et celui des personnes vivant dans un logement en situation de surpeuplement de 17 %. Quant à ceux qui sont contraints de se priver de chauffage à cause de son coût, leur nombre a augmenté de 44 %. De 2014 à 2015, le nombre d’expulsions locatives a bondi pour s’établir à 14 363. Cette situation est directement corrélée à la hausse du chômage, de la précarité, des loyers et de la facture énergétique des ménages. Les situations de mal-logement, voire de non-logement, ont de lourdes incidences sur la santé, l’emploi, l’insertion et la réussite scolaire de millions de nos concitoyens et de leurs enfants. Sur ce point, permettez-moi, chers collègues, de saluer – car on ne le fait jamais assez – l’action des associations qui interviennent au quotidien aux côtés des plus démunis pour faire valoir le droit au logement.
Face à cette situation, il est bien sûr nécessaire de poursuivre l’effort de construction de logements locatifs sociaux de qualité mais aussi de réorienter les avantages fiscaux dont bénéficie le logement privé, tels le dispositif Pinel, vers l’aide à la pierre, réduite aujourd’hui à la portion congrue. Nous saluons l’engagement du Gouvernement de mobiliser davantage les territoires sur la vacance de logements comme de locaux commerciaux. En matière législative, un constat s’impose : l’empilement des mesures législatives et réglementaires n’a pas jugulé la crise du logement !
Or ce projet de loi se propose pour l’essentiel de compléter les dispositifs existants, d’ajouter en quelque sorte des feuilles au mille-feuille. La lutte contre les phénomènes de ségrégation territoriale est un objectif que nous faisons nôtre depuis des années. Nous ne pouvons qu’accueillir favorablement les mesures visant à améliorer la répartition des logements comme celles visant à lutter contre les stratégies d’évitement développées par certaines communes afin de ne pas accueillir de ménages à faibles revenus. Nous saluons aussi la mesure visant à réserver 25 % des attributions annuelles situées hors des quartiers défavorisés au quart des demandeurs les plus modestes, même si nous jugeons le critère retenu, les quartiers prioritaires de la politique de la ville, trop restrictif pour couvrir la réalité des situations de pauvreté.
En revanche, nous sommes beaucoup plus réservés au sujet du renforcement du supplément de loyer de solidarité, du durcissement de la perte du droit au maintien dans les lieux et de la possibilité ménagée aux bailleurs sociaux de moduler les loyers selon une logique proche de celle du marché. À nos yeux, ces mesures portent atteinte à des éléments essentiels du modèle HLM français. Nous plaidons au contraire depuis des années en faveur du renforcement de la mixité sociale de l’habitat, du relèvement des plafonds de ressources et, symétriquement, de l’encadrement des loyers dans le parc privé. Plus généralement, il nous semble important que le logement sorte du champ des lois du marché et de la spéculation, contrairement à ce que propose le programme de M. Fillon – je ne sais pas pourquoi je le cite aujourd’hui !
Sourires sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Il ne faudrait tout de même pas entrouvrir la porte pour qu’il donne un grand coup de pied dedans et s’engouffre dans cette voie ! Nous formulerons au cours de nos débats des propositions en ce sens.
Nous reviendrons également sur les questions relatives à la résorption de l’habitat insalubre ou au renforcement de la démocratie dans l’habitat. À ce stade, nous ne pouvons nous empêcher d’avoir le sentiment que les mesures proposées en matière de logement, comme les autres mesures du texte, ne sont pas assorties de moyens financiers suffisants pour concilier les deux objectifs prioritaires à nos yeux afin de faire vivre l’égalité républicaine, l’égal accès de tous au logement et une authentique mixité sociale.
Enfin, s’agissant du troisième volet du texte, son titre, « Pour l’égalité réelle », semble ambitieux au regard de son contenu. Certes, nous ne nions pas les avancées qu’il contient en matière de lutte contre les discriminations. Les dispositions visant à lutter contre les actes de racisme et de sexisme sont salutaires, comme les mesures en faveur de la diversité d’accès à la fonction publique. Plusieurs sujets majeurs manquent toutefois à l’appel – et mes propos sur ce point seront sans doute largement partagés ici – tels que le droit de vote des étrangers et la mise en place du récépissé de contrôle d’identité visant à encadrer les contrôles au faciès. Ces mesures étaient toutes deux des promesses de campagne du candidat Hollande !
Enfin, nous pouvons nous féliciter que la question de l’autonomie des femmes étrangères ait enfin été posée et entendue. Nous regrettons toutefois que notre proposition de loi sur ce sujet n’ait pas été reprise entièrement et que les droits de ces femmes ne soient donc pas pleinement reconnus. Ayant fait état de ces réserves, nous espérons que la discussion qui s’ouvre permettra d’améliorer encore ce projet de loi, ce qui conditionne bien entendu notre vote final.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission spéciale, monsieur le rapporteur général de la commission spéciale, monsieur et mesdames les rapporteurs thématiques, en tant que responsable du titre II du projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté pour le groupe socialiste, écologiste et républicain, je concentrerai mon propos sur cette partie, consacrée à la mixité sociale et à l’égalité des chances dans l’habitat. Ce texte est le troisième du quinquennat relatif au logement. Il fait suite à la loi relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social du 18 janvier 2013 et à la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové dite loi ALUR du 24 mars 2014. Rapporteure ou co-rapporteure de ces deux lois, je les connais bien et les ai suivies, y compris après leur promulgation, en publiant deux rapports relatifs à leur application en décembre 2014 et en octobre dernier.
La mise en oeuvre de textes de cette envergure prend du temps, car le délai de parution des décrets d’application est parfois long et surtout car les acteurs de terrain doivent se les approprier pleinement pour faire évoluer leurs pratiques. C’est pourquoi, à l’évocation de la partie relative au logement du projet de loi égalité et citoyenneté, je me suis d’abord montrée assez réservée sur l’opportunité d’un nouveau texte et davantage favorable à une certaine stabilité législative, comme plusieurs de nos collègues. De fait, même après les débats parfois âpres en première lecture, le titre II relève finalement davantage de l’ajustement que de la révolution et c’est heureux !
Nous avons constamment veillé à ce que les modifications introduites par ce projet de loi s’inscrivent dans la droite ligne de ce que nous avons précédemment voté. C’est vrai en matière de gestion intercommunale des attributions, car nous avons fait en sorte que le droit au logement aille bien de pair avec la mixité sociale et l’équilibre territorial grâce aux apports du groupe socialiste, écologiste et républicain et de M. le rapporteur général. C’est vrai du partenariat entre l’État, les collectivités locales et les bailleurs, car nous avons préservé les bonnes pratiques de mutualisation des contingents ou des objectifs de construction tout en durcissant encore les sanctions contre les communes ou parfois les organismes réfractaires.
Après l’adoption de ce projet de loi égalité et citoyenneté, que j’appelle de mes voeux, l’architecture globale prévue par la loi ALUR ne sera peut-être pas plus simple mais les questions de peuplement sont avant tout des questions humaines, qui nécessitent de la finesse et de la subtilité et dont il faut parfois admettre la complexité. Quoi qu’il en soit, le groupe socialiste, écologiste et républicain est satisfait des précisions apportées, en particulier de la rédaction actuelle de l’article 20. Concomitamment aux évolutions relatives aux attributions, le deuxième chapitre du titre II du projet de loi vise à mettre en place une nouvelle politique des loyers. La réforme proposée permettra aux municipalités qui le souhaitent de faire primer à l’avenir les objectifs de mixité sociale sur les questions techniques de financement.
Un amendement du groupe socialiste, écologiste et républicain, réintroduit après la suppression par le Sénat de l’article ainsi créé, permet même aux intercommunalités engagées dans une politique volontariste d’expérimenter pour une durée de cinq ans une politique des loyers encore plus innovante visant à faire converger l’ensemble des loyers pratiqués au sein du parc locatif social vers un seul et même niveau de loyer maîtrisé. Si ces expérimentations s’avéraient concluantes, ce que nous souhaitons, elles constitueraient véritablement l’amorce d’une véritable refonte de notre modèle du logement social.
En matière de loyers, les membres du groupe socialiste, écologiste et républicain se réjouissent aussi de la proposition formulée par Mme la ministre du logement consistant à reconduire le dispositif de limitation de la hausse des loyers HLM à l’indice de référence des loyers instauré dans le cadre de la loi de finances pour 2011 et prolongé pour trois années par la loi ALUR jusqu’au 31 décembre 2016. Je soulignerai aussi d’un mot notre satisfaction qu’un amendement alignant la définition de la sous-occupation des logements sociaux du code de la construction et de l’habitation sur celle de l’INSEE, comme l’a suggéré le Défenseur des droits, ait été rétabli en commission après avoir été supprimé par le Sénat.
J’en viens au troisième chapitre du titre II, qui vise à mieux répartir la construction de logements sociaux sur l’ensemble du territoire. Là où la demande en logement social est avérée mais l’offre disponible encore défaillante, le texte consolide encore les conditions d’application de l’article 55 de la loi SRU, déjà renforcées par la loi du 18 janvier 2013. Nous y sommes favorables, car il faut continuer à faire en sorte que ceux qui sont les plus récalcitrants à créer du logement locatif social en construisent davantage ou, à défaut, le financent. À ce sujet, je signale qu’en 2015, près de 52 000 logements sociaux ont été financés dans les communes déficitaires, dont 19 % par des prêts locatifs aidés d’intégration, 53 % par des prêts locatifs à usage social et 28 % par des prêts locatifs sociaux. Ces résultats témoignent du rééquilibrage induit par la loi du 18 janvier 2013.
En matière de construction, le groupe socialiste, écologiste et républicain a suscité plusieurs améliorations. Ainsi, nous maintenons la possibilité de mutualiser les objectifs triennaux de rattrapage. Nous avons également augmenté le prélèvement sur les communes déficitaires de 20 % à 25 % du potentiel fiscal par habitant tout en maintenant son plafonnement actuel à 5 % des dépenses de fonctionnement de la commune. Ce faisant, nous avons mis en oeuvre une recommandation formulée par le Conseil général de l’environnement et du développement durable dans un rapport publié en avril 2016 constatant, quinze ans après la mise en place de la loi SRU, que la part du prélèvement dans le budget de l’ensemble des communes concernées reste relativement faible, malheureusement !
Nous avons par ailleurs rendu inéligible à la DSU toute commune faisant l’objet d’un constat de carence, car on ne peut pas bénéficier d’une aide de solidarité quand on ne joue pas soi-même le jeu de la solidarité.
Je crois savoir que le Gouvernement veut revenir sur cette disposition, qui nous paraît pourtant de bon sens, lors de cet examen en séance publique et nous le regrettons.
