Intervention de Pierre Lellouche

Réunion du 23 novembre 2016 à 9h45
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Lellouche :

Oui, mais voyez la famille Clinton ou la famille Bush !

J'ai le sentiment que vous avez repris les poncifs qui traînent surtout dans la presse de gauche actuelle et ont inspiré les réactions européennes, selon lesquels Trump serait une sorte de démon. À cet égard, le tweet publié par notre ambassadeur à Washington – « Le monde s'arrête » – est absolument invraisemblable !

Mais venons-en aux fondamentaux. Que dit Trump ? America first ! Ce n'est donc pas un « néo-con » : ce qui l'intéresse, ce n'est pas d'imposer la démocratie dans le monde, mais de favoriser le business et d'assurer le bien-être de son pays. À cet égard, il s'inscrit dans la droite ligne de la politique d'Obama et du « leading from behind ». La volonté de celui-ci de sortir des guerres et de donner la priorité au développement économique, l'« Obamacare », et les messages que Trump adresse aux pauvres, c'est la même chose ! Aux États-Unis, la tendance lourde est donc au retrait par rapport à l'Europe, et non à un super-activisme. Ce qui me frappe, par conséquent, dans cette élection, c'est la continuité, et non la rupture.

Autre élément de continuité : le désordre interne total. Sous Obama, avez-vous compris quelque chose à la politique américaine vis-à-vis de l'Iran ? Moi, non ! D'un côté, le Président veut lever les sanctions, de l'autre, le Congrès les renforce. Et c'est la même chose sur à peu près tous les sujets. Le divorce entre le Congrès et le Président est permanent. M. Myard a parfaitement raison : il n'y a pas une politique étrangère américaine, mais plusieurs. Tant que perdureront le mode d'élection, le gerrymandering et le rôle considérable du grand business dans le financement de la vie politique américaine, la politique sera complètement incohérente et dominée par les lobbies. Voilà le véritable problème ; ce n'est pas uniquement Trump !

Par ailleurs, on sait avec quel manque d'élégance les États-Unis nous ont traités dans le cadre de la guerre en Syrie ou de certaines affaires commerciales – je pense notamment à la BNP –, alors que nous faisons la guerre avec eux dans le Sahel et en Irak. Lorsqu'il vient en Europe pour la clôture de son mandat, à qui notre grand ami Obama rend-il visite ? Au Grec et à l'Allemande. La France ? Terminé ! Et qui va voir Trump ? Le Japonais. Voilà les tendances lourdes de la politique, monsieur Vaïsse.

N'oublions pas que celui qui a pourri la relation avec les Russes en installant des missiles, en imposant des sanctions automatiques tous les six mois et en gelant le dialogue avec Moscou sur la Syrie tout en avouant publiquement ne pas avoir de stratégie au Moyen-Orient, c'est Obama. Quant à Trump, force est de constater que, tant qu'il n'a pas commis d'erreurs, on ne sait pas. Or, vos scénarios accréditent, au fond, l'idée selon laquelle tout cela est chaotique, terrible et dangereux. Encore une fois, ce qui me frappe dans cette élection, c'est la continuité, qu'il s'agisse du retrait des États-Unis, du caractère de plus en plus illisible de leur politique étrangère ou de la moindre considération qu'ils portent à la France dans leurs calculs. Tout cela impose que notre diplomatie se redresse et que nous adoptions une attitude beaucoup plus dure à l'égard de nos amis américains.

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