Nous reviendrons si vous le souhaitez sur les modifications introduites par la Haute Assemblée. Pour l'heure, je commente devant la commission des Lois de l'Assemblée nationale le document déposé par le Gouvernement sur le bureau du Sénat. Il traduit, je vous le disais, les arbitrages qui ont permis d'aboutir à un point d'équilibre.
Dans la partie du texte qui concerne le transfert à la mairie de certaines des compétences exercées par la préfecture de police, sont prévus quatre sujets de transfert principaux : la verbalisation du stationnement payant, la verbalisation du stationnement gênant, le recueil des demandes de titres d'identité et certaines polices spéciales. En outre, des évolutions significatives touchent les autorisations relatives aux manifestations publiques et rassemblements ainsi que la police de la circulation.
L'approche retenue a été la même dans chaque cas : appliquer de manière équilibrée le retour vers le droit commun de la police municipale, quand c'est possible et pour des compétences au sujet desquelles il y a aujourd'hui un avantage à ce qu'elles soient exercées par les élus municipaux de manière que l'État se recentre sur ses missions régaliennes. Ce principe établi, nous ne souhaitions pas, pour certaines compétences sur lesquelles je reviendrai, aller plus avant, à la fois parce que la période est très exigeante en termes de sécurité et parce que, dans une capitale, certaines étapes doivent être franchies avant que l'on en vienne aux transformations plus profondes que certains peuvent souhaiter.
Le bloc que constitue le contrôle du stationnement payant n'est pas au coeur du métier de la préfecture de police. La maire de Paris a souhaité le transfert de cette mission qui, exercée par 2 285 agents avec un budget de 108 millions d'euros, représente une part importante des effectifs et du budget spécial de la préfecture de police. Il m'a paru d'emblée tout à fait souhaitable que la police du stationnement payant soit assurée par la municipalité. Depuis lors, la maire de Paris a annoncé vouloir privatiser cette activité ; c'est un autre sujet. Les agents transférés constitueront le noyau de ce que la mairie a souhaité appeler une brigade de lutte contre les incivilités.
La police du stationnement gênant et les parcs de fourrière et de préfourrière concernent 495 agents de surveillance de la ville de Paris (ASP) et 225 préposés des sociétés d'enlèvement et des entreprises qui gèrent préfourrières et fourrières. Le stationnement gênant est un bloc complet associant la prescription du stationnement gênant, son pilotage par les services concernés, la demande d'enlèvement, l'arrivée d'un grutier et le transport du véhicule en infraction vers la préfourrière puis vers la fourrière en cas de non-retrait par le propriétaire. Dans un premier temps, la municipalité ne souhaitait pas récupérer cet ensemble. Après qu'elle nous l'a finalement demandé, nous avons donné notre accord : il est assez logique que la police du stationnement gênant, complément du stationnement payant, bénéficie d'une gestion municipale, comme c'est le cas dans le droit commun communal. Nous avons donc donné le feu vert.
Ma seule préoccupation, et j'appelle sur ce point l'attention de votre commission, est celle du calendrier. À la demande de la maire, ce transfert était prévu le 1er janvier 2019 au plus tard, celui du stationnement payant devant advenir le 1er janvier 2018. Si le transfert du stationnement gênant devait être avancé, ce qui était le souhait de la municipalité, le bloc complet devrait être transféré. Ce qui poserait problème serait de transférer les seuls 495 ASP qui verbalisent le stationnement gênant tout en laissant pendant un an la gestion de l'enlèvement des véhicules en stationnement irrégulier, de la préfourrière et de la fourrière aux services de la préfecture de police.
En ce cas, il n'y aurait plus de cohérence entre la politique du constat de l'infraction et la politique d'enlèvement ; toutes les réclamations – qui ont trait tant au principe de la verbalisation qu'aux conditions d'enlèvement ou de mise en fourrière – seraient partagées entre des autorités différentes ; les services de la préfecture de police seraient instrumentalisés par une politique de verbalisation sur laquelle ils n'auraient aucune prise. Un tel schéma conduirait certainement à une dégradation significative de la gestion des flux d'enlèvements et de l'efficacité de la mise en préfourrière ou en fourrière des véhicules en stationnement gênant. Aussi la préfecture de police souhaite-t-elle que le transfert des blocs « stationnement payant » et « stationnement gênant » dans sa totalité intervienne le 1er janvier 2018 si la maire souhaitait aller rapidement, ou que le transfert du bloc complet du stationnement gênant, enlèvement, préfourrières et fourrières compris, ait lieu à une date à convenir entre le 1er janvier 2018 et le 1er janvier 2019. C'est d'autant plus nécessaire que les contrats de gestion des préfourrières et fourrières doivent être renouvelés en 2018. Si les ASP étaient seuls transférés, le préfet de police se trouverait devoir négocier des contrats dont il ne contrôlerait pas la mise en oeuvre ultérieure.
