L'avis du Conseil d'État montre, lui aussi, que cela n'entraînera pas de déséquilibre et que, bien au contraire, l'opposition sera représentée là où elle ne l'est pas aujourd'hui – notamment dans les très petits arrondissements. Du fait d'une modification de la loi antérieurement à l'élection de 2014, l'opposition dans les 2e et 4e arrondissements n'est plus représentée au Conseil de Paris. L'effet direct d'un regroupement serait de donner à l'opposition la possibilité d'avoir des élus supplémentaires. C'est un fait établi si l'on part des résultats de la dernière élection.
Je voudrais revenir sur une remarque de Christophe Caresche concernant les avis conformes en matière d'axes de circulation. Des dispositions ont été prises récemment sur le sujet, notamment concernant la voirie parisienne. Elles sont tout à fait satisfaisantes puisqu'elles prévoient l'obligation pour la mairie de Paris de recueillir l'avis conforme de l'autorité de l'État pour certaines voies. C'est par exemple sur avis conforme du préfet que nous avons pu prendre l'arrêté interdisant la circulation sur la voie Georges-Pompidou. Votre proposition aurait pour conséquence de rendre obligatoire l'avis conforme du maire de Paris sur des voies régionales et municipales d'autres communes, ce qui, de mon point de vue, ne simplifierait pas l'action publique.
Je souhaiterais également rectifier certains chiffres cités par Claude Goasguen : le Grand Paris compte 7 millions d'habitants et non pas 3 millions, et le Grand Londres en compte 8 millions. Il y a longtemps, par ailleurs, que Paris n'est plus enfermée dans son périphérique : Bertrand Delanoë avait engagé ce travail alors que j'étais sa première adjointe chargée, notamment, de l'urbanisme et de l'architecture. Je me suis attachée, à ses côtés, à favoriser la relation entre Paris et les villes de l'agglomération, et plusieurs élus de ces villes sont ici présents, qui peuvent témoigner de l'effort accompli depuis quinze ans dans cette direction. Je pourrais citer Cachan, avec Jean-Yves Le Bouillonnec, mais aussi André Santini à Issy-les-Moulineaux ou Bernard Gauducheau à Vanves, qui sont les premiers maires avec lesquels nous avons réfléchi à ces ouvertures.
Ce travail précurseur, mené il y a quinze ans, a abouti à la création d'une conférence métropolitaine. Bien sûr, certains ont pu être insatisfaits parce qu'ils voyaient autrement la Métropole du Grand Paris. Mais la création de cette instance n'en est pas moins importante.
Aujourd'hui, la ville n'est pas enserrée dans son périphérique, puisqu'elle travaille sur des projets d'aménagement communs au-delà de celui-ci. Je citerai notamment le projet que nous menons avec le Val-de-Marne : d'un côté le secteur d'aménagement de Bercy-Charenton, que connaît bien Sandrine Mazetier, de l'autre une ZAC du Val-de-Marne.
Cela fait donc déjà plusieurs années que nous avons franchi le périphérique et que nous coopérons de façon assez intéressante. D'ailleurs, l'exemple du Grand Paris et de la Métropole du Grand Paris intéresse beaucoup certaines métropoles étrangères qui cherchent elles-mêmes un modèle institutionnel pour associer les maires à leur travail et construire une relation avec la ville-centre.
J'en reviens aux propositions et aux commentaires de M. Belot.
Il est vrai que la question de la relation entre la ville-centre et les villes au sein d'une agglomération se pose. Elle devrait d'ailleurs se poser aussi d'un point de vue budgétaire et fiscal. Par exemple, les charges de centralité ne sont pas prises en considération. À Paris, celles-ci atteignent 700 millions d'euros annuels, alors même – et c'est très bien ainsi – que les mécanismes de péréquation ont un effet redistributif puissant. De fait, chaque année, plus de 500 millions d'euros du budget de la ville sont versés à la péréquation nationale,– pour 60 % – et régionale – pour 40 % – ces pourcentages étant en cours de révision dans l'actuelle loi de finances. Dans cette relation entre ville-centre et villes de la métropole, il est très important de prévoir des dispositions de péréquation, de fiscalité et de prise en compte des charges de centralité.
Vous l'avez très bien dit, la métropole de Paris représente 30 % du PIB national. On voit bien qu'il y a un intérêt, qui n'est pas simplement parisien, pas simplement métropolitain, pas simplement régional, mais bien national, à l'attractivité de cette métropole. Celle-ci joue un rôle de locomotive, et c'est une source de redistribution vers les autres territoires. Il faut mener cette réflexion jusqu'au bout. Ce n'est pas l'objet de cette loi, mais il faudra en tenir compte, soit en loi de finances, soit dans les lois relatives au dispositif institutionnel territorial.
Vous avez évoqué le statut spécifique de Paris. Nous souhaitons aller le plus possible vers le droit commun, pour que Paris n'ait pas un statut d'exception, sauf en matière de sécurité – et ce n'est pas ce qui s'est passé à Nice qui me fera changer d'avis, bien au contraire.
