La réunion débute à 18 heures 55.
Présidence de M. Dominique Raimbourg, président.
La commission auditionne M. Michel Cadot, préfet de police de Paris, sur le projet de loi relatif au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain (n° 4212) (MM. Jean-Yves Le Bouillonnec et Patrick Mennucci, rapporteurs).
Après la maire de Paris et avant le préfet de la région Île-de-France, nous avons le plaisir d'accueillir le préfet de police de Paris. Je vous remercie, monsieur le préfet, d'avoir accepté notre invitation. Vous êtes reçu par la commission des Lois et non par les seuls rapporteurs, et votre audition est ouverte à la presse car nous avons souhaité avoir le débat le plus ouvert et la clarté la plus grande sur le sujet difficile qu'est l'évolution d'un statut. Vous nous direz votre position sur les modifications statutaires proposées. Comme vous le savez, le débat sur la répartition entre police nationale et police municipale et sur les transferts afférents a déjà été engagé.
Le projet de loi qui vous est soumis résulte du long travail que le préfet de région et le préfet de police ont conduit, selon les termes de la lettre de mission que le Premier ministre leur a adressée en décembre dernier, avec la maire de Paris et ses équipes. Les modifications statutaires auxquelles nous sommes arrivés et qui sont reprises dans le texte conviennent au préfet de police pour ce qui le concerne, ainsi, d'ailleurs, qu'au préfet de la région Île-de-France.
Nous reviendrons si vous le souhaitez sur les modifications introduites par la Haute Assemblée. Pour l'heure, je commente devant la commission des Lois de l'Assemblée nationale le document déposé par le Gouvernement sur le bureau du Sénat. Il traduit, je vous le disais, les arbitrages qui ont permis d'aboutir à un point d'équilibre.
Dans la partie du texte qui concerne le transfert à la mairie de certaines des compétences exercées par la préfecture de police, sont prévus quatre sujets de transfert principaux : la verbalisation du stationnement payant, la verbalisation du stationnement gênant, le recueil des demandes de titres d'identité et certaines polices spéciales. En outre, des évolutions significatives touchent les autorisations relatives aux manifestations publiques et rassemblements ainsi que la police de la circulation.
L'approche retenue a été la même dans chaque cas : appliquer de manière équilibrée le retour vers le droit commun de la police municipale, quand c'est possible et pour des compétences au sujet desquelles il y a aujourd'hui un avantage à ce qu'elles soient exercées par les élus municipaux de manière que l'État se recentre sur ses missions régaliennes. Ce principe établi, nous ne souhaitions pas, pour certaines compétences sur lesquelles je reviendrai, aller plus avant, à la fois parce que la période est très exigeante en termes de sécurité et parce que, dans une capitale, certaines étapes doivent être franchies avant que l'on en vienne aux transformations plus profondes que certains peuvent souhaiter.
Le bloc que constitue le contrôle du stationnement payant n'est pas au coeur du métier de la préfecture de police. La maire de Paris a souhaité le transfert de cette mission qui, exercée par 2 285 agents avec un budget de 108 millions d'euros, représente une part importante des effectifs et du budget spécial de la préfecture de police. Il m'a paru d'emblée tout à fait souhaitable que la police du stationnement payant soit assurée par la municipalité. Depuis lors, la maire de Paris a annoncé vouloir privatiser cette activité ; c'est un autre sujet. Les agents transférés constitueront le noyau de ce que la mairie a souhaité appeler une brigade de lutte contre les incivilités.
La police du stationnement gênant et les parcs de fourrière et de préfourrière concernent 495 agents de surveillance de la ville de Paris (ASP) et 225 préposés des sociétés d'enlèvement et des entreprises qui gèrent préfourrières et fourrières. Le stationnement gênant est un bloc complet associant la prescription du stationnement gênant, son pilotage par les services concernés, la demande d'enlèvement, l'arrivée d'un grutier et le transport du véhicule en infraction vers la préfourrière puis vers la fourrière en cas de non-retrait par le propriétaire. Dans un premier temps, la municipalité ne souhaitait pas récupérer cet ensemble. Après qu'elle nous l'a finalement demandé, nous avons donné notre accord : il est assez logique que la police du stationnement gênant, complément du stationnement payant, bénéficie d'une gestion municipale, comme c'est le cas dans le droit commun communal. Nous avons donc donné le feu vert.
