Notre commission est saisie de deux projets de loi visant à autoriser l'approbation de deux avenants aux textes qui régissent aujourd'hui les relations entre la France et le Québec en matière de sécurité sociale.
La France est le seul Etat à avoir des relations « directes et privilégiées » avec le gouvernement québécois depuis 1968. Et le Québec est la seule entité fédérée dans le monde avec laquelle la France entretient des liens de cette nature. Le Consulat général de France à Québec et la Délégation générale du Québec à Paris disposent de compétences proches de celles d'ambassades et ont un rôle d'impulsion et d'animation de relations bilatérales excellentes, dont le premier témoignage est la forte présence de nos ressortissants au Québec, qui a d'ailleurs justifié la signature des deux avenants qui font l'objet de ce projet de loi.
En 2014, les personnes nées en France constituaient ainsi le deuxième groupe national parmi les nouveaux immigrants au Québec. Elles constituent le premier groupe d'immigrants dans la ville de Québec et sa région. Cette communauté importante a connu une forte progression depuis dix ans
Il faut noter que l'immigration française dans cette province a été pendant au moins une décennie, moins aujourd'hui il est vrai, encouragée par le Québec, dont la démographie est déficitaire, par la mise en place d'ententes entre les deux gouvernements, par la reconnaissance d'acquis professionnels dans de nombreux secteurs professionnels, et des facilités en matière de couverture sociale.
Parmi les Français, beaucoup d'étudiants. Les étudiants français représentent en effet la deuxième population d'étudiants étrangers présents sur le territoire canadien, après la Chine et devant les Etats-Unis. Le Québec accueille 90 % des étudiants français qui viennent au Canada. Entre 2008 et 2014, le nombre d'étudiants français a progressé de plus de 10% par an en moyenne, ce qui est considérable en comparaison avec la croissance de la population étudiante issue d'autres pays (environ 5,5 %).
Les flux sont très asymétriques. En 2013, l'on comptait ainsi environ 10 000 étudiants français au Québec, contre un peu plus de 1 100 étudiants québécois en France.
Ces échanges universitaires ont longtemps pu s'appuyer sur un accord prévoyant une exemption tarifaire pour les étudiants français au Québec (droits de scolarité alignés sur le tarif québécois). La remise en cause de ce dispositif par le gouvernement du Québec a conduit la France et le Québec à conclure un nouvel accord le 6 mars 2015. Celui-ci se traduit par un alignement des frais des étudiants français nouvellement inscrits dans un programme de premier cycle québécois sur ceux dont doivent s'acquitter les étudiants canadiens (hors Québec) à compter de la rentrée 2015. L'accord prévoit en revanche le maintien de frais de scolarité similaires aux étudiants québécois pour les étudiants français en 2ème et 3ème cycle, ainsi que pour tous les étudiants français résidant à St-Pierre-et-Miquelon.
C'est donc la présence de nombreux ressortissants au Québec et en France, notamment d'étudiants, et les liens économiques et politiques qui nous unissent, qui sont venues justifier la négociation d'accords spécifiques en matière de sécurité sociale entre notre pays et la province canadienne. Ils viennent compléter la coordination de sécurité sociale existante avec le Canada, qui ne couvre que les questions à compétence fédérale.
Ces accords sont essentiels pour faciliter les migrations, garantir la protection sociale de nos ressortissants, et ainsi entretenir les relations franco-québécoises. Le maintien de ces relations explique aujourd'hui le souhait d'une actualisation de ces accords par les deux avenants faisant l'objet de ce projet de loi.
Quel est, en quelques mots, le contenu de ces deux avenants ?
Le premier avenant modifie l'entente en matière de sécurité sociale signée le 17 décembre 2003 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Québec, entré en vigueur en décembre 2006. Le deuxième avenant modifie quant à lui le protocole d'entente du 19 décembre 1998 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Québec relatif à la protection sociale des élèves et étudiants et des participants à la coopération. A l'instar du premier accord, celui-ci vise à étendre le champ territorial et personnel de l'accord de 1998, mais également à tenir compte de la réforme des prestations familiales et de l'assurance maladie universelle tenues au Québec et en France, et à moderniser les modalités de protection des données personnelles. Ce sont les trois grands apports de ces deux avenants dont je vais rapidement décliner le contenu.
Ils visent tout d'abord à actualiser les textes en fonction des dernières réformes des prestations sociales intervenues au Québec et en France, notamment :
– les réformes des prestations familiales intervenues en France et au Québec ;
– la réforme de la protection universelle maladie en France, avec notamment la suppression de la notion d'ayant droit majeur ;
– la simplification de la liquidation des pensions d'invalidité calé le dispositif sur celui de pensions vieillesses.
Par ailleurs, ces deux avenants étendent le champ d'application territorial et personnel des accords de sécurité sociale actuels.
Au plan territorial d'abord, l'article 1er du projet de loi, qui apporte modification à l'article 1er de l'entente, l'avenant permet ainsi l'insertion de Saint-Pierre-et-Miquelon dans le champ territorial de l'entente et du protocole d'entente. Cela devrait notamment faciliter la mobilité des Saint-Pierrais vers Québec en leur garantissant une protection sociale.
Concernant le champ d'application personnel de l'accord, le deuxième avenant met fin à une disparité de traitement entre les post-doctorants s'installant en France ou au Québec, en leur donnant à tous, quel que soit leur statut, accès à la couverture maladie, maternité, accidents du travail et maladies professionnelles
Enfin, les deux accords visent à moderniser les dispositions relatives à la protection des données personnelles. La législation québécoise relative à la protection des données personnelles ayant évoluée, la commission mixte a décidé d'étoffer ces dispositions.
Les nouvelles dispositions fixent les conditions dans lesquelles les données personnelles peuvent faire l'objet d'une communication, avec ou sans consentement, de l'intéressé. Ainsi, la France et le Québec peuvent se communiquer, dans le cadre de l'Entente, des données ou renseignements personnels, avec ou sans le consentement de l'assuré concerné.
Trois cas sont prévus à cet effet : ces éléments sont nécessaires à l'exercice des attributions d'un organisme de l'un de ces territoires, leur communication est manifestement au bénéfice de la personne concernée ou celle-ci est nécessaire à l'application d'une loi au Québec ou en France.
Quels sont pour finir les effets attendus de cet accord ?
Cet accord devrait tout d'abord faciliter la mobilité géographique de nos compatriotes, en offrant une meilleure garantie de leurs droits sociaux à ceux qui font le choix d'une carrière professionnelle à l'étranger.
Les avantages que les travailleurs français et québécois expatriés pourront tirer de cet accord sont nombreux. J'en citerai deux exemples. Tout d'abord, l'accord sécurise le détachement des salariés dans des entreprises françaises installées au Québec. Sans l'accord, l'employeur devrait cotiser deux fois. Avec l'accord, les cotisations continueront à être payées en France, mais aucune cotisation ne sera versée au Québec. L'avenant devrait par ailleurs faciliter les échanges entre universités françaises et québécoises et ouvrir de nouvelles perspectives à nos étudiants qui souhaitent poursuivre leur cursus au sein l'enseignement supérieur québécois.
Ces accords sont aussi le gage d'une densification des relations économiques entre la France et le Québec. Ils devraient favoriser l'implantation des entreprises françaises sur place mais aussi renforcer l'attractivité du territoire français, en évitant les doubles cotisations.
Je vous invite donc à adopter le projet de loi qui nous est soumis.