Il n'est pas inutile de s'interroger sur la place d'une telle consultation citoyenne parmi les outils de l'évaluation. Il convient d'en apprécier les limites et d'en tirer les principaux enseignements. L'intérêt que peuvent susciter les résultats de cette consultation, singulièrement les réponses aux questions ouvertes, qui permettent de faire émerger de la « parole experte », est incontestable.
Il n'est évidemment pas question de substituer la consultation citoyenne aux autres modes d'évaluation existant aujourd'hui : dans un esprit de complémentarité, il s'agit d'ajouter un mode d'analyse nouveau et riche, devant être croisé avec les autres outils dont nous disposons.
Les instruments dont je suis persuadé qu'ils demeureront incontournables sont pour les députés évaluant une politique publique les auditions, les déplacements ainsi, que de façon plus ponctuelle, l'assistance de la Cour des comptes, instance incontestable avec laquelle, depuis sa création, le CEC entretient une relation privilégiée. Au sein du CEC, nos travaux d'évaluation font toujours la part qui leur revient aux travaux réalisés par des experts, aussi bien sur le plan quantitatif que qualitatif. Nous recourons encore régulièrement aux statistiques des ministères comme des corps d'inspection, que nous sollicitons régulièrement. Nous faisons aussi appel à des experts indépendants comme les chercheurs de l'École d'économie de Paris, et bien d'autres.
Par ailleurs, les enquêtes d'opinion réalisées « dans les règles de l'art » ne sont pas inconnues de notre Comité, qui a eu l'occasion de commander une étude à l'Institut français d'opinion publique (IFOP) sur l'impact de la lutte contre le tabagisme et d'exploiter, conjointement d'ailleurs avec la Cour des comptes, les résultats de cette enquête.
Certains travaux du CEC ont justifié la construction d'outils statistiques pour les besoins de l'évaluation, et l'on peut citer deux exemples récents.
En 2015, nos collègues Yves Durand et Rudy Salles ont formulé un certain nombre d'observations et de propositions portant sur la carte scolaire ; à cette occasion, un indice statistique a été créé afin de comparer la composition sociale des collèges et lycées et celle de leur quartier d'implantation.
En 2016, le CEC a procédé à une modélisation du recours aux minima sociaux dans deux départements, dans le cadre du rapport de nos collègues Gisèle Biémouret et Jean-Louis Costes sur l'accès aux droits sociaux.
Enfin, il serait erroné de croire que les citoyens seraient systématiquement les grands oubliés des travaux d'évaluation : à chaque fois que cela nous est possible, nous mandatons des cabinets spécialisés en évaluation des politiques publiques afin d'avoir la meilleure connaissance de l'opinion et des réactions de ceux de nos concitoyens qui sont concernés par ces politiques.
Cet outil nouveau de la consultation citoyenne nous semble donc receler un potentiel important. Il faut le promouvoir en s'appuyant sur les enseignements de cette première expérience et, de façon plus large, promouvoir l'évaluation elle-même.
Nous le disons fréquemment à nos concitoyens, un parlementaire est chargé de trois missions : une mission de représentation, une mission de législation, et, celle qui donne le plus d'ampleur aux deux premières, une mission de contrôle. Et, pour contrôler et évaluer, il faut se saisir de tout ce que les sciences et les technologies sont susceptibles de fournir.