Ma seule préoccupation, et j'appelle sur ce point l'attention de votre commission, est celle du calendrier. À la demande de la maire, ce transfert était prévu le 1er janvier 2019 au plus tard, celui du stationnement payant devant advenir le 1er janvier 2018. Si le transfert du stationnement gênant devait être avancé, ce qui était le souhait de la municipalité, le bloc complet devrait être transféré. Ce qui poserait problème serait de transférer les seuls 495 ASP qui verbalisent le stationnement gênant tout en laissant pendant un an la gestion de l'enlèvement des véhicules en stationnement irrégulier, de la préfourrière et de la fourrière aux services de la préfecture de police.
En ce cas, il n'y aurait plus de cohérence entre la politique du constat de l'infraction et la politique d'enlèvement ; toutes les réclamations – qui ont trait tant au principe de la verbalisation qu'aux conditions d'enlèvement ou de mise en fourrière – seraient partagées entre des autorités différentes ; les services de la préfecture de police seraient instrumentalisés par une politique de verbalisation sur laquelle ils n'auraient aucune prise. Un tel schéma conduirait certainement à une dégradation significative de la gestion des flux d'enlèvements et de l'efficacité de la mise en préfourrière ou en fourrière des véhicules en stationnement gênant. Aussi la préfecture de police souhaite-t-elle que le transfert des blocs « stationnement payant » et « stationnement gênant » dans sa totalité intervienne le 1er janvier 2018 si la maire souhaitait aller rapidement, ou que le transfert du bloc complet du stationnement gênant, enlèvement, préfourrières et fourrières compris, ait lieu à une date à convenir entre le 1er janvier 2018 et le 1er janvier 2019. C'est d'autant plus nécessaire que les contrats de gestion des préfourrières et fourrières doivent être renouvelés en 2018. Si les ASP étaient seuls transférés, le préfet de police se trouverait devoir négocier des contrats dont il ne contrôlerait pas la mise en oeuvre ultérieure.
Nous nous sommes aussi accordés pour remettre dans le droit commun la fonction d'accueil et d'enregistrement des demandes de titres d'identité – cartes d'identité et passeports. Cette mission d'État est partout exercée par les communes, l'État conservant la charge du contrôle de la fraude, de la délivrance du titre et de sa vérification. Il s'agit d'accueillir les usagers, la plupart du temps dans les mairies d'arrondissement. Ce transfert, prévu le 1er janvier 2018, concernera 186 agents. Il ne suscite pas d'observations particulières
Il est aussi proposé de transférer quelques polices spéciales dont la liste précise a été établie avec l'accord systématique de la mairie. Sont concernées la police des funérailles et des lieux de sépulture, la lutte contre les nuisances sonores, ainsi que la lutte contre l'habitat indigne, qui fait l'objet d'un partage équilibré : l'État conserve la gestion des immeubles d'habitation collective, la mairie reprend celle des habitations individuelles. Le transfert concerne 60 agents ; il est prévu le 1er janvier 2018.
Le point suivant est plus délicat, car il est à la frontière entre les missions régaliennes dans une ville-capitale et les missions relatives à la gestion des rassemblements et des manifestations – ce qui relève de la « tranquillité publique » aux termes de l'article L. 2212 du code général des collectivités territoriales. Là encore, nous avons trouvé un point d'équilibre très simple : toutes les autorisations relatives aux manifestations locales, culturelles, associatives, aux manifestations sportives locales, aux marchés, vide-greniers et cætera sont transférées à l'autorité municipale. En revanche, la gestion des manifestations à caractère revendicatif, particulièrement nombreuses à Paris – il y en a plus de deux mille cinq cents par an, souvent de gestion difficile en termes d'ordre public –, et les manifestations itinérantes, telles les courses à pied, qui demandent un dispositif de sécurisation très important, resteront de la compétence du préfet de police pour des motifs de sécurité. De ce transfert résulteront une simplification notable pour l'usager et certainement l'implication des élus d'arrondissement dans la gestion des autorisations et des déclarations.
Le dernier bloc de transfert concerne la circulation, domaine compliqué comme le montre l'actualité. Le choix fait est celui de la responsabilité des acteurs, chacun dans son rôle. Dans le système en vigueur, la quasi-totalité des aménagements suppose l'avis conforme du préfet. C'est dans ce cadre qu'a été examiné, par exemple, le dossier de la voie sur berges. Nous avons souhaité, pour la plupart des voies, en finir avec la codécision systématique ainsi imposée. À l'obligation d'avis conforme est donc substituée la prescription imposée par le représentant de l'État au titre de ses responsabilités en matière de gestion de l'ordre public ou de gestion d'axes de circulation majeurs, la mairie ayant ensuite toute liberté dans le projet d'aménagement de la voie publique, avec les conséquences qu'il induit en termes de gestion des flux de circulation. Inversement, le projet de loi propose que la maire donne un avis au sujet des aménagements des voies dont le préfet de police conserve la responsabilité, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent.
