Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques

Réunion du 24 novembre 2016 à 11h45

Résumé de la réunion

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  • CEC
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La réunion

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La réunion commence à onze heures quarante-cinq.

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L'Assemblée a organisé, du 4 au 17 octobre dernier, une consultation citoyenne sur l'impact de la loi du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes.

Cette consultation répond à une demande de Dominique Raimbourg, président de la commission des lois, qui est parmi nous ce matin. Elle s'inscrit dans la perspective du volet parlementaire du sommet du Partenariat pour un gouvernement ouvert qui se déroulera à Paris le 8 décembre prochain.

Cette expérimentation a permis, pour la première fois, d'associer les citoyens à l'évaluation d'une politique publique. Elle a été confiée au Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) qui a constitué un groupe de travail associant les trois commissions concernées, les commissions des lois, des affaires sociales et des affaires culturelles, ainsi que la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Nous allons examiner aujourd'hui le rapport sur cette consultation citoyenne dont les deux rapporteurs sont Sébastien Denaja, pour la majorité, et Guy Geoffroy, pour l'opposition.

Messieurs les rapporteurs, vous avez la parole.

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Monsieur le président, mes chers collègues, il s'agit d'un moment inédit dans l'histoire de l'Assemblée nationale que de rendre compte d'une consultation citoyenne sur une loi votée. Je me réjouis de le faire aux côtés de Guy Geoffroy, avec qui nous avons beaucoup travaillé sur les questions relatives à l'égalité entre les femmes et les hommes au-delà des clivages.

Le CEC a été chargé de réaliser une consultation citoyenne destinée à évaluer la politique publique en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes, en appréciant l'impact des principales dispositions de la loi du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes.

Un groupe de travail a été constitué, composé de Dominique Raimbourg, président de la commission des lois, qui est à l'initiative de la démarche, de Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes, et de députées membres des trois commissions concernées – commissions des affaires culturelles, des affaires sociales et des lois.

Après les expériences menées en février 2015 sur la proposition de loi relative à la fin de vie et en avril 2016 sur l'avenir de l'Union européenne – il s'agissait de consultations avant l'adoption de textes législatifs –, les citoyens ont été associés à l'évaluation d'une politique publique, portée par les dispositions d'un texte législatif adopté.

Comme vous l'avez souligné, monsieur le président, l'objectif est de présenter cette consultation lors du volet parlementaire du sommet du Partenariat pour un gouvernement ouvert qui se tiendra à Paris le 8 décembre prochain.

Cette démarche inédite s'est heurtée à quelques difficultés puisqu'elle a été conduite dans des délais très courts. Toutefois, nous avons pu travailler sérieusement sur le choix des thématiques, la rédaction du questionnaire, la mise en oeuvre et le déroulement de la consultation, en associant chercheurs, universitaires, associations citoyennes.

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À mon tour, je veux dire tout le plaisir que j'ai eu à participer à ce travail aux côtés de Sébastien Denaja. Je tiens à remercier l'ensemble des administrateurs, dont la compétence au service de l'Assemblée nationale doit être rappelée. Ils nous ont aidés à construire la méthode, ce qui n'était pas simple, et à la mener pour nous permettre de l'exploiter, sous le regard attentif et bienveillant des initiateurs de cette consultation, en particulier Mme Catherine Coutelle et M. Dominique Raimbourg.

Comme nous souhaitions que cette démarche soit totalement transparente, nous nous sommes entourés d'un comité de pilotage composé de personnalités qualifiées, pour l'essentiel connues et reconnues comme spécialistes des questions liées à l'égalité entre les femmes et les hommes et pour leur capacité à mener des actions, des réflexions et des investigations en utilisant des méthodes dites de « gouvernement ouvert ».

