Intervention de Jacques Cresta

Réunion du 22 novembre 2016 à 10h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Cresta :

Je suis particulièrement heureux que notre commission examine aujourd'hui la proposition de loi relative à la promotion des langues régionales, qui vient de nous être présentée par notre rapporteure. Mon attachement à la promotion des langues régionales et mon engagement personnel de longue date en faveur de la langue catalane me poussent à adhérer à ce texte.

En tant que porte-parole du groupe Socialiste, écologiste et républicain, je veux, en premier lieu, souligner que cette proposition de loi est le fruit d'un travail collaboratif, qui a été ouvert très en amont à l'ensemble des députés de notre groupe afin de parvenir à une rédaction à la fois ambitieuse et respectueuse des sensibilités et des préoccupations de chacun. Ce travail a permis d'aboutir à un texte équilibré, qui vise les grands domaines par lesquels la promotion des langues régionales peut être encouragée dans notre vie quotidienne : l'éducation, la signalétique, les médias. Les principaux points de désaccord entre les députés du groupe ayant pris part à la rédaction du texte ont ainsi été désamorcés en amont, via le retrait des articles ne faisant pas consensus et la très grande vigilance portée à la rédaction des autres articles.

Je tiens à saluer, madame la rapporteure, cette méthode de travail qui a permis à chacun de faire entendre sa sensibilité et de participer directement à la rédaction du texte. L'équilibre que nous sommes parvenus à trouver a conduit près de la moitié de notre groupe politique à cosigner la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui, ce dont je me réjouis particulièrement. Je veux également remercier l'engagement du président du groupe Socialiste, écologiste et républicain sur ce texte.

Pour autant, en tant qu'orateur de notre groupe politique, je me dois de préciser, afin de respecter le choix des députés qui n'ont pas souhaité être associés à cette démarche, que cette proposition de loi n'a pas été déposée au nom du groupe socialiste, mais bien au nom de chaque député cosignataire.

Sans reprendre l'ensemble des éléments que vient de nous présenter avec beaucoup de clarté Mme la rapporteure, j'aimerais revenir dans les grandes lignes sur le contexte politique et culturel qui nous pousse à examiner aujourd'hui cette proposition de loi. Le dépôt de cette proposition de loi ne peut être compris sans évoquer le très regrettable échec de la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires.

Alors que la proposition de loi constitutionnelle qui aurait permis sa ratification avait été adoptée par une très large majorité à l'Assemblée – par 361 voix pour et 149 voix contre –, le processus de ratification s'est heurté en janvier 2015 au vote négatif du Sénat. Ce rejet, mes chers collègues, a placé la France dans une situation totalement à contre-courant de ses partenaires européens, vingt-quatre pays ayant déjà ratifié la Charte. Les langues régionales en France sont pourtant dans une situation extrêmement préoccupante et accusent un déclin certain, que vous avez, madame la rapporteure, très bien décrit.

C'est dans ce contexte très particulier que la présente proposition de loi intervient, afin de donner, malgré tout, un statut suffisamment protecteur aux langues régionales dans notre pays. Enfin, cela correspond à un engagement fort du Président de la République.

J'en viens au contenu de cette proposition de loi.

Le titre Ier vise le domaine éducatif, avec trois articles permettant d'améliorer l'offre éducative en langue régionale.

L'article 1er vise à étendre à l'ensemble du territoire un dispositif qui a fait ses preuves en Corse : l'intégration, dans les horaires normaux d'enseignement, d'un enseignement facultatif en langues régionales systématiquement proposé aux familles. La rédaction de cet article prévoit que ce dispositif est mis en oeuvre au moyen de conventions entre l'État et les régions, sur tout ou partie des territoires concernés. C'est un point que je veux souligner, car il permettra une mise en oeuvre progressive du dispositif, afin de mieux cerner l'étendue des territoires qui pourront être concernés et de laisser le temps nécessaire à l'Éducation nationale pour s'adapter. Cet article, mes chers collègues, est très attendu par les associations et les établissements publics qui sont engagés dans la promotion des langues régionales.

L'article 2 vise, quant à lui, à reconnaître dans la loi l'enseignement bilingue, quelle que soit la durée d'enseignement dans les deux langues afin, notamment, de donner une assise juridique aux établissements qui proposent aujourd'hui avec succès un enseignement dit « immersif ». Là encore, j'aimerais souligner les précautions particulières de rédaction qui ont été prises par la rapporteure, afin de bien spécifier dans cet article que la maîtrise du français demeure un impératif.

L'article 3, dans la continuité des deux autres, reconnaît et amplifie le rôle des universités dans la promotion des langues régionales.

L'article 4, relatif à la signalétique, avait déjà recueilli un vote favorable de notre commission, l'an passé, lors de l'examen de la proposition de loi de notre collègue Paul Molac. Il me semble utile de l'adopter à nouveau, afin de clarifier dans la loi des pratiques aujourd'hui disparates.

Les articles sur les médias jouent sur deux grands leviers : les aides à la presse et le rôle du CSA dans la promotion des langues régionales dans l'audiovisuel.

L'article 5 vise à rendre éligibles les publications et sites internet rédigés en langues régionales à l'ensemble des aides destinées à la presse. Il remédie ainsi à une situation qui freinait la diffusion des publications en langues régionales dans notre pays.

Les articles 6 et 7 tendent à la promotion des langues régionales dans l'audiovisuel. C'est un sujet sur lequel je me suis particulièrement engagé au sein de notre commission, et je me réjouis que notre rapporteure y ait accordé la place qui lui est due. Il me semble ainsi que le renforcement du rôle du CSA dans la promotion des langues régionales, et notamment dans l'attribution de fréquences aux radios diffusant en langues régionales, est particulièrement bienvenu. Je veux aussi souligner que les articles sur l'audiovisuel ne contraignent pas l'audiovisuel public ni les radios à des objectifs qui les auraient mis en grande difficulté. Je ne peux que me féliciter de l'équilibre qui a été trouvé au sein de notre groupe concernant cette partie du texte.

Pour l'ensemble de ces raisons et à la condition que l'examen des amendements auquel nous allons procéder ne dénature pas l'équilibre du texte, je souhaite que notre commission adopte la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui.

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