Si la solidarité ne passe pas par la construction effective, elle doit au moins passer par la sanction financière. C’est la raison pour laquelle nous sommes aussi opposés à toute baisse des objectifs de rattrapage ou à tout étalement dans le temps. Atténuer l’objectif théorique, c’est forcément se priver des prélèvements ou des majorations dus pour non-respect de cet objectif et des financements qu’ils constituent pour le logement social.
Bref, le niveau des ambitions doit rester élevé. Cela vaut aussi pour les cessions de foncier public, et c’est la raison pour laquelle nous avons voulu autoriser l’État à céder du foncier public de gré à gré aux bailleurs sociaux, dès lors que l’opération prévue sur le terrain compte au moins 50 % de logements sociaux. Cette facilité permettra de débloquer rapidement certaines opérations. Ainsi, alors que soixante et onze cessions de foncier public ont été réalisées en 2015, l’objectif de cent cessions en 2016 sera je l’espère atteint.
Enfin, un quatrième chapitre de ce titre II visait à habiliter le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnances diverses mesures de simplification d’ordre législatif.
Le groupe SER assume la suppression de cette possibilité en ce qui concerne l’habitat indigne. Nous considérons qu’il faut laisser la loi ALUR s’appliquer avant de la faire évoluer, et nous préférerions que, plutôt que de travailler à des ordonnances, le ministère se concentre sur les décrets encore attendus en matière de déclaration ou d’autorisation de mise en location et de permis de diviser, sans compter qu’autoriser le recours à des ordonnances en cette fin de quinquennat peut paraître quelque peu hasardeux.
Nous avons donc accepté les ajustements sur certains points, et sur d’autres, nous avons refusé d’aller trop vite trop loin.
C’est aussi dans cet esprit que le groupe SER a examiné les articles ou amendements concernant le plan local d’urbanisme intercommunal – PLUI.
La réforme territoriale doit évidemment être prise en compte, mais elle ne doit pas être un prétexte pour remettre en cause un processus engagé depuis deux ans et qui fonctionne bien : le nombre de projets de PLUI a en effet triplé depuis la promulgation de la loi ALUR et 577 EPCI sont déjà compétents en matière d’urbanisme.
Je veux enfin saluer les progrès que nous avons apportés au texte au sujet des organismes de foncier solidaire. Plusieurs textes d’application des lois ALUR et Macron sont sortis récemment et nous allons dans ce projet de loi compléter encore le dispositif, comme le fait le projet de loi de finances rectificative qui sera bientôt débattu ici.
Chers collègues, vous l’avez compris, le groupe SER regrette, comme d’autres, que le Sénat ait méticuleusement détricoté le texte qui lui a été présenté, tant sur les attributions que sur l’article 55 de la loi SRU ou encore le PLUI. Ce sont bien deux conceptions politiques qui s’affrontent entre la vision du Sénat et celle de l’Assemblée nationale. De ce point de vue, les propositions du Sénat sont aussi éclairantes que les primaires de la droite.
Excellent ! La droite n’a pas encore gagné ! On va se battre jusqu’au bout !
C’est pourquoi la commission spéciale a voulu, en nouvelle lecture, rétablir pour le titre II l’esprit de la première lecture.
Au final, nous arrivons, je crois, à un texte dont nous pouvons être fiers et qui sera, pour ce quinquennat en tout cas, la dernière pierre à l’édifice que la gauche a bâti depuis 2012 au service d’une politique en faveur du logement partout et pour tous, une politique volontariste, ambitieuse et, surtout, une politique qui a fait ses preuves, avec, en 2016, 139 000 logements locatifs sociaux agréés et, sur les douze derniers mois, 432 000 logements autorisés.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Le projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté comprenait initialement 41 articles, ventilés en trois titres : citoyenneté et émancipation des jeunes, égalité des chances dans l’habitat, égalité réelle. À l’issue de son examen en première lecture, le texte en contient désormais 264 !
Il s’agit donc plus que jamais d’un projet de loi fourre-tout, agrégeant des articles qui instaurent des dispositions très différentes sans cohérence entre elles – une façon de faire que notre groupe les Républicains a bien l’intention de remettre en cause au cours de la prochaine législature, car on ne peut plus continuer à légiférer de la sorte.
Nous ne sommes pas dupes, ce texte a surtout vocation à faire revenir à vous les déçus du quinquennat : les jeunes, les associations, les habitants des quartiers… Mais il est trop tard. Le mal est fait, et s’est traduit à plusieurs reprises dans les urnes et, s’agissant de la jeunesse, dans les manifestations contre la loi travail.
Ce projet de loi revient donc en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, après l’échec de la commission mixte paritaire le 25 octobre dernier. Comme j’ai eu l’occasion de le faire en CMP, je veux souligner ici le travail fourni par la majorité sénatoriale, qui a bien tenté de réécrire le texte à l’encre du bon sens. Hélas, vous n’avez rien voulu savoir, éliminant d’un revers de main les améliorations apportées.
Sylvain Berrios a exposé les raisons de nos différences. Compte tenu du temps qui m’est réservé, je ne ferai que quelques remarques sur les titres Ier et II.
Sur le titre Ier, je commencerai par le positif. Car, oui, il faut le reconnaître, sur les 264 articles, nous en avons trouvé quelques-uns qui vont dans le bon sens, j’ai l’honnêteté de le dire.
Je me réjouis que le service civique soit adapté aux besoins opérationnels des sapeurs-pompiers. Je souscris également à l’idée d’une expérimentation sur le service civique obligatoire et universel, tant chacun reconnaît ses bienfaits, mais je m’interroge, monsieur le ministre, sur son financement. De même, je soutiens l’idée d’étendre l’agrément de service civique à certains organismes à but lucratif.
En revanche, vous connaissez nos doutes quant à la création du nouveau congé d’engagement, qui, certes, valorise le bénévolat, mais qui ne va pas manquer d’alourdir les charges pesant sur les entreprises.
Vous mesurez également notre opposition à la remise en cause de la liberté d’enseignement et de l’instruction en famille. Je rappelle à ce stade, chers collègues, que la ministre de l’éducation nationale a refusé de répondre à toutes nos interpellations sur ce sujet. Nous aurions aimé comprendre ses motivations profondes. Il n’y a pas eu moyen de savoir.
L’article 14 bis renforce les contrôles de l’enseignement dispensé aux enfants instruits en famille. L’autorité académique pourra déterminer les modalités et le lieu du contrôle. Les parents qui refusent deux fois de suite, sans motif légitime, de soumettre leur enfant à la vérification annuelle seront mis en demeure de l’inscrire dans un établissement d’enseignement public ou privé, selon la même procédure que celle prévue en cas de résultats insuffisants du contrôle. Nous voterons contre cet article et nous l’avons bien expliqué à la ministre.
À l’article 14 decies, le Gouvernement prévoit, pour l’ouverture des établissements d’enseignement privés, de substituer au régime de déclaration un régime d’autorisation et de fixer des règles identiques de procédure et de contrôle ainsi que d’exercice des fonctions de direction et d’enseignement, le tout par voie d’ordonnance. Nous aurions préféré harmoniser les procédures relatives aux trois régimes existants, allonger les délais d’opposition du maire et de l’État à deux et trois mois, et affirmer le principe d’un contrôle annuel de chaque classe hors contrat.
Contre les risques de radicalisation, puisqu’il semble s’agir de cela, nous proposions de créer de nouveaux motifs d’opposition à l’autorisation, quand la sécurité des locaux n’est pas assurée ou quand les conditions de titre et de moralité des chefs d’établissement et des enseignants ne sont pas respectées. Vous avez refusé ces propositions.
Le titre II a été l’occasion de mesurer à quel point la majorité socialiste craint les élus locaux et refuse de leur faire confiance dans l’exercice de leur mandat. Ils ont pourtant été élus démocratiquement. Pas question pour vous d’introduire de la souplesse et de donner de la liberté aux maires pour favoriser la mixité sociale. Nous estimons pour notre part, par exemple, qu’à dossier équivalent, le lien avec la commune devrait être pris en compte dans l’attribution des logements sociaux. De même, la voix du maire dans les commissions d’attribution devrait être prépondérante. Vous ne le souhaitez pas.
Ce titre II aurait pu être l’occasion d’assouplir la loi SRU, dont on voit bien qu’elle ne peut s’appliquer avec la même sévérité en tous points du pays. L’idée de notre groupe, c’était que l’obligation de construction de logements sociaux repose sur un contrat d’objectifs et de moyens entre l’État et la commune, d’une durée de six ans, afin d’adapter les obligations de construction à la situation de la commune. Éternel refus de votre part.
Il faudra pourtant un jour répondre à la question : est-ce le logement qui est social ou est-ce la situation de la personne qui exige qu’elle accède à un logement social ? Mais c’est un autre débat, qui ne manquera pas d’avoir lieu à l’occasion de la campagne présidentielle.
« La loi est faite pour prescrire, interdire, sanctionner. Elle n’est pas faite pour bavarder, créer des illusions, nourrir des ambiguïtés et des déceptions. La loi doit donc être normative : la loi non normative affaiblit la loi nécessaire en créant un doute sur l’effet réel de ses dispositions. »
Tels sont les mots du Conseil d’État dans son rapport public de 2006, auxquels le groupe UDI souscrit bien volontiers. Retenons-les bien et demandons-nous si le projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté, que nous examinons aujourd’hui en nouvelle lecture, répond à cette exigence.
Oui, l’égalité tout comme la citoyenneté sont des concepts forts, qu’il paraissait nécessaire d’invoquer après les événements tragiques qui ont secoué notre pays en s’attaquant à nos valeurs. Malheureusement, le texte présenté en première lecture par le Gouvernement n’était pas à la hauteur des enjeux, se contentant de mesures d’ajustement et, certes, de bonnes intentions proclamées.
Que dire aujourd’hui du texte que nous examinons en nouvelle lecture ? En dépit des efforts de recentrage effectués par le Sénat sur les titres Ier et III, la commission spéciale de l’Assemblée nationale est retombée dans les travers que nous avions dénoncés en première lecture.
Le projet de loi égalité et citoyenneté s’est ainsi transformé en un recueil de déclarations disparates trop souvent dépourvues de réelle portée normative.
À titre d’exemple, citons l’article 19 septies : « La Nation reconnaît le droit de chaque jeune atteignant à compter de 2020 l’âge de dix-huit ans à bénéficier, avant ses vingt-cinq ans, d’une expérience professionnelle ou associative à l’étranger ». Voilà bien un exemple de mesure parfaitement incantatoire. À quoi bon reconnaître un droit si celui-ci n’est pas opposable, et il ne le sera pas, que je sache ?