Ont ainsi été associés à ces travaux : Mme Dominique Méda, professeure à l'université Paris-Dauphine, spécialiste des questions d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ; Mme Hélène Périvier, économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), spécialiste des inégalités entre les femmes et les hommes ; M. Loïc Blondiaux, professeur à l'université Paris Panthéon-Sorbonne, spécialiste de l'ingénierie de la concertation ; l'association Regards citoyens, spécialisée dans la confection d'outils numériques destinés à comprendre le fonctionnement de nos institutions et qui se penche beaucoup sur l'activité des parlementaires. Sébastien Denaja et moi-même remercions chaleureusement ces personnalités pour le précieux concours qu'elles nous ont apporté à toutes les étapes de la consultation.

Nous les avons réunies à l'occasion d'une table ronde qui a permis de finaliser la démarche. Elles ont porté des jugements différents sur la méthode utilisée. Mmes Méda et Périvier ont estimé que, pour être significative et dépourvue de biais, une évaluation citoyenne nécessitait de sélectionner un panel représentatif de citoyens ou à défaut, de connaître le profil des répondants. De leur côté, l'association Regards citoyens et M. Blondiaux ont souligné l'intérêt de dépasser la logique traditionnelle de l'enquête d'opinion statistique et supposée objective pour adopter une logique de délibération collective en sollicitant le public le plus large possible – c'est ce qui a été fait en l'occurrence – afin de faire émerger des points de vue et des propositions éventuellement innovants.

Suivant cette logique de délibération collective, c'est l'association Regards citoyens qui a procédé, à notre demande, à un important travail consistant en une triple analyse : une analyse statistique des réponses, avec toutes les limites de l'exercice s'agissant du panel en question – qui est plus un panel « constaté » qu'un panel « orchestré » –, afin de déterminer la diversité des profils des contributeurs et leur degré de qualification, une analyse sémantique des réponses afin de déterminer de manière automatique les champs lexicaux utilisés, enfin une lecture collective des réponses – deuxième panel utilisé – consistant à les faire analyser par les citoyens eux-mêmes.

Vous pouvez consulter, en annexe à notre rapport, la contribution écrite remise par trois des personnalités qualifiées qui ont souhaité nous apporter, en plus des échanges que nous avons eus avec elles, quelques éléments de réflexion.

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Quelques mots sur les grandes étapes de la consultation. Pour être exploitable, la consultation devait être limitée à quelques thèmes choisis parmi les soixante-dix-sept articles de la loi du 4 août 2014.

Pour opérer notre choix, nous avons retenu trois critères : d'abord, les thèmes retenus devaient être suffisamment représentatifs des enjeux de la politique publique en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes pour justifier le fait d'interroger les citoyens ; ensuite, ils devaient être accessibles et compréhensibles par le citoyen pour ne pas cantonner la consultation aux experts – il s'agit là d'une recommandation des personnalités qualifiées et plus précisément de Dominique Méda qui nous a beaucoup aidés à perfectionner les intitulés des questions afin qu'elles soient parfaitement intelligibles ; enfin, ils devaient entrer dans les compétences du CEC en faisant intervenir des outils et des acteurs appartenant à la sphère publique.

Sur la base de ces critères, cinq thématiques, emblématiques des principaux enjeux de la loi du 4 août 2014, ont été retenues.

La première thématique portait sur les objectifs de la politique en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes, tels qu'ils ont été définis à l'article 1er de la loi. Nous avons interrogé nos concitoyens sur les priorités qui devaient être celles des pouvoirs publics en ce domaine.

La deuxième thématique concernait la place et l'image des femmes dans les médias audiovisuels et sur internet, à travers deux dispositifs : d'une part, le renforcement des obligations des télévisions et radios nationales en matière d'égalité entre les femmes et les hommes dans leur programmation ; d'autre part, l'extension du signalement de contenus illicites sur l'Internet à l'incitation à la haine à l'égard des personnes en raison de leur sexe.

La troisième thématique portait sur le partage des responsabilités parentales, autre volet de la loi du 4 août 2014, avec deux mesures : l'instauration de la prestation partagée d'accueil de l'enfant, et l'octroi d'une autorisation d'absence au conjoint d'une femme enceinte pour assister aux examens médicaux dans le cadre de la surveillance médicale de la grossesse et des suites de l'accouchement.

