Intervention de Pascale Got

Réunion du 22 novembre 2016 à 21h45
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascale Got, rapporteure :

Permettez-moi, pour commencer, de replacer la proposition de loi que nous examinons dans son contexte. En 2009 s'est déroulé le « Grenelle de la mer ». Entre le 27 et le 28 février 2010, ce fut la tempête Xynthia. Le 2 avril 2011, le député Alain Cousin a remis à la ministre de l'écologie et du développement durable son rapport intitulé Propositions pour une stratégie nationale de gestion du trait de côte, du recul stratégique et de la défense contre la mer, partagée entre l'État et les collectivités territoriales. De son côté, l'ordonnance du 4 mai 2012 portant extension et adaptation de la stratégie nationale pour la mer et le littoral dans les collectivités d'outre-mer, repose sur quatre axes : observation et repérage des territoires à risque, élaboration de stratégies, recomposition spatiale, modalités de financement. Au cours des années 2012 à 2015, une certaine latence est observée. En 2013 et 2014, de fortes tempêtes rappelant l'épisode Xynthia se sont produites. Le 22 janvier 2015, le comité national de suivi pour la mise en oeuvre de la stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte, dit « comité stratégique », que j'ai le plaisir de présider avec Chantal Berthelot, a été installé. Enfin, du 30 novembre au 12 décembre de la même année, la COP21 s'est déroulée à Paris. Elle a mis l'accent sur le changement climatique et la nécessité d'agir. Pour la première fois, une partie de ses travaux a été consacrée aux littoraux.

Depuis, le comité stratégique a travaillé avec des élus, des scientifiques et des associations. Le 18 octobre 2015, il a remis son rapport à la ministre chargée du développement durable et de l'énergie. Ce document comportait deux parties : la première, revenant à Chantal Berthelot, portait sur les connaissances ; la seconde sur la stratégie territoriale. Dans sa première partie, le rapport fait diverses propositions : l'une d'entre elles a abouti à la première cartographie nationale de l'érosion – une seconde carte, enrichie de données plus récentes, sera bientôt publiée. Un réseau des observatoires du recul de trait de côte est en train d'être mis en place, qui affinera la connaissance des données relatives à l'aléa. Par ailleurs, une série d'évaluations des enjeux est en cours, qui constituera le socle des stratégies territoriales.

Dans ce dernier domaine, nos travaux ont porté sur le recensement des bonnes pratiques et sur les difficultés que rencontrent les territoires sensibilisés à la question. Nous avons procédé à l'analyse des expérimentations conduites en matière de relocalisation. Nous avons aussi pu identifier les obstacles s'opposant à la mise en oeuvre du repli stratégique par ou pour les communes. Parallèlement à ces travaux, nous avons commencé à fournir aux communes des informations au sujet de la gestion du recul du trait de côte.

Les principaux objectifs poursuivis par cette proposition de loi consistent en premier lieu à lever les obstacles qui s'opposent à la prise en considération du recul du trait de côte, à étudier la temporalité propre au phénomène, ainsi que les risques et conséquences qu'il présente pour l'aménagement du territoire ; en second lieu, à donner les premières orientations législatives afin de déterminer un cadre opérationnel à l'intention des collectivités locales. Il s'agit de premiers outils qui devront être complétés par la suite.

Je ne nie pas que ce texte soit assez technique, mais son caractère politique ne doit pas être négligé. À cet égard, qu'il me soit permis de citer Alain Cousin, qui considérait en 2011 que : « ce sujet, qui met en relation des problématiques d'urbanisme, d'aménagement du territoire, de gestion des écosystèmes côtiers, de prévention des risques, de politiques foncières ou de gestion du domaine public maritime est au contraire un sujet éminemment politique, car il engage, par les aménagements que nous réalisons aujourd'hui sur le littoral, les générations futures ». C'est là ce qui constitue l'essence de cette proposition de loi.

Le chapitre Ier, composé d'un article unique, concerne les politiques d'anticipation. Il fixe un cadre juridique à la reconnaissance de l'érosion au regard de l'inondation. Il reconnaît les stratégies nationales, régionales et locales, et favorise leur meilleure articulation.