Voilà ce qu'il en est. Les discussions ont été sous-tendues par la recherche d'un équilibre visant à un effort important de transfert de compétences à la municipalité dans des domaines où les services de proximité seront de la sorte mieux assurés et qui ne correspondent pas au coeur de métier de la préfecture.
Pour le reste, vous avez évoqué, monsieur Goasguen, le texte issu des travaux du Sénat. Proposition est faite d'aller plus loin en matière de création d'une police municipale. La maire de Paris ne le souhaitait pas. Sans prendre parti sur le fond puisque le choix est politique, j'appelle votre attention sur le fait que l'étape que nous franchissons est une étape importante, que certains fonctionnaires de la préfecture de police ont un peu de mal à comprendre. Il est de l'intérêt de la préfecture de police que les transferts sur lesquels l'accord s'est fait aient lieu de manière sereine et efficace. Nous avançons de manière volontariste car, dans un contexte où l'on attend beaucoup d'elle, la préfecture doit se recentrer effectivement sur ses missions régaliennes. Je suis favorable à ce transfert, je l'ai immédiatement dit lorsque la question s'est posée il y a plus d'un an, et c'est d'ailleurs dans cette perspective que le Premier ministre nous a confié cette mission de réflexion. Néanmoins, envisager, dans une ville-capitale, un transfert complet aussi rapide vers une police municipale alors qu'il n'a pas été préparé par les services de la ville… Le projet n'est pas mûr. Serait-il adopté qu'il déséquilibrerait trop fortement le bateau de la préfecture de police, dont le texte du Gouvernement vide une partie de la cale ; je ne souhaite pas qu'il gîte trop longtemps alors qu'il doit naviguer rapidement et sûrement. Je n'exclus pas qu'on aille plus loin, un jour, en matière de transferts : cela peut se discuter et l'on peut considérer qu'une autre étape devra être franchie à l'avenir, en observant ce qui se fait dans les grandes villes où il y a des polices d'État. Mais le point d'équilibre qui a été trouvé marque une avancée majeure puisque le texte permettra la création d'une brigade de lutte contre les incivilités. Les transferts sur lesquels l'accord s'est fait portent sur 20 % des effectifs actuellement financés par le budget spécial ; cette masse significative est un gage d'efficacité de la mise en oeuvre de la brigade.
J'en viens au transfert de compétence en matière de sûreté et de sécurité dans les aéroports parisiens. Le sujet est compliqué car les risques sont élevés, en raison de la menace terroriste mais aussi du développement massif du trafic, des activités et des flux de circulation et de personnes, tant sont nombreuses celles qui opèrent sur ces plateformes et qui vivent, commercent ou travaillent dans ces territoires. Ainsi, 65 millions de passagers passent chaque année par l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, premier aéroport français. L'aéroport du Bourget, on l'a vu ces derniers jours encore, est aussi un aéroport extrêmement sensible.
Aujourd'hui, la sécurisation et le renseignement sur ces plateformes sont assurés par la police de l'air et des frontières (PAF). Ce n'est pas son coeur de métier. Ce corps doit aussi se recentrer sur ses missions principales : la sécurité des bâtiments de l'aérogare et des pistes, qu'elle assure avec la gendarmerie des transports aériens et, bien entendu, le contrôle des frontières. Sur ces domaines très vastes – la plateforme aéroportuaire de Charles-de-Gaulle compte plusieurs centaines d'hectares et 250 kilomètres de voies – il est souhaitable que des forces spécifiques, celles de la préfecture de police, gèrent le contrôle des flux. Ces forces doivent aussi créer un service de renseignement digne de ce nom, en coordination avec les départements voisins et les services concernés – gendarmerie, renseignement territorial, direction départementale de la sécurité intérieure (DDSI), douanes, PAF, gendarmerie des transports aériens – pour assurer un meilleur contrôle et un véritable renseignement territorial dans ce secteur hautement sensible. Nous avons déjà implanté le service de renseignement pour commencer ce travail mais nous attendons que la disposition soit retenue et la loi votée pour le rendre totalement effectif. Des effectifs ont été recrutés qui sont disponibles ; ils permettront de renforcer significativement la sécurité publique dans ces secteurs en assurant la sécurité de la circulation et la lutte contre la délinquance.
