Nous avons un accord ; c'est en général pour nous un très bon partenaire.
Je note pour conclure sur ce point que nous sommes présents dans 2 millions de chambres d'hôtel – nous venons tout juste de franchir ce cap important. Nous nous battons mais, je le redis, ce sont des questions de commerce : il faut montrer que notre présence est commercialement intéressante, et donc protester et dire que l'on ne reviendra pas si le français n'est pas présent. Peut-être faudrait-il d'ailleurs mettre en place une stratégie plus générale avec les touristes français.
Monsieur Martin-Lalande, vous évoquiez la contribution à l'audiovisuel public, dont nos ressources publiques proviennent en effet. Il y aurait vraiment une réforme à faire, je me permets de le dire devant la représentation nationale : nous ne nous en sortirons pas avec une assiette archaïque – datant de la diffusion d'un signal hertzien analogique – et les taux les plus bas d'Europe.
Je ne prétends pas qu'il est impossible de faire des efforts de productivité ; nous en avons consenti beaucoup, et je suis très heureuse que vous les ayez salués. Mais le coût de la BBC, c'est 6,7 milliards ; le coût du service public allemand, c'est 9 milliards ; le coût du service public français, c'est 3,7 milliards. Nous sommes très certainement perfectibles, mais nous ne coûtons pas grand-chose aux contribuables par rapport à nos voisins. Vous connaissez les taux de redevance audiovisuelle en Allemagne et au Royaume-Uni… En France, une réforme de l'assiette – qui permettrait peut-être de baisser le taux, d'ailleurs – est indispensable. Nous pouvons aussi renoncer à être une démocratie disposant de services publics solides. Moi qui voyage beaucoup, je suis convaincue que notre pays a au contraire besoin d'être très fort de ce point de vue-là.
J'ai un respect infini pour les gens qui se financent sur le marché ; c'est très dur. Mais le service public donne le la de l'audiovisuel en général, et il finance aussi une grande partie de la production. Or nous sommes aujourd'hui envahis par les productions extérieures – il n'est que de citer Netflix. Si la création française n'est pas financée par le service public, et nul n'ignore les difficultés rencontrées par Canal Plus, c'est notre culture qui est mise en danger. Il y a donc une vraie réflexion à mener, mais qui dépasse de très loin mes compétences.
Monsieur Rochebloine, vous demandez si France 24 sera bientôt diffusée sur l'ensemble de notre territoire. J'en ai rêvé, France Info l'a fait – ou presque, puisque nous ne sommes pas diffusés toute la journée. Je continue de trouver utile d'établir des partenariats entre France 24 et RFI et d'autres télévisions et radios ; mais, à mon sens, RFI comme MCD auraient aussi un rôle essentiel à jouer dans ce pays. Nous savons parler à l'autre qui n'est pas accessible par les médias nationaux ; nous savons parler à certains jeunes.
Cela rejoint la question de Mme Imbert sur l'éducation. Nous avons en effet signé un accord avec l'éducation nationale ; nous sommes réservistes, et nous en sommes très fiers : sur la base du volontariat, plus de trente journalistes se sont mobilisés, en France et à l'étranger. C'est une expérience formidable, ces rencontres sont bouleversantes. Nous avons sciemment envoyé des journalistes portant des noms à consonance juive ou arabe dans des classes de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, parfois dans des lycées considérés comme difficiles – ce n'est pas nous qui choisissons les établissements.
De ces moments très forts est née une émission intitulée « Pas 2 quartier ». Les jeunes nous accusaient de ne venir les voir que pour montrer des voitures brûlées, de ne présenter les quartiers difficiles que de manière négative : c'est pourquoi nous avons créé cette émission, à laquelle les jeunes envoient des propositions. Nous tournons les sujets, mais ce sont eux qui sont rédacteurs en chef : ils ont envie de raconter quelque chose. Ainsi, nous avons été guidés dans Marseille-Nord par des musiciens. Ces émissions font naître beaucoup d'espoir et montrent l'incroyable richesse de notre pays.
S'agissant de l'égalité salariale, il demeure aujourd'hui un écart de 7 %. Selon l'expert du comité d'entreprise (CE), c'est lié aux recrutements les plus anciens. Nous assurons la parité en termes de responsabilités, de comité exécutif, d'encadrement, d'effectifs. Le COM prévoit la disparition des inégalités résiduelles. Cette année, les mesures individuelles concernent les femmes à 53 %, et ce n'est pas la première fois. Cela ne correspond pas à 53 % de la masse salariale. Mais nous rattrapons, et l'expert du CE nous a plutôt accordé un satisfecit. Nous visons un écart nul.
En ce qui concerne la sécurité de nos journalistes, vous n'avez pas oublié l'assassinat de Ghislaine Dupont et Claude Verlon au nord du Mali, le 2 novembre 2013. C'est un traumatisme dont nous ne nous remettons pas. Nous avons créé une bourse qui porte leur nom ; nous étions au Bénin pour la remettre le 2 novembre dernier. Ce jour a été désigné par l'ONU journée internationale pour la fin de l'impunité des crimes commis contre les journalistes, en l'honneur de nos journalistes et à la suite d'une initiative française.
Une génération de jeunes journalistes et de jeunes techniciens africains est en train de se lever : nous participons à leur formation, avec Sciences Po et l'Institut national de l'audiovisuel (INA). Ils relèvent le flambeau d'un journalisme de terrain rigoureux et équilibré. Grâce à la participation de nombreux médias comme Europe 1, Canal Plus, RTL, Le Monde…, nous les formons au journalisme en zone de crise – ce qui peut d'ailleurs vouloir dire une simple manifestation.
Nous disposons de procédures d'arrimage très strictes, avec une cartographie des risques. Un officier placé auprès de moi est chargé de la sécurité ; il valide toutes les procédures, gère l'arrimage au quotidien, le matériel… Nous continuons d'envoyer des journalistes dans des zones à risques ; en ce moment, nous avons du monde à Mossoul. C'est un enjeu démocratique majeur ; le silence est dangereux. En ce moment, vous le savez, le signal de RFI est coupé en République démocratique du Congo. Nous ne voulons pas nous taire, et nous savons que le risque zéro n'existe pas ; nous savons aussi qu'aucun reportage ne vaut une vie. La formation et les procédures doivent nous permettre de réduire le risque autant que possible. Mais nous ne vivons pas détendus.
Quant au principe de réciprocité avec la Chine, il est excellent et je l'avais d'ailleurs utilisé à l'époque où je dirigeais TV5 Monde : la chaîne française est présente sur le bouquet autorisé dans les résidences étrangères et les hôtels quatre étoiles et plus en Chine ; en échange, CCTV est diffusée en France. Les Chinois semblent vouloir s'en tenir là. Nous leur expliquons que TV5 Monde est une chaîne généraliste, dédiée à toute la francophonie, mais ils n'ont pas donné suite aux demandes que nous avons formulées à cinq reprises. Nous pouvons peut-être revenir à la charge d'autant que des chaînes locales chinoises sont diffusées en France, et pas seulement CCTV.
Monsieur Myard, nous ne sommes effectivement pas les premiers dans le domaine du numérique au Proche et Moyen-Orient : je n'ai pas les moyens d'Al Jazeera ni d'Al Arabiya, mais nous sommes dans le peloton de tête et même numéro un en Tunisie.