Intervention de Michel Ménard

Séance en hémicycle du 30 novembre 2016 à 15h00
Funérailles républicaines — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Ménard :

Il signifie que l’État n’a pas à interférer dans les choix personnels, philosophiques ou religieux. Bien évidemment, et bien avant la loi de 1905, la loi du 15 novembre 1887 a garanti la liberté de conscience, notamment en reconnaissant la liberté, pour chacun, de choisir le caractère civil ou religieux de ses funérailles. Mais cette reconnaissance des principes de liberté et de laïcité s’est-elle accompagnée d’une égalité dans l’organisation des obsèques ? Non.

Selon qu’on opte pour une cérémonie religieuse ou non, selon que les services des pompes funèbres proposent ou non des salles de recueillement, selon les moyens dont on dispose pour financer les funérailles – assurées, dans la très grande majorité des cas, par des entreprises privées –, selon qu’on choisisse la crémation ou la sépulture, ou encore selon les habitudes ancrées dans les territoires, nos concitoyens ne sont pas égaux pour dire adieu à leurs défunts.

On assiste, depuis des années, à une évolution culturelle importante en matière de funérailles, le recours croissant à la crémation n’en étant que l’aspect le plus visible. Nos concitoyens aspirent à des obsèques plus économiques, j’allais dire plus démocratiques, dont le coût et les charges à venir ne reposent pas sur les proches. C’est dans cet esprit, par exemple, que vient d’être créée, dans mon département de Loire-Atlantique, la première coopérative funéraire civile en France.

Nos concitoyens aspirent aussi à faciliter l’acceptation de l’absence et de la perte de l’être cher, et la transmission de son souvenir : ils veulent donner du sens, livrer des mots, entourer le mort et ses proches et exprimer les liens qui les unissaient à lui de son vivant. Malheureusement, hors du contexte religieux, les lieux viennent à manquer pour ce simple temps d’humanité.

Nous avons tous le souvenir amer d’obsèques difficiles, qui ajoutent à la tristesse du départ d’un proche ou d’un ami, simplement parce que ses choix philosophiques l’éloignaient d’un enterrement confessionnel. Je repense à ce cortège funèbre d’un militant laïque qui, en pleine guerre scolaire au début des années quatre-vingt, traverse le village jusqu’au cimetière sous les regards hostiles des habitants, la mairie ayant refusé le prêt d’une salle comme elle refusait l’école de la République.

Ainsi, le rassemblement dans un coin, à l’entrée du cimetière, dans le froid, sous la pluie ou en pleine canicule pour évoquer la vie de celui qui part, l’amitié qu’on lui porte et l’absence que sa mort va provoquer était la seule solution. Faire le deuil de l’être cher est pourtant essentiel, à condition que ce deuil ne se fasse pas dans l’improvisation, dans la clandestinité ou sous le regard des autres. « On part comme des chiens ! », s’exclamait le père d’un ami qui avait fait le choix de funérailles civiles, dans son village, tout en sachant qu’aucun lieu, aucune salle – alors qu’il en existait – ne serait mis à disposition pour la cérémonie civile à laquelle il aspirait.

Face à ces images qui restent, à ces deuils suivis de regrets, voire de colère pour ceux qui n’ont pu dire au revoir dans des conditions dignes, le texte qui nous est soumis doit apporter de l’apaisement à des familles déjà bouleversées. Combien de familles se sont résignées à passer par l’église pour ne pas réduire la cérémonie funèbre à un rassemblement au cimetière ?

Les non-croyants ont droit à autant de respect et de considération que les croyants. Notre proposition de loi, déposée le 9 décembre 2014, n’impose ni de construire des salles, ni d’engager des travaux pour aménager celles qui existent. Seules les villes qui disposent d’une salle pouvant accueillir, de manière ponctuelle, ces cérémonies funéraires républicaines, sont concernées.

Tel était également le sens des récentes préconisations de l’Association des maires de France qui, dans son guide Laïcité, le vade-mecum de l’AMF publié il y a un an, invitait les maires, lorsque cela s’avère possible, à mettre à la disposition des familles qui en faisaient la demande une salle communale aux fins de célébrer des funérailles non religieuses. Cette invitation ne présente donc aucun caractère contraignant.

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