Nous n'avons pas choisi, à ce stade, d'appliquer le même dispositif à l'aéroport d'Orly. Cela aurait sans doute été souhaitable et logique, mais nous voulons avancer par étapes, en expérimentant pour mettre en oeuvre ce qui est possible. La plateforme de Roissy est beaucoup plus vaste que celle d'Orly : 100 000 personnes y travaillent chaque jour. L'aéroport du Bourget est également un site extrêmement sensible. Je pense qu'Orly entrera très vite dans ce schéma. C'est seulement pour rendre progressive la montée en charge que nous avons fait ce choix ; nous avons un peu hésité, mais le ministre l'a clairement reconfirmé ces derniers jours.
Je suis heureux de votre présence parmi nous, monsieur le préfet. Aussi remarquable soit votre successeur, vous êtes vivement regretté dans les Bouches-du-Rhône et la clarté de votre exposé fait sans mal comprendre pourquoi. Vous souhaitez, avez-vous dit avec insistance, que les transferts de compétence se fassent en bloc et non au fil de l'eau. Or les modifications apportées par le Sénat aux articles 23 à 25 du projet de loi rendent incohérent le calendrier des transferts. Sachez que M. Jean-Yves Le Bouillonnec et moi-même entendons rétablir les délais initialement prévus par le Gouvernement, de manière que les choses soient réglées en 2017, exception faite du transfert de l'accueil et de l'enregistrement des demandes de titres d'identité, qui aura lieu en 2018.
Pouvez-vous nous dire comment la perspective de ces transferts de compétences est vécue à la préfecture de police de Paris ?
Votre exposé très complet, monsieur le préfet, rend presque inutile toute question. En mentionnant le débat sur l'éventualité d'une police municipale parisienne ouvert par le Sénat, vous avez indiqué qu'il ne vous paraissait pas pertinent de basculer entièrement vers le dispositif de droit commun pour l'instant. Cette hypothèse vous parait-elle concevable dans le futur ?
Pourriez-vous préciser les raisons qui ont conduit à ne pas étendre à l'aéroport de Paris-Orly le dispositif prévu pour les aéroports de Paris-Charles-de-Gaulle et du Bourget ? Le Sénat l'a fait. Le suivons-nous en plaçant sous votre autorité l'ensemble des plates-formes aéroportuaires ou certains aspects techniques particuliers exigent-ils que l'on procède par étapes ?
Enfin, vous êtes préfet de police de Paris et de l'agglomération ; les transferts qui s'opèrent vers la Ville de Paris faciliteront-ils l'exercice de vos compétences dans les autres communes de l'agglomération ?
J'ai du mal à comprendre que, alors que l'on dit lutter contre le terrorisme islamiste, l'aéroport de Paris-Orly, qui est notre façade vers l'Afrique, le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord, ne soit pas couvert par le dispositif que vous avez décrit. Comment expliquez-vous cette curieuse incohérence ? Serait-ce que, privilégiant le « politiquement correct », on s'inquiète d'abord du péril russe ?
Mme la maire nous a indiqué tout à l'heure qu'elle disposerait désormais de 4 000 policiers qui ne formeraient pas une police municipale mais une « police des incivilités ». Les bras m'en tombent. Qu'est-ce donc, en droit, qu'une incivilité ? Les « policiers de l'incivilité » seront-ils chargés de ramasser les crottes de chiens ? Ce sera, si je comprends bien, une police douce, sinon une police « Canada Dry »… En votre qualité de policier, monsieur le préfet, quelle est votre opinion à ce sujet ? Comment cet ersatz de police s'articulera-t-il avec la vraie police, la vôtre ?
Le journal Le Parisien titre aujourd'hui sur la pollution aggravée et le doublement de la circulation qu'a entraînés la paralysie de la voie sur berge rive droite, désormais absolument vide. Cette décision de la maire de Paris et que vous avez validée se traduit, sur les quais qui surplombent la voie Georges Pompidou, par un enfer quotidien. Les gens n'en peuvent plus. Vous êtes responsable des grands axes de circulation de la capitale ; quand signifierez-vous qu'il est temps de faire cesser cette mauvaise blague qui a des conséquences majeures pour les communes d'Île-de-France et qui pourrit la vie de dizaines de milliers de personnes ? L'offre de transports en commun n'ayant pas été renforcée, les gens y souffrent aussi. Cette situation est tout bonnement ingérable. De plus, que se passera-t-il en cas de nouvelle attaque terroriste ? Vous aviez indiqué au Conseil de Paris que les aménagements réalisés sur la voie sur berge seraient réversibles et qu'une voie de circulation resterait ouverte ; est-ce bien le cas ?
Enfin, j'ai interrogé tout à l'heure la maire de Paris sur la gestion du terrorisme ; elle est très satisfaite du dispositif en vigueur et ne veut pas s'en mêler. J'aimerais donc savoir quelles conséquences opérationnelles vous avez tiré, monsieur le préfet de police, des conclusions du rapport parlementaire consacré à la prévention du terrorisme et la lutte contre ce phénomène, et comment vous envisagez la suite de l'opération Sentinelle.