La quatrième thématique concernait le mécanisme de garantie publique contre les impayés de pensions alimentaires (GIPA) instauré par la loi du 4 août 2014.

Enfin, la cinquième thématique portait sur le renforcement de la protection contre les violences conjugales avec la réforme, en tout cas le perfectionnement de l'ordonnance de protection et la généralisation du téléphone « grand danger ».

On le voit, il ne s'agit pas simplement d'apprécier, d'évaluer la loi du 4 août 2014, mais aussi de la mettre en perspective avec la politique publique en la matière, notamment parce qu'elle était précédée d'une loi importante de 2010 relative aux violences faites aux femmes.

Les questions concernaient la connaissance du dispositif évalué, l'appréciation de son efficacité, les raisons susceptibles d'expliquer des entraves à sa mise en oeuvre et les mesures qui permettraient de l'améliorer. Outre des questions fermées, des questions ouvertes étaient posées car nous souhaitions une contribution citoyenne.

Des questions complémentaires étaient également destinées à mieux connaître le profil des internautes et à leur permettre d'émettre des suggestions pour améliorer ce type de consultation.

Le questionnaire comptait au total trente-huit questions.

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La consultation s'est déroulée sur une période relativement courte, du 4 au 17 octobre 2016.

Lors de leur inscription sur la plateforme mise en ligne sur le site de l'Assemblée nationale, les internautes qui souhaitaient participer à cette consultation ont été invités à cocher soit la case « Mme », soit la case « M. », soit la case « Ne souhaite pas indiquer son sexe », ce qui a permis de ventiler les résultats de la consultation en fonction du sexe déclaré.

Les réponses ont été « anonymisées » par l'attribution d'un identifiant à chaque questionnaire et ont été déposées sur le site open data de l'Assemblée nationale.

Les réponses au questionnaire ont été étudiées par les députés membres du groupe de travail, par les services de l'Assemblée nationale et par les personnalités qualifiées et toutes les contributions libres des 477 personnes ayant pris le temps de répondre aux questions ouvertes ont été analysées.

Le comité de pilotage s'est ensuite réuni le 25 octobre 2016 pour analyser les résultats de la consultation du point de vue de la méthode utilisée et des thèmes traités.

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Au total,967 personnes ont participé à la consultation dont 717 femmes, 201 hommes et 49 personnes qui n'ont pas souhaité indiquer leur sexe.

La participation s'est sensiblement érodée au fil du questionnaire mais elle est restée soutenue, témoignant ainsi de l'engagement des internautes ayant répondu.

Plusieurs d'entre eux ont salué cette initiative tout en regrettant qu'elle n'ait pas fait l'objet d'une publicité plus importante. Nous nous associons à cette remarque.

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Il serait totalement dépourvu de pertinence de prétendre livrer des résultats chiffrés de cette consultation qui vaudraient sondage en bonne et due forme et qui traduiraient le sentiment des Français par rapport aux questions qui leur ont été posées. Cela ne veut pas dire que les réponses apportées ne présentent pas d'intérêt pour l'analyse et l'évaluation de la manière dont certaines personnes, pour la plupart directement intéressées, ont réagi aux questions, car c'est à un autre travail que le CEC s'est livré. Il ne prétendait pas résumer le travail d'évaluation de la loi ni remplacer l'ensemble des autres outils d'évaluation. Pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté, il faut rappeler que nous avons souhaité présenter ce rapport en deux tomes. Le premier est consacré aux enseignements de méthode à tirer de la consultation ainsi qu'aux principaux éléments d'analyse des réponses reçues. Le second reprend de manière formelle le questionnaire et les résultats chiffrés présentés graphiquement, ainsi que les contributions des experts membres du comité de pilotage.

Ces précautions essentielles étant prises, nous avons choisi de témoigner des principaux résultats obtenus en agrégeant les réponses à la consultation des quelque mille personnes y ayant participé. J'en profite pour dire que, lors du débat que nous avons organisé entre les personnalités qualifiées, les avis ont été très partagés sur l'interprétation de ce nombre. Certains ont estimé que mille, ce n'était pas beaucoup, tandis que d'autres ont considéré que, compte tenu du volume du questionnaire et du temps qu'il fallait accepter de consacrer à répondre aux trente-huit questions, ce n'était pas du tout négligeable.

