COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L'ÉDUCATION
Mardi 22 novembre 2016
La séance est ouverte à dix heures trente-cinq.
(Présidence de M. Patrick Bloche, président de la Commission)
La commission des Affaires culturelles et de l'Éducation examine, sur le rapport de Mme Annie Le Houerou, la proposition de loi de M. Bruno Le Roux relative à la promotion des langues régionales (n° 4096).
Mes chers collègues, nous nous retrouvons ce matin pour examiner la proposition de loi de Bruno Le Roux et de plusieurs de ses collègues du groupe Socialiste, écologiste et républicain, relative à la promotion des langues régionales.
Nous avons désigné comme rapporteure, le 9 novembre dernier, notre collègue Annie Le Houerou qui, à cette occasion, a rejoint notre commission.
Ce texte est inscrit à l'ordre du jour du mercredi 30 novembre. C'est la raison pour laquelle nous l'examinons aujourd'hui en commission – vous connaissez tous la règle des sept jours qui doivent précéder le débat en séance publique.
Près de vingt ans après avoir signé la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, et dix ans après avoir consacré celles-ci, par le nouvel article 75-1 de la Constitution, comme un élément décisif de son patrimoine, notre pays n'a fait qu'une courte partie du chemin permettant de leur donner un cadre juridique suffisamment protecteur.
La ratification de la Charte européenne a été empêchée par le vote négatif du Sénat, le 28 octobre 2015, sur le projet de loi constitutionnelle préalable à cette ratification, qui avait pourtant recueilli une forte majorité à l'Assemblée nationale quelques mois auparavant. Ce refus, pour lequel le Sénat porte une responsabilité majeure, nous place dans une situation isolée en Europe, où vingt-quatre pays ont ratifié ce texte si important, et limite fortement nos marges d'action.
Si plusieurs réformes de cette législature, à l'instar de la loi du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République, dite « loi Peillon », ou de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), ont permis de poser des jalons, beaucoup reste à faire, afin de donner aux langues régionales de notre pays les moyens de ne pas s'éteindre.
Il faut prendre la mesure des besoins et de l'urgence. Les langues régionales parlées en France métropolitaine accusent, en effet, un déclin général très inquiétant, qui fait peser rien moins que la menace de leur disparition pure et simple. Aujourd'hui, seulement 12 % des Français parlent, même très occasionnellement, une autre langue que le français, alors qu'ils étaient 26 % à le faire dans leur enfance, et 75 % des adultes qui s'exprimaient, plus jeunes, dans une langue régionale reconnaissent aujourd'hui ne plus le faire du tout. Le nombre total de personnes capables de s'exprimer dans ces langues a été divisé, entre les générations nées dans les années 1930 et celles nées dans les années 1980, par deux pour le basque, par trois pour l'alsacien, par dix pour le breton.
Cette situation préoccupante est un appauvrissement pour notre pays, une perte de diversité et d'identité à l'heure où il est plus important que jamais d'offrir à nos enfants une ouverture à l'altérité et une approche raisonnée et tolérante de leurs racines. C'est aussi un gâchis de compétences, tant il est manifeste que les processus les plus vertueux d'apprentissage des langues sont cumulatifs, surtout s'ils sont précoces, l'accès à une langue rendant plus aisé l'apprentissage d'une deuxième, puis d'une troisième. Enfin, c'est une mauvaise nouvelle pour la qualité de la maîtrise du français, les études existantes montrant sans ambiguïté que l'apprentissage de la langue principale est conforté par celui d'autres langues, selon le principe qu'on apprend d'autant mieux une chose qu'on peut la comparer à une autre.
Il est, dès lors, indispensable de se saisir de tous les instruments disponibles pour enrayer le déclin des langues régionales, même si l'absence de ratification de la Charte limite fortement le champ des possibles.
Poursuivant les travaux engagés notamment par notre collègue Paul Molac, qui vous avait présenté ici, l'hiver dernier, une proposition de loi dont vous aviez retenu de nombreux dispositifs, la présente proposition de loi explore les deux grands domaines dans lesquels s'enracine le dynamisme d'une langue : l'éducation et la vie quotidienne.
Avant d'entrer dans le détail des différents titres, je veux souligner que le contenu du texte que nous examinons aujourd'hui est issu d'une ample consultation des personnes intéressées, conduite depuis ce printemps dans nos circonscriptions et ici, à l'Assemblée nationale, ainsi que d'un travail collaboratif qui a été ouvert à l'ensemble des députés du groupe Socialiste, écologiste et républicain. Ce travail préparatoire a permis, en amont, d'écarter les principaux points de blocage, car il y en avait au sein de notre groupe, et de proposer un texte d'équilibre capable de fédérer près de 150 cosignataires.
Pour ce qui est de l'éducation, je veux d'abord saluer les progrès accomplis, à l'initiative de votre commission, en particulier dans la loi Peillon. L'article L. 312-10 du code de l'éducation, que vous avez rénové, est désormais clair : un enseignement « des » langues régionales ou « en » langues régionales doit être proposé en priorité dans les territoires où elles sont en usage. Cet enseignement, nécessairement facultatif, prend deux formes : soit un apprentissage progressif de quelques heures par semaine, soit un vrai enseignement bilingue. Pour que ces possibilités soient un réel choix proposé aux familles, vous avez prévu une obligation d'information en direction des familles, tandis que la loi NOTRe définissait un régime cohérent de compensation financière entre les communes, permettant aux élèves d'aller dans des écoles proposant cet enseignement.
En dépit des progrès réels apportés tout au long de cette législature, nous devons tous regretter que des obstacles demeurent, qui freinent une diffusion des langues régionales à la mesure des attentes des familles.
Ces difficultés d'accès ont tendance à s'aggraver au fil de la scolarité, comme en témoigne la faible proportion d'élèves obtenant la mention « langue régionale » au diplôme national du brevet des collèges : 9 % des collégiens étudient le corse, 5 % l'occitan, 4 % le breton, 1 % l'alsacien !
Le deuxième obstacle est lié aux horaires actuels d'enseignement de l'option « langue régionale », qui se limitent à une heure trente par semaine en primaire, le plus souvent au détriment des cours d'anglais, lorsqu'ils ne sont pas rajoutés aux horaires obligatoires, loin des deux heures trente à trois heures jugées comme le temps minimal pour une sensibilisation linguistique efficace.
Pour remédier à ces situations insatisfaisantes, l'article 1er de la proposition de loi reprend la solution expérimentée avec succès en Corse depuis la loi du 22 janvier 2002.
Il permet d'abord d'intégrer les cours de langue régionale dans les horaires normaux, non seulement des écoles, comme c'est le cas en Corse, mais aussi des collèges et des lycées, tant il est indispensable que cet enseignement, pour qu'il soit efficace, se poursuive tout au long de la scolarité. Cela ne signifie pas que cet enseignement sera obligatoire ; il ne le peut pas, comme le précise l'article L. 312-10 du code de l'éducation. Mais cela permettra de libérer du temps dans le primaire pour dépasser la trop faible heure et demie aujourd'hui constatée, sans nécessairement réduire à néant les enseignements en anglais, qui sont tout autant indispensables. Dans le secondaire, les langues régionales continueront de prendre la place de la deuxième et de la troisième langues, comme elles le font aujourd'hui, qui sont évidemment intégrées aux horaires « normaux ».
Ensuite, l'ambition est de garantir une offre plus complète et plus cohérente, à l'échelle des bassins d'usage des langues. Nous choisissons une voie consensuelle, celle des conventions entre les régions et l'État, où les deux acteurs pourront se mettre d'accord, d'une part, sur le territoire où cette offre d'enseignement pourra utilement être intensifiée ou généralisée et, d'autre part, sur les modalités pratiques qu'elle pourra revêtir. C'est une solution de souplesse qui permettra d'adapter la cartographie de l'enseignement aux besoins, et laissera tout le temps à l'État pour déployer les indispensables moyens nouveaux, notamment en enseignants.
Un troisième obstacle concerne un type d'enseignement plus rare, mais pourtant d'une efficacité exceptionnelle, non seulement pour l'acquisition des langues régionales, mais aussi pour la maîtrise du français et du socle commun. Certains établissements privés, scolarisant au total 5 000 enfants, proposent un enseignement bilingue, dit « immersif », où non seulement les élèves apprennent à lire et à écrire dans la langue régionale, mais aussi où celle-ci est la langue de la vie scolaire. Le succès de ces établissements est remarquable tant pour la maîtrise des langues régionales que pour celle d'un français irréprochable. Les écoles Diwan en Bretagne, par exemple, dont la composition sociologique est proche de celle de la moyenne des établissements publics de leur région, affichent des résultats supérieurs de près de 10 % aux moyennes nationales, s'agissant tant de la maîtrise du français mesurée en CM2 que des taux de réussite au brevet et au baccalauréat.