Je partage l'avis de mes collègues concernant l'aéroport d'Orly. Ce premier transfert de compétences n'est qu'une étape, dites-vous. Quand aura lieu la prochaine ? Dans trente ans, étant donné que le statut actuel de Paris a été adopté en 1983 ? Les rapporteurs vont peut-être travailler sur le sujet.
Certains aspects de la décentralisation sont assez clairs mais d'autres, notamment ceux qui se rapportent à la circulation, restent nébuleux. L'avis conforme du préfet est supprimé mais il y a des prescriptions. Qu'est-ce que cela veut dire ? Comment cela se traduit-il ? À titre personnel, je pense que c'est la Métropole – représentant ceux qui sont concernés à l'extérieur de Paris – qui devrait donner son avis. En l'état, vos propositions me semblent ambiguës et dessinent une décentralisation qui n'en est pas vraiment une. On a l'impression que le texte, issu d'un compromis, ne va pas vraiment clarifier les choses.
Pourquoi Orly est-il traité de manière différente des aéroports de Roissy et du Bourget ? Nous avons besoin d'explications parce que ce choix est tout de même difficile à comprendre.
Nous allons déposer des amendements concernant les voies sur berges et la circulation. On ne peut pas continuer à considérer que la région Île-de-France – voire l'État – n'aura aucun mot à dire sur des moyens d'accès stratégiques et régionaux. Il serait regrettable que l'État se désengage de cette affaire qui le concerne. Si l'État ne veut pas s'en mêler, il faut que ce soit la métropole ou le conseil régional. Mme Hidalgo nous explique qu'elle agit de manière légale. Nul ne conteste le droit actuel, mais elle nous prévient que, si nous remettons en cause le système adopté, elle demandera des compensations sur l'autorisation que pourrait donner le maire de Paris à l'intérieur de la région Île-de-France.
Franchement, je veux bien que nous présentions un amendement pour qu'intervienne la région ou la métropole, mais ce domaine relève de l'État. Monsieur le préfet, vous ne devez pas abandonner totalement vos compétences dans cette affaire. Je veux que l'État soit réintroduit. On ne peut pas accepter ce système. Voyez que je suis très modéré en ce qui concerne la diffusion des pouvoirs de la préfecture de police.
Je comprends certains transferts de compétences, même si les contours de la police des incivilités demandent à être précisés et le seront avec le temps. En revanche, je regrette qu'une police de proximité – c'est bien ce dont il s'agit – soit aussi centralisée que l'actuelle police. J'aurais préféré une vraie police de proximité pour les arrondissements. La proximité pour 2 millions d'habitants, c'est bien gentil – en fait, la préfecture de police gère cela parfaitement bien. Quel est l'intérêt de gérer la police de proximité d'une manière aussi centralisée que l'actuelle police parisienne ? Je déposerai des amendements visant à associer les arrondissements à cette politique car je ne tiens pas à ce que ce soit la mairie de Paris qui répartisse les effectifs de cette police des incivilités.
Comment les transferts sont-ils vécus à la préfecture de police ? Globalement, ils sont compris par les agents, même s'ils suscitent un peu d'inquiétude comme toute transformation. Il n'y a pas de réticences ni de blocage dans le dialogue conduit avec les syndicats et avec les personnels. Toutefois, après plusieurs mois de discussions, d'aucuns manifestent une certaine impatience à voir se confirmer les dates annoncées à plusieurs reprises et se mettre en place les modalités très concrètes – aides, primes, conditions de travail détaillées – s'appliquant aux personnes qui seront transférées.
Au départ, il n'était pas prévu de privatisation et le choix de transférer les ASP avait été bien compris. À présent, les personnels souhaitent que le contenu des tâches qui leur seront dévolues dans les brigades de lutte contre les incivilités soit mieux défini. Ils veulent savoir ce que cela représente. Pour résumer, les personnels ne font pas obstacle mais manifestent une certaine sensibilité. Deux ou trois fonctionnaires d'État ne veulent pas partir, mais ce sont des cas marginaux. L'opération se passe globalement bien mais il faut que les dates soient fixées car les évolutions successives ont suscité de l'inquiétude, notamment lors de la création de cette brigade de lutte contre les incivilités : les personnels concernés pensaient changer seulement de patron et ils s'aperçoivent qu'ils vont faire un nouveau métier. Je le répète, je ne crois pas que l'on puisse dire qu'il y ait autre chose qu'une forte sensibilité.
