Intervention de Hervé Féron

Séance en hémicycle du 30 novembre 2016 à 15h00
Funérailles républicaines — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHervé Féron, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État chargée des collectivités territoriales, mes chers collègues, notre assemblée est aujourd’hui saisie d’une proposition de loi visant à instituer des funérailles républicaines ou, comme je préfère le dire en des termes moins solennels, des obsèques civiles.

Aujourd’hui, 74 % des Français meurent à l’hôpital et 30 % des obsèques, c’est-à-dire plus d’un quart, sont civiles, à la demande des familles. Ce chiffre, qui a augmenté ces dernières années, démontre une véritable évolution des mentalités ainsi qu’une demande croissante des Français pour ce type de cérémonies. Un dernier chiffre intéressant nous apprend que 53 % des familles recourant à la crémation choisissent une cérémonie non religieuse.

Malgré cela, et les options s’offrant aux familles désireuses d’organiser des obsèques civiles restant encore très limitées, celles-ci sont souvent contraintes d’accepter des obsèques religieuses. En effet, elles doivent la plupart du temps s’adresser aux services de pompes funèbres, qui relèvent aujourd’hui majoritairement d’entreprises privées ; et, selon le lieu des obsèques, la location d’une salle adaptée à l’organisation d’une cérémonie civile n’est pas toujours possible. Comme le dit le directeur général des services funéraires de la Ville de Paris : « De toute évidence, ce ne peut être seulement le rôle des entreprises commerciales de suppléer les religions ou la République pour donner du sens au moment de la mort d’un proche ».

En outre, si certaines communes acceptent de mettre à la disposition des familles qui le souhaitent une salle adaptée, cette possibilité est encore mal connue et fait l’objet d’une application très inégale sur le territoire.

Le but de cette proposition de loi est donc de mieux garantir sur le plan juridique l’égalité entre les personnes souhaitant des obsèques civiles et celles souhaitant des obsèques religieuses. Ce texte jouit d’un soutien rare dans notre Assemblée. Je fais non seulement référence aux plus de 150 collègues qui y ont tout de suite adhéré, mais aussi aux collègues d’autres groupes politiques, peut-être moins convaincus au départ mais qui en sont venus à reconnaître l’importance d’une telle cérémonie au terme de débats nous ayant permis de nous mettre d’accord sur des solutions trouvées grâce à l’intelligence collective. Un long chemin a ainsi été parcouru depuis le dépôt de cette proposition de loi sur le bureau du président de l’Assemblée, il y a deux ans déjà.

À ceux qui nous diraient qu’il ne paraît pas envisageable d’imposer une telle charge à l’ensemble des communes dans le contexte financier actuel, je réponds que l’Association des maires de France – AMF – a elle-même invité dans son vade-mecum de la laïcité les maires à mettre à la disposition des familles une salle communale, lorsque c’est possible, aux fins de célébrer des funérailles non religieuses. En outre, j’ai proposé de limiter l’organisation d’obsèques civiles aux seules communes disposant de salles adaptées, ce qui ne représentera donc pas un effort insurmontable pour les communes, de l’avis même de l’AMF.

Par ailleurs, j’ai toujours pensé qu’il était logique qu’un officier d’état civil procède à la cérémonie car cela concrétise, dans une approche laïque, l’engagement de la collectivité ainsi que sa solidarité lors de la perte d’un proche. Tout comme, lors du parrainage républicain institué par Robespierre dans une loi jamais abrogée, l’enfant est placé sous la protection de la cité, en cas d’obsèques, le défunt et sa famille seront eux aussi accompagnés par la cité.

J’ai néanmoins entendu les arguments de certains collègues et de l’AMF qui craignaient que la mise à disposition d’un représentant de la mairie soit trop contraignante pour certaines communes. Nous avons donc adopté en commission des amendements visant à faire de l’organisation de la cérémonie d’obsèques par un officier d’état civil une faculté pour celui-ci, et non une obligation. Si l’officier d’état civil ne souhaite pas ou ne peut pas y participer, la famille sera libre d’organiser la cérémonie selon son souhait – prise de parole, chants ou autres. Cette organisation sera très simple et la présence d’un représentant du conseil municipal peut ne pas être indispensable.

J’ai également défendu auprès de la commission l’idée que la mise à disposition d’une salle pour les familles en faisant la demande demeure gratuite. Je reste persuadé que le dispositif proposé, d’esprit profondément républicain puisqu’il vise à permettre à toutes les familles qui le souhaitent d’organiser des funérailles républicaines, ne saurait être réservé aux plus aisés. Par ailleurs, le code général de la propriété des personnes publiques prévoit déjà des dérogations au principe de non-gratuité des utilisations privatives du domaine public. L’amendement que nous avons adopté précisant que la mise à disposition d’une salle communale sera gratuite ne constituerait donc qu’une dérogation de plus.

En outre, nous avons jugé utile de préciser le champ d’application de la proposition de loi : seules les familles des personnes décédées ayant le droit d’être inhumées dans la commune pourront demander à utiliser une salle municipale pour une cérémonie civile. Ainsi, nous créons un cadre permettant de limiter le nombre de demandes, qui restera raisonnable au sein de chaque commune. Il ne faudrait pas en effet qu’elles soient surchargées de demandes. À titre d’exemple, je ne procède dans ma commune, en Meurthe-et-Moselle, qu’à trois cérémonies de ce type par an en moyenne.

Le processus de co-construction de cette proposition de loi ne s’est pas arrêté à la commission. En séance, je défendrai un amendement cosigné avec Jean-Pierre Decool et Pierre Morel-A-L’Huissier, signe d’une démarche transpartisane suffisamment rare pour être soulignée. Il s’agira de prévoir que l’obligation de mise à disposition pèsera sur les communes disposant d’une salle « adaptable », expression préférée à celle de salle « adaptée », qui pourrait être interprétée comme désignant une salle spécialement réservée à cet usage. Le qualificatif « adaptable » signifie au contraire que la salle en question pourra bien être utilisée à diverses fins. La commune disposera ainsi d’une certaine souplesse d’organisation.

Je l’ai dit et le répète ici : il ne s’agit en aucune façon de vouloir s’arroger une quelconque dimension idéologique. La présente proposition de loi vise à mieux garantir sur le plan juridique l’égalité entre les personnes souhaitant des obsèques civiles et celles souhaitant des obsèques religieuses. Il s’agit en fait de mettre en application, plus d’un siècle après sa promulgation, la loi du 15 novembre 1887 qui garantit le respect de la liberté de conscience et du principe de laïcité, notamment par la liberté de choisir le caractère civil ou religieux des funérailles. Tout comme l’amendement de notre collègue Yves Daniel a fait reconnaître et inscrire le parrainage civil dans la loi « Égalité et citoyenneté », l’organisation d’obsèques républicaines trouve aujourd’hui tout son sens dans l’histoire et les valeurs de référence de la République.

Je tiens à remercier tous les députés qui ont travaillé avec moi et m’ont aidé à élaborer cette proposition de loi. Plusieurs sont présents aujourd’hui. En tout cas, ils ont été un certain nombre à être la cheville ouvrière de ce texte, que je suis particulièrement fier de présenter aujourd’hui dans cet hémicycle.

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