Nous nous sommes aussi accordés pour remettre dans le droit commun la fonction d'accueil et d'enregistrement des demandes de titres d'identité – cartes d'identité et passeports. Cette mission d'État est partout exercée par les communes, l'État conservant la charge du contrôle de la fraude, de la délivrance du titre et de sa vérification. Il s'agit d'accueillir les usagers, la plupart du temps dans les mairies d'arrondissement. Ce transfert, prévu le 1er janvier 2018, concernera 186 agents. Il ne suscite pas d'observations particulières
Il est aussi proposé de transférer quelques polices spéciales dont la liste précise a été établie avec l'accord systématique de la mairie. Sont concernées la police des funérailles et des lieux de sépulture, la lutte contre les nuisances sonores, ainsi que la lutte contre l'habitat indigne, qui fait l'objet d'un partage équilibré : l'État conserve la gestion des immeubles d'habitation collective, la mairie reprend celle des habitations individuelles. Le transfert concerne 60 agents ; il est prévu le 1er janvier 2018.
Le point suivant est plus délicat, car il est à la frontière entre les missions régaliennes dans une ville-capitale et les missions relatives à la gestion des rassemblements et des manifestations – ce qui relève de la « tranquillité publique » aux termes de l'article L. 2212 du code général des collectivités territoriales. Là encore, nous avons trouvé un point d'équilibre très simple : toutes les autorisations relatives aux manifestations locales, culturelles, associatives, aux manifestations sportives locales, aux marchés, vide-greniers et cætera sont transférées à l'autorité municipale. En revanche, la gestion des manifestations à caractère revendicatif, particulièrement nombreuses à Paris – il y en a plus de deux mille cinq cents par an, souvent de gestion difficile en termes d'ordre public –, et les manifestations itinérantes, telles les courses à pied, qui demandent un dispositif de sécurisation très important, resteront de la compétence du préfet de police pour des motifs de sécurité. De ce transfert résulteront une simplification notable pour l'usager et certainement l'implication des élus d'arrondissement dans la gestion des autorisations et des déclarations.
Le dernier bloc de transfert concerne la circulation, domaine compliqué comme le montre l'actualité. Le choix fait est celui de la responsabilité des acteurs, chacun dans son rôle. Dans le système en vigueur, la quasi-totalité des aménagements suppose l'avis conforme du préfet. C'est dans ce cadre qu'a été examiné, par exemple, le dossier de la voie sur berges. Nous avons souhaité, pour la plupart des voies, en finir avec la codécision systématique ainsi imposée. À l'obligation d'avis conforme est donc substituée la prescription imposée par le représentant de l'État au titre de ses responsabilités en matière de gestion de l'ordre public ou de gestion d'axes de circulation majeurs, la mairie ayant ensuite toute liberté dans le projet d'aménagement de la voie publique, avec les conséquences qu'il induit en termes de gestion des flux de circulation. Inversement, le projet de loi propose que la maire donne un avis au sujet des aménagements des voies dont le préfet de police conserve la responsabilité, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent.
Voilà ce qu'il en est. Les discussions ont été sous-tendues par la recherche d'un équilibre visant à un effort important de transfert de compétences à la municipalité dans des domaines où les services de proximité seront de la sorte mieux assurés et qui ne correspondent pas au coeur de métier de la préfecture.