Ce sont donc les services du CEC et l'association Regards citoyens qui ont procédé au travail d'analyse de l'ensemble des contributions. Cela permet de dégager quelques tendances. Sur chacune des cinq thématiques, quelques lignes fortes sont apparues.

S'agissant de la prestation partagée d'accueil de l'enfant, sujet extrêmement important qui constitue un apport de la loi du 4 août 2014, nous pouvons affirmer que le dispositif est considéré par 55 % des personnes interrogées comme encore insuffisamment adapté pour inciter l'autre parent à prendre un congé parental, et par 58 % comme insuffisamment adapté pour permettre un retour rapide des femmes à la vie professionnelle.

En ce qui concerne l'ordonnance de protection qui, comme l'a rappelé Sébastien Denaja, est un travail au long cours puisque ce dispositif a été créé par la loi du 9 juillet 2010 puis amélioré grâce à la loi du 4 août 2014, on note un partage égal entre les internautes qui la jugent adaptée ou parfaitement adaptée à ses objectifs et ceux qui ne souscrivent pas à cette appréciation.

Je n'insisterai pas sur l'ensemble des autres items, car ils peuvent être aisément saisis dans le corps de notre rapport dont la lecture est facile et relativement brève. Le tableau d'ensemble doit être accueilli par les législateurs que nous sommes avec une infinie humilité parce que, je le répète, cette consultation n'est pas un sondage et qu'elle ne peut pas, à elle seule, tenir lieu d'évaluation d'une politique publique telle qu'elle ressort de nos observations sur la loi du 4 août 2014.

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La méthode elle-même est intéressante pour évaluer une politique publique, à condition d'être envisagée comme un outil complémentaire, en raison des impasses méthodologiques auxquelles on se heurte ; cependant il serait totalement irrespectueux de ne pas rendre compte de ce qu'ont répondu les internautes, bien qu'ils ne constituent pas un échantillon parfaitement représentatif de la population. En tout cas, je tiens à insister sur l'intérêt de l'aspect qualitatif de la démarche à travers l'analyse de l'ensemble des contributions libres qui ont été faites sur la base des questions ouvertes.

Avant d'examiner comment l'exercice particulier de la consultation citoyenne peut s'insérer parmi les différents outils de l'évaluation, arrêtons-nous un instant pour en souligner l'intérêt intrinsèque. Comment, sinon par une consultation citoyenne, recueillir le point de vue de celles et ceux que nous n'aurions jamais su ou pu convier à participer à nos travaux classiques d'évaluation et de contrôle ? Quelle meilleure réponse que la consultation citoyenne à celles et ceux qui se plaignent souvent, sans doute à juste titre, de l'éloignement des lieux de délibération et de décision ? Quel meilleur usage des technologies numériques au service de l'amélioration du fonctionnement de notre démocratie, dans le champ du contrôle et de l'évaluation, que la consultation citoyenne ? Poser ces questions, c'est évidemment y répondre.

Nous nous sommes essayés à l'exercice, et pensons avoir ouvert une voie. Les difficultés soulignées, les limites rencontrées constitueront des éléments d'enseignement qui permettront de perfectionner la méthode et la démarche dans les mois et les années à venir.