Certes, nous soutenons plusieurs mesures contenues dans le titre Ier, comme la réserve civique et l’extension du service civique, mais nous serons particulièrement attentifs encore une fois à leur mise en oeuvre. Si, jusqu’à présent, le bilan de la réserve citoyenne est très mitigé, c’est en partie en raison d’un manque d’impulsion et de moyens. Aussi, pour être efficaces et trouver leur pertinence, ces mesures nécessiteraient l’engagement plein et entier des pouvoirs publics.
En définitive, nous soutenons en règle générale les dispositions visant à favoriser la citoyenneté, mais nous redoutons également que ce texte ne participe au dévoiement de certaines formes d’engagement. Ainsi, nous restons opposés, comme le Sénat, à ce que les branches puissent décider de la rémunération du congé d’engagement. De même, nous craignons que la rémunération des dirigeants dans les associations de jeunes ne modifie la nature initiale de leur implication.
Une réelle source de satisfaction demeure cependant puisque l’article 14 bis A a été maintenu. Adoptée à notre initiative, cette disposition vise à favoriser la mobilité internationale des apprentis. C’est une mesure ambitieuse mais concrète que nous souhaitons voir financer par les organismes paritaires collecteurs agréés.
L’apport d’une telle expérience tant pour le développement personnel que pour la carrière professionnelle n’est plus à démontrer, et nous souhaitons qu’elle soit rapidement mise en oeuvre.
Mes chers collègues, c’est enfin et surtout le titre III qui nous plonge dans un abîme de perplexité puisqu’il traite indistinctement de la consommation locale et biologique dans les cantines, de la protection des femmes étrangères, de la fonction publique, des médias, du sexisme, du bizutage, de la négation des génocides, des conseils citoyens, de la fessée et j’en passe. Autant de mesures hétéroclites dont nous doutons qu’elles permettent de lutter réellement contre les discriminations et de favoriser la cohésion sociale. Pour l’instant, elles nous semblent surtout créer des contraintes pour les collectivités ou les entreprises.
J’en arrive au titre II du texte, relatif à la mixité sociale et à l’égalité des chances dans l’habitat. Là aussi, le constat d’une loi bavarde pourrait être fait. Partant de treize articles, nous dépassons désormais les soixante-dix. Mais ce que nous critiquons surtout dans cette partie, qui propose par ailleurs des mesures tout à fait bienvenues, ce sont les dispositions qui empiètent largement sur le champ réglementaire, on ne le répétera jamais assez.
Nous approuvons plusieurs des éléments de ce titre, tels que l’amélioration de la politique d’attribution des logements sociaux et la volonté du Gouvernement de favoriser la mixité sociale en permettant aux catégories les plus modestes de trouver un logement dans les quartiers considérés comme plus aisés. Nous nous félicitons aussi d’avoir pu faire adopter, dès la première lecture, un amendement sur les règles qui doivent régir la location des logements sociaux, prévoyant notamment d’en interdire la sous-location.
De l’examen au Sénat, nous retiendrons plusieurs mesures qui nous semblent de bon sens, mais qui ont malheureusement été écartées en commission spéciale et que nous porterons au cours de la séance. Nous proposerons ainsi de rétablir la pérennisation du dispositif de dématérialisation d’attribution de logements, qui n’a pour le moment qu’une valeur expérimentale.
Tous les acteurs du logement social s’accordent pour dire que l’expérimentation en oeuvre est efficace. Pourtant, l’argument inopérant d’une déshumanisation, alors qu’à tout moment un renvoi à une commission d’attribution physique est possible, a servi à repousser une mesure utile pour accélérer les processus d’attribution, limiter la vacance dans le parc social, mais aussi, et surtout peut-être, écarter les éventuels passe-droits.
En outre, nous redemanderons la prise en compte des logements financés par un prêt social de location-accession dans l’effort de construction triennal imposé aux collectivités soumises au taux de 25 % de logements sociaux, lorsqu’elles ont déjà atteint un taux de 20 %. Cette mesure nous semble indispensable pour reconnaître les efforts consentis par les communes qui font face à un foncier disponible particulièrement limité et, plus encore, pour assurer une véritable mixité des logements et de leurs occupants, même modestes.
Par ailleurs, il nous semblerait pertinent de dispenser les opérations de construction de logements intermédiaires du respect de la condition de construction de 25 % de logements sociaux dans les communes comptant déjà plus de 35 % de logements locatifs sociaux.
Enfin, nous regrettons la suppression de la possibilité offerte aux bailleurs sociaux de donner en gestion des résidences qu’ils construisent à des opérateurs partenaires tels que les Crous et les associations dédiées aux logements étudiants.
En résumé, le titre II prévoit des mesures intéressantes, mais qui en appellent d’autres en matière de simplification des procédures et de ciblage des moyens, qui ne sont pas illimités. En effet, intégrées au projet de loi égalité et citoyenneté, certaines mesures, souvent trop détaillées, complexifieront encore un texte déjà difficilement intelligible.
En définitive, ce que je qualifiais en première lecture, pardonnez-moi, de vide-grenier législatif n’a guère changé.
Alors que nous aurions pu très majoritairement approuver le titre II portant sur le logement, l’éclectisme, peut-être subtil, madame la rapporteure, mais particulièrement débridé, des titres Ier et III nous condamnera très probablement à nous abstenir.
En juin dernier, nous votions ce projet de loi visant à donner plus de moyens au secteur associatif et plus de droits aux jeunes, et à améliorer la mixité sociale dans le secteur du logement.
Malheureusement, lors de son passage au Sénat, le texte a été dénaturé. Mesdames, messieurs de l’opposition, vous n’y allez pas avec le dos de la cuillère ! Au Sénat, vous avez supprimé toutes les dispositions positives relatives à la vie associative. Vous avez notamment supprimé la disposition très attendue par les associations concernant le congé d’engagement en faveur des bénévoles qui exercent des responsabilités associatives.
En matière sociale non plus, vous n’y allez pas de main morte. Vous ressortez de vos placards votre vieille proposition de contrat première embauche.
Vous proposez sans frémir un contrat précaire, à temps partiel et sous-payé pour nos jeunes. Et vous nous donnez des leçons !
Je vous rappelle, pour mémoire, que ces mêmes jeunes s’y étaient opposés très fermement en 2006, lorsque vous étiez au pouvoir.
En matière de logement non plus, vous ne faites pas dans la dentelle. Vous proposez carrément de supprimer l’obligation faites aux communes de réaliser 25 % de logements sociaux.
Franchement, vos propositions concernant cette loi et, d’une manière plus générale, celles de vos champions dans les primaires n’augurent rien de bon, si par malheur vous accédiez au pouvoir.
Je le dis à nos concitoyens : mes chers compatriotes, prenez le temps de lire les programmes ! Prenez le temps de lire les propositions des candidats à la primaire de droite, et vous verrez la différence ! Gauche et droite, ce n’est pas pareil. La vérité, c’est que MM. Fillon et Juppé nous préparent un formidable bond en arrière, de quarante ans, qui nous renverrait aux pires années Thatcher et Reagan, avec une dérégulation économique poussée à son extrême et un conservatisme social glaçant.
Bien sûr, cette loi ne réglera pas tous les problèmes, loin de là. Ce n’est d’ailleurs pas son objectif. Il s’agit plutôt d’une succession de mesures visant à améliorer les choses. En matière de citoyenneté, par exemple, la loi propose le développement du service civique et la création d’un congé d’engagement, ce dont je me félicite. Il faut effectivement encourager l’engagement citoyen dès qu’il se manifeste. Il y a tellement de gens bien, tellement de bonnes volontés qu’il serait totalement absurde de ne pas les épauler. C’est le sens de la création de ce congé d’engagement que la droite veut rejeter.
Le texte a également pour objectif de mieux répartir le logement social dans les communes. Il faut effectivement plus de mixité sociale dans le pays. Dorénavant, les préfets devront garantir cette mixité et ils pourront imposer la construction de logements sociaux aux communes qui n’appliquent pas les 25 % prévus par la loi et qui font preuve de mauvaise foi. Cette disposition, mesdames et messieurs de l’opposition, vous n’en voulez pas non plus.
Heureusement, mes chers collègues, à l’issue des débats en commission, vos propositions les plus rétrogrades ont été rejetées, ce qui est positif pour le texte. Dorénavant, ce projet de loi contient une succession de bonnes mesures, incomplètes sous certains aspects certes, mais bonnes. Notre groupe proposera plusieurs amendements tout au long de nos débats pour l’améliorer encore.
Plus elle est partagée, plus elle est disputée, revendiquée, et plus elle est belle. Il en est ainsi de la République, du sentiment républicain, qui l’une comme l’autre n’ont de sens que s’ils sont partagés et ressentis par le plus grand nombre.
Mais la République est parfois loin pour un grand nombre de nos concitoyens. Elle est loin pour ceux que la crise a reclus dans un chômage profond et durable. Elle est loin pour ceux que leurs origines sociales, pour ceux, trop nombreux, que leurs origines ethniques, pour celles et ceux que leur seul genre ont parfois déclassés ou repoussés dans des rangs ou des rôles subalternes. Pour tous ceux-là, la République est loin et souvent, leur seule façon d’exprimer leur désenchantement, leur sentiment de relégation, leur seule expression est de n’en point avoir, de se taire, de traduire leur réprobation par le silence.
Lorsque s’éloigne la promesse d’un État juste, bienveillant avec tous ses enfants, et que l’espoir de vivre mieux grâce à l’effort de tous s’éteint progressivement, la force de participer, de contribuer vous quitte, jusqu’à ne plus voter. Avec cette lumière qui faiblit, c’est la République qui s’éteint. La première raison de ce texte, et il y en a bien d’autres, est à chercher ici, dans la créativité dont il nous faut faire preuve pour sans cesse tenir en éveil l’intérêt du plus grand nombre pour le modèle républicain – non pas un intérêt d’esthète qui contemplerait une belle oeuvre dont il ne se sentirait ni le créateur, ni le propriétaire, mais l’intérêt que l’on porte à la réalisation d’un ensemble auquel on est fier de contribuer et dont on est conscient qu’il ne peut prospérer que par la contribution que chacun apporte.