Le Conseil d'État a freiné cette méthode en invoquant, en 2002, la nécessité de respecter une stricte « parité » entre le français et la langue régionale, concept qui n'a aucun fondement pédagogique et qui, de surcroît, obère le bon fonctionnement de cette méthode – dans laquelle il peut être nécessaire d'aller au-delà de la parité en début de parcours, pour « fixer » la langue, puis de revenir en deçà, plus tard, pour se concentrer davantage sur le français. Cette décision peut à tout moment compromettre l'enseignement immersif.
Certains objecteront qu'il est possible que le Conseil constitutionnel reprenne cette conception, mais nous avons des arguments solides pour écarter le concept absurde et comptable de « parité » et démontrer que la méthode immersive est apte à garantir le contrôle absolu des objectifs de maîtrise du français et du socle commun. Pour rassurer les uns et les autres, ces objectifs sont affirmés dans l'article 2, qui reconnaît expressément le pragmatisme et l'efficacité de l'enseignement immersif.
S'agissant de la présence des langues régionales dans la vie quotidienne, l'article 4 reprend la disposition que vous aviez adoptée lors de l'examen de la proposition de loi de Paul Molac, permettant aux régions volontaires d'homogénéiser des pratiques aujourd'hui très disparates en généralisant dans leur bassin d'usage les traductions en langue régionale des signalétiques des voies et des bâtiments publics et des principaux supports de communication institutionnelle des services publics.
Les médias font aussi l'objet d'une attention particulière, à la mesure de leur rôle incontournable dans la diffusion des pratiques linguistiques.
L'article 5 répare une injustice, qui fait que certaines publications ou sites internet d'information sont aujourd'hui exclus de certaines aides publiques, comme les tarifs postaux préférentiels, la déduction d'impôt sur les sociétés ou l'accès à divers fonds spécifiques, au seul motif qu'ils sont rédigés en langue régionale, pourtant reconnue comme « patrimoine » de la France par la Constitution. Désormais, les publications seront placées sur un pied d'égalité, qu'elles soient en langue régionale ou en français, et si leur contenu les rend éligibles aux mêmes aides, elles seront traitées de la même manière.
Les articles 6 et 7 traitent de la présence des langues régionales dans l'audiovisuel. Je sais que cette question a fait l'objet d'un suivi attentif de votre part, et je veux saluer les progrès accomplis. Mais nous nous mettrons aisément d'accord sur un constat. Aujourd'hui, les langues régionales, à l'exception de quelques brillantes, mais rares exceptions, sont confinées à de courts instants d'antenne, sur des parties étroites du territoire. Surtout, l'effort est presque intégralement assumé, et avec un réel succès, je tiens à le dire, par le service public, en particulier par France 3 et Radio France.
Il importe aussi d'encourager les autres acteurs à jouer leur rôle. À cette fin, nous proposons, à l'article 6, que le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) veille à la promotion des langues et cultures régionales, ce qui lui donnera un fondement légal pour évaluer leur présence et valoriser les engagements librement souscrits par les éditeurs privés. L'article 7, quant à lui, donne une priorité dans l'attribution des fréquences radio locales aux éditeurs qui émettent en langue régionale, de la même manière que la loi favorise aujourd'hui tout particulièrement les radios associatives. Participer à la sauvegarde d'un patrimoine protégé par la Constitution me semble justifier aisément qu'au moins une fréquence soit attribuée, dans les bassins d'usage de ces langues, aux services qui assument les lourds coûts que représentent la promotion et l'utilisation de ces langues.
Pour terminer et vous convaincre de participer à la sauvegarde et à la promotion des langues régionales, je voudrais citer l'album d'un chanteur breton, Denez Prigent, intitulé Un jardin enchanteur – en breton et en anglais dans le texte ! – qui porte le message suivant : les cultures, les langues, les traditions des peuples sont comme les plantes d'un même jardin, toutes différentes, mais poussant dans un même terreau, d'où l'importance pour chacun de défendre ses racines contre l'uniformisation grandissante du monde qui voudrait faire de ce jardin merveilleux un grand champ aux épis identiques. Je ne doute pas que les membres de la commission des Affaires culturelles soient attachés à cette diversité, source d'unité, d'enrichissement mutuel et collectif de notre pays.
Je suis particulièrement heureux que notre commission examine aujourd'hui la proposition de loi relative à la promotion des langues régionales, qui vient de nous être présentée par notre rapporteure. Mon attachement à la promotion des langues régionales et mon engagement personnel de longue date en faveur de la langue catalane me poussent à adhérer à ce texte.
En tant que porte-parole du groupe Socialiste, écologiste et républicain, je veux, en premier lieu, souligner que cette proposition de loi est le fruit d'un travail collaboratif, qui a été ouvert très en amont à l'ensemble des députés de notre groupe afin de parvenir à une rédaction à la fois ambitieuse et respectueuse des sensibilités et des préoccupations de chacun. Ce travail a permis d'aboutir à un texte équilibré, qui vise les grands domaines par lesquels la promotion des langues régionales peut être encouragée dans notre vie quotidienne : l'éducation, la signalétique, les médias. Les principaux points de désaccord entre les députés du groupe ayant pris part à la rédaction du texte ont ainsi été désamorcés en amont, via le retrait des articles ne faisant pas consensus et la très grande vigilance portée à la rédaction des autres articles.
Je tiens à saluer, madame la rapporteure, cette méthode de travail qui a permis à chacun de faire entendre sa sensibilité et de participer directement à la rédaction du texte. L'équilibre que nous sommes parvenus à trouver a conduit près de la moitié de notre groupe politique à cosigner la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui, ce dont je me réjouis particulièrement. Je veux également remercier l'engagement du président du groupe Socialiste, écologiste et républicain sur ce texte.
Pour autant, en tant qu'orateur de notre groupe politique, je me dois de préciser, afin de respecter le choix des députés qui n'ont pas souhaité être associés à cette démarche, que cette proposition de loi n'a pas été déposée au nom du groupe socialiste, mais bien au nom de chaque député cosignataire.
Sans reprendre l'ensemble des éléments que vient de nous présenter avec beaucoup de clarté Mme la rapporteure, j'aimerais revenir dans les grandes lignes sur le contexte politique et culturel qui nous pousse à examiner aujourd'hui cette proposition de loi. Le dépôt de cette proposition de loi ne peut être compris sans évoquer le très regrettable échec de la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires.
Alors que la proposition de loi constitutionnelle qui aurait permis sa ratification avait été adoptée par une très large majorité à l'Assemblée – par 361 voix pour et 149 voix contre –, le processus de ratification s'est heurté en janvier 2015 au vote négatif du Sénat. Ce rejet, mes chers collègues, a placé la France dans une situation totalement à contre-courant de ses partenaires européens, vingt-quatre pays ayant déjà ratifié la Charte. Les langues régionales en France sont pourtant dans une situation extrêmement préoccupante et accusent un déclin certain, que vous avez, madame la rapporteure, très bien décrit.
C'est dans ce contexte très particulier que la présente proposition de loi intervient, afin de donner, malgré tout, un statut suffisamment protecteur aux langues régionales dans notre pays. Enfin, cela correspond à un engagement fort du Président de la République.
J'en viens au contenu de cette proposition de loi.
Le titre Ier vise le domaine éducatif, avec trois articles permettant d'améliorer l'offre éducative en langue régionale.
L'article 1er vise à étendre à l'ensemble du territoire un dispositif qui a fait ses preuves en Corse : l'intégration, dans les horaires normaux d'enseignement, d'un enseignement facultatif en langues régionales systématiquement proposé aux familles. La rédaction de cet article prévoit que ce dispositif est mis en oeuvre au moyen de conventions entre l'État et les régions, sur tout ou partie des territoires concernés. C'est un point que je veux souligner, car il permettra une mise en oeuvre progressive du dispositif, afin de mieux cerner l'étendue des territoires qui pourront être concernés et de laisser le temps nécessaire à l'Éducation nationale pour s'adapter. Cet article, mes chers collègues, est très attendu par les associations et les établissements publics qui sont engagés dans la promotion des langues régionales.
L'article 2 vise, quant à lui, à reconnaître dans la loi l'enseignement bilingue, quelle que soit la durée d'enseignement dans les deux langues afin, notamment, de donner une assise juridique aux établissements qui proposent aujourd'hui avec succès un enseignement dit « immersif ». Là encore, j'aimerais souligner les précautions particulières de rédaction qui ont été prises par la rapporteure, afin de bien spécifier dans cet article que la maîtrise du français demeure un impératif.
L'article 3, dans la continuité des deux autres, reconnaît et amplifie le rôle des universités dans la promotion des langues régionales.
