Du point de vue de la mairie, je ne pense pas qu'il s'agisse d'une révolution. C'est une logique différente : au lieu d'être en codécision, avec ce que cela suppose de manque de respect de l'autonomie municipale, nous sommes dans un système où le représentant de l'État fixe les conditions d'aménagement, en vertu de ses responsabilités concernant les voies structurantes régionales et aussi les axes qui sont des lieux de manifestations. Quand Paris organise la COP21, on a besoin de neutraliser certains axes pour permettre aux 150 véhicules de chefs d'État de circuler. Seul le préfet peut prendre cette décision, sinon on pourrait se retrouver dans une situation où un maire non républicain serait en mesure de bloquer et de compliquer les choses.
Nous avons donc trouvé un accord sur ces deux volets. Nous avons rajouté un assez grand nombre de voies sur la carte, ce qui nous donne une capacité de prescription – et non de codécision, j'y insiste – qui a du sens. Cette capacité de prescription permet d'imposer, de fait, les critères d'aménagement, de façon à ce qu'ils ne réduisent pas la fluidité de la circulation. S'il était question d'implanter une voie piétonne ou cycliste sur les Champs-Élysées, à un endroit gênant les flux de circulation, le préfet de police pourrait maintenir sa décision en termes de choix d'aménagement. Dans le même temps, la maire aura la possibilité de proposer un projet, puis de prendre sa décision une fois qu'elle aura reçu les prescriptions techniques liées aux compétences de l'État.
Venons-en à la difficile question des aéroports, notamment d'Orly. Nous sommes tous conscients de la grande sagesse des rapporteurs et des parlementaires. J'ai entendu les arguments soulevés par les uns et les autres. Il s'agit moins d'un problème extérieur concernant les flux qu'une question d'équilibre interne entre directions, dans la mesure où cette évolution conduit à réduire le périmètre de la direction générale de la police nationale (DGPN) et les compétences actuelles de la PAF. Pour éviter de bousculer des habitudes, il a été décidé de commencer par le plus urgent. Le reste suivra.
Ce vieux sujet me conduit à répondre à la question du rapporteur sur la police d'agglomération. Quel est le sens de cette réforme sur la partie parisienne ? Pour le préfet de police, dont la responsabilité actuelle est très lourde en raison du terrorisme et des flux migratoires, l'enjeu est de repositionner la préfecture de police sur son socle : l'agglomération parisienne, mais dans le contexte d'une région et en évitant une rupture aux frontières de la métropole. Les flux, la mobilité, les transports et autres facteurs nous obligent à travailler en coordination sur la zone. Il faut combler certaines fragilités et les aéroports en sont une, objective, lourde. En prenant cette responsabilité, la préfecture de police assume une charge pesante, mais si nous voulons être capables d'accueillir les Jeux olympiques de 2024, le préfet doit couvrir toute la zone de manière cohérente, en travaillant avec les préfets de département et les services de police et de gendarmerie. Le plan de vidéosurveillance doit couvrir l'ensemble de la région, par zones, et permettre à tout le monde de travailler ensemble : la gendarmerie, la police nationale, la préfecture de police, la PAF, etc.
Dans les départements de la petite couronne, ce projet conduit à aller plus loin en ce qui concerne la police d'agglomération créée il y a sept ans. En tout cas, c'est l'orientation que j'ai préconisée et que je compte mettre en oeuvre, dans le cadre de mes responsabilités de préfet de police. Il s'agit de déconcentrer et de donner un rôle beaucoup plus actif aux préfets de département, et surtout aux commissaires chefs de circonscription, dans leurs liaisons avec les élus. Il faudrait essayer d'avoir, à terme, des circonscriptions d'agglomérations plus pertinentes, centrées sur de vrais bassins de délinquance. C'est un chantier compliqué. En tout cas, il faut donner beaucoup plus de responsabilités aux commissaires chefs de circonscription. Dans le malaise policier qui s'est exprimé au cours des derniers mois, on décèle notamment un souhait : que la hiérarchie soit plus visible dans l'affirmation d'une stratégie de territoire et dans la capacité à répondre à certains problèmes, y compris logistiques ou immobiliers.