À Paris, il y a une police nationale et des services qui, dans la proximité, assurent la tranquillité publique. Je ne me prononce pas pour les autres villes, mais je considère que, pour Paris, c'est le bon dispositif, car lorsque l'on crée deux institutions, chacune essaie tout naturellement de prendre le pas sur l'autre, ce qui est à éviter absolument dans le contexte que nous connaissons aujourd'hui. Compte tenu, qui plus est, des restrictions budgétaires, ce serait prendre un risque énorme pour la sécurité des Parisiens, des touristes, de toutes celles et tous ceux qui fréquentent la métropole, que de s'engager de façon aventureuse dans la création d'une police municipale. Je reste donc fermement opposée à cette proposition.
Vous avez parlé, monsieur Belot, des smart cities. Il faut sans doute réfléchir à des dispositifs d'expérimentation plus importants, donner à des villes comme Paris – qui sait produire de l'énergie à partir des énergies renouvelables – la capacité d'exploiter et de distribuer l'énergie, et créer des fonds pour investir, notamment, dans la transition écologique et énergétique.
Ce dernier point me tient beaucoup à coeur. Pour moi, c'est un défi majeur. Aujourd'hui, sur la planète, 70 % de l'investissement en faveur de la transition écologique et énergétique provient de financements publics. Je suis très attachée à ce que les pouvoirs publics puissent continuer d'investir puissamment, notamment pour fixer les orientations et donner des impulsions. Mais cela ne suffira pas : il faut que les milliards qui sont aujourd'hui disponibles viennent s'investir dans la transition écologique et énergétique. Je pense qu'une ville comme Paris a besoin d'un fonds, type fonds souverain, pour accueillir en toute transparence ces financements et développer l'investissement.
Je m'arrêterai là, car je ne veux pas me prêter à un débat politicien. On peut toujours dire qu'il faudrait faire ceci et cela, mais pas de cette façon, etc. Je ne sais pas répondre à ce genre de remarques et ne souhaite pas me lancer dans un tel débat.
Ce qui m'anime, c'est le souci d'efficacité, la volonté de répondre aux besoins des habitants, de ne pas faire l'impasse, au moment où l'on métropolise, sur la proximité nécessaire. Pour moi, la proximité est dans les arrondissements, sans qu'il soit besoin de toucher aux pouvoirs de la ville en matière d'urbanisme, en matière fiscale, en matière de permis de construire, en matière de personnel – autant d'éléments structurants de cette ville, de son identité et de son équilibre.
Ce qui m'anime, c'est la volonté de répondre mieux, même avec moins de moyens, aux attentes de nos concitoyens, qui ne nous disent pas qu'il faut moins de services publics. Dans les quartiers populaires, on sait très bien que la présence publique, par le biais de services publics de qualité, est indispensable. Mais pour s'en sortir, dans le contexte de tension extrême que nous connaissons, notamment sur le plan budgétaire, il faut se réorganiser. C'est ce que nous avons fait de façon très volontariste à Paris, en regroupant des directions, en modifiant nos processus de production de services, de façon être plus efficaces sans porter atteinte à la qualité du service rendu.
C'est dans cet état d'esprit que s'inscrit ce projet, dont je remercie Daniel Vaillant d'avoir dit qu'il était aussi un projet raisonnable. Pourquoi aurions-nous proposé de tout chambouler ? Paris, ça marche ! En termes d'attractivité, nous sommes dans le « top 4 » des grandes villes du monde. Ce n'est pas pour rien que cette ville continue à intéresser !
Nous nous sommes engagés tous ensemble pour les Jeux olympiques, et je vous en remercie. Quand je vois les réactions que Paris provoque chez nos interlocuteurs, je me dis que « ça marche » et qu'il ne faut pas tout changer. Cette ville s'appuie sur des fondamentaux solides – dont l'administration parisienne, que je veux saluer ici. Contentons-nous de simplifier, de clarifier, de moderniser, et de répondre à l'attente de nos concitoyens.
Les Parisiens sont fiers de leur ville, de leur arrondissement, et plus encore de leur quartier. Ils attendent de nous que nous ne prenions pas de retard. Bertrand Delanoë voulait avoir « un temps d'avance », et je reprends volontiers cette formule qu'a citée Sandrine Mazetier. Prenons donc un temps d'avance, ne nous laissons pas doubler, car la compétition est féroce.
Pour autant, n'oublions pas qui nous sommes. Cette ville aime sa diversité et s'en satisfait. Il existe, c'est vrai, un Est et un Ouest de Paris, mais l'un et l'autre se rencontrent. Ainsi, de nombreux enfants de l'Ouest habitent aujourd'hui au centre ou dans les quartiers comme le 10e ou le 11e arrondissement. C'est le signe que Paris fait société !
Ce projet de loi nous permettra d'être plus efficaces et de partager une même vision, partagée mais non partisane – le sujet n'est pas là. Nous sommes en fin de législature, mais à peine au milieu du mandat de l'équipe municipale parisienne. Voter maintenant ce texte permettra aux Parisiens de s'adapter, de travailler, et d'en apprécier la concrétisation d'ici les élections municipales de 2020.
Merci, monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, pour cette audition particulièrement importante, et passionnante pour la maire de Paris que je suis.