Pour le reste, vous avez évoqué, monsieur Goasguen, le texte issu des travaux du Sénat. Proposition est faite d'aller plus loin en matière de création d'une police municipale. La maire de Paris ne le souhaitait pas. Sans prendre parti sur le fond puisque le choix est politique, j'appelle votre attention sur le fait que l'étape que nous franchissons est une étape importante, que certains fonctionnaires de la préfecture de police ont un peu de mal à comprendre. Il est de l'intérêt de la préfecture de police que les transferts sur lesquels l'accord s'est fait aient lieu de manière sereine et efficace. Nous avançons de manière volontariste car, dans un contexte où l'on attend beaucoup d'elle, la préfecture doit se recentrer effectivement sur ses missions régaliennes. Je suis favorable à ce transfert, je l'ai immédiatement dit lorsque la question s'est posée il y a plus d'un an, et c'est d'ailleurs dans cette perspective que le Premier ministre nous a confié cette mission de réflexion. Néanmoins, envisager, dans une ville-capitale, un transfert complet aussi rapide vers une police municipale alors qu'il n'a pas été préparé par les services de la ville… Le projet n'est pas mûr. Serait-il adopté qu'il déséquilibrerait trop fortement le bateau de la préfecture de police, dont le texte du Gouvernement vide une partie de la cale ; je ne souhaite pas qu'il gîte trop longtemps alors qu'il doit naviguer rapidement et sûrement. Je n'exclus pas qu'on aille plus loin, un jour, en matière de transferts : cela peut se discuter et l'on peut considérer qu'une autre étape devra être franchie à l'avenir, en observant ce qui se fait dans les grandes villes où il y a des polices d'État. Mais le point d'équilibre qui a été trouvé marque une avancée majeure puisque le texte permettra la création d'une brigade de lutte contre les incivilités. Les transferts sur lesquels l'accord s'est fait portent sur 20 % des effectifs actuellement financés par le budget spécial ; cette masse significative est un gage d'efficacité de la mise en oeuvre de la brigade.
J'en viens au transfert de compétence en matière de sûreté et de sécurité dans les aéroports parisiens. Le sujet est compliqué car les risques sont élevés, en raison de la menace terroriste mais aussi du développement massif du trafic, des activités et des flux de circulation et de personnes, tant sont nombreuses celles qui opèrent sur ces plateformes et qui vivent, commercent ou travaillent dans ces territoires. Ainsi, 65 millions de passagers passent chaque année par l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, premier aéroport français. L'aéroport du Bourget, on l'a vu ces derniers jours encore, est aussi un aéroport extrêmement sensible.
Aujourd'hui, la sécurisation et le renseignement sur ces plateformes sont assurés par la police de l'air et des frontières (PAF). Ce n'est pas son coeur de métier. Ce corps doit aussi se recentrer sur ses missions principales : la sécurité des bâtiments de l'aérogare et des pistes, qu'elle assure avec la gendarmerie des transports aériens et, bien entendu, le contrôle des frontières. Sur ces domaines très vastes – la plateforme aéroportuaire de Charles-de-Gaulle compte plusieurs centaines d'hectares et 250 kilomètres de voies – il est souhaitable que des forces spécifiques, celles de la préfecture de police, gèrent le contrôle des flux. Ces forces doivent aussi créer un service de renseignement digne de ce nom, en coordination avec les départements voisins et les services concernés – gendarmerie, renseignement territorial, direction départementale de la sécurité intérieure (DDSI), douanes, PAF, gendarmerie des transports aériens – pour assurer un meilleur contrôle et un véritable renseignement territorial dans ce secteur hautement sensible. Nous avons déjà implanté le service de renseignement pour commencer ce travail mais nous attendons que la disposition soit retenue et la loi votée pour le rendre totalement effectif. Des effectifs ont été recrutés qui sont disponibles ; ils permettront de renforcer significativement la sécurité publique dans ces secteurs en assurant la sécurité de la circulation et la lutte contre la délinquance.
Nous n'avons pas choisi, à ce stade, d'appliquer le même dispositif à l'aéroport d'Orly. Cela aurait sans doute été souhaitable et logique, mais nous voulons avancer par étapes, en expérimentant pour mettre en oeuvre ce qui est possible. La plateforme de Roissy est beaucoup plus vaste que celle d'Orly : 100 000 personnes y travaillent chaque jour. L'aéroport du Bourget est également un site extrêmement sensible. Je pense qu'Orly entrera très vite dans ce schéma. C'est seulement pour rendre progressive la montée en charge que nous avons fait ce choix ; nous avons un peu hésité, mais le ministre l'a clairement reconfirmé ces derniers jours.