L'article 4, relatif à la signalétique, avait déjà recueilli un vote favorable de notre commission, l'an passé, lors de l'examen de la proposition de loi de notre collègue Paul Molac. Il me semble utile de l'adopter à nouveau, afin de clarifier dans la loi des pratiques aujourd'hui disparates.
Les articles sur les médias jouent sur deux grands leviers : les aides à la presse et le rôle du CSA dans la promotion des langues régionales dans l'audiovisuel.
L'article 5 vise à rendre éligibles les publications et sites internet rédigés en langues régionales à l'ensemble des aides destinées à la presse. Il remédie ainsi à une situation qui freinait la diffusion des publications en langues régionales dans notre pays.
Les articles 6 et 7 tendent à la promotion des langues régionales dans l'audiovisuel. C'est un sujet sur lequel je me suis particulièrement engagé au sein de notre commission, et je me réjouis que notre rapporteure y ait accordé la place qui lui est due. Il me semble ainsi que le renforcement du rôle du CSA dans la promotion des langues régionales, et notamment dans l'attribution de fréquences aux radios diffusant en langues régionales, est particulièrement bienvenu. Je veux aussi souligner que les articles sur l'audiovisuel ne contraignent pas l'audiovisuel public ni les radios à des objectifs qui les auraient mis en grande difficulté. Je ne peux que me féliciter de l'équilibre qui a été trouvé au sein de notre groupe concernant cette partie du texte.
Pour l'ensemble de ces raisons et à la condition que l'examen des amendements auquel nous allons procéder ne dénature pas l'équilibre du texte, je souhaite que notre commission adopte la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui.
La France a signé, en 1999, la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, mais elle ne l'a jamais ratifiée. La loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 invite cependant les pouvoirs publics à défendre les langues régionales et à favoriser leur pratique à la fois dans l'enseignement et dans la vie sociale.
Je m'étonne que nous examinions cette proposition de loi aujourd'hui, à quelques mois de l'élection présidentielle. Cet examen s'inscrit certainement dans la volonté de ressouder une majorité défaillante et éclatée. C'est aussi une tentative de remédier au non-respect de la proposition numéro 56 du candidat François Hollande, qui s'était engagé à faire ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. S'agit-il aujourd'hui d'une séance de rattrapage ? En observant la liste des cosignataires, j'y découvre des députés dont je ne savais pas qu'ils étaient de grands défenseurs des langues régionales. Voilà pourquoi je m'interroge sur l'objectif de cette proposition de loi.
Au sein du groupe Les Républicains, il n'y a pas de position arrêtée. Un certain nombre de nos collègues y sont favorables, d'autres non. Chacun sera libre de voter ou de ne pas voter les mesures proposées.
Je suis également surpris que notre rapporteure souligne les mesures de la proposition de loi de M. Molac qui ont été retenues, la commission ayant, lors de son examen, grandement vidé le texte de sa substance, et l'Assemblée nationale l'ayant ensuite rejeté en séance publique, en janvier dernier.
La proposition de loi de M. Le Roux semble apporter des avancées dans les domaines de l'enseignement, de la signalétique et des médias. Je rappelle toutefois que les sénateurs du groupe Les Républicains ont déposé en octobre 2015 une proposition de loi qui tendait à donner une assise juridique plus claire aux pratiques et usages existants des langues régionales. Nous devrions donc y faire également référence.
Cela étant, en tant qu'Alsacien, je suis évidemment favorable à toutes les mesures qui vont dans le sens de la promotion des langues régionales. Je rappelle aussi les efforts menés par l'académie de Strasbourg pour développer l'enseignement bilingue dès l'école maternelle, avec cette spécificité que la langue allemande est considérée comme la forme écrite de la langue régionale. Il faut savoir que nous sommes confrontés au problème de la formation des maîtres et que nous nous interrogeons sur la façon de promouvoir les langues régionales. Faut-il promouvoir l'enseignement « des » langues régionales ou l'enseignement « en » langues régionales ? Ce n'est pas tout à fait la même chose, et M. Molac avait proposé l'enseignement immersif, qui a déjà cours.
Il y a cinquante ou soixante ans, en Alsace, 90 % de la population était dialectophone. Selon les dernières études réalisées par l'Office pour la langue et la culture d'Alsace (OLCA), 40 % savent parler correctement l'alsacien, 30 % disent le parler un peu, le reste de la population ne le comprenant absolument pas. Certaines personnes font aujourd'hui l'effort d'apprendre l'alsacien, ce qui est possible dans le cadre de l'Université populaire. Cela étant, nous constatons que la proportion des dialectophones décroît régulièrement avec l'âge : ils sont 74 % chez les personnes de soixante ans et plus, 54 % entre quarante-cinq et cinquante-neuf ans, 24 % entre trente et quarante-quatre ans, 12 % entre dix-huit et vingt-neuf ans. Cela nous incite à faire des efforts pour que l'enseignement de l'alsacien et de l'allemand, qui est sa forme écrite, perdure.
Je remercie Frédéric Reiss qui s'exprimait en tant que porte-parole du groupe Les Républicains, mais aussi en tant que député alsacien !
Nous débattons à nouveau d'une loi relative à la promotion des langues régionales après le rejet au Sénat du projet de loi constitutionnelle autorisant la ratification de la Charte européenne des langues régionales et minoritaires et le rejet, en janvier, de la proposition de loi déposée par notre collègue Paul Molac.
La présente proposition de loi se veut équilibrée : elle traite des conditions de l'enseignement non obligatoire des langues régionales, de leur place dans les médias ou bien encore de la signalétique bilingue.
Permettez-moi de redire ici l'engagement de notre groupe en faveur de la promotion des langues régionales. La République française a su tenir compte de la diversité, qui est aussi source de richesse.
Que la France et son peuple puissent avoir une langue commune est indispensable pour assurer à chacun et à chacune un accès égal à tous les actes administratifs et politiques, à tous les débats et à toutes les prises de décision en commun. La langue commune fait nation. Dans le passé, faute d'avoir su lire et écrire le français, une partie des habitants de notre pays a été dominée par l'État central. Parler, lire et écrire une langue commune a été facteur d'égalité, de liberté et de souveraineté populaire.
Cette nécessité d'une langue commune ne s'oppose toutefois pas au rayonnement de notre patrimoine culturel dans sa diversité, et donc des langues régionales, qui en font partie. Celles-ci doivent vivre et se développer en complémentarité avec le français, que l'article 2 de la Constitution désigne comme « langue de la République ». Cela a été confirmé par la loi pour la refondation de l'école dont l'article 40 indique que les langues et cultures régionales font l'objet d'un enseignement qui « peut être dispensé tout au long de la scolarité selon des modalités définies par voie de convention entre l'État et les collectivités territoriales où ces langues sont en usage ».
Nous ne pouvons qu'approuver l'esprit de cette proposition de loi, qu'il s'agisse des trois premiers articles concernant l'enseignement primaire, secondaire et supérieur, de l'article 4 sur la signalétique dans les régions, qui existe déjà dans nombre d'entre elles, ou encore des articles 6, 7 et 8 relatifs aux médias, même si l'on peut légitimement s'interroger sur la mission supplémentaire confiée au CSA qui vient s'ajouter aux nombreuses nouvelles missions qui lui ont été attribuées cette année. Il va falloir repousser les murs de cette institution et y recruter de nouveaux collaborateurs !
Vous me permettrez d'être plus circonspecte à propos de l'article 5 qui, sous couvert de traiter à égalité les publications en langue française et en langue régionale, touche aux différences qui prévalent dans les aides à la presse, différences que je souhaite voir maintenues. Je pense notamment à la presse d'information politique et générale (IPG) qui doit répondre à des critères précis : « apporter de façon permanente sur l'actualité politique et générale, nationale ou internationale, des informations et des commentaires tendant à éclairer le jugement des citoyens ; consacrer la majorité de leur surface rédactionnelle à cet objet ; présenter un intérêt dépassant de façon manifeste les préoccupations d'une catégorie de lecteurs ». Si c'est à juste titre que le décret du 6 novembre 2015 a étendu l'attribution des aides directes en assouplissant les conditions liées à la périodicité à la suite de l'attentat contre Charlie Hebdo, nous aurions tort, je crois, de remettre en cause ce qui caractérise la presse IPG et donc les aides dont elle peut bénéficier. Je souhaiterais être éclairée sur les conséquences de cet article 5.
Le vote du groupe de la Gauche démocrate et républicaine sera positif si la proposition de loi n'est pas modifiée par certains amendements que notre commission pourrait adopter.
Je vous remercie, monsieur le président, de m'accueillir une fois de plus dans cette commission.
C'est la deuxième fois au cours de la législature que nous examinons un texte portant sur les langues régionales. Je tiens à le souligner car, depuis la loi Deixonne, sur la cinquantaine de propositions de loi relatives à ce sujet qui ont été déposées, pratiquement aucune n'a été discutée. Je remercie donc Annie Le Houerou d'avoir repris le travail que nous avions entamé et d'avoir déposé cette proposition de loi qui va dans le bon sens. Elle nous permettra, je pense, de régler un certain nombre de problèmes.