Nous devons néanmoins préciser le contenu de cette brigade de lutte contre les incivilités. Les pouvoirs des inspecteurs d'insalubrité ou des inspecteurs d'incivilités sont les mêmes que ceux des policiers municipaux : ils prendront des arrêtés ou des mesures au nom de la police municipale. Ce sont les compétences qui sont transférées en matière d'incivilités qui gênent la tranquillité publique : les troubles de voisinage, les dépôts de déchets, les aménagements non autorisés sur la voie publique, les nuisances liées aux foires et marchés ou aux terrasses, les pollutions sonores, etc.
Y a-t-il une perspective d'évolution vers une police municipale, m'avez-vous demandé, monsieur le rapporteur ? Une ville comme Paris, compte tenu de ses fonctions et de sa taille, ne peut pas entrer dans le régime des communes à police municipale. En cas de décentralisation accrue, elle ne pourrait entrer que dans le statut des communes à police d'État, c'est-à-dire dotées de polices municipales où le représentant de l'État possède certains pouvoirs. C'est le cas de grandes villes comme Lyon, Marseille ou même Rennes. On ne pourrait pas aller plus loin. Dans ces communes, certaines atteintes à la tranquillité publique, énumérées à l'article L. 2212 du code général des collectivités territoriales, relèvent du préfet et non du maire. Les rassemblements, les attroupements, les rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants, les actes de nature à compromettre la tranquillité publique restent du ressort de l'État.
Dans une ville comme Paris, on ne peut pas envisager non plus que l'État se désintéresse de la circulation pour les deux raisons qui ont été données et, carte à l'appui, je pourrais vous expliquer en détail le schéma d'évolution envisagé. Le but de cette transformation est de donner à tous les grands axes régionaux, tels que les autoroutes A4, A13 ou A14, un débouché dans la traversée de la capitale sur lequel le représentant de l'État ait un pouvoir. Le préfet doit être capable d'empêcher que l'on bloque, par des aménagements, la circulation des flux. Il doit pouvoir valider ces aménagements. Pour parler clair, ce qui a été fait sur le boulevard Magenta et autour de la gare du Nord est compliqué ; on a beaucoup de peine à atteindre la gare ou même la porte de la Villette pour rejoindre l'autoroute A1 ou la route nationale (RN) 301.
Dans le projet qui vous est présenté, c'est le représentant de l'État qui, au titre de ses pouvoirs régionaux – je suis préfet de la zone de défense et de sécurité –, garantit que les voies régionales structurantes n'aboutissent pas sur des murs. Au terme de nombreuses et difficiles discussions avec la maire de Paris, nous sommes parvenus à un accord et nous avons rajouté un assez grand nombre d'axes qui entrent dans ce dispositif de validation préalable de tout aménagement restreignant ou transformant la circulation.
Nous avons tout de même rajouté une dizaine de voies.
Du point de vue de la mairie, je ne pense pas qu'il s'agisse d'une révolution. C'est une logique différente : au lieu d'être en codécision, avec ce que cela suppose de manque de respect de l'autonomie municipale, nous sommes dans un système où le représentant de l'État fixe les conditions d'aménagement, en vertu de ses responsabilités concernant les voies structurantes régionales et aussi les axes qui sont des lieux de manifestations. Quand Paris organise la COP21, on a besoin de neutraliser certains axes pour permettre aux 150 véhicules de chefs d'État de circuler. Seul le préfet peut prendre cette décision, sinon on pourrait se retrouver dans une situation où un maire non républicain serait en mesure de bloquer et de compliquer les choses.
Nous avons donc trouvé un accord sur ces deux volets. Nous avons rajouté un assez grand nombre de voies sur la carte, ce qui nous donne une capacité de prescription – et non de codécision, j'y insiste – qui a du sens. Cette capacité de prescription permet d'imposer, de fait, les critères d'aménagement, de façon à ce qu'ils ne réduisent pas la fluidité de la circulation. S'il était question d'implanter une voie piétonne ou cycliste sur les Champs-Élysées, à un endroit gênant les flux de circulation, le préfet de police pourrait maintenir sa décision en termes de choix d'aménagement. Dans le même temps, la maire aura la possibilité de proposer un projet, puis de prendre sa décision une fois qu'elle aura reçu les prescriptions techniques liées aux compétences de l'État.
Venons-en à la difficile question des aéroports, notamment d'Orly. Nous sommes tous conscients de la grande sagesse des rapporteurs et des parlementaires. J'ai entendu les arguments soulevés par les uns et les autres. Il s'agit moins d'un problème extérieur concernant les flux qu'une question d'équilibre interne entre directions, dans la mesure où cette évolution conduit à réduire le périmètre de la direction générale de la police nationale (DGPN) et les compétences actuelles de la PAF. Pour éviter de bousculer des habitudes, il a été décidé de commencer par le plus urgent. Le reste suivra.