Il faut donc, plus que jamais, dans l’époque que nous traversons, où beaucoup trop de nos concitoyens se détournent de la République, faire preuve de créativité, d’inventivité, pour ouvrir de nouvelles routes, offrir de nouveaux terrains sur lesquels l’engagement prospère comme un signe avant-coureur du sentiment républicain. Cette mission de traquer les inégalités trop souvent sources de désengagement, de promouvoir de nouveaux droits et de nouveaux espaces de liberté, donc d’engagement, revient bien sûr à l’État, à ceux qui l’incarnent au Gouvernement, à la représentation nationale et enfin, bien sûr, à la société civile et aux nombreux courants qui la traversent et se cristallisent autour d’innombrables causes.
Ce texte, monsieur le ministre, s’inscrit dans le double objectif de répondre au besoin d’égalité face aux injustices que ressentent encore nombre de nos concitoyens et d’offrir, d’inventer de nouveaux espaces et de nouveaux terrains pour l’engagement.
Je ne m’attarderai pas sur les débats auxquels il a donné lieu au Sénat. Si la commission mixte paritaire a échoué, c’est que l’analyse qui a fondé le principe même de ce texte n’était pas partagée. Cela reste pour moi une source d’incompréhension. Pourquoi, en effet, s’opposer à un meilleur partage, inventif et approfondi, du bien commun qu’est notre République ? Je ne doute pas que l’Assemblée nationale saura rétablir un équilibre un court moment rompu.
Je tiens particulièrement à saluer dans ce texte ce qui, incontestablement, représente un ensemble de progrès pour la démocratie sociale – car ne nous leurrons pas : en appeler à l’engagement de tous sans en offrir les moyens relève de l’incantation gratuite et inopérante. La loi institue le congé d’engagement, qui permettra aux bénévoles dirigeants du monde associatif, lequel en évalue le nombre à 9 millions de nos compatriotes, de bénéficier d’une semaine de congés, éventuellement rémunérés. Cette mesure est une avancée considérable qui, à terme, renforcera le rôle et les capacités de la société civile et de ses mouvements.
Ce texte renforce le service civique, en étendant le champ des missions possibles, institue et développe la réserve civique et instaure la pré-majorité associative, pour des mesures immédiates, visibles et massives. Mais il traite aussi de sujets qui auront sans doute moins d’échos dans l’opinion sans être moins essentiels à la vitalité de l’engagement. J’en ai retenu deux exemples.
La réforme de la procédure de reconnaissance d’intérêt général, d’abord, constitue une avancée importante. Désormais, ce sera aux préfets, plutôt qu’aux seuls services fiscaux, de dire si un organisme est d’intérêt général ou non, en s’appuyant notamment sur les travaux du Haut conseil à la vie associative, dont je salue la qualité.
L’intérêt général ne saurait en effet ne rester qu’une notion économique ou fiscale. Il doit pouvoir se fonder demain sur l’objet même, et seulement lui, de l’organisme concerné. Cette mesure n’est pas anecdotique, puisque que cette reconnaissance détermine la capacité à émettre des reçus de dons, qui permettent aux donateurs de déduire de leurs impôts une partie des dons qu’ils effectuent. Dans une période où l’on invite les associations, en particulier, à diversifier les sources de leurs revenus, cette mesure, tout à fait opérationnelle, prend bien sûr tout son sens.
Deuxième exemple : l’État pourra désormais mettre à disposition du monde associatif les biens qui lui reviennent, réputés mal acquis et qui pourront ainsi, après avoir eu vocation à enrichir des délinquants, venir enrichir des actions d’intérêt général, au service du plus grand nombre. Quel juste retour des choses !
Ce ne sont bien sûr que quelques exemples isolés parmi tant d’autres, qui, appréciés dans leur ensemble, forment un motif remarquable d’encouragement à être demain encore plus et mieux républicain.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Pour cette nouvelle lecture du projet de loi égalité et citoyenneté, le groupe Les Républicains approuvait la version issue des travaux du Sénat, qui ont permis d’élaguer un texte à l’origine extrêmement confus et dont le sens général demeurait plutôt obscur. Mais cet allégement a été de courte durée car les débats en nouvelle lecture ici, à l’Assemblée nationale, ont simplement permis à la majorité d’insérer, de nouveau, plusieurs dispositions qui n’avaient pas toujours leur place dans un texte déjà très lourd. Un texte tellement foisonnant que des cavaliers et des dispositions absurdes sans aucun lien entre elles ont pu être débattus, tels que l’abaissement du droit de vote à seize ans ou la remise de récépissés lors des contrôles d’identité par les forces de l’ordre. Je m’étonne même d’avoir dû déposer, avec le groupe Les Républicains, un amendement revenant sur la suppression de la fessée…
Admirez la variété des sujets : réserve civique, logement, lutte contre les discriminations, éducation parentale… Cherchez l’erreur ! Malgré une salutaire clarification du Sénat, des suppressions d’articles accessoires et une meilleure cohérence globale qu’à ses débuts, ce projet de loi reste lourd, peu lisible, et clairement symptomatique de l’inflation législative que nous dénonçons tous. Une inflation que la majorité alimente et conspue à la fois. Une inflation qui ne rend pas service au débat. Vous conviendrez que chaque titre pourrait à lui seul faire l’objet d’un projet de loi !
S’agissant du titre III, nous sommes d’accord pour affirmer que la lutte contre les discriminations de toutes sortes est un combat essentiel.
Il serait souhaitable et même normal qu’en 2016, chaque Français puisse réussir dans ce pays uniquement grâce à son talent, grâce à son travail, ses efforts, et non en raison de ses origines familiales, sociales ou territoriales. C’est cela, la République qui réussit ! Il serait normal que des jeunes voient plus leur avenir en France qu’à l’étranger, qui leur donne parfois plus de chances. Et en ce sens, j’espère que les débats que nous aurons en séance publique, en nouvelle lecture, nous permettront de contribuer à remédier aux inégalités dont sont toujours victimes certains de nos concitoyens.
Hélas, la majorité a distillé des mesures que l’on peut qualifier d’idéologiques dans un texte qui ne devrait pas l’être. Plus d’égalité entre les Français ? Nous voulons tous agir pour atteindre cet objectif. Plus de fraternité entre les Français ? Nous ne pouvons que le souhaiter, à plus forte raison dans la période de doutes et de troubles que nous connaissons actuellement. Mais la liberté, pourtant valeur fondamentale de notre pays, inscrite dans la Constitution, cette liberté donc a été cruellement oubliée. Le titre III, pour ne parler que de lui, ne fait qu’ajouter de nouvelles contraintes pour les entreprises, dans le cadre des procédures de recrutement par exemple, ou de nouvelles obligations pour les collectivités.
L’esprit de ce texte, nous l’avons maintes fois répété, a pris un tournant trop politique. D’un projet de loi qui aurait pu être pragmatique, nous sommes arrivés à un texte rempli de mesurettes visant uniquement à conforter une majorité qui doute. Une majorité qui doute d’elle-même, de ses capacités à proposer des perspectives pour l’avenir, et qui a besoin de se retrouver, de se rassurer, dans certains marqueurs de gauche ; qui doute des Français aussi, puisque ce projet de loi ne leur promet que des contraintes, des obligations, des interdictions, des normes supplémentaires, qui ne font que traduire un manque de confiance des socialistes dans les acteurs locaux pour régler des problématiques locales. Elles traduisent aussi une volonté de faire intervenir les pouvoirs publics à tort et à travers, dans la sphère économique et parfois dans la vie privée des Français – autant de lieux qui ne devraient pas être gérés par l’État.
Je me permets finalement de souligner que, dans le combat contre les discriminations qui fait pourtant l’objet d’un titre entier, et auquel je suis attaché, la ruralité et la jeunesse rurale restent les grandes oubliées de cette loi égalité et citoyenneté. Grandes oubliées de ce texte, et plus largement oubliées de la majorité socialiste depuis 2012. Les inégalités territoriales restent trop fortes dans notre pays et chacun ne se voit pas accorder les mêmes chances et la même attention selon qu’il est né en ville, en zone périurbaine ou à la campagne. Accès aux formations et à l’emploi, aux transports, au numérique : rien n’est fait pour réduire ce que je nomme la fracture rurale, fracture qui sera bientôt un abîme.
Comment assurer l’égalité et la citoyenneté, comment donner le sentiment d’appartenance à une communauté nationale, quand les circonstances séparent à ce point des jeunes d’une même génération, au sein d’un même pays ? Cette jeunesse innovante et courageuse que je fréquente chaque jour dans ma circonscription, les socialistes ne s’y intéressent plus depuis longtemps. Ce texte, qui était l’occasion de rectifier le tir, manque son objectif : celui d’assurer une véritable égalité, une égalité réelle pour tous les Français.
Quel étrange texte que cette loi égalité et citoyenneté, qui porte en elle une formulation pléonastique et amphigourique ! L’égalité est forcément citoyenne, et la citoyenneté, forcément égalitaire. Pourquoi cette répétition dans les mots ? Pour une raison très simple : vous êtes des législateurs sonores. Vous n’êtes pas dans le fond, vous êtes dans le son. Cela explique que vous créiez des lois qui ne sont pas ancrées dans le réel. Un orateur l’a dit, avec raison : ce texte n’est accompagné d’aucun moyen financier. Les mots sont là, mais non les moyens.
Oui, vous êtes dans l’incantation, vous êtes des incantateurs de la loi, et vous abîmez la loi, car celle-ci a besoin d’être inscrite dans le réel et non dans l’onirique législatif. Il arrivera un moment où vous toucherez terre : ce sera dans peu de temps, et je crains fort que l’atterrissage vous fasse bobo – mais pour des bobos, il est normal de se faire bobo…
Quelques observations. J’aurais aimé que l’on évoquât les emplois, la culture, la formation, les soins – tout ce qui relève de l’utilité réelle. On ne le fait pas ; on fait de la poésie législative. Ah, vous irez tous au paradis ! Vous êtes tellement bons, tellement gentils, vous avez tellement l’intention de bien faire, en sachant que vous ne le ferez jamais… Quand on veut prendre le réel dans les mains pour le travailler, on est crasseux et sale.
…alors que vous, vous êtes dans l’onirique le plus complet !
Quelques exemples.
Le titre III est un fourre-tout d’arlequins, de petits pitres législatifs : le bizutage, les femmes étrangères, le sexisme… N’en jetez plus ! On a vraiment tout mis dans le sac, vous pouvez tirer tous les concepts que vous voulez : ils sont là, à l’encan, on vous offre tout ! Et quand on touche à la question de la réserve civique et citoyenne, on apprend que la loi va permettre de recruter des réservistes étrangers, issus de toute l’Union européenne, voire tout émigré extra-européen résidant régulièrement en France depuis plus d’un an. Franchement, vous avez perdu la raison !
Et proposer d’envoyer des salariés de l’Union européenne dans toute la France ?