Je tiens à souligner la richesse de nos échanges avec l'association Regards citoyens, avec laquelle nous avons pu croiser nos analyses. Je veux aussi mettre en exergue quelques contributions citoyennes parmi celles que nous avons reçues, car il y a là un apport, une expertise, des propositions réelles. J'en cite quelques-unes : éduquer dès le plus jeune âge, dans le cadre scolaire, social, et familial, à la lutte contre les stéréotypes sexistes et à un meilleur partage des responsabilités parentales – on sait à quel point cette question est essentielle ; adapter l'organisation du travail – horaires, congés, télétravail – aux contraintes parentales, en impliquant les organisations syndicales ; améliorer l'équilibre entre les ex-conjoints après leur séparation pour l'exercice de leurs responsabilités parentales ; prélever à la source les pensions alimentaires, éventuellement selon un barème évolutif ; remplacer le paiement de la pension par le paiement direct de factures de cantine ou d'habillement – j'y suis personnellement opposé ; sanctionner systématiquement les mauvais payeurs de pensions alimentaires ; sanctionner les professionnels de l'audiovisuel tenant des propos sexistes ; former les professionnels de l'audiovisuel tenant des propos sexistes à une meilleure appréhension des comportements et propos sexistes ; développer la géolocalisation des auteurs de violences conjugales et le suivi thérapeutique de ces derniers.

Il a donc bien été possible de faire émerger, en quelque sorte, une expertise citoyenne, en tout cas une volonté de contribution citoyenne à l'enrichissement de cette politique publique, au-delà même de son évaluation.

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Il n'est pas inutile de s'interroger sur la place d'une telle consultation citoyenne parmi les outils de l'évaluation. Il convient d'en apprécier les limites et d'en tirer les principaux enseignements. L'intérêt que peuvent susciter les résultats de cette consultation, singulièrement les réponses aux questions ouvertes, qui permettent de faire émerger de la « parole experte », est incontestable.

Il n'est évidemment pas question de substituer la consultation citoyenne aux autres modes d'évaluation existant aujourd'hui : dans un esprit de complémentarité, il s'agit d'ajouter un mode d'analyse nouveau et riche, devant être croisé avec les autres outils dont nous disposons.

Les instruments dont je suis persuadé qu'ils demeureront incontournables sont pour les députés évaluant une politique publique les auditions, les déplacements ainsi, que de façon plus ponctuelle, l'assistance de la Cour des comptes, instance incontestable avec laquelle, depuis sa création, le CEC entretient une relation privilégiée. Au sein du CEC, nos travaux d'évaluation font toujours la part qui leur revient aux travaux réalisés par des experts, aussi bien sur le plan quantitatif que qualitatif. Nous recourons encore régulièrement aux statistiques des ministères comme des corps d'inspection, que nous sollicitons régulièrement. Nous faisons aussi appel à des experts indépendants comme les chercheurs de l'École d'économie de Paris, et bien d'autres.

Par ailleurs, les enquêtes d'opinion réalisées « dans les règles de l'art » ne sont pas inconnues de notre Comité, qui a eu l'occasion de commander une étude à l'Institut français d'opinion publique (IFOP) sur l'impact de la lutte contre le tabagisme et d'exploiter, conjointement d'ailleurs avec la Cour des comptes, les résultats de cette enquête.

Certains travaux du CEC ont justifié la construction d'outils statistiques pour les besoins de l'évaluation, et l'on peut citer deux exemples récents.

En 2015, nos collègues Yves Durand et Rudy Salles ont formulé un certain nombre d'observations et de propositions portant sur la carte scolaire ; à cette occasion, un indice statistique a été créé afin de comparer la composition sociale des collèges et lycées et celle de leur quartier d'implantation.

En 2016, le CEC a procédé à une modélisation du recours aux minima sociaux dans deux départements, dans le cadre du rapport de nos collègues Gisèle Biémouret et Jean-Louis Costes sur l'accès aux droits sociaux.

Enfin, il serait erroné de croire que les citoyens seraient systématiquement les grands oubliés des travaux d'évaluation : à chaque fois que cela nous est possible, nous mandatons des cabinets spécialisés en évaluation des politiques publiques afin d'avoir la meilleure connaissance de l'opinion et des réactions de ceux de nos concitoyens qui sont concernés par ces politiques.

Cet outil nouveau de la consultation citoyenne nous semble donc receler un potentiel important. Il faut le promouvoir en s'appuyant sur les enseignements de cette première expérience et, de façon plus large, promouvoir l'évaluation elle-même.

Nous le disons fréquemment à nos concitoyens, un parlementaire est chargé de trois missions : une mission de représentation, une mission de législation, et, celle qui donne le plus d'ampleur aux deux premières, une mission de contrôle. Et, pour contrôler et évaluer, il faut se saisir de tout ce que les sciences et les technologies sont susceptibles de fournir.

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Je souhaite maintenant aborder la question du dispositif de communication déployé pour cette consultation : les outils utilisés doivent être adaptés afin d'obtenir la meilleure participation possible de nos concitoyens.

Au titre des outils classiques, nous avons recouru à un communiqué de presse du Président de l'Assemblée nationale ainsi qu'à un affichage sur la page d'accueil du site Internet de l'Assemblée, et les réseaux sociaux ont été mobilisés, comme cela avait été le cas pour la consultation sur la fin de vie, et pour le groupe de travail sur l'avenir des institutions, présidé par Claude Bartolone et Michel Winock.

De façon plus originale, un flyer a été conçu ; il a notamment été diffusé au sein du réseau territorial du service des droits des femmes et de l'égalité entre les femmes et les hommes, qui nous semblait constituer un point de relais singulièrement adapté.

Au-delà de l'appréciation pouvant être portée sur le nombre d'un millier de contributions, nous considérons qu'un nombre plus important de réponses aurait pu être obtenu. Aussi formulons-nous, Guy Geoffroy et moi-même, un certain nombre de propositions que nous jugeons propres à amplifier la mobilisation citoyenne.

Afin de donner une plus forte impulsion à la consultation, il serait utile de recourir à une information diffusée par au moins un grand média national de la presse écrite ou audiovisuelle.

Il serait possible d'encourager davantage nos collègues à se faire le relais local de la consultation, en leur donnant des outils leur permettant, dans leur circonscription, d'être des médiateurs. Car la démarche peut apparaître trop technique et complexe, notamment du fait du recours au numérique.

Par ailleurs, la faiblesse de la participation trouve sa principale explication dans la durée trop courte de la consultation, car, en seulement quinze jours, celle-ci était presque terminée avant même que nous ayons le temps de la faire connaître. Aussi, sans aller jusqu'aux douze semaines pratiquées à l'échelon européen, un « certain temps » doit être donné, qui ne saurait être inférieur à un mois, voire deux.

Enfin, en reprenant une idée formulée par le président Dominique Raimbourg, qui a suivi nos travaux de très près puisqu'il en était à l'origine, il faut réaliser en amont un travail de repérage plus fin des « personnes ressources » et des « réseaux d'appui » qui peuvent aider à transmettre largement l'information. La diffusion du flyer au sein du réseau territorial du service des droits des femmes et de l'égalité entre les femmes et les hommes répondait à cet impératif, en raison du caractère relativement ciblé du thème traité. Or les prochaines consultations susceptibles de porter sur des questions de législation concerneront un public plus vaste ; d'où notre proposition.

Nous pensons donc que l'application de ces propositions devrait aboutir à un niveau de participation bien plus important.

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Nous devons trouver le moyen d'exploiter le mieux possible le matériau que constituent les données collectées afin d'y trouver les bonnes lignes d'évaluation, tout en tenant compte des limites et des difficultés méthodologiques auxquelles nous avons été confrontés au cours de nos travaux.

Même si certains spécialistes ont pu émettre des doutes sur le bien-fondé de notre démarche, nous avons tous trouvé un intérêt profond à ce travail conduit avec l'association Regards citoyens, et avons beaucoup appris.

C'est pourquoi nous formulons, à l'attention de l'Assemblée nationale, quelques propositions concrètes.

Nous recommandons, premièrement, que l'Assemblée nationale se dote des outils d'analyse statistique permettant de procéder, de manière un peu plus fine qu'avec un simple tableur Excel, au traitement de données en vue d'identifier des « profils » des contributeurs.

En second lieu, nous préconisons le recours aux outils d'analyse lexicale des réponses formulées pour les questions ouvertes en texte libre. Ces outils d'analyse lexicale existent, et il convient de se les procurer. Ceux que l'association Regards citoyens a utilisés sont des logiciels libres, donc gratuits ; par conséquent ils ne sont pas de nature à grever le budget de l'Assemblée nationale. Bien évidemment, ce type d'analyse ne peut être appliqué qu'aux consultations produisant un volume de texte suffisant.

La proposition sans doute la plus novatrice de toutes celles que nous formulons dans notre rapport réside dans la constitution d'un collectif d'internautes qui serait chargé de dépouiller les contributions en texte libre selon une méthode dite « d'analyse communautaire », inspirée de celle que l'association Regards citoyens et ses partenaires ont mise en oeuvre. Les universitaires que nous avons consultés ont considéré que l'important travail bénévole effectué par 400 internautes sur les mille réponses à notre questionnaire soulevait des interrogations, voire des critiques. Aussi nous revient-il de limiter les critiques et de répondre aux interrogations.

L'analyse communautaire serait de nature à améliorer la qualité du résultat, et nous pourrions la considérer comme proche d'un travail scientifique, compte tenu des limites de l'exercice. Il s'agit de la promouvoir en la rendant la plus véridique et la plus utilisable possible, afin que nos analyses produisent l'évaluation la plus efficace que l'on puisse souhaiter.

À l'intention de l'ensemble du CEC, je dirai qu'il me semble que nous n'avons pas à rougir de ce premier exercice de « consultation citoyenne évaluative ». En effet, les difficultés ont été nombreuses, en raison de la nature même de l'exercice, mais aussi des contraintes de temps. Elles ne doivent toutefois pas nous conduire à poser un regard suspicieux sur ce type de consultations, mais, au contraire, nous aider à libérer les futurs travaux de leur carcan, notamment temporel.

Nous sommes convaincus que ce type d'exercice, s'ajoutant aux autres outils d'évaluation, permettra d'ouvrir des perspectives intéressantes aux futurs travaux d'évaluation du CEC, mais aussi à ceux des commissions permanentes de notre assemblée.

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Cet exercice, conduit à l'initiative du président Dominique Raimbourg, aura été enrichissant. Je souhaite à mon tour remercier les administrateurs et les collaborateurs pour leur concours. Par-delà les aléas méthodologiques, je souhaiterais exprimer le regret que j'éprouve à constater le désintérêt manifesté par un trop grand nombre de nos collègues. Si nous voulons rétablir la confiance entre les élus et les citoyens, il conviendrait de leur marquer plus de respect. Ils sont en effet souvent troublés de voir les bancs désertés dans l'hémicycle ou les salles de commission.

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Merci, messieurs les rapporteurs, pour la qualité des travaux que vous nous avez menés. Par ailleurs, je ne peux que partager les dernières réflexions de mon collègue Sébastien Denaja.

Vos travaux permettront d'élargir notre palette d'évaluation et de contrôle, au sein non seulement du CEC, mais aussi des commissions permanentes, puisque notre Règlement autorise désormais les rapporteurs des textes de loi à procéder, au bout de trois ans, à leur évaluation. Cette possibilité constitue un progrès, et j'espère qu'elle sera largement utilisée.

Le Comité autorise la publication du rapport.

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Avant de lever la séance, il nous revient de décider du programme de travail de notre Comité pour l'année à venir.

L'année 2017 étant une année de renouvellement de l'Assemblée nationale, je vous propose de demander l'assistance de la Cour des comptes pour mener deux évaluations.

Comme en 2012, le comité issu du renouvellement de l'Assemblée disposera ainsi de deux études qui lui permettront de débuter ses travaux dès son installation, et décidera du choix des autres évaluations.

En accord avec la Cour des comptes, je vous propose donc de lancer deux séries de travaux : l'une sur la prise en charge de l'autisme, l'autre sur l'évaluation des enseignants.

Chacune de ces études sera confiée à un rapporteur « Socialiste, écologiste et républicain » et à un rapporteur « Les Républicains » ou « Union des démocrates et indépendants ».

Le Comité adopte ce programme de travail.

La réunion s'achève à douze heures vingt.