Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui une nouvelle proposition de loi relative à la promotion des langues régionales. Malheureusement, les conditions n’ont pas été réunies pour ratifier la charte européenne des langues régionales ou minoritaires signée par la France le 7 mai 1999, il y a plus de dix-sept ans. Pourtant, la proposition de loi constitutionnelle visant à ratifier la charte avait été adoptée en janvier 2014 par une belle majorité de députés de tous les bancs de notre hémicycle : 361 députés avaient voté pour et 149 contre. Notre optimisme a fait long feu lorsque le Sénat a rejeté ce texte, devenu un projet de loi constitutionnel, le 28 octobre 2015. Cette question reste sensible dans notre pays, alors que notre Constitution a consacré dans son article 75-1, le 23 juillet 2008 : « Les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France ».
Si nous considérons dans notre Constitution que les langues régionales font partie de notre patrimoine, alors nous avons une responsabilité majeure pour créer les conditions de leur préservation. Les soixante-quinze langues parlées en France, concernées par ce texte, sont définies par le comité consultatif pour la promotion des langues régionales sur la base de la définition de la charte européenne. Elles sont en déclin, les statistiques le démontrent. Les trois quarts des adultes qui parlaient une langue régionale dans leur petite enfance à la maison n’utilisent aujourd’hui que le français. Et pour ne citer que mon cas particulier, qui illustre celui de plusieurs générations, j’ai appris à ne pas parler breton. Ma première langue maternelle et naturelle était pour ma famille un signe de manque d’éducation que nous nous attachions à enfouir au plus profond de nous-mêmes et à ne surtout pas exprimer. C’est une frustration majeure et une atteinte à la liberté d’expression, valeur chère à notre République. Cet interdit a fait peser la menace de la disparition pure et simple des langues régionales. Le nombre total de personnes capables de s’exprimer dans ces langues a été divisé, entre les générations nées dans les années 1930 et celles nées dans les années 1980, par deux pour le basque, par trois pour l’alsacien, par dix pour le breton.
Se priver de cet apprentissage, c’est se priver d’un potentiel de compétences. La compréhension d’une langue rend plus aisé l’apprentissage d’une deuxième, puis d’une troisième langue. Pour ce qui est de la maîtrise du français, toutes les études démontrent sans ambiguïté que l’apprentissage de la langue officielle de notre République est conforté par celui d’autres langues. Une politique volontariste pour l’enseignement des langues régionales est incontournable pour les sauvegarder, de même que le développement de leur usage dans notre vie de tous les jours. C’est pourquoi nous proposons avec ce texte de construire un socle juridique sans ambiguïté qui permette, à chacun dans son rôle, de promouvoir l’usage des langues régionales. Ce socle s’appuie sur le préalable de la maîtrise de la langue française, fixé par notre cadre constitutionnel et législatif.
Tout au long de cette législature, nous avons saisi plusieurs occasions de progresser. La loi du 8 juillet 2013 pour la refondation de l’école de la République, dite loi Peillon, et la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République – loi NOTRe – ont permis de poser des jalons. La loi proposée aujourd’hui permettra une nouvelle avancée pour donner aux langues régionales de notre pays les moyens de ne pas s’éteindre. Poursuivant les travaux engagés notamment par notre collègue Paul Molac qui avait présenté, en décembre 2015, une proposition de loi incluant des articles qui ne faisaient pas consensus, le texte que je rapporte aujourd’hui est un texte d’équilibre. Ainsi, avant d’entrer dans le détail, je veux souligner que son contenu a été travaillé en amont avec de nombreux députés du groupe socialiste, écologiste et républicain. Il a également été enrichi des travaux du groupe d’études transpartisan de l’Assemblée nationale sur les langues régionales. Beaucoup de députés ont aussi consulté les représentants des associations dans leurs circonscriptions. C’est à la lumière de ces contributions que nous avons préparé ce texte qui a, en amont, écarté les principaux points de blocage.