Je regrette toutefois que certains de mes amendements aient été déclarés irrecevables au titre de l'article 40. Je pense en particulier à un amendement relatif au financement des établissements laïcs associatifs d'enseignement de langue régionale et à un autre portant sur les concours de recrutement, qui ne sont pas forcément adaptés dans la mesure où ils ne comportent pas de mention « langue régionale » pour le second degré. Un professeur de langue régionale peut être doté d'une seconde valence, mais la combinaison inverse n'existe pas : il n'est pas possible de recruter un professeur d'histoire et géographie ou d'éducation physique et sportive parlant une langue régionale.
La demande sociale est importante car ce patrimoine vivant est fragile. L'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) nous interpelle régulièrement en rappelant que les langues régionales de France sont exposées à un grand danger d'extinction. Tout le monde parle français désormais. C'est à 99 % la langue maternelle de tous les petits Bretons aujourd'hui. L'enseignement du basque couvre un tiers de la population en âge d'être scolarisée, celui de l'alsacien 15 %, celle du breton 8 % dans le Finistère, ce qui ne permet pas d'assurer le renouvellement des générations locutrices. Sans volonté affirmée des pouvoirs publics de protéger ces langues, nous pourrons pleurer leur disparation.
Certains, comme François Fillon, se félicitent de cette situation, ce que je déplore. Pour ma part, je continuerai à défendre ces langues qui sont l'expression de notre différence.
Comme Frédéric Reiss, je m'interroge sur cette énième initiative parlementaire concernant les langues régionales. À titre personnel, j'espère que cette proposition de loi, déposée à quelques semaines de la fin de la législature, n'a pas été guidée par une démarche électoraliste, car cette position partisane pourrait nuire au nécessaire rassemblement qu'exige le déclin partout constaté de la pratique de ces langues.
En ce qui me concerne, député de la nation élu d'un territoire, l'Alsace, où l'atout que constitue la pratique de la langue régionale est en train de perdre de sa vigueur, il me paraît important de soutenir une position de bon sens. Je voterai en faveur de cette proposition, sous réserve de l'adoption de quelques amendements cosignés par d'autres députés alsaciens visant à assurer un bon équilibre entre la langue française, qui est notre patrimoine commun, et le renforcement de la pratique des langues régionales – chez nous, l'alsacien, qui ouvre de plus la porte vers notre voisin allemand.
Frédéric Reiss s'interrogeait sur le lien que les signataires de cette proposition de loi pouvaient entretenir avec les langues régionales. Ne pouvant parler en leur nom à tous, je n'évoquerai que mon expérience personnelle. Il y a cinquante ans, j'étais immergé dans un environnement occitan, jusque dans l'école de la République où j'ai appris cette langue en même temps que le français. J'ai pu passer l'option « occitan » au baccalauréat, ce qui m'a permis d'ancrer l'apprentissage de cette langue dans le territoire de la République.
Ce sujet des langues régionales, il est bien évident que nous ne serons plus en mesure de l'aborder lorsqu'elles seront définitivement éteintes, perspective qui n'est pas si éloignée. Dans ces conditions, il n'y a pas de mauvais moment, monsieur Reiss, pour en discuter.
Les langues régionales sont constitutionnellement reconnues comme faisant partie du patrimoine de la France, patrimoine qu'il s'agit de faire vivre à travers l'école. Il existe une demande accrue sur les territoires pour l'enseignement en primaire, au collège, au lycée. C'est au sein de l'enseignement public, pour se préserver de dérives éventuelles, que nous devons la prendre en compte.
Mes chers collègues, il n'y a pas d'intention cachée dans cette proposition de loi que je soutiens pleinement dans sa rédaction actuelle.
Mme la rapporteure a évoqué la notion de perte d'identité. Le contexte politique dans lequel intervient la discussion de cette proposition de loi n'aura échappé personne. Il s'agit sans doute de rattraper dans les territoires la non-prise en compte de certaines identités qui a accompagné la constitution d'ensembles administratifs sans cohérence, qui ne respectent pas l'histoire – pensons à la région Grand Est, résultat de la fusion entre les régions Alsace, Champagne-Ardenne et Lorraine.
Je salue le travail de synthèse réalisé dans le rapport. Le graphique qui figure à la page 7 est édifiant : la proportion d'adultes auxquels leurs parents parlaient durant leur petite enfance une langue régionale tend vers zéro. Comme je l'ai dit lors du débat sur la ratification de la Charte européenne, « lorsque les langues régionales auront disparu, le compte à rebours commencera pour le français ».
Je soutiendrai ce texte, en tant qu'élu alsacien, parce qu'il va dans le bon sens.
À la suite de Frédéric Reiss, j'insisterai sur les difficultés rencontrées dans le recrutement des maîtres. Il faudra concentrer nos efforts sur ce point.
L'article 7 appelle le CSA à veiller, dans les territoires où sont pratiquées les langues régionales, « à ce qu'une ou plusieurs fréquences soient attribuées à des candidats proposant la diffusion de services de radio en de telles langues ». Or France Bleu Elsass a quitté les ondes hertziennes pour n'être plus diffusée que sur internet, alors même que ses auditeurs sont en majeure partie des personnes âgées, moins enclines à se connecter.
En ce qui concerne François Fillon – pour qui je n'ai pas voté au premier tour des primaires, mais pour qui je voterai au second –, je ne sais pas exactement ce qu'il aurait déclaré. Je relève tout de même que le rapport, page 16, évoque la loi du 25 avril 2005 sur l'avenir de l'école, dite « loi Fillon », en soulignant qu'elle a incité l'État et les collectivités territoriales à agir de concert pour définir, par voie de convention, les modalités pratiques de l'enseignement des langues régionales. On ne saurait donc lui faire de procès d'intention.
Rassurez-vous, nous sommes ici un certain nombre à n'avoir pas voté pour François Fillon dimanche dernier… (Sourires.)
Merci, monsieur le président, de m'accueillir dans votre commission.
Si j'ai cosigné ce texte, c'est qu'en tant que député de la nation, j'éprouve un malaise, et ce pour deux raisons.
La première, c'est que je ne suis pas très fier que la France soit le seul pays avec la Turquie à n'avoir pas ratifié la Charte européenne des langues régionales. Et si la Turquie ne l'a pas ratifiée, c'est qu'elle veut interdire aux Kurdes de parler leur langue sur le sol turc. Nous faisons preuve d'une certaine schizophrénie. Nous donnons des leçons aux autres, mais nous ne nous regardons pas assez dans le miroir.
La deuxième raison, c'est que notre République ne peut se satisfaire de voir disparaître ses langues régionales. Ces langues seront enseignées à l'école mais plus dans les foyers, comme c'étaient le cas des siècles durant grâce à la transmission par les parents et les grands-parents.
Cette proposition de loi est une première étape, qui va en appeler d'autres. Il n'est pas incompatible de défendre notre patrimoine culturel linguistique et de défendre la langue commune qu'est le français. Même si certains considèrent que seule compte la langue française et que d'autres donnent la priorité aux langues régionales, un consensus s'est établi sur une coexistence. C'est pour consolider cet équilibre que j'ai cosigné ce texte.
Les langues régionales font partie de notre patrimoine linguistique, patrimoine précieux que nous nous devons de protéger. Dès 2002, l'UNESCO soulignait que 50 % des 6 000 langues parlées dans le monde risquaient de s'éteindre à la fin du XXIe siècle. La transmission des langues ne se fait plus que très rarement de façon naturelle. Peu de parents ou de grands-parents emploient la langue régionale pour parler aux enfants. Le vecteur le plus sûr reste l'enseignement et l'article 1er identifie bien cet enjeu.
Toutefois, sur le terrain, force est de constater que trop souvent, les informations relatives à l'enseignement des langues régionales ne sont pas données, même si la loi pour la refondation de l'école a réaffirmé leur place parmi les matières enseignées. L'information doit être plus systématique pour que les élèves puissent formuler leur choix avant la fin de l'année, au primaire, au collège et au lycée. L'article 3 apporte une cohérence dans l'enseignement des langues régionales en promouvant leur enseignement à l'université.
Un dernier mot à l'intention des détracteurs des langues régionales. D'expérience, j'ai pu constater que l'apprentissage précoce d'une langue régionale permet au petit enfant d'acquérir des habiletés linguistiques qui facilitent par la suite l'apprentissage des langues étrangères.
Je soutiendrai cette proposition de loi, sauf cataclysmes de dernière minute auxquels nous sommes habitués, y compris dans l'hémicycle.
Merci, monsieur le président, de m'accueillir également dans cette commission. Je serai brève et ferai deux références.