Le projet, lourd en transformations et réalisé rapidement, est un élément d'une politique qui vise clairement à repositionner la préfecture de police dans son rôle, à un moment où les défis sont majeurs dans la ville capitale, dans l'agglomération et dans la région parisienne.
Quelles sont les conséquences de ce projet sur l'organisation de la lutte contre le terrorisme ? En matière de renseignement, la préfecture de police va recevoir l'inspection que le ministre a désignée à la suite des propositions de la commission parlementaire. Notre dispositif actuel me semble plus efficace qu'une agence nationale centralisée. La direction du renseignement de la préfecture de police regroupe la sécurité intérieure dans une sous-direction de 250 personnes et le renseignement territorial. Elle est aussi et surtout alimentée par tout ce qui remonte des commissariats, c'est-à-dire des 25 000 policiers de terrain, et des services qui gèrent les armes, les étrangers.
Nous collectons toutes ces informations dans un système placé sous une autorité unique. Nous avons des plateformes de collaboration et de traitement de données, et nous tenons des réunions plusieurs fois par semaine avec les directeurs, d'une manière déconcentrée dans les services. Nous avons ainsi les moyens de détecter un continuum allant de la radicalisation à des signalements faibles, qui correspond au continuum du risque.
Organiser le renseignement d'une manière uniquement verticale serait une erreur : nous perdrions des informations optimisées par la structure de la préfecture de police. En contrepartie, il faut que toutes les informations utiles soient systématiquement reprises par les services centraux : la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), l'état-major opérationnel de prévention du terrorisme (EMOPT), le fichier de traitement des signalés pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT), etc. C'est ce qui se passe. Toutes nos notes sont envoyées, nous accueillons des représentants de la DGSI et nous avons renforcé notre présence dans la cellule de liaison « Allat » mise en place au sein de la DGSI.
Nous avons tiré les enseignements des attentats du 13 novembre 2015 en renforçant notre capacité à détecter les « signaux faibles » parce que nous faisons face à une menace diffuse. Nous avons affaire à des groupes téléguidés depuis la Syrie par DAECH, mais aussi à de toutes petites cellules, voire à des individus isolés plus ou moins déséquilibrés qui passent à l'action avec des moyens plutôt artisanaux. Ce continuum de la menace justifie, de mon point de vue, cette organisation horizontale, cette capacité à traiter l'ensemble des informations dans un projet unique. Notre logique, appuyée par le ministre, me semble répondre à la gravité du risque.
Pour le reste, nous avons renforcé l'armement et les moyens de protection des policiers primo-intervenants – les brigades anti-criminalité (BAC) et les compagnies de sécurisation et d'intervention (CSI) – qui sont réparties sur tout le territoire et peuvent intervenir dans un délai de quelques minutes. Les policiers des brigades de police-secours sont eux-mêmes formés et mieux équipés, même s'ils n'ont pas vocation à être primo-intervenants puisqu'ils ne sont que primo-arrivants. Enfin, les services spécialisés – la brigade de recherche et d'intervention (BRI), les policiers de l'unité Recherche assistance intervention dissuasion (RAID) et le Groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) – ont eux-mêmes été organisés selon un schéma national d'intervention qui est parfaitement clair. Nous avons doublé le nombre des policiers de la BRI pour Paris, ce qui nous permet d'être beaucoup plus efficaces et de pouvoir positionner tel ou tel groupe à un endroit donné de la capitale, quand il faut réagir à plusieurs menaces.
Pour ce qui est de la voie sur berges, je ne sais pas si c'est vraiment un sujet sur lequel nous avons à intervenir ici. Je suis un usager du quai haut puisque je reviens quasiment tous les soirs du ministère de l'intérieur vers dix-huit heures, et je constate que mon temps de déplacement est beaucoup plus long qu'avant.