Le chapitre II, qui comprend les articles 2 à 8, définit le trait de côte et permet de mieux déterminer les risques dans les plans de prévention des risques naturels (PPRN). La possibilité d'aménagement d'une zone intermédiaire, dite zone d'autorisation d'activité résiliente et temporaire (ZAART) est ouverte. Aujourd'hui, les PPRN comportent une zone rouge, à l'intérieur de laquelle aucune construction n'est possible, et une zone bleue, où toutes les opérations peuvent être réalisées, au risque de ne pas être toujours adaptées. Ce zonage intermédiaire reconnaît le recul du trait de côte, prend en compte sa temporalité, susceptible de s'étendre de vingt à cent ans, permet la prise en compte les spécificités de l'érosion côtière et du risque induit, ainsi que la réalisation de l'aléa à court, moyen ou long terme. La ZAART favorise la valorisation des stratégies locales, en encourageant les collectivités concernées à les définir. La ZAART s'inscrira obligatoirement dans un PPRN, et, sous le contrôle du préfet, obéira à un règlement spécifique. Elle permettra enfin à la puissance publique d'acquérir plus facilement des biens.

Par ailleurs, sont également définies les zones de mobilité du trait de côte (ZMTC). Actuellement, les zones rouges ne concernent que l'interdiction des constructions, sans prendre en considération la vulnérabilité naturelle des écosystèmes. Le rôle de la ZMTC consiste à définir un périmètre de protection des écosystèmes, par exemple en interdisant à des propriétaires privés de bâtir des ouvrages de défense contre la mer, susceptibles de nuire au trait de côte avant ou après leur propriété. Toutefois, ces ouvrages de protection sont nécessaires en certains endroits : c'est la ZMTC ; elle permet aux entités compétentes en matière de gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (GEMAPI) de décider de leur réalisation. Je précise que, le mois dernier, une réponse du ministère de l'écologie a confirmé cette nouvelle compétence en matière d'érosion.

Il est encore prévu d'apporter une meilleure information sur les risques dans les documents d'urbanisme.

Le chapitre III, composé des articles 9 à 14, encourage le développement durable des côtes. De nouveaux outils sont mis à la disposition des acteurs, dont le bail réel immobilier littoral (BRILi). Aujourd'hui, le PPRN permet la création d'une ZAART afin de faciliter les acquisitions ainsi que la prise en compte du trait de côte. Par ailleurs, une zone de mobilité confère aux entités chargées de la GEMAPI une compétence leur permettant de mieux protéger les écosystèmes et de se prononcer sur la construction d'ouvrages. Il faut arriver à la gestion globale de cette zone, et c'est pourquoi il est proposé de créer ce BRILi.

L'acquisition de biens par la puissance publique, dont la commune est le bailleur, est donc facilitée. Afin d'éviter les friches ou la désertification de ces zones, la commune pourra céder la propriété temporaire d'un bien à un preneur, lui concédant ainsi un droit réel portant à la fois sur le terrain et sur la construction, grâce à ce droit, le preneur aura le loisir de vivre sur le terrain, de l'exploiter, comme il le ferait s'il en était propriétaire, en le louant avec un bail d'habitation ou en l'exploitant par un bail commercial. Il a également la possibilité de l'hypothéquer, de céder son droit et de le transmettre. En contrepartie, il paie un loyer à la collectivité, et s'acquitte des impôts et taxes comme un propriétaire.

En raison de la particularité du risque, l'article 12 prévoit toutes les conditions dans lesquelles le BRILi peut s'exercer : qui est propriétaire des constructions, qui peut en prévoir de nouvelles, qui doit maintenir en état – ce sera souvent le preneur –, les mentions à prévoir selon que le preneur conclut un bail d'habitation ou un bail commercial, et qui détruit en cas de survenue du risque.

Le chapitre III aborde également la question de la décote pour risque, ainsi que l'encouragement financier du développement durable sur l'ensemble du littoral.

Les amendements que j'ai déposés tendent principalement à garantir la cohérence entre les différentes stratégies et les divers documents d'urbanisme ainsi qu'à conférer une place particulière au schéma régional d'aménagement et de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET). Ils visent encore à mettre en place des établissements publics fonciers, et introduiront un certain nombre d'exonérations fiscales.

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