Si vous pouviez vous taire, cela me permettrait de ne pas vous écouter, ce qui me reposerait. L’orateur doit pouvoir parler dans cette enceinte où il y a un minimum de démocratie à respecter !
Chers collègues, il y a un minimum à respecter dans les propos tenus dans cette assemblée…
Monsieur Collard ! Il y a un minimum à respecter dans les propos. Attention aux mises en cause. Vous avez la parole, je le dis au rapporteur général, mais ne mettez pas en cause.
Un des membres de la commission s’agite, monsieur le président, et c’est à vous et non à moi, normalement, de le rappeler à l’ordre !
Pardon, mais je n’attends pas que vous me fassiez la leçon et m’expliquiez comment je dois présider !
Je suis à la tribune, je m’explique, et cela fait plusieurs secondes que vous essayez de m’empêcher de parler.
Vous pouvez dire ce que vous voulez, monsieur Collard : je vous demande de poursuivre.
Voyez ? « Déjà » ! Et vous trouvez cela normal, monsieur le président… Je vous le fais juste remarquer.
Oui, bien sûr ! C’est trop souvent le cas quand je m’adresse à vous.
Je voudrais vous faire également observer que l’article 33 crée un schéma régional d’accueil des demandeurs d’asile. Quelle bonne mesure ! En même temps, vous allez obliger les maires à recevoir de plus en plus de personnes, et à créer de plus en plus de logements sociaux.
Il me reste une minute, et je voudrais conclure sur un article à propos duquel je suis tout à fait d’accord avec vous. Le président, et vous tous, me donnerez donc raison. C’est l’article 39. Voyez comme le silence se fait… Cet article permet à certaines associations d’engager des poursuites contre tous ceux qui voudraient salir l’honneur de la résistance et des déportés. J’approuve de tout mon coeur, et du coeur de mon père, cet article. Mais je voudrais vous demander d’y penser également demain à midi, quand vous inaugurerez, dans cet hémicycle, une plaque et rendrez les honneurs républicains à M. Robert Schuman, ancien ministre du « maréchal » Pétain et fossoyeur de la République le 10 juillet 1940. Moi, je ne serai pas là !
La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse. Nous vérifierons un certain nombre de choses par la suite, monsieur Daubresse.
Sourires.
Monsieur le président, on peut avoir des conceptions politiques différentes et les exprimer. Mais on doit quand même respecter les grands hommes de notre République, qu’ils viennent de la gauche ou d’ailleurs, et notamment les pères fondateurs de l’Europe qui ont permis, avec d’autres, que nos pays vivent en paix pendant plus de cinquante ans.
Je le dis comme je le pense, et je remercie le président de l’Assemblée d’avoir pris cette initiative d’installer une plaque.
Applaudissements sur divers bancs.
Monsieur le ministre, comme ancien ministre de la jeunesse et de la vie associative ayant mis en place le service civique, j’ai apprécié toute une série d’articles du texte que vous présentez ce soir, et qui ont d’ailleurs fait l’objet d’un accord entre l’Assemblée et le Sénat. Mais s’agissant du volet « Habitat » – j’ai bien entendu Audrey Linkenheld, avec qui je travaille assez souvent dans la métropole lilloise –…
…qui va enfoncer un peu plus le logement, après la funeste loi ALUR qui avait abouti à un déficit de confiance terrible dans le BTP. Mme Cosse aura beau triturer tous les chiffres qu’elle veut, comme elle l’a fait cet après-midi, en me répondant sur le nombre de permis de construire alors que je lui parlais des logements réellement commencés, François Hollande ne tiendra jamais sa promesse de construire 500 000 logements par an.
Il n’arrivera jamais à inverser la courbe de la décroissance du logement, alors que nous l’avons fait. Avec le plan Borloo, il y a dix ans, nous avons triplé le logement locatif social, en partant de 40 000 sous Jospin pour arriver à peu près au niveau dont vous vous glorifiez aujourd’hui. Je constate donc qu’il y a des politiques du logement qui marchent ! Pour tous ceux qui l’auraient oublié, je dis aussi que nous avions, à l’époque, également inversé la courbe du chômage, passant de 10,3 à 7,6 % de chômeurs.
Vous allez proposer, dans ce titre II consacré au logement, une stratégie de peuplement totalement irréaliste et calamiteuse pour les communes, qui incarne à la perfection l’idéologie bureaucratique qui a toujours guidé sans résultat le secteur du logement sous la gauche. Le système est à bout de souffle. Soit vous continuez comme aujourd’hui, avec toujours plus de dépenses publiques, toujours plus de contraintes, toujours plus de défiance à l’égard des acteurs, notamment les maires ; soit on rompt avec le dogme du dirigisme en introduisant de la liberté et de la confiance – c’est bien ce que nous voulons faire.
J’ai beaucoup travaillé sur cette question du logement avec Nicolas Sarkozy et François Fillon. Si le peuple nous donne le pouvoir en 2017, nous avons l’intention de changer radicalement de politique dans ce domaine. Vous pourrez, madame Linkenheld, venir à cette tribune, comme je l’ai fait chaque année avec Mme Duflot, et constater les résultats. Je vous donne d’avance rendez-vous !
Que voulons-nous faire ? Nous allons abroger la loi ALUR, qui a brisé la confiance. Nous allons réviser substantiellement la loi SRU, pour donner à l’intercommunalité la compétence de fixer les objectifs de construction en zone tendue et définir la part de logements sociaux sur son territoire. Au lieu d’agir de façon verticale et uniforme, nous tiendrons compte de la disparité entre les territoires et nous mettrons fin à l’absurde règle uniforme des 25 % de logements sociaux obligatoires, en passant d’une logique de stock à une logique de flux. Vouloir mettre tout le monde sous la même toise, vu la diversité de la République française, est une erreur totale. Dans le même temps, les aides associées à la construction de logements sociaux devraient cesser au-delà du seuil de 30 à 40 % de logements sociaux, pour mettre fin à la constitution de ghettos.
Nous supprimerons l’encadrement des loyers et nous développerons le locatif intermédiaire avec un bail qui accordera des avantages fiscaux supplémentaires au propriétaire, liés au montant du loyer.
Nous instaurerons une nouvelle relation de confiance entre le propriétaire et le locataire, avec une procédure accélérée pour réduire les délais d’expulsion, mais en contrepartie, nous supprimerons les garanties excessives demandées par le propriétaire aux locataires.
Nous donnerons les mêmes aides budgétaires et fiscales aux investisseurs, qu’ils soient publics ou privés. D’ailleurs, le seul résultat positif de votre politique du logement sous ce quinquennat, c’est l’amortissement Pinel, qui n’est qu’un décalque des politiques que nous avons menées sous le quinquennat précédent. Les règles de la fiscalité sur le logement seront gravées dans le marbre pour cinq ans : une TVA à taux réduit pour l’acquisition de la résidence principale ou pour un investissement locatif long, dans les périmètres des grands projets d’aménagement. Nous faciliterons évidemment la vente de logements HLM aux locataires.
Comme le propose François Fillon, nous créerons une prestation sociale unique, plus simple, à laquelle seront intégrées les aides au logement, afin de garantir que les revenus de l’assistance soient toujours inférieurs à ceux du travail. Nous simplifierons de manière pérenne les normes du bâtiment.
Bref, si le peuple nous redonne le pouvoir en 2017, nous relancerons notre politique du logement en misant sur plus d’investissement, plus d’efficacité et de justice, plus de liberté et de confiance ; c’est-à-dire tout le contraire de ce que vous proposez dans cette partie du projet de loi.
N’en doutez donc pas, nous ne vous laisserons pas faire et nous abrogerons la plupart des dispositions du titre II que vous voulez nous faire voter aujourd’hui – à moins que vous ne preniez en compte le texte du Sénat, ce qui ne semble pas être l’intention de M. Kanner.
Ne soyez pas la droite de l’abrogation ! Cela ne nous a pas réussi, à nous, d’être le parti de l’abrogation !
Il est temps de passer aux actes. Je vous donne rendez-vous l’année prochaine !
Nous vous reverrons d’ici là, monsieur Daubresse !
La discussion générale est close.
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.
Je vous informe qu’à la demande du Gouvernement, l’Assemblée examinera par priorité le titre III du projet de loi à l’issue de l’examen du titre Ier.
J’approuve un certain nombre de dispositions qui figurent dans ce projet de loi, même s’il est vrai qu’elles ne sont pas toutes normatives – comme l’a relevé avec esprit et précision Michel Piron, dont j’approuve une partie des propos – et même s’il y a beaucoup de disparate dans ce texte.
Il y a néanmoins un axe intéressant, qui ne figure pas dans le titre : celui de l’intégration. Un certain nombre de dispositions de droit dur, touchant par exemple à la mixité sociale, vont en effet dans ce sens, et consolident ce socle de la citoyenneté qu’est l’intégration.
Je regrette donc le fait que les dispositions de votre texte, monsieur le ministre, sur la réserve civique restent un peu en deçà. J’ai peu de temps, et nous avons déjà eu ce débat en commission spéciale, mais je tenais à vous le dire. Je comprends que vous ayez voulu valoriser l’engagement : c’est une idée positive. Je crois pour ma part, vous le savez, à un service national universel et obligatoire. Nous devrions y travailler, y réfléchir, car la jeunesse de notre pays demande des règles, parfois explicitement, parfois implicitement.
Je ne crois pas que l’on puisse faire de l’intégration uniquement par le social ou par le non-discriminatoire. La citoyenneté n’est pas soluble dans la lutte contre les discriminations : c’est à la fois autre chose et plus que cela. C’est pourquoi j’appelle toujours de mes voeux un service national obligatoire, pour lequel je continuerai de combattre, avec plusieurs de mes collègues.
C’est la seule manière de restaurer la connaissance civique, de donner le goût de la sécurité du territoire, et surtout d’effectuer un brassage social et géographique. L’engagement volontaire, si noble soit-il, ne permet pas tout cela.
Nous en venons aux amendements.
La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l’amendement no 484 .
Cet amendement vise à préciser que l’avis du Haut conseil à la vie associative, pour la création de nouvelles réserves thématiques, est un avis conforme.
Vous savez que les avis du Haut conseil à la vie associative sont très souvent suivis. Je ne pense donc pas qu’il soit utile d’aller plus avant en lui donnant un pouvoir de blocage. La commission a donné un avis défavorable.
Le Haut conseil à la vie associative est une instance consultative qui n’a pas vocation à émettre des avis contraignants pour le Gouvernement. Mme la rapporteure a raison de souligner que ces avis, qui sont très intéressants, sont souvent suivis dans les faits. Mais ils ne méritent pas pour autant de devenir opposables au Gouvernement ! L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
Au bénéfice des explications données par Mme la rapporteure thématique et M. le ministre et pour montrer nos bonnes intentions, je retire cet amendement.
