Aujourd’hui, près de 300 000 élèves pratiquent une langue régionale. Pourtant, la diminution du patrimoine linguistique s’accélère depuis les années 1990 : 50 % des quelque 6 000 langues parlées risquent de disparaître avant la fin du siècle. C’est pourquoi l’UNESCO a été à l’initiative, en 2005, de la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, dont fait partie la diversité linguistique. C’est cet aspect essentiel qui doit, par-delà les aspects politiciens, nous amener à débattre de ce texte.
L’article 1er pose le principe de la reconnaissance de l’enseignement des langues régionales comme matière facultative. Cet article va même plus loin encore, en établissant que, lorsqu’il existe un besoin reconnu sur un territoire, l’enseignement de la langue régionale devra être proposé aux élèves de maternelle, du primaire et du secondaire, sans toutefois que cet enseignement ait un caractère obligatoire. Cet article encourage l’apprentissage des langues et cultures régionales, sans l’imposer aux élèves. Il ne remet donc nullement en cause notre langue commune ni les principes de la République. Il n’enlève rien à personne et n’impose rien à tout le monde.
En revanche, l’article 2 laisse une grande partie du groupe RRDP sceptique. Pourquoi ? Le XVIe sommet de la francophonie, qui avait pour thème « la croissance partagée et le développement responsable », s’est achevé à Madagascar le 27 novembre. Des positions ont été prises, qu’il s’agisse de la lutte contre la radicalisation dans l’espace francophone ou de l’orientation en faveur d’une place plus importante pour les femmes et les jeunes. Ces valeurs sont les nôtres.
Année après année, les sommets de la francophonie montrent que la France a un rôle central à jouer. C’est d’abord à la France de réaffirmer que l’espace francophone est porteur des valeurs de notre pays. Oui, la francophonie est un atout pour le rayonnement et le développement de notre pays dans le monde. Or l’article 2 nous semble porter atteinte à la position que la France doit avoir sur la scène de la francophonie. Il est en effet excessif et inacceptable de permettre aux langues régionales de supplanter le français à l’école. Nous soutiendrons les amendements de suppression de cet article 2, comme ceux de nos collègues Jean-Luc Laurent ou Marie-Françoise Bechtel.
L’article 3, quant à lui, concerne l’enseignement des langues régionales dans l’enseignement supérieur. Il aurait été opportun que la proposition de loi comporte davantage de dispositions visant à favoriser l’enseignement des langues et cultures régionales dans les écoles supérieures du professorat et de l’éducation, les ESPE. Contraints par l’article 40, nous n’avons pas pu déposer, à l’initiative de notre collègue Ary Chalus, un amendement proposant un module obligatoire d’initiation aux langues et cultures régionales dans les ESPE. La Constitution vous autorise, madame la secrétaire d’État, à déposer un tel amendement.
Le titre II de la proposition de loi, qui vise à généraliser, à la demande de la région concernée, sur tout ou partie de son territoire, la signalétique bilingue dans les services publics ou sur les voies publiques de circulation, nous semble disproportionné.
Enfin, le titre III concerne la place des langues régionales dans les médias. Je reprendrai ici à mon compte les réserves émises par notre collègue Marie-George Buffet tant en commission qu’en séance publique. Pour leur part, les articles 6 et 7 traitent de la présence des langues et cultures régionales dans l’espace audiovisuel et radiophonique français. Avec ces deux articles, la présente proposition de loi répond à son principal objectif : donner aux langues et cultures régionales un rayonnement plus important dans notre pays.
Comme je l’ai souligné au début de mon intervention, les députés du groupe RRDP sont partagés sur les différentes dispositions du texte qui nous est aujourd’hui présenté. Le groupe RDP laisse donc la liberté de vote à chacun de ses membres.
Je voudrais terminer cette intervention en soulignant le fait que nous ne sommes pas opposés, en dépit de ces réserves, aux langues régionales. Je tiens à vous parler de la francophonie, dont le développement doit également s’accompagner de la promotion de notre langue, le français, dans notre pays et dans le monde. Car, si le français, nous le savons tous, est menacé à l’extérieur, il est également fragilisé chez nous non seulement avec la montée du franglais et des anglicismes mais surtout avec ce mal endémique qu’est l’illettrisme. Nous ne devons jamais perdre de vue l’enjeu fondamental de la francophonie à l’international, parce c’est notre langue, le français, qui est le symbole de l’universalisme. Nous ne devons pas l’affaiblir.
Ne perdons jamais une occasion de renforcer l’espace francophone regroupé au sein de l’Organisation internationale de la francophonie, l’OIF, qui représente quatre-vingt-quatre États ou gouvernements, soit près de 900 millions d’habitants. Ce n’est pas rien ! Je suis député de l’Aisne : si le picard est voisin, aucune langue régionale n’est parlée dans ma circonscription, où, en revanche, est située la ville de Villers-Cotterêts. C’est là qu’en 1539 fut signée l’ordonnance de François Ier : cet acte fondateur a fait du français la langue officielle du droit et de l’administration, à la place du latin.