Ce vieux sujet me conduit à répondre à la question du rapporteur sur la police d'agglomération. Quel est le sens de cette réforme sur la partie parisienne ? Pour le préfet de police, dont la responsabilité actuelle est très lourde en raison du terrorisme et des flux migratoires, l'enjeu est de repositionner la préfecture de police sur son socle : l'agglomération parisienne, mais dans le contexte d'une région et en évitant une rupture aux frontières de la métropole. Les flux, la mobilité, les transports et autres facteurs nous obligent à travailler en coordination sur la zone. Il faut combler certaines fragilités et les aéroports en sont une, objective, lourde. En prenant cette responsabilité, la préfecture de police assume une charge pesante, mais si nous voulons être capables d'accueillir les Jeux olympiques de 2024, le préfet doit couvrir toute la zone de manière cohérente, en travaillant avec les préfets de département et les services de police et de gendarmerie. Le plan de vidéosurveillance doit couvrir l'ensemble de la région, par zones, et permettre à tout le monde de travailler ensemble : la gendarmerie, la police nationale, la préfecture de police, la PAF, etc.
Dans les départements de la petite couronne, ce projet conduit à aller plus loin en ce qui concerne la police d'agglomération créée il y a sept ans. En tout cas, c'est l'orientation que j'ai préconisée et que je compte mettre en oeuvre, dans le cadre de mes responsabilités de préfet de police. Il s'agit de déconcentrer et de donner un rôle beaucoup plus actif aux préfets de département, et surtout aux commissaires chefs de circonscription, dans leurs liaisons avec les élus. Il faudrait essayer d'avoir, à terme, des circonscriptions d'agglomérations plus pertinentes, centrées sur de vrais bassins de délinquance. C'est un chantier compliqué. En tout cas, il faut donner beaucoup plus de responsabilités aux commissaires chefs de circonscription. Dans le malaise policier qui s'est exprimé au cours des derniers mois, on décèle notamment un souhait : que la hiérarchie soit plus visible dans l'affirmation d'une stratégie de territoire et dans la capacité à répondre à certains problèmes, y compris logistiques ou immobiliers.
Le projet, lourd en transformations et réalisé rapidement, est un élément d'une politique qui vise clairement à repositionner la préfecture de police dans son rôle, à un moment où les défis sont majeurs dans la ville capitale, dans l'agglomération et dans la région parisienne.
Quelles sont les conséquences de ce projet sur l'organisation de la lutte contre le terrorisme ? En matière de renseignement, la préfecture de police va recevoir l'inspection que le ministre a désignée à la suite des propositions de la commission parlementaire. Notre dispositif actuel me semble plus efficace qu'une agence nationale centralisée. La direction du renseignement de la préfecture de police regroupe la sécurité intérieure dans une sous-direction de 250 personnes et le renseignement territorial. Elle est aussi et surtout alimentée par tout ce qui remonte des commissariats, c'est-à-dire des 25 000 policiers de terrain, et des services qui gèrent les armes, les étrangers.
Nous collectons toutes ces informations dans un système placé sous une autorité unique. Nous avons des plateformes de collaboration et de traitement de données, et nous tenons des réunions plusieurs fois par semaine avec les directeurs, d'une manière déconcentrée dans les services. Nous avons ainsi les moyens de détecter un continuum allant de la radicalisation à des signalements faibles, qui correspond au continuum du risque.
Organiser le renseignement d'une manière uniquement verticale serait une erreur : nous perdrions des informations optimisées par la structure de la préfecture de police. En contrepartie, il faut que toutes les informations utiles soient systématiquement reprises par les services centraux : la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), l'état-major opérationnel de prévention du terrorisme (EMOPT), le fichier de traitement des signalés pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT), etc. C'est ce qui se passe. Toutes nos notes sont envoyées, nous accueillons des représentants de la DGSI et nous avons renforcé notre présence dans la cellule de liaison « Allat » mise en place au sein de la DGSI.
Nous avons tiré les enseignements des attentats du 13 novembre 2015 en renforçant notre capacité à détecter les « signaux faibles » parce que nous faisons face à une menace diffuse. Nous avons affaire à des groupes téléguidés depuis la Syrie par DAECH, mais aussi à de toutes petites cellules, voire à des individus isolés plus ou moins déséquilibrés qui passent à l'action avec des moyens plutôt artisanaux. Ce continuum de la menace justifie, de mon point de vue, cette organisation horizontale, cette capacité à traiter l'ensemble des informations dans un projet unique. Notre logique, appuyée par le ministre, me semble répondre à la gravité du risque.