L’amendement no 484 est retiré.
Nous en venons à l’amendement no 485 . Monsieur Richard, le retirez-vous ?
Non, monsieur le président ! Il s’agit de questions importantes.
Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 9, aux termes duquel cette réserve civique « contribue à développer la fraternité, la cohésion nationale et la mixité sociale. » Nous sommes tous d’accord avec cet objectif.
Sourires.
C’est un objectif ambitieux, plus encore que celui du service national. Dans le code du service national, il est seulement fait référence, en effet, à la cohésion nationale et à la mixité sociale : à l’époque, le législateur n’avait pas jugé bon de mentionner aussi la fraternité.
Je vous propose de supprimer cet alinéa 9, car je ne vois pas bien comment on pourra contrôler son application. Il me paraît dépourvu de portée normative.
Je conviens que cet alinéa n’a pas une très grande portée normative. Il me semble néanmoins que la loi doit fixer les objectifs de la réserve civique. La commission a donc donné un avis défavorable.
Même avis.
L’amendement no 485 n’est pas adopté.
La parole reste à M. Arnaud Richard, pour soutenir l’amendement no 486 .
Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 12, qui pourrait entraîner, à l’avenir, des contentieux.
La commission a donné un avis défavorable, pour les raisons que j’ai présentées en commission spéciale. Je ne vois pas en quoi cet alinéa serait particulièrement source de contentieux. Il est préférable, là encore, de préciser que l’État chapeaute le dispositif.
Comme vient de le dire Mme la rapporteure thématique, il est primordial que l’État conserve un droit de regard sur les finalités de la réserve civique et soit le garant de son intégrité. C’est une nouvelle politique que nous allons instituer : la suppression de cette compétence de l’État affaiblirait ce dispositif, que vous soutenez pourtant. C’est pourquoi je suis défavorable à votre amendement.
L’amendement no 486 n’est pas adopté.
L’article 1er est adopté.
Les articles 3, 4, 5, 6 et 7 bis sont successivement adoptés.
Je serai très bref, quoique cet article soit très important. Il a été écrit une première fois, puis réécrit par nos collègues du Sénat. Mon amendement vise à revenir sur l’extension du congé d’engagement, qui a été ouvert aux responsables associatifs bénévoles et aux membres des conseils citoyens.
C’est une bonne chose que d’encourager la prise de responsabilités associatives. Il est vrai que pour les fonctions de direction, un aménagement du temps de travail est nécessaire. Il ne faut pas, cependant, que l’ensemble des responsables associatifs bénévoles et des membres des conseils citoyens soient éligibles à ce congé.
Le nombre estimé de bénévoles en France est important, mais il n’y a pas de statistiques précises à ce sujet : il y a donc des incertitudes quant aux effets de l’élargissement du champ des bénévoles éligibles à ce congé. Il devrait en tout état de cause stimuler son utilisation.
En outre, il ne faut pas oublier que l’absence des salariés peut avoir un impact financier pour l’employeur, en raison de l’éventuel ralentissement de l’activité, ou de la désorganisation des services. C’est pourquoi il convient de revenir à l’équilibre initial de l’article 8.
La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour soutenir l’amendement no 96 .
L’élargissement du congé d’engagement aux salariés exerçant à titre bénévole des fonctions de direction ou d’encadrement, aux membres des conseils citoyens et aux personnes apportant leur concours à une mutuelle risque de faire exploser ce dispositif – et c’est pourquoi je vous ai interrogé, monsieur le ministre, sur son coût. Dans sa version initiale, ce dispositif était déjà censé concerner près de 2 millions de personnes, qui ont un emploi et exercent en même temps des fonctions de dirigeant associatif.
Du fait de cet élargissement, l’article rompt avec ce qui était son objectif initial, à savoir diversifier la gouvernance des associations – objectif auquel nous souscrivons – et en outre devient plus difficile à justifier au regard des efforts d’organisation qu’il exigera des très petites entreprises et des PME dont les salariés sont concernés.
Par cet amendement, je propose donc tout simplement d’en revenir à l’esprit initial de l’article 8, que nous partagions. À l’origine, celui-ci avait pour objectif de faciliter la participation des actifs aux organes de gouvernance des associations.
Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements en discussion commune ?
La bonne nouvelle, madame Le Callennec, c’est que vous avez progressé, puisque vous êtes désormais d’accord avec le principe du congé d’engagement.
Nous en avons longuement débattu en commission spéciale en première lecture. Il nous est apparu, en contradiction avec vos arguments, nécessaire d’ouvrir ce congé. Nous avons donc élargi son champ, qui reste néanmoins borné : lisez les amendements qui ont été déposés, même s’ils ne seront pas tous défendus, et vous verrez que certains tendent à l’élargir encore plus !
Il me semble que nous avons trouvé un modus vivendi permettant à tous ceux qui participent réellement à la vie de nos associations, qui y exercent des fonctions de direction ou d’encadrement, d’avoir droit à ce congé. C’est une avancée importante pour eux tous et pour l’avenir de nos associations. La commission a donc donné un avis défavorable à ces deux amendements.
L’élargissement du congé d’engagement aux titulaires de mandats mutualistes et aux membres de conseils citoyens contribue à développer la culture de l’engagement que nous voulons encourager. Ce n’est pas un obstacle à l’organisation des entreprises ou des collectivités publiques employeurs ; cela vise simplement à permettre à des initiatives nouvelles d’émerger. Le Gouvernement est donc défavorable à tout ce qui pourrait empêcher le développement de cette culture de l’engagement.
Nous n’avons toujours pas obtenu de réponse concernant le coût de ce nouveau congé pour les très petites entreprises, et son impact sur leur organisation. Que vous le vouliez ou non, monsieur le ministre, cela les désorganisera ! Il s’agit de TPE, je vous le rappelle : il n’y a pas que les grandes entreprises dans notre pays.
Selon l’étude d’impact, le nouveau congé d’engagement se greffe sur un dispositif qui existe déjà, le congé de formation de cadres et d’animateurs pour la jeunesse, afin de ne pas trop complexifier le code du travail et d’éviter l’empilement des dispositifs. Fort bien ! Mais au lieu d’en rester à un simple aménagement de ce congé, les travaux de la commission ont abouti à modifier un paramètre important, en permettant à la négociation d’entreprise ou de branche d’envisager sa rémunération.
Le congé d’engagement, dans sa forme initiale, constitue un soutien à la citoyenneté et à l’engagement significatif. Il ne doit pas entraîner de nouveaux coûts, je me permets d’insister sur ce point, ni faire peser de nouvelles contraintes sur les entreprises. C’est pourquoi nous proposons, par cet amendement, de supprimer les alinéas 10 et 11.
Monsieur le ministre, l’encouragement au bénévolat est tout à fait louable, mais l’introduction d’une rémunération change la nature même de l’engagement que cet article a pour objet de soutenir. Le bénévolat est par nature une activité gratuite et désintéressée ; l’activité bénévole est un engagement individuel, personnel ; c’est pourquoi nous estimons que les branches n’ont pas vocation à interférer dans la pratique de cet engagement.
Par ailleurs, il ne faudrait pas introduire, dans un projet de loi sur l’« égalité », une discrimination entre certains salariés, dont le congé sera rémunéré, et les autres, dont le congé ne sera pas rémunéré. Tandis que l’article 8 pose plusieurs difficultés, il semble que le caractère non rémunéré du congé préserve, précisément, la dimension désintéressée du bénévolat.
La commission a émis un avis défavorable. Il s’agit d’offrir aux entreprises la possibilité de prendre en charge ce congé, pas de rémunérer le bénévolat, c’est une vue de l’esprit ! Il s’agit de continuer à rémunérer le salarié ou le fonctionnaire qui est amené à prendre quelques jours de congé pour faire vivre son association. C’est une possibilité offerte aux entreprises ; ce n’est qu’indicatif.
Nous sommes tous favorables, il me semble, au dialogue social dans les entreprises. Nous avons eu ce débat longuement, voire durement, avec l’ensemble de la société. Il faut à présent aller jusqu’au bout de la logique : le dialogue social doit pouvoir englober tous les sujets. Certaines conférences sociales abordent ainsi la thématique du lien entre la vie professionnelle et la vie privée.
Si l’engagement associatif n’en est pas un, il faut m’expliquer ce que c’est. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable. Encore une fois, ce ne sera qu’une possibilité, cela n’a rien d’impératif. Mais il ne faut pas empêcher le possible de se faire : parfois, le possible peut être le meilleur.
On peut négocier des progrès, monsieur Richard, pas seulement des régressions !
La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier, pour soutenir l’amendement no 440 .
Cet amendement vise à étendre le bénéfice du congé d’engagement aux bénévoles intervenant dans le champ de la sécurité civile. Les associations agréées de sécurité civile mobilisent en effet un fort engagement volontaire auprès des pouvoirs publics et au service de la sécurité de nos concitoyens, qui s’est notamment manifesté à l’occasion des attentats terroristes qui ont frappé le pays ces dernières années. L’action de ces bénévoles répond à des exigences très strictes qui doivent permettre d’assurer à la fois la sécurité des personnes secourues et des secouristes lors des interventions. Ces exigences imposent des périodes de formation longues et récurrentes qui s’ajoutent au temps que les secouristes volontaires consacrent à leur action bénévole sur le terrain. Dans une période qui sollicite toujours davantage les acteurs de la sécurité civile, ce congé permettrait aux secouristes volontaires de dégager le temps nécessaire à leur formation.
Nous avons ici la démonstration de ce que j’avais évoqué : nous pourrions aller encore plus loin dans le dispositif du congé associatif… Cet amendement montre que ce débat dépasse les clivages au sein de cet hémicycle, et soulève bien des questions.
S’agissant de votre amendement, monsieur le député, je comprends et partage votre objectif : il part d’un bon sentiment qu’on ne peut qu’approuver. Mais le choix fait à ce stade est de permettre ce congé associatif uniquement pour les membres des associations. La commission a pour cette raison émis un avis défavorable.
Chacun le sait, le mieux est parfois l’ennemi du bien. L’activité des bénévoles qui interviennent auprès des associations de sécurité civile doit bien sûr être reconnue et constitue une composante essentielle des interventions sur les territoires. Je salue cette action désintéressée et porteuse de sens. Pour autant, la disposition proposée, en élargissant considérablement le nombre de bénéficiaires, ouvrirait le risque de rendre le congé de fait inapplicable puisque d’autres types d’associations ne manqueraient pas, dans le même esprit, de solliciter le même droit pour tous leurs bénévoles.
