Intervention de Pascale Got

Réunion du 22 novembre 2016 à 21h45
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascale Got, rapporteure :

Il serait malvenu de ne pas prendre en compte la réalité de l'érosion et du recul du trait de côte. Jusqu'à présent, on a beaucoup parlé d'inondations et de submersion, mais on a toujours fait l'impasse sur ce phénomène. Or, tous les territoires sont touchés à des degrés divers par le recul du trait de côte, qui est scientifiquement analysé et modélisé. Une première carte nationale, prenant en compte l'ensemble du phénomène, a déterminé un critère d'érosion, mais les données utilisées à l'époque commencent à dater et le document sera actualisé au début du mois de janvier prochain. Je vous invite à consulter cette carte : vous constaterez que le recul du trait de côte est important sur tout le territoire national, et assez avancé sur certains de nos littoraux.

Jusqu'à présent, notre pratique de la protection consistait à agir dans l'urgence. C'était fort coûteux pour les collectivités et la puissance publique, mais aussi coûteux en vies humaines. De façon plutôt passive, nous nous bornions à croiser les doigts devant l'aléa. Il me semble que l'épisode Xynthia et les tempêtes de 2013 puis 2014 doivent nous inciter à en finir avec l'immobilisme. C'est pourquoi, de façon très professionnelle et scientifique, le comité stratégique a mis en évidence ce phénomène à fort risque, et qui, dans beaucoup de territoires, s'accentue plus vite que nous ne l'avions prévu. Aussi cette proposition de loi s'attache-t-elle aujourd'hui à organiser la prévention – qui n'exclue pas la prévention – afin, notamment, de moins solliciter les finances publiques, plutôt que d'attendre systématiquement la catastrophe, l'état d'urgence et la réplique, sans adopter les mesures de structuration nécessaires à moyen et long terme.

Certains d'entre vous ont par ailleurs évoqué la prédominance du préfet sur les collectivités. Je considère qu'il s'agit plutôt de l'inverse, et des amendements viendront préciser le rôle des collectivités locales. L'objet de ce texte est précisément d'encourager les stratégies locales et régionales, qui sont dans la main des collectivités. En toute connaissance de cause, et au regard de la spécificité de leur territoire, elles pourront définir les zones dans lesquelles elles souhaiteront intervenir, ainsi que la façon dont elles le feront.

Nous ne pourrons pas nous affranchir du contexte créé par le risque et sa prévention. L'article L. 562-1 du code de l'environnement définit le rôle des préfets dans le cadre des plans de prévention des risques naturels. Ainsi, devant un tel aléa, nous ne pouvons qu'agir dans le cadre d'un PPRN. C'est pourquoi le préfet sera à vos côtés afin de faire concorder les stratégies déterminées par le PPRN avec les stratégies locales ou régionales. En tout état de cause, le plan d'action qui en résultera procédera bien de la vision des responsables locaux et des particularités des territoires.

Je concède qu'une première génération de PPRN ne correspond plus réellement à la réalité constatée dans nos territoires et que, de ce fait, la tendance est plutôt à les éviter qu'à les solliciter. Aujourd'hui, ces plans n'offrent pas assez d'outils propres à permettre aux collectivités de réaliser leur protection ou leur aménagement en fonction de la perception qu'elles ont de leurs territoires.

Cette proposition de loi apporte une nouvelle génération de PPRN, avec des outils qui, à ce jour, n'étaient pas à notre portée. C'est pourquoi ce zonage intermédiaire ne laisse plus les collectivités bloquées en zone rouge, et les aidera à aménager leur territoire en tenant compte du critère de l'érosion. Ce dispositif ne constitue pas un élément supplémentaire posé au sommet de la pile des mesures déjà existantes : il doit être regardé comme une zone bleue destinée à vous permettre d'agir dans le secteur que vous aurez choisi, en prenant en compte l'évolution du trait de côte, ainsi que la temporalité caractéristique de l'érosion. Il ne s'agit pas de tout geler, de faire des friches et de faire fuir la population ou les activités commerciales ou touristiques, mais d'avoir conscience du risque et du temps nécessaire pour s'y préparer. Ce temps doit donc être mis à profit afin d'anticiper le risque et de préserver la vie dans nos territoires.

Tous les pronostics montrent que 4 millions de personnes supplémentaires sont attendues dans les départements littoraux d'ici à 2040. L'attractivité des littoraux est indéniable. Ce texte ne vise pas à décourager la population d'aller vers les littoraux, pas plus qu'il n'introduit de contraintes supplémentaires : il met en place des outils dont vous ne disposez pas actuellement.

Il serait dommage de définir une stratégie nationale et des stratégies locales, d'un côté, mais de laisser la chaise vide pour coordonner ces différentes stratégies, de l'autre. Des communes sont acculées, mais n'ont pas les outils pour agir : aidons-les à franchir le pas. Je pense aux communes de Soulac, avec l'immeuble « Le Signal », et de Lacanau en Gironde, ainsi qu'à des communes des Landes… Cette proposition de loi continuera à se construire au fil des véhicules législatifs.

D'après les estimations, notamment celles réalisées dans le cadre du rapport d'information sur Xynthia réalisé au Sénat ou celles établies plus récemment dans le cadre d'un groupe de travail que j'ai animé, 10 000 logements seront concernés d'ici à 100 ans si nous ne faisons rien. Cela laisse aux élus une marge de manoeuvre pour définir des zones prioritaires.

Encore une fois, n'y voyez aucune contrainte : cette proposition de loi n'introduit pas d'obligation, elle vise à éviter que l'activité économique ne soit fragilisée. Dès lors qu'on parle de risque, il faut un cadre minimal : c'est le code de l'environnement et les PPRN.

Enfin, contrairement à ce que vous pensez, les ZAART permettront plus de souplesse en donnant aux collectivités la possibilité de passer des baux, de percevoir des loyers et d'aménager leur territoire grâce à un préfinancement.

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