Pour le reste, nous avons renforcé l'armement et les moyens de protection des policiers primo-intervenants – les brigades anti-criminalité (BAC) et les compagnies de sécurisation et d'intervention (CSI) – qui sont réparties sur tout le territoire et peuvent intervenir dans un délai de quelques minutes. Les policiers des brigades de police-secours sont eux-mêmes formés et mieux équipés, même s'ils n'ont pas vocation à être primo-intervenants puisqu'ils ne sont que primo-arrivants. Enfin, les services spécialisés – la brigade de recherche et d'intervention (BRI), les policiers de l'unité Recherche assistance intervention dissuasion (RAID) et le Groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) – ont eux-mêmes été organisés selon un schéma national d'intervention qui est parfaitement clair. Nous avons doublé le nombre des policiers de la BRI pour Paris, ce qui nous permet d'être beaucoup plus efficaces et de pouvoir positionner tel ou tel groupe à un endroit donné de la capitale, quand il faut réagir à plusieurs menaces.
Pour ce qui est de la voie sur berges, je ne sais pas si c'est vraiment un sujet sur lequel nous avons à intervenir ici. Je suis un usager du quai haut puisque je reviens quasiment tous les soirs du ministère de l'intérieur vers dix-huit heures, et je constate que mon temps de déplacement est beaucoup plus long qu'avant.
En quelque sorte, mais ce que je vois entre la place de la Concorde et le Pont-Neuf n'est pas forcément représentatif de la situation de l'ensemble du périmètre. Nous allons objectiver les résultats dans deux mois, comme nous nous y étions engagés. Le 12 décembre prochain se tiendra une réunion à laquelle participeront tous les acteurs, que ce soit le conseil régional, la métropole ou la mairie. Ce comité technique de pilotage, présidé par le préfet, s'appuie sur des chiffres de l'État, de la mairie, de la région, de la métropole, d'Airparif, etc. Il n'a pas vocation à prendre des positions politiques ; il va dresser un constat et établir des comparaisons avec les données de l'étude d'impact. Si nous constatons un écart très grand, nous en ferons état dans la plus grande transparence.
Je vais attendre les six mois prévus avant de rédiger des conclusions. Si le temps de circulation reste élevé par rapport aux prévisions et si les niveaux de pollution et de bruit se sont aggravés, la maire de Paris prendra en compte les préconisations de ce comité, que je lui adresserai. Elle s'y est engagée par écrit. Les six mois s'achèvent à la fin avril.
C'est une coïncidence, la fin du délai tombe le 21 avril.
Nous faisons chaque semaine le contrôle des temps de parcours des véhicules de secours et des véhicules de police, et les données constatées seront aussi publiées dans deux mois. Ces véhicules empruntent la voie sur berges, la voie normale en utilisant les gyrophares ou la voie des bus. Pour le moment, ils parviennent à circuler aussi vite, sauf cas particuliers : il y a une dizaine de jours, par exemple, j'ai constaté des délais plus importants le jeudi soir, veille d'un long week-end.
Avec la nouvelle loi, sera-t-il possible de demander à la maire de Paris de revenir sur sa décision ?
Oui, bien entendu, car le texte ne change rien pour cet axe.
Monsieur le préfet, il me reste à vous remercier. Pour résumer, vous nous avez parlé d'une expérimentation en cours qui permettra de voir si les résultats sont satisfaisants en ce qui concerne les voies sur berges, et d'un renforcement très important de la lutte en matière de terrorisme. Merci encore pour la précision de vos réponses et pour l'amabilité avec laquelle vous avez accepté notre invitation.
La réunion s'achève à 19 heures 50.
Membres présents ou excusés
Présents. - M. Luc Belot, Mme Françoise Descamps-Crosnier, M. Olivier Dussopt, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, M. Guillaume Larrivé, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, Mme Anne-Yvonne Le Dain, Mme Sandrine Mazetier, M. Patrick Mennucci, Mme Elisabeth Pochon, M. Dominique Raimbourg, M. Daniel Vaillant
Excusés. - M. Ibrahim Aboubacar, M. Jean-Paul Bacquet, Mme Huguette Bello, M. Dominique Bussereau, M. Sergio Coronado, M. Marc Dolez, Mme Laurence Dumont, M. Joaquim Pueyo, Mme Maina Sage, M. Roger-Gérard Schwartzenberg
Assistaient également à la réunion. - M. Christophe Caresche, M. Claude Goasguen, Mme Anne-Christine Lang, M. Pierre Lellouche, Mme George Pau-Langevin