Je rappelle par ailleurs que, la mesure du congé d’engagement citoyen étant universelle et accessible à tous, employeur privé ou public, elle concernera évidemment les dirigeants et les encadrants d’activités exerçant dans des associations agréées de sécurité civile. Cet amendement risquerait de remettre en cause l’équilibre trouvé dans la disposition réintroduite en commission spéciale. J’émets donc un avis défavorable, monsieur Morel-A-L’Huissier, même si, bien sûr, je comprends l’engagement qui est le vôtre pour ce type de bénévoles.
L’amendement no 440 n’est pas adopté.
L’article 8 est adopté.
Article 8
La commission a maintenu la suppression par le Sénat de l’article 8 bis.
La parole est à M. le ministre pour soutenir l’amendement, no 765 , tendant à le rétablir.
Il s’agit en effet de reprendre le dispositif prévu par l’ordonnance du 23 juillet 2015 portant simplification du régime des associations et des fondations, avec quelques améliorations. L’amendement rétablit un article de coordination qui découle de ladite ordonnance. Cet article vise notamment à remplacer la notion d’appel à la générosité publique, qui n’est plus adaptée aux pratiques actuelles, par celle d’appel à la générosité du public. Cet appel n’était prévu dans la loi de 1991 que sous la forme de campagnes réalisées soit par des collectes sur la voie publique, soit par voie de presse ou par des informations audiovisuelles. L’ordonnance de simplification modernise ce cadre car on sait que de plus en plus, et tant mieux, nombre d’associations collectent les dons tout au long de l’année sur leur site internet.
L’amendement no 765 , accepté par la commission, est adopté à l’unanimité et l’article 8 bis est ainsi rétabli.
Article 8
Cet article autorise les associations agréées par le ministère de la jeunesse et dont l’instance dirigeante est composée de membres dont la moyenne d’âge est inférieure à trente ans à rémunérer leurs dirigeants. On ne peut que reconnaître que ces associations ont peu de moyens en dehors des subventions publiques, que les jeunes doivent disposer de ressources suffisantes pour s’engager et qu’elles éprouvent de grandes difficultés à renouveler leurs instances dirigeantes. Néanmoins, une telle mesure risque de dévoyer la nature de l’engagement puisque le principe même du bénévolat est le désintéressement. La rémunération de dirigeants d’associations de jeunes pourrait conduire à ce que certains ne s’impliquent qu’en contrepartie de celle-ci.
Malgré ces remarques initiales, nous n’avons pas suivi la position du Sénat, qui avait choisi de supprimer cet article. Mais nous proposons d’abaisser de trente à vingt-cinq ans l’âge au moment de leur nomination des dirigeants concernés. Dans la rédaction actuelle, l’âge est trop élevé, ce qui constitue un risque pour l’insertion professionnelle des jeunes concernés.
La commission a émis, par souci de cohérence, un avis défavorable car la limite d’âge pour faire partie des mouvements de jeunesse est fixée à trente ans et que toutes les dispositions prévues dans ce projet de loi maintiennent cette limite. J’ajoute que s’il pouvait y avoir rupture d’égalité, c’était avant le présent projet de loi, car il était possible de rémunérer les dirigeants d’association, sauf pour les mouvements de jeunesse.
Pour compléter ce que vient de dire Mme la rapporteure thématique, je précise que cette limite de trente ans est reconnue par l’INSEE et par les institutions européennes. Il faut conserver cette cohérence.
L’amendement no 488 n’est pas adopté.
L’article 8 ter est adopté.
Les articles 8 quinquies et 8 sexies sont successivement adoptés.
La commission a supprimé l’article 8 septies.
La parole est à M. le ministre pour soutenir l’amendement, no 766 , tendant à le rétablir.
Cet amendement propose une nouvelle rédaction sur les obligations de transparence des associations cultuelles. L’article 8 septies issu des débats au Sénat visait à imposer aux associations loi 1901 dites « mixtes », c’est-à-dire à objet partiellement cultuel, les mêmes obligations en termes de transparence comptable qu’aux associations cultuelles de la loi de 1905. Mais tel qu’il était rédigé, cet article ne permettait pas de répondre à cet objectif. En effet, c’est en vertu de l’article 21 de la loi de 1905, et non de son article 19, visé par le texte adopté au Sénat, que les associations cultuelles ont certaines obligations spécifiques de transparence comptable.
Votre commission spéciale a donc choisi de supprimer l’article 8 septies tel qu’il était rédigé. Mais il reste que le but de renforcer la transparence des comptes de l’ensemble des associations vouées à l’exercice d’un culte est partagé, je le pense, sur tous les bancs de cette assemblée. Le Gouvernement propose donc, par le présent amendement, que les obligations prévues pour les associations cultuelles à l’article 21 et au sixième alinéa de l’article 19 de la loi de 1905 soient étendues aux associations simplement déclarées ayant un objet cultuel, notamment la tenue d’un état de leur patrimoine et un contrôle financier de l’inspection générale des finances. Cela permettra de mettre d’équerre cette partie de l’engagement du secteur associatif.
Dans les délais dont nous disposions, j’ai tout de même pu m’entretenir avec plusieurs responsables de culte, et il est important d’indiquer que tous ont accueilli cette mesure favorablement.
Deuxièmement, je tiens à dire que sur des sujets aussi sensibles, il aurait été préférable de se donner un peu plus de temps, de procéder à plus d’échanges, d’avoir une concertation plus importante.
Je le regrette, et cela figurera au compte rendu de nos débats.
Reste enfin que, bien que cette mesure soit attendue sur l’ensemble des bancs, s’agissant notamment de la transparence du financement en provenance de l’étranger, c’est là encore, malgré les polémiques et les accusations, sur ce sujet comme sur bien d’autres, l’actuelle majorité qui prend ses responsabilités et qui agit.
L’amendement no 766 est adopté et l’article 8 septies est ainsi rétabli.
La parole est à M. Jean-Marie Sermier, pour soutenir l’amendement no 705 .
Cet article a pour objectif d’instaurer une phase de formation initiale aux comportements et aux réflexes qui sauvent dans le cadre du service civique des sapeurs-pompiers. Une formation dite « PSC1 » – prévention et secours civiques de niveau 1 – apporterait une meilleure connaissance des symptômes en cas de malaise ou de tout autre problème de santé, offrant ainsi la possibilité de mieux réagir pour aider autrui en cas d’urgence par l’acquisition des gestes adéquats.
Elle a émis un avis défavorable pour la bonne et simple raison que cet amendement est satisfait, puisque tous les volontaires en service civique reçoivent une formation PSC1, qu’ils effectuent ou non leur service dans un service départemental d’incendie et de secours, et que la formation initiale des jeunes en service civique de sapeur-pompier comprendra nécessairement une formation encore plus poussée.
Même avis.
Puisque l’amendement est satisfait, je le retire, monsieur le président.
L’amendement no 705 est retiré.
L’article 9 est adopté.
Je suis saisi d’un amendement, no 411 , tendant à supprimer l’article.
La parole est à M. André Chassaigne, pour le soutenir.
Cet article vise à étendre la possibilité d’accueillir des services civiques notamment aux entreprises du secteur public constituées sous forme de personnes morales de droit privé. Cette extension devrait permettre d’atteindre l’objectif de 350 000 jeunes en service civique par an. Or nous considérons qu’un tel objectif n’est pas réaliste. Pour y parvenir, il faudrait remettre en question la notion même du service civique et les missions accomplies par ces jeunes. La volonté d’établir un service civique généralisé dénature la vocation initiale du dispositif et porte un risque de confusion avec les situations d’emploi.
J’ajoute que les jeunes en service civique ne doivent pas constituer une main-d’oeuvre presque gratuite pour les organismes d’accueil. Or vous exposez ces jeunes à un tel risque par l’extension des structures d’accueil possibles. En outre, comme le service civique n’ouvre pas droit à une protection sociale satisfaisante et fait l’objet d’une rémunération très faible, il faut absolument veiller à ce qu’il ne devienne pas une trappe à précarité pour les jeunes n’ayant pas d’autre choix. Il doit s’accomplir sur la base du volontariat et non par la contrainte sociale ou économique, et demeurer un outil ouvrant les portes de l’engagement citoyen. Il faut donc l’encadrer le mieux possible pour prévenir toute dérive. C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.
Nous avons longuement débattu en première lecture de ces questions de la substitution à des emplois existants et de la précarisation, et du fait qu’il fallait border le dispositif pour qu’il ne soit pas dévoyé, détourné de son objectif initial. Pour autant, la commission pense que nous avons trouvé là un équilibre qui permettra de proposer le service civique aux structures d’intérêt général. Elle a donc émis un avis défavorable à cet amendement de suppression. Nous aurons un peu plus tard l’occasion de débattre à nouveau du rôle du service civique et de rappeler qu’il faut veiller à ce qu’il ne soit pas dévoyé – mais ce ne sera pas le cas avec cet article.
Avis défavorable. Votre conclusion, monsieur le président Chassaigne, confirme l’intérêt que vous portez au volontariat dans le service civique, ce dont je vous remercie. Cependant, pour accéder à votre demande, encore faudrait-il qu’il existe une offre. Or, aujourd’hui, il y a quatre candidats pour un poste de service civique : il importe donc d’étendre, sous contrôle, le champ des organismes pouvant en accueillir.
Le dispositif que nous proposons ne vise pas à ouvrir l’agrément à n’importe quelle structure privée, je vous rassure. Les organismes qui pourront être agréés devront poursuivre des missions d’intérêt général, comme le Palais de Tokyo, ou être une société dont l’État détient la totalité du capital.
Pour soulager le secteur associatif, qui est aujourd’hui saturé pour ce qui est du service civique, il faut que des organismes à caractère public complètent le dispositif, avec toute la vigilance que Mme la rapporteure thématique a évoquée : il ne s’agit en aucun cas d’une substitution à des emplois potentiels.
Un dernier mot pour dire que tous les services civiques que je rencontre sont extrêmement heureux de la formidable opportunité que ce dispositif leur a offerte, ce dont nous devons nous féliciter.
Le service civique a été instauré sous la précédente législature, avec M. Sarkozy comme Président de la République et M. Fillon comme Premier ministre !
À la fin de l’année, nous atteindrons le chiffre de 105 000 services civiques, et 150 000 ont été votés pour 2017. Atteindre une demi-génération, comme M. Chassaigne l’a évoqué, est tout à fait possible, d’ici deux ou trois ans. Je me félicite de ces résultats.
Le service civique doit être choisi sur la base du volontariat, non de la punition, comme l’entendent certains candidats à la primaire de la droite et du centre.
