Monsieur le président, monsieur le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, madame la présidente de la commission spéciale, monsieur le rapporteur général de la commission spéciale, monsieur et mesdames les rapporteurs thématiques, nous approuvons bien sûr ce projet de loi, qui vise à renforcer l’égalité, et en particulier son article 47, issu d’une proposition de loi du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Le 21 janvier 2015, j’avais en effet déposé une proposition de loi visant à garantir le droit d’accès à la restauration scolaire. Celle-ci avait été adoptée par l’Assemblée nationale le 12 mars 2015. En effet, plusieurs communes se fondent sur des critères irréguliers pour rejeter la demande d’inscription de certains élèves à la cantine des écoles primaires ; âge de l’enfant, lieu de résidence, exercice ou non d’une activité professionnelle par les parents. L’an passé, 400 cas de ce type ont été signalés au Défenseur des droits.
Souvent, ce refus d’accès concerne des élèves dont l’un des parents au moins est au chômage. Cela revient à discriminer, voire à stigmatiser des familles déjà en difficulté en ajoutant de l’exclusion à l’exclusion. Généralement, les communes qui n’accueillent pas les enfants de chômeurs soutiennent que ceux-ci pourraient s’occuper à domicile chaque midi de leurs enfants. Pourtant, rechercher un emploi nécessite du temps. Les chômeurs ont en outre une obligation de disponibilité dans cette recherche, obligation qui conditionne leur inscription ou leur maintien sur les fichiers de Pôle emploi.
Certes, la restauration scolaire n’est pas une compétence obligatoire pour les communes, mais quand ces dernières en ont décidé la création, il s’agit alors d’un service public, soumis comme tel au principe d’égalité des usagers devant le service public. La jurisprudence administrative est constante à cet égard. Ainsi, en 1993, le tribunal administratif de Versailles a rejeté « une discrimination entre les enfants suivant que leurs parents ont un emploi salarié ou non ». Le Conseil d’État a fait de même dans ses arrêts du 23 octobre 2009 et du 14 octobre 2011.
Il importait donc de légiférer, d’inscrire explicitement dans la loi ces principes posés par le juge, pour assurer très nettement leur caractère obligatoire. De la sorte, des familles, souvent démunies, n’auraient plus à former des recours contentieux, souvent coûteux et complexes, pour faire reconnaître leurs droits. Notre proposition de loi établissait donc un véritable droit d’accès à la restauration scolaire sans distinction arbitraire entre les élèves. En particulier, on ne peut laisser des enfants de chômeurs à la porte des cantines scolaires et à l’écart de leurs camarades de classe. Cette discrimination ne peut être admise, surtout quand la France compte 3 500 000 chômeurs.
De plus, dans notre pays, qui est pourtant la cinquième puissance économique mondiale, 8 800 000 personnes vivent sous le seuil de pauvreté, dont 2 700 000 enfants, soit un enfant sur cinq, et même un sur deux en zone urbaine sensible. Le taux de pauvreté des enfants en France n’a cessé de croître ces dernières années : 16 % en 2005, 17,7 % en 2009, 19,6 % en 2010. Pour ces enfants pauvres, le seul vrai repas de la journée est le repas à la cantine scolaire, du moins quand ils y sont admis. Agir pour l’enfance pauvre est un impératif éthique pour notre société.
La proposition de loi votée par l’Assemblée nationale en mars 2015 n’a toutefois pas été adoptée par le Sénat. Nous avons donc pris une nouvelle initiative, avec l’appui du rapporteur général de la commission spéciale, que je remercie, dans le cadre de ce projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté en déposant un amendement créant un article 47 qui a été adopté par l’Assemblée nationale en juillet 2016 dont la rédaction reprend celle de la proposition de loi votée par celle-ci en mars 2015. Cet article 47 dispose en son deuxième alinéa : « L’inscription à la cantine des écoles primaires, lorsque ce service existe, est un droit pour tous les enfants scolarisés. Il ne peut être établi aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille. » Pourtant, le 14 octobre dernier, le Sénat, examinant à son tour le projet de loi, a de nouveau réagi négativement et supprimé l’article 47.
Pour cette nouvelle lecture par l’Assemblée nationale, j’ai donc déposé à nouveau le même amendement que l’été dernier afin de rétablir cet article 47. Il a été adopté à l’unanimité le 8 novembre dernier par la commission spéciale, que je remercie vivement, ainsi que son rapporteur général. Je remercie de la même façon le ministre pour les propos qu’il a tenus un peu plus tôt dans cet hémicycle et au Sénat.
Mes chers collègues, le degré de civilisation d’une société se mesure à la protection qu’elle accorde à ses membres les plus vulnérables. Parmi ceux-ci, il y a, en première ligne, les enfants, en particulier les jeunes enfants des écoles primaires, âgés de 6 à 10 ans. Jean Zay, ministre radical de l’éducation nationale et des beaux-arts…