D'abord, je citerai un recueil de poèmes qui nous a marqués lors de l'examen des premières lois relatives aux langues régionales, celui de Yann-Ber Piriou, Défense de cracher par terre et de parler breton – phrase reprise d'écriteaux figurant dans les cars en Bretagne après-guerre.
Ensuite, je rappellerai que Jack Lang, en tant que ministre de l'éducation nationale, avait évoqué le devoir de réparation historique qui incombait à l'État envers les langues régionales, mises particulièrement à mal dans la période difficile de l'après-guerre.
Je soutiens cette proposition de loi, qui marquera un pas supplémentaire vers la reconnaissance de ces langues, mais reste inquiète de ne pas voir la Charte européenne ratifiée par notre pays.
Je ne voudrais pas que nous nous trompions de débat ce matin : la discussion n'oppose pas les partisans des langues régionales et leurs opposants, elle renvoie aux manières d'établir un équilibre avec le français, j'allais dire une synthèse, puisque, comme l'a souligné François Pupponi, un consensus prévaut.
La maîtrise de la langue de la République, le français, est un grand enjeu aujourd'hui : elle doit permettre à tous les citoyens de se comprendre. Lors de la discussion de la loi pour la refondation de l'école, nous avons assez insisté, les uns et les autres, sur l'acquisition des fondamentaux. Nous venons d'établir le socle commun des connaissances et de définir les programmes. Les horaires scolaires refléteront aussi l'équilibre entre le français et les langues régionales. Cette loi nous a permis de progresser dans le domaine des langues régionales. Nous ne voulons pas aller au-delà mais conforter un équilibre en apportant des précisions, ce à quoi s'emploie cette proposition de loi. Cet équilibre, il ne faudrait pas que les uns et les autres s'amusent – j'emploie ce verbe à dessein – à le dénaturer. Il sera d'autant plus solide que nous nous rassemblerons pour l'ancrer dans notre législation.
C'est la raison pour laquelle j'invite tous nos collègues à voter ce texte, tout ce texte, rien que ce texte.
Je souscris aux propos d'Yves Durand. Il ne faut pas se tromper de débat. Les interventions des divers orateurs montrent qu'un consensus existe et qu'il est nécessaire de trouver un équilibre à même d'assurer la maîtrise de la langue française, en effet fondamentale, et de préserver les langues régionales.
Ce travail d'équilibre, nous l'avons mené avec le groupe socialiste et je serai fière de porter avec vous ce texte jusqu'à son adoption.
Certains considèrent que la fin de la législature n'est pas le moment idéal pour déposer un tel texte. Rappelons tout de même les diverses initiatives qui ont marqué ces cinq dernières années dans le domaine qui nous occupe : projet de loi constitutionnelle autorisant la ratification de la Charte européenne des langues régionales, loi pour la refondation de l'école mais aussi loi NOTRe.
M. Reiss s'est interrogé sur le fait que nous présentions une nouvelle proposition de loi alors que celle de M. Molac n'a pas abouti. Je ne demande pas à notre commission de se contredire mais bien au contraire de conforter ses positions puisque ce texte ne fait que reprendre les éléments sur lesquels un accord s'était établi, notamment les dispositions concernant la signalétique et l'audiovisuel. Nous ne sommes pas revenus sur les points de blocage, qui concernaient le financement des établissements privés dispensant un enseignement en langue régionale.
Madame Buffet, j'ai bien précisé dans mon intervention à propos de l'article 5 que l'attribution des aides publiques aux publications en langue régionale se ferait selon les critères d'éligibilité existants. Les conditions auxquelles la presse IPG est soumise restent inchangées.
Certains d'entre vous ont évoqué les difficultés de recrutement des maîtres. Cette proposition de loi donne une assise juridique aux langues régionales et affirme une volonté politique de renforcer la dynamique de leur enseignement. Il nous appartiendra chaque année de dégager les moyens nécessaires pour atteindre l'objectif visé.
Mme Faure soulignait que l'apprentissage précoce d'une langue régionale facilite l'acquisition de langues étrangères. J'insisterai, pour ma part, sur l'ouverture sur les différences que permet cette agilité linguistique, qui est une excellente chose.
La commission en vient à l'examen des articles.
TITRE IER – ENSEIGNEMENT DES LANGUES RÉGIONALES
Avant l'article 1er
La commission examine l'amendement AC7 de M. Claude Sturni.
Ainsi que je l'ai indiqué précédemment, l'intérêt de cette proposition de loi est aussi de permettre l'enseignement « en » langue régionale. Il s'agira donc de former des enseignants à la pratique des langues régionales. L'Institut supérieur des langues de la République française (ISLRF), qui regroupe cinq réseaux associatifs d'écoles, fait des efforts en matière de formation des maîtres pour l'enseignement en langue régionale. Je rappelle que la réussite de l'enseignement des langues régionales est conditionnée par le renforcement du corps des professeurs des écoles par des professeurs ayant de véritables compétences linguistiques et pédagogiques. Par cet amendement, nous proposons de modifier l'intitulé du titre Ier, qui deviendrait « enseignement en langues régionales », sachant que l'article 2 de la présente proposition de loi vise à rappeler que l'apprentissage du français constitue la priorité, conformément aux articles L. 111-1 et L. 121-3 du code de l'éducation.
Par souci de clarté, et dans la mesure où les articles du titre Ier concernent principalement le développement de l'enseignement « des » langues régionales, en particulier à l'école, dans les collèges et dans les lycées, je suggère d'en rester à la formulation initiale. Avis défavorable.
Je vois bien la différence entre l'enseignement « des » langues régionales et l'enseignement « en » langue régionale. Selon moi, l'intitulé actuel du titre Ier renvoie déjà à ces deux méthodes d'enseignement. Je ne vois donc pas l'intérêt de la modification proposée. Si nous la retenions, il faudrait que l'intitulé soit : « enseignement des langues régionales et en langue régionale ».
À l'appui des propos de M. Molac, je précise que l'article L. 312-10 du code de l'éducation, que l'article 2 de la proposition de loi tend à compléter, mentionne bien les deux types d'enseignement.
La commission rejette l'amendement.
Article 1er : Inscription des langues régionales dans le cadre de l'horaire normal des écoles
La commission est saisie de l'amendement AC29 de la rapporteure.
Cet amendement vise à préserver la spécificité de l'enseignement de la langue corse.
L'article 1er prévoit la possibilité d'étendre l'offre d'enseignement des langues régionales en l'intégrant aux horaires normaux des établissements scolaires. Le dispositif s'inspire de la solution retenue pour l'enseignement de la langue corse en primaire, mais il en diffère dans la mesure où il repose sur un accord entre l'État et les régions, formalisé par une convention, ce que n'impose pas l'article L. 312-11-1 du code de l'éducation pour la Corse.
Je suggère de préserver le fondement législatif de l'enseignement de la langue corse tel qu'il s'est développé depuis 2002 et, donc, d'introduire un nouvel article dans le code de l'éducation pour y insérer la disposition proposée à l'article 1er.
J'en profite pour préciser que, de même que toutes les collectivités à statut particulier qui exercent, de par la loi, les compétences dévolues aux régions, la Corse sera bien au nombre des régions bénéficiaires de cette nouvelle disposition, ce qui lui permettra notamment d'étendre l'offre d'enseignement de la langue corse dans le secondaire.
Je comprends très bien votre volonté, madame la rapporteure, de sécuriser l'enseignement des langues régionales, tant en Corse que dans les autres collectivités territoriales. L'article L. 312-11-1 du code de l'éducation, issu de la loi du 22 janvier 2002 relative à la Corse, dispose : « La langue corse est une matière enseignée dans le cadre de l'horaire normal des écoles maternelles et élémentaires de Corse. » D'autre part, la loi du 8 juillet 2013 de refondation de l'école a précisé que l'État et les collectivités territoriales pouvaient conclure des conventions pour assurer et organiser l'enseignement des langues régionales dans le primaire et le secondaire. Selon moi, il n'est guère souhaitable de toucher au code de l'éducation en la matière. Il convient en particulier de maintenir le dispositif existant en Corse. Je suis assez défavorable à votre amendement, non pas en raison de son esprit ou de vos intentions, mais parce qu'il risque de déstabiliser le dispositif actuel, qui est suffisamment clair.
Il ne faudrait pas que cette proposition de loi remette en cause les dispositions particulières relatives à la Corse. Ce qui est proposé dans ce texte pour l'ensemble des régions est nettement en retrait par rapport à ce qui se fait en Corse. Si nous l'étendions à la Corse, ce serait un recul par rapport au dispositif actuel, qui est un acquis pour l'île.
Par ailleurs, toute disposition concernant la Corse doit faire l'objet d'une consultation préalable de la collectivité territoriale de Corse (CTC), laquelle fait part de son accord ou de son désaccord dans un avis formel. Cela a-t-il bien été le cas pour ce texte ? Il ne faudrait pas que nous ayons un problème juridique au motif que la procédure n'a pas été respectée.
Je tiens à rappeler qu'il ne peut pas y avoir d'obligation en matière d'enseignement des langues régionales. Le Conseil constitutionnel a été très clair sur ce point. Il s'agit donc de faire des propositions en la matière, pour un territoire donné. L'article 1er présente l'intérêt d'institutionnaliser la pratique des conventions passées avec le rectorat qui formalisent ces propositions.
Par ailleurs, la présente proposition de loi ne veut nullement remettre en cause le statut spécial de l'enseignement du corse.
L'objet de mon amendement est précisément de sécuriser le dispositif juridique existant pour la Corse : il tend à créer un article supplémentaire dans le code de l'éducation afin de ne pas toucher à celui qui s'applique à la Corse. Cela rejoint vos préoccupations.
Il existe en effet un dispositif particulier pour l'enseignement de la langue corse dans le primaire. Selon moi, l'amendement va dans le bon sens.
En revanche, la CTC n'est citée dans aucun des articles suivants, notamment pas à l'article 3. Il conviendrait de vérifier, d'ici à la séance publique, qu'il ne s'agit pas d'une erreur ou d'un oubli.
Le débat porte non pas sur le fond, mais sur la sécurité juridique. Je propose que nous reportions la discussion de cet amendement à l'examen en séance publique le 30 novembre et que, entre-temps, on en évalue les conséquences. Je reste très dubitatif quant à la rédaction qui est proposée.
Votre préoccupation a aussi été la mienne. Selon moi, l'amendement que je propose sécurise les choses du point de vue juridique.
Par ailleurs, lorsqu'il est question des compétences des régions de manière générale, cela concerne non seulement les régions en tant que telles, mais aussi la Corse et les collectivités territoriales d'outre-mer qui exercent de par la loi les compétences dévolues aux régions.
Dans sa rédaction actuelle, l'article L. 312-11-1 du code de l'éducation dispose : « La langue corse est une matière enseignée dans le cadre de l'horaire normal des écoles maternelles et élémentaires de Corse. » Or la proposition de loi, dans sa version initiale, tend à supprimer cet article pour y substituer une rédaction plus globale sur l'enseignement des langues régionales. Mme la rapporteure considère qu'il s'agit là d'une faiblesse juridique. Elle propose donc de maintenir l'article L. 312-11-1 du code de l'éducation relatif à la langue corse et de créer un nouvel article dans le code pour y insérer la disposition prévue à l'article 1er. Son amendement apporte donc des réponses aux questions légitimes que vous avez soulevées, mes chers collègues.
Je soutiens l'amendement de la rapporteure : il sécurise en effet l'article L. 312-11-1 du code de l'éducation qui porte spécifiquement sur la Corse.
Pour le reste, je relève que les dispositions législatives relatives aux régions que nous adoptons mentionnent généralement, en plus des régions en tant que telles, la CTC et les collectivités d'outre-mer concernées. Tel est notamment le cas de dispositions que nous examinons actuellement dans le cadre du projet de loi de finances. A contrario, tel n'est pas le cas des articles suivants de la présente proposition de loi. Je souhaite donc que l'on vérifie que cette absence n'entraîne pas de conséquences juridiques qui seraient contraires à ce que nous souhaitons.
Vous pouvez utilement déposer, d'ici à la séance publique, des amendements visant à compléter la liste des collectivités territoriales concernées, notamment à l'article 3.
Les choses n'étant pas très claires, nous aurions tout intérêt à prendre le temps de vérifier les conséquences juridiques de l'amendement, tant pour la Corse que pour les autres collectivités régionales.
La commission rejette l'amendement.
Je propose que nous reprenions le travail sur ce point en séance publique, car nous venons de faire disparaître la spécificité de l'enseignement de la langue corse. Pour ma part, je ne tiens pas à vivre aussi dangereusement…
La commission examine, en discussion commune, l'amendement AC1 de M. Claude Sturni et l'amendement AC10 de M. Serge Letchimy.
Ainsi que l'a indiqué Mme la rapporteure, il ne faut pas toucher à l'existant. L'article 1er mentionne des conventions « entre l'État et les régions ». Or le code de l'éducation précise dans plusieurs de ses articles que « l'État et les collectivités territoriales » s'accordent par voie de convention sur les modalités de l'enseignement des langues et cultures régionales. En outre, dans les faits, des collectivités de différents niveaux peuvent être impliquées dans l'organisation de ces enseignements, en fonction notamment des établissements concernés. Enfin, la loi NOTRe dispose, dans son article 104, que la promotion des langues régionales est une compétence partagée entre les différentes collectivités territoriales. L'amendement AC1 vise donc à substituer les mots « collectivités territoriales » au terme « régions ». Cela me paraît correspondre davantage à la fois à l'existant et à l'esprit des textes adoptés antérieurement par le législateur.
Cette proposition de loi extrêmement importante concerne les outre-mer au premier chef. La langue créole est pour nous matricielle : elle est fondamentale non seulement en termes d'éducation et la formation, mais aussi de prise de conscience.
L'amendement AC10 vise à mentionner explicitement, dans l'article 1er, les collectivités territoriales régies par l'article 73 de la Constitution, dans un souci de sécurité juridique. C'est d'autant plus nécessaire que la Guadeloupe a gardé la région et le département, alors que la Martinique et la Guyane sont désormais des collectivités uniques, dénommées respectivement « collectivité territoriale de Martinique » et « collectivité territoriale de Guyane ». Je souhaite éviter toute ambiguïté ou interprétation qui remettrait en cause, pour les outre-mer, les avancées prévues par ce texte, même s'il est souhaitable d'aller encore beaucoup plus loin.
L'amendement AC1 vise à étendre à toutes les collectivités territoriales, au-delà des seules régions, la faculté de signer avec l'État des conventions intégrant l'offre d'enseignement de langue régionale dans les horaires normaux.
Il est exact que, aux termes de l'article 104 de la loi NOTRe, la promotion des langues régionales demeure une compétence partagée entre les différentes collectivités territoriales. Je m'en félicite, car chacune d'entre elles a un rôle important à jouer, et ces rôles sont complémentaires.
Néanmoins, au regard de l'étendue des bassins d'usage des langues et compte tenu de la nécessaire cohérence de l'offre d'enseignement à l'échelle de chaque bassin, le texte confie à la seule région la possibilité de proposer, par une convention conclue avec l'État, des enseignements de langue régionale dans l'horaire normal des établissements sur un territoire donné. Toute autre solution ferait courir le risque d'aboutir à une carte fractionnée, selon que telle ou telle collectivité aura plus ou moins d'allant en la matière, au mépris de l'égalité de traitement des familles. Or, à nos yeux, celles-ci doivent se voir proposer une offre homogène à l'échelle des territoires d'usage de chaque langue. Les régions me semblent donc le niveau le plus pertinent pour conclure de telles conventions.
L'amendement AC10 tend à préciser que l'article 1er s'applique aussi aux collectivités d'outre-mer à statut particulier, ce qui me paraît utile. De manière générale, ainsi que je l'ai indiqué précédemment, la mention des « régions » dans la loi renvoie à l'ensemble des collectivités exerçant les compétences des régions, sans qu'il soit besoin de le préciser. Néanmoins, compte tenu du statut particulier des collectivités d'outre-mer relevant de l'article 73 de la Constitution et du fait qu'elles font l'objet d'un titre spécifique dans le code général des collectivités territoriales, il paraît opportun de rappeler explicitement qu'elles bénéficieront de la disposition prévue à l'article 1er. Cette rédaction n'affaiblit pas la portée générale du terme « région », qui comprend aussi les collectivités à statut particulier telles que la Corse.
Le terme « région » est une appellation institutionnelle qui désigne un territoire doté d'un conseil régional. La CTC, la collectivité territoriale de Guadeloupe et la collectivité territoriale de Guyane, qui disposent chacune d'une assemblée unique, ne sont donc pas des régions. Il convient de préciser chaque fois la liste de toutes les collectivités territoriales concernées. Prenons garde de ne pas priver de cette compétence des territoires où sont parlées une ou plusieurs langues régionales.
Je pourrais à la limite me rendre aux arguments de Mme la rapporteure si la France métropolitaine comptait encore vingt-deux régions. Dans le cadre actuel, j'ai un peu de mal à le faire. Dès lors que la promotion des langues régionales est une compétence partagée entre les collectivités territoriales, il est nécessaire, selon moi, d'apporter la précision prévue par l'amendement AC1.
Jusqu'à présent, ce sont bien les régions qui ont discuté directement avec l'État et conclu des conventions avec lui en la matière. Rien n'empêche de mener une discussion à ce sujet au sein de la conférence territoriale de l'action publique (CTAP) de la région, les départements pouvant ensuite signer la convention. Telle était la pratique dans l'ancienne Aquitaine, région en majorité occitanophone mais comprenant une zone basquophone couvrant la moitié du département des Pyrénées-Atlantiques : la convention correspondante était signée par ledit département et par l'Office public de la langue basque. Il sera possible de procéder de la même manière en Alsace ; cela ne soulève a priori aucune difficulté technique.
En la matière, il y a parfois une volonté locale forte, mais une volonté régionale faible. S'agissant de l'alsacien, il existe actuellement une convention conclue avec l'ancienne région Alsace et les départements du Haut et du Bas-Rhin. Ces derniers continueront à soutenir une telle politique, mais je ne suis pas sûr qu'une majorité se dégage en ce sens à l'échelle de la région Grand Est, qui aura peut-être d'autres priorités ou sera gênée de proposer une convention tenant compte d'une particularité locale, qui ne concernera qu'une petite partie de son territoire. Donnons-nous le maximum de possibilités en prévoyant la conclusion de conventions entre l'État et les collectivités territoriales. Si nous nous limitons aux seules régions, nous risquons d'enterrer cette disposition du texte, car nous serons confrontés à des situations de blocage.
Si nous souhaitons confier aux seules régions la possibilité de conclure une convention en matière d'enseignement des langues régionales, c'est aussi parce que la carte des formations est le fruit d'un travail commun entre la région et le rectorat. J'imagine mal un rectorat signer des conventions avec plusieurs collectivités territoriales : cela poserait un problème de cohérence au moment de la mise en oeuvre. Il faut aussi faciliter la tâche des rectorats. Ainsi que l'a relevé M. Molac, rien n'empêchera les départements de signer une convention conclue avec la région pour tenir compte d'une spécificité particulière.
J'ai bien entendu la remarque de Mme Lebranchu. Nous allons déterminer d'ici à la séance publique s'il convient effectivement de préciser la liste de toutes les collectivités territoriales concernées, dans un souci de sécurité juridique.
La compétence en matière de promotion des langues régionales est, certes, partagée, mais il faut aussi de la cohérence, et c'est au niveau de la région qui celle-ci pourra être assurée. Je ne doute pas que les élus régionaux sauront promouvoir les langues régionales au sein de leur région, même lorsque le périmètre de celle-ci s'est agrandi.
Je suis stupéfait par les propos de Mme la rapporteure : notre amendement vise non pas à récrire la loi NOTRe, mais à spécifier clairement que la compétence en matière de promotion des langues régionales est partagée. Si vous refusez toute évolution du texte sur ce point, de nombreux députés ne pourront pas vous suivre.
J'abonde dans le sens de Mme la rapporteure et de M. Cresta : l'enseignement en général et la définition de la carte des formations en particulier relève de l'autorité du recteur de région académique. Nous avons souhaité, avec raison, que le périmètre de chaque région académique soit identique à celui de la région, les recteurs d'académie étant placés sous l'autorité d'un recteur de région académique. Par conséquent, il appartient au recteur de région académique et aux responsables de la région d'élaborer une convention qui respecte les spécificités des territoires.
La commission rejette l'amendement AC1.
Puis elle adopte l'amendement AC10.
Elle en vient à l'amendement AC8 de M. Claude Sturni.
Cet amendement va dans le même sens que l'amendement AC1. Je précise qu'il est conforme à l'article L. 312-11 du code de l'éducation.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'amendement rédactionnel AC30 de la rapporteure.
Puis elle adopte l'article 1er modifié.
Article 2 : Clarification de la reconnaissance législative de l'enseignement bilingue immersif français-langue régionale
La commission est saisie de l'amendement AC9 de M. Claude Sturni.
Cet amendement vise à préciser que « la bonne maîtrise à l'écrit et à l'oral de la langue française reste la priorité dans tous les cas de figure ». Certains jugeront peut-être cet ajout superfétatoire, mais il s'agit d'un garde-fou contre les excès, qui va dans le sens de l'équilibre souhaité par Mme la rapporteure et M. Durand. L'objectif prioritaire est l'apprentissage du français. Nous pouvons l'atteindre tout en développant de manière concomitante l'enseignement d'une langue vivante étrangère ou d'une langue régionale. Je peux affirmer d'expérience que les enfants qui suivent, en Alsace, le cursus bilingue « douze heures en français, douze heures en allemand » dès l'école maternelle ne sont nullement en retard en matière de maîtrise de la langue française, bien au contraire.
Permettez-moi d'abord, une nouvelle fois, de contester l'idée que l'enseignement des langues régionales serait un obstacle à la maîtrise du français – mais je pense que tel n'est pas votre point de vue. Les résultats observés, en particulier dans les écoles bilingues, montrent exactement l'inverse : les enfants qui acquièrent efficacement une autre langue sont souvent les plus performants en français.
Je suis néanmoins, moi aussi, sensible à la volonté de veiller à ce que les objectifs de maîtrise de la langue française ne soient en aucune manière affectés par les autres enseignements, et c'est précisément pourquoi l'article 2 rappelle que l'enseignement bilingue doit se faire « dans le respect des objectifs de maîtrise de la langue française fixés par les articles L. 111-1 et L. 121-3 ». Votre amendement est donc satisfait.
L'amendement est retiré.
La commission adopte l'article 2 sans modification.
Article 3 : Contribution des établissements d'enseignement supérieur au développement des langues et des cultures régionales
La commission adopte l'article 3 sans modification.
Après l'article 3
La commission examine l'amendement AC13 de M. Paul Molac.
Le présent amendement vise à ce que l'environnement régional de l'élève, notamment la langue et la culture régionales, soit pris en compte dans l'enseignement afin de favoriser sa prise de conscience de la diversité et de la richesse du monde qui l'entoure. Cette richesse est encore trop souvent minimisée dans le parcours scolaire alors qu'elle est facteur de développement personnel.
L'article L. 121-1 du code de l'éducation définit les grands principes qui inspirent le système éducatif – connaissance, valeurs de la République, place dans le monde... Et, vous le savez, la loi Peillon du 8 juillet 2013 a prévu la possibilité de déployer « un enseignement, à tous les niveaux, de langues et cultures régionales ».
Cette formulation, très précise, me semble donner toute la place qu'elles méritent aux langues régionales et je ne crois pas utile d'alourdir l'article. L'environnement régional fait évidemment déjà partie des « évolutions économiques, sociales et culturelles » au sujet desquelles la loi prévoit que le système éducatif dispense une formation adaptée. Je considère donc l'amendement satisfait et vous demande de le retirer, faute de quoi mon avis sera défavorable.
Je retire l'amendement. Mon but était de mettre l'accent sur la culture régionale. Il est vrai, en effet, que des textes préconisent qu'on parte du local pour aller vers l'international, mais il se trouve aussi que des inspecteurs ont leur propre façon de voir. Ainsi, il n'y a pas très longtemps, un inspecteur de l'éducation nationale s'est déclaré contre l'enseignement bilingue ! Étant fonctionnaire de l'État, un inspecteur ne devrait pas dire ça…
L'amendement est retiré.
TITRE II – SIGNALÉTIQUE
Article 4 : Traduction en langue régionale des inscriptions, signalétiques et principaux supports de communication des services publics
La commission examine l'amendement AC2 de M. Claude Sturni.
Le présent amendement vise à permettre à l'ensemble des collectivités territoriales d'être impliquées dans l'installation ou le renouvellement de leur signalétique en français et en langue régionale. Il n'aura en effet échappé à personne qu'une commune, un établissement public de coopération intercommunale (EPCI), ou un département, appartenant à un territoire où une langue régionale est en usage, doivent pouvoir solliciter des services publics un affichage bilingue en français et dans la langue régionale concernée. C'est certes déjà le cas mais, comme tout à l'heure, je m'interroge sur cette idée d'empêcher les collectivités territoriales de continuer à effectuer ce travail.
Il ne s'agit pas d'empêcher quoi que ce soit, au contraire, car si l'article propose de confier à la région le soin de demander des traductions, c'est en cohérence avec l'échelle des bassins d'usage des langues et pour éviter des pratiques trop fragmentées et donc inefficaces. Néanmoins, sur le fondement de leur compétence partagée, toutes les collectivités concernées pourront continuer de demander, à leur niveau, les traductions pour les services qui relèvent de leur autorité. Avis défavorable.
Les résultats des dernières élections régionales sont encore dans les esprits. Or nous nous souvenons bien que plusieurs régions ont failli basculer dans un camp totalement opposé à ces éléments de l'identité régionale que nous défendons ici et je n'ose imaginer, si nous en restons à la rédaction actuelle de l'article 4 de la proposition de loi, ce qui adviendra si un jour une de nos grandes régions devait être dirigée par quelque parti extrémiste.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AC3 de M. Claude Sturni.