Je remercie le ministre ainsi que la rapporteure thématique pour la précision de leurs réponses.
L’amendement no 411 n’est pas adopté.
Cet amendement nous permet de montrer notre intérêt pour le service civique qui, comme ma collègue vient de le rappeler, avait été mis en place dans un précédent mandat, sous la responsabilité d’un président de la République qui s’appelait Nicolas Sarkozy et d’un premier ministre qui s’appelait François Fillon.
L’article 10 vise à élargir le champ des structures pouvant recourir au service civique, notamment en y intégrant les organismes de logement social – OLS. La loi ALUR ayant établi une parfaite équivalence entre ces organismes et les sociétés d’économie mixte – SEM – de construction et de gestion de logement,…
…et dans la mesure où ces SEM ont pleine capacité juridique pour intervenir dans le champ du logement social, il convient d’élargir à ces sociétés les règles de droit prévues au présent article.
À l’instar d’autres opérateurs de logement social, ces SEM ne sont pas exclusivement détenues par des personnes publiques. Néanmoins, leur gouvernance est majoritairement assurée par des collectivités locales.
Bref, ce qui est autorisé aujourd’hui pour le logement social doit pouvoir l’être également dans les SEM, notamment dans celles qui interviennent dans le logement social. Naturellement, comme dans les autres organismes de logement social, les bénéficiaires du service civique n’interviendront dans ces SEM que dans le secteur du social.
La parole est à M. Jean-Patrick Gille, pour soutenir l’amendement n° 445 .
Même avis.
Mais c’est avec une certaine gourmandise, monsieur Sermier, que je vous vois évoquer la loi ALUR, laquelle, je vous le concède, établit bien une « parfaite équivalence entre les OLS et les SEM ».
C’est le vice-président de la commission du développement durable qui s’exprime !
Dès lors, pourquoi le programme du futur candidat potentiel de la droite parle-t-il de la supprimer ?
Je suis donc très heureux de votre lucidité sur l’intérêt d’un tel dispositif, effectivement créé en 2010. À cette époque, Martin Hirsch, que je tiens à saluer, avait eu l’immense bonheur de disposer d’un budget de 8 millions d’euros pour lancer le service civique. Aujourd’hui, 390 millions y sont consacrés – une bonne idée que l’actuelle majorité a entièrement développée.
L’article 10 élargit le champ des organismes pouvant recourir au service civique, en permettant notamment au Palais de Tokyo, à Radio France ou à France Télévisions d’accueillir de jeunes volontaires. En raison de leur statut de société anonyme à responsabilité limitée – SARL – ou de société coopérative et participative – SCOP – certains centres dramatiques nationaux ne sont toutefois pas éligibles au dispositif, bien qu’ils concourent aux politiques de démocratisation culturelle en région. Les centres ayant le statut d’association ou d’établissement public de coopération culturelle sont, en revanche, déjà éligibles.
Cet amendement poursuit la même logique d’extension des structures d’accueil pouvant recourir au service civique, en permettant aux centres dramatiques nationaux en SARL et SCOP d’être agréés.
L’amendement no 770 est adopté.
La parole est à Mme Audrey Linkenheld, pour soutenir l’amendement no 655 .
Sourires.
Avis défavorable. Nous l’avons déjà évoqué en commission.
L’amendement no 655 est adopté.
L’article 10, amendé, est adopté.
Je suis saisi d’un amendement, no 98 , visant à supprimer l’article.
La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour le soutenir.
Madame la rapporteure thématique, vous avez dit à l’instant que vous ne vouliez pas dévoyer le service civique. L’introduire dans le code du travail est pourtant source de confusion, alors que, comme nous venons de le rappeler, il existe un consensus sur la nécessité de garantir le fait que le service civique n’est absolument pas substituable à un emploi. Nous nous battons suffisamment sur le terrain pour que le service civique ne soit pas confondu avec un emploi.
Loin de renforcer ce caractère non substituable, l’inscription des volontaires dans le registre unique du personnel les assimile à des salariés et fait peser indirectement sur les partenaires sociaux le contrôle de la qualité des missions, lorsque cela relève de la responsabilité de l’État.
C’est pourquoi il convient vraiment de supprimer cet article. Je ne comprends même pas qu’il figure dans le projet de loi, madame la rapporteure thématique, alors que vous venez de rappeler qu’un service civique n’est pas un emploi. Il faut y veiller sur le terrain, comme nous le faisons dans nos régions.
Cet article revient donc sur un point que nous partageons tous, manifestement. Il faut tenir bon, monsieur le ministre, y compris en ajoutant des moyens supplémentaires. Les jeunes sont de plus en plus nombreux à accéder au dispositif du service civique, ce qui est en effet une excellente nouvelle pour la citoyenneté. De grâce, ne l’introduisons pas dans le code du travail : ce n’est pas à l’employeur de vérifier la qualité des missions que le jeune réalise.
Avis défavorable. Nous partageons avec vous, madame la députée, l’objectif de non-substitution et de non-confusion. La possibilité offerte aux organisations syndicales de connaître ce qui se passe dans l’entreprise et d’exercer un contrôle, y compris sur les missions dévolues au service civique, n’est pas source de confusion mais introduit plutôt une barrière supplémentaire. De la même façon, les représentants syndicaux contrôlent que les missions du service civique ne s’apparentent pas à un stage.
Cette disposition, qui a fait l’objet de nombreuses discussions en première lecture, répond à la proposition commune de montée en charge du dispositif, laquelle ne peut pas se faire au détriment de la qualité des missions ou, a fortiori, en substitution à un emploi. Il apparaît donc nécessaire que les représentants du personnel soient informés des conditions de mise en oeuvre du service civique. Ce droit de vérification conforte le principe réaffirmé de non-substitution à l’emploi : la majorité de cette assemblée y sera sensible.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement donne un avis très défavorable à cet amendement.
Il va de soi que les représentants du personnel doivent être informés de la présence et du statut de nouveaux membres dans l’entreprise, mais votre texte inscrit les volontaires dans le registre unique du personnel. Cela les assimile à des salariés, ce à quoi nous nous opposons.
Je comprends, monsieur le ministre, que vous vouliez développer le service civique, créé par une majorité précédente, mais il ne faut pas aller trop loin car vous risquez de dévoyer un dispositif intelligent, qui a sa place dans la société française. Le faire entrer dans le code du travail peut laisser entendre que, comme une majorité précédente toujours, vous voulez créer un CPE. Il faut donc, et je le dis sans acrimonie, être très vigilant : des acteurs économiques pourraient abuser de ce dispositif, au-delà des bonnes intentions qui sont les nôtres s’agissant du caractère républicain et citoyen du service civique.
Monsieur le ministre, l’intention du service civique est bonne : nous avons prôné ce dispositif dès 2008, avec Martin Hirsch – dont les moyens n’atteignaient certes pas ceux d’aujourd’hui puisque le dispositif en était à ses débuts. Mais, et je le dis avec un luxe de précautions oratoires, attention à ne pas le dévoyer ni le transformer en CPE.
Il ne peut pas y avoir d’ambiguïté puisque la commission spéciale a supprimé le chapitre III du Titre Ier, ajouté par le Sénat et qui visait à réintroduire une forme de CPE dans le projet de loi. Cela montre que nous ne voulons pas d’un tel dispositif : telle n’est certainement pas l’intention du législateur.
Par ailleurs, il ne faut pas confondre la possibilité d’être informé sur ce qui se passe dans la société d’accueil et le fait qu’un service civique remplace éventuellement un emploi. Les choses sont très claires pour ceux qui ont proposé cet ajout dans la loi.
L’amendement no 98 n’est pas adopté.
Cet amendement s’inscrit dans la même philosophie. Puisque nous souhaitons développer le service civique dans le secteur public, nous proposons une information des comités techniques sur les modalités de sa mise en oeuvre dans les trois fonctions publiques, territoriale, d’État et hospitalière.
Aujourd’hui, le secteur associatif privé accueille 70 % des personnes actuellement en service civique, et le secteur public 30 % – mais seulement 6 ou 7 % au sein des collectivités territoriales. L’objectif de l’amendement est donc d’établir un dispositif d’information à l’intention des trois versants de la fonction publique. Ces informations pourraient être intégrées aux bilans ou rapports annuels des comités techniques, le Gouvernement s’engageant à ce que, au moins pour ce qui est de la fonction publique de l’État, elles figurent de manière synthétique dans le rapport annuel sur l’état de la fonction publique.
L’amendement no 767 est adopté.
L’article 11 bis, amendé, est adopté.
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement no 412 .
Le présent amendement tend à supprimer l’article 12 relatif à la pratique dite de l’intermédiation, c’est-à-dire la mise à disposition, par des personnes morales de droit public agréées, de volontaires en service civique auprès de personnes morales de droit public non agréées.
Cette intermédiation créera en effet une insécurité pour les engagés en service civique, puisqu’ils seront encadrés par des structures qui ne garantiront pas que le service civique s’effectuera dans un objectif d’engagement et non d’emploi déguisé. En outre, les personnes encadrant les volontaires n’auront pas nécessairement suivi de formation pour les accueillir et les encadrer. Enfin, M. le rapporteur général nous a indiqué en commission que l’intermédiation avait vocation à disparaître ; elle n’a donc aucune raison d’être étendue, ce qui fait perdre tout son sens à cet article.
Si notre amendement répond à ce qui s’est passé hier, que dire de cet article ?
La commission a émis un avis défavorable. L’objet de l’article 12 est d’ouvrir l’intermédiation aux personnes morales de droit public, précisément pour y encourager l’accueil des jeunes en service civique. Si l’on veut assurer la montée en charge de ce dispositif, il est nécessaire de leur faciliter la tâche. Cela fonctionne bien avec les associations : il n’y a aucune raison que cela fonctionne moins bien avec les personnes morales de droit public.
La pratique de l’intermédiation est déjà fortement encadrée. L’expérience l’a montré : le dispositif, tel qu’il est conçu, est très utile et fonctionne sans dérive. Le Gouvernement est donc défavorable à l’amendement présenté par M. le président Chassaigne, tout comme il confirme son avis très défavorable à celui qui avait été présenté par Mme Linkenheld – mais je ne doute pas que nous reverrons la question très prochainement.
L’amendement no 412 n’est pas adopté.
L’article 12 est adopté.
Article 12
La commission a supprimé l’article 12 bis.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Discussion du projet de loi ratifiant l’ordonnance no 2016-966 du 15 juillet 2016 portant simplification de procédures mises en oeuvre par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et comportant diverses dispositions relatives aux produits de santé ;
Suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures cinq.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly