Intervention de Daniel Vaillant

Réunion du 23 novembre 2016 à 16h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Vaillant :

Ce projet de loi est certes tardif mais il est aussi le produit de plusieurs évolutions. On ne peut lui reprocher d'être insuffisamment ambitieux et, en même temps, de retoucher un statut qui mérite d'être modifié. J'ai connu le statut établi par Valéry Giscard d'Estaing en 1975 qui s'est appliqué en 1977 : c'était affreux. Heureusement qu'on a adopté la loi « PML » sans aller, cher Claude Goasguen, jusqu'aux vingt mairies de plein exercice, qui ont duré vingt-quatre heures – parce que c'était, pour le coup, trop ambitieux et trop brutal. Voilà pourquoi la réforme par petites touches ne me dérange pas, au contraire. Je rappelle que, depuis l'adoption de la loi « PML », il y a eu plusieurs réformes de ce type, qui visaient à tenir compte de l'évolution de la réalité. Nous avons par exemple réglé certaines questions en 2001.

Le présent projet de loi va dans ce sens : pas de brutalité, pas de manipulation et, globalement, une amélioration même si des questions peuvent légitimement se poser. En 1977, il pouvait arriver, que dans un arrondissement, une majorité issue du suffrage universel soit représentée par un tiers d'élus, face à deux tiers de représentants désignés soit par le maire de Paris soit par la majorité du Conseil de Paris. Les commissions d'arrondissement ne servaient alors strictement à rien. Je crois donc que nous avons fait évoluer les choses de manière positive, dans le sens de la proximité, et que les maires d'arrondissement ont commencé à acquérir une certaine légitimité, même si les deux « grands chelems » réalisés par Jacques Chirac en 1983 et 1989 n'ont pas permis d'aller plus loin. Il aura fallu attendre 1995 pour que Paris s'éveille. Jusque-là, les choses étaient plus figées. Les maires d'arrondissement étaient même des adjoints sans attributions particulières – pas même les attributions de logements, si vous voyez à quoi je fais allusion... Une loi qui viendrait maintenant bousculer les choses ne serait donc pas souhaitable.

De la même manière, puisque cela a été évoqué par Pierre Lellouche, l'idée d'élire le maire de Paris au suffrage universel direct, en dérogeant au droit commun, serait une grave erreur. La personnalisation de la vie politique n'est pas une avancée – je le dis pour tout le monde. Lorsqu'un maire est élu à la tête d'une liste – ou pas, d'ailleurs, puisqu'il est arrivé qu'une tête de liste ne devienne pas maire –, on peut parler de démocratie collective. L'avantage du mode de scrutin de Paris, Lyon et Marseille est qu'il s'est accompagné d'une nouvelle loi électorale comportant une part de proportionnelle, conciliant ainsi la majorité et la diversité. Ce mode de scrutin, que Gaston Defferre a fait adopter pour les élections de 1983, n'est remis en cause par personne. Je disais d'ailleurs à Jacques Chirac, au moment de son deuxième grand chelem : « L'opposition serait dans votre majorité s'il n'y avait pas ce mode de scrutin qui permet à votre vraie opposition d'être représentée. » Cela est vrai, cher Claude Goasguen. Il ne faut donc pas vouloir tout chambouler.

Ce projet de loi présente l'avantage de simplifier le droit en vigueur. Il n'y a que nous qui sachions qu'il y a un département à Paris – et un peu les contribuables s'ils regardent leur avis d'imposition. C'est une entité qui n'a pas de légitimité politique établie. La fusion entre commune et département est donc une simplification utile, même si personne ne s'en apercevra vraiment.

S'agissant des autres évolutions envisagées, il me semble positif de renforcer la proximité, notamment en matière de sécurité, d'autant qu'il existe déjà une brigade contre les incivilités. Il est positif également que la ville reprenne, fonctionnellement, les ASP créés par Bertrand Delanoë en 2001. Je me demande néanmoins qui dirigera ces agents. Le système actuel évite au moins que les maires d'arrondissement soient saisis des contraventions discutées, contentieuses. Je ne crois pas que le préfet de police fasse « sauter » les contraventions, et c'est très bien ainsi. Il conviendra de veiller à ce que les élus de proximité ne soient pas confrontés à cette question. Je me réjouis que la ville prenne des dispositions pour faire rentrer l'argent des contrevenants mais je ne voudrais pas que prospèrent, en fonction des équipes municipales, des pratiques non conformes à l'intérêt général.

Par ailleurs, il faut refuser toute police municipale à Paris. J'ai une certaine expérience en la matière : je pense que ce qui nous est proposé est équilibré et juste, et qu'il ne serait pas raisonnable de créer une police municipale susceptible d'agir en contradiction avec la police nationale dans une ville qui est, entre autres choses, le siège du Gouvernement et du Parlement.

Il ne faudrait pas non plus que la démocratie de proximité, donc la légitimité des élus d'arrondissement, soit remise en cause. Je suis très attaché à l'équilibre qui a été trouvé, avec un maire de Paris qui dispose d'une majorité au Conseil de Paris et qui tire sa légitimité de cette élection au second degré ainsi que de la totalisation des votes au niveau des arrondissements. Les Parisiens sont maintenant attachés à cette formule. Ils s'identifient aux équipes qu'ils ont élues.

Enfin, j'en viens à la fusion des quatre arrondissements. Certains ont demandé pourquoi on n'en fusionnait pas davantage : on peut toujours faire mieux, et on pourra toujours revenir sur cette question mais la fusion envisagée présente l'avantage de ne pas chambouler l'équilibre politique. Nous aurions d'ailleurs échoué si nous avions voulu, à travers cette opération, trahir le suffrage universel. Atteindre une échelle tenable sur le plan administratif et qui permette quelques économies me semble correspondre à une juste évolution qui n'est guère contestable. Mais il me semble qu'aller plus loin nous ferait courir le risque de cette contestation. La fusion me semble raisonnable et moderne, et j'accepte le principe qu'elle ne soit qu'une étape.

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