Je prônais tout à l'heure bon sens et équilibre ; aussi n'est-il pas question d'imposer mais seulement de permettre. C'est pourquoi, en remplaçant le mot « assurent » par les mots « peuvent assurer », nous éviterions d'imposer, tels des ayatollahs, une traduction systématique. En outre, certains mots et expressions ne peuvent être traduits littéralement. Le respect de la culture régionale n'implique pas, j'y insiste, de tout traduire systématiquement mais qu'on réfléchisse intelligemment à cette culture.
J'entends rassurer les auteurs de l'amendement : la faculté que l'article donne aux régions de procéder à des traductions en langue régionale ne concerne, précisément, que des traductions, la loi du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française, dite « loi Toubon », et la jurisprudence du Conseil d'État étant très claires sur l'obligation absolue de garantir l'inscription, la prononciation et la diffusion des informations d'abord et avant tout en français ; de plus, les consignes et informations dont il est indispensable qu'elles soient comprises par tous, en particulier pour la sécurité routière, doivent être parfaitement claires, ce qui impose par exemple de recourir à des typographies plus grandes pour le français.
Cet amendement est donc déjà satisfait.
Le présent amendement montre, en creux, le volontarisme de la majorité. Une politique régionale de préservation des langues régionales repose certes sur l'enseignement – domaine dont il faut discuter avec le rectorat – et les médias, mais aussi sur la signalétique. Or si cette dernière fait défaut, une telle politique perd de son efficace. La signalétique, de plus, est symbolique – cet affichage est d'ailleurs automatique dans les autres pays d'Europe.
Et il faut bien qu'une entité soit chargée de la préservation de ce patrimoine que forment les langues régionales : il se trouve que la région semble relativement près du terrain puisque l'on passe souvent par elle pour obtenir des politiques d'exécution qui soient le plus proches des citoyens. L'article 4 tel qu'il est rédigé me paraît donc excellent.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle en vient à l'amendement AC4 de M. Claude Sturni.
L'amendement vise à supprimer les mots : « ainsi que dans les principaux supports de communication institutionnelle », dans la mesure où ils peuvent donner lieu à des interprétations trop larges, au point de concerner chaque affichage et chaque document à l'extérieur comme à l'intérieur des établissements publics.
Le propre de la communication institutionnelle est sa lisibilité. Il me semble important que les « principaux supports institutionnels » fassent aussi l'objet de traduction – je pense en particulier aux services publics sociaux où de nombreuses personnes âgées trouveraient très utile qu'une information soit diffusée en langue régionale. Comme vous le savez, cela n'empêche en rien de réserver une typographie plus claire au français et donc cela ne nuit en rien à l'information de tous. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AC15 de M. Paul Molac.
L'amendement dont il est ici question vise à « sécuriser » la toponymie, qui résume bien souvent l'histoire des populations. On sait par exemple que certains sont passés à tel endroit en laissant leur nom, comme à Angles-sur-l'Anglin, dans le Poitou, où sont venus s'installer des Angles. Or, à l'occasion de la fusion de communes, les noms sont parfois choisis un peu rapidement : après son « mariage » avec une autre commune, celle de Plémet est devenue la commune nouvelle des Moulins. La population a trouvé la nouvelle appellation un peu ridicule et, souhaitant garder le nom de « Plémet », elle se trouve contrainte de déposer un recours auprès du Conseil d'État pour le reprendre. Je propose par conséquent une procédure qui vaut ce qu'elle vaut mais qui permet aux services régionaux chargés de la toponymie de donner leur avis.
On dépasse ici le cadre de la proposition de loi en donnant aux régions une sorte de pouvoir préalable de contrôle sur les initiatives toponymiques des autres collectivités, au risque d'enfreindre leur légitime compétence de s'administrer elles-mêmes. La généralisation des traductions prévues à l'article 4 répond mieux à votre souci de cohérence sur l'étendue du bassin d'usage des langues, sans donner l'impression qu'une autorité empiète manifestement sur des prérogatives aussi importantes que le choix du nom d'une ville. Avis défavorable.
L'amendement est retiré.
La commission adopte l'article 4 sans modification.
TITRE III – MÉDIAS
Article 5 : Rôle des aides à la presse dans l'incitation à l'utilisation des langues régionales
La commission adopte l'article 5 sans modification.
Article 6 : Élargissement des missions du Conseil supérieur de l'audiovisuel à la promotion et au développement des langues régionales dans la communication audiovisuelle
La commission examine l'amendement AC16 de M. Paul Molac.
L'amendement est retiré.
La commission adopte l'article 6 sans modification.
Après l'article 6
La commission examine l'amendement AC17 de M. Paul Molac.
L'amendement est retiré.
Article 7 : Attribution de fréquences pour la diffusion de services de radio en langues régionales
La commission adopte l'amendement rédactionnel AC32 de Mme la rapporteure.
Puis elle adopte l'article 7 modifié.
Après l'article 7
La commission examine l'amendement AC18 de M. Paul Molac.
Le présent amendement fait partie de mes marottes, et je pense que je le proposerai tant que je serai député. Je propose que nous abrogions le décret du 2 thermidor an II, pris dans une période troublée de la Révolution française.
Je dirais que c'est plutôt la fête de la Fédération, mais ce n'est ni le lieu ni le moment d'avoir une discussion d'historiens.
Je ne puis recommander d'abroger ce texte sans connaître toutes les conséquences d'une telle abrogation alors même qu'elle ne change absolument rien à la situation que vous invoquez dans l'exposé des motifs de votre amendement. Avis défavorable.
Je le retire, de même que l'amendement AC19 qui ne concerne pas la commission des affaires culturelles – c'est une erreur de ma part.
Les amendements AC18 et AC19 sont retirés.
La commission examine l'amendement AC20 de M. Paul Molac.
Le présent amendement, un peu plus polémique, vise à ce que la répartition de la redevance audiovisuelle tienne compte de l'obligation faite aux chaînes de radiodiffusion et de télévision de promouvoir les langues régionales. En effet, nombreux sont les citoyens mécontents de l'usage insuffisant des langues régionales par les radios et par les télévisions du service public. Il paraît donc normal que les chaînes qui s'acquittent le mieux de leur mission de diffusion des langues régionales voient leurs efforts légitimement récompensés par une répartition plus avantageuse du produit de la redevance.
Les présidentes d'Arte et de France Médias Monde, que nous avons auditionnées, devraient apprécier cet amendement…
La loi ne fixe pas les critères précis de répartition de la redevance qui obéit à un équilibre complexe apprécié au regard de l'ensemble des missions assignées à l'audiovisuel public. En ne fixant que le seul critère de la promotion des langues régionales, l'amendement crée un risque de confusion en donnant l'impression que cette mission est prééminente par rapport à toutes les autres, qui méritent pourtant une attention comparable. Avis défavorable.
J'aurais tant de choses à dire sur la redevance, mais je me réserve pour la séance publique. En attendant, Paul Molac ayant posé sa tête sur le billot, je vais mettre aux voix l'amendement AC20.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement AC6 de M. Claude Sturni.
J'ai évoqué tout à l'heure France Bleu Elsass dont les émissions – en alsacien – ne sont plus diffusées sur les ondes radio mais sur internet, ce qui montre bien la nécessité du contrôle parlementaire sur les aides publiques aux médias qui rédigent ou diffusent leurs informations en langue régionale. Nous proposons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport annuel sur la place des langues régionales dans les publications soutenues par l'État.
Je vous invite, cher collègue, à revenir en commission cet après-midi puisque, après le vote du budget, nous allons auditionner Mathieu Gallet. Vous aurez ainsi, mieux qu'un rapport, un « direct », si j'ose m'exprimer ainsi, avec le président de Radio France.
Par habitude, j'aborde avec une très grande prudence les demandes de rapports faites au Gouvernement, demandes dont la profusion affaiblit parfois la portée. Comme le président, je pense que les réponses directes sont tout aussi efficaces. Le rapport annuel du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) fera naturellement le point sur les langues régionales dans l'audiovisuel. Il ne me semble pas indispensable d'en faire de même pour les publications, qui seront désormais soumises au même régime que les écrits en français.
J'entends bien l'invitation qui nous est faite pour cet après-midi et qui concerne le domaine radiophonique, mais l'amendement porte également sur les sites internet d'information et sur les publications de presse. Or un rapport synthétique en la matière fait défaut et, dans le cadre de la promotion de langues régionales dont la pratique décline, il nous serait très utile.
La commission rejette l'amendement.
Article 8 : Compensation de charge supplémentaire
La commission adopte l'amendement AC31 de la rapporteure, visant à supprimer le gage de charge.
En conséquence, l'article 8 est supprimé.
La commission adopte ensuite l'ensemble de la proposition de loi modifiée.
La